PROPOSITIONS POUR DEVELOPPERLINDUSTRIE DU JEU VIDEO ENFRANCE
Rapport à lattention de M.Francis Mer, Ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, et de Mme. Nicole Fontaine, Ministre déléguée à lindustrie.
Fabrice Fries 22 décembre 2003
RESUME DU RAPPORT
Lindustrie du jeu vidéo est en France dans un état inquiétant: •ceux des éditeurs « français » qui participent encore à la course en tête ont en réalité transféré leurs principaux centres de production hors de France, quand ils nont pas déjà fait de même avec leurs centres de décision. Le relais de linvestissement en France nest pas pris par les éditeurs internationaux. •Les studios de développement ont vu leurs effectifs fondre de plus de moitié en seulement trois ans. Confrontés à la délocalisation dans les pays à bas coûts, ils sont aussi exposés à la concurrence de pays développés, Canada en tête, qui ont mis en place des dispositifs de soutien très efficaces. •Les éditeurs identifiés comme dorigine française jouent un rôle plutôt plus important (part de marché mondial de lordre de 15 à 20%) que ce que justifierait le poids de léconomie nationale. Mais ces bonnes performances ne doivent pas masquer le fait que les jeux vidéo développés en France ne représentent plus que 5% à 10% du marché français : inutile de préciser quà léchelle du marché mondial, nous sommes passés sous le seuil de signification. Les raisons de prêter une attention toute nouvelle à ce secteur semblent doubles : •industrielles dabord : importance nouvelle (marché mondial de 30 milliards ), taux de croissance enviable (15% par an en moyenne), rôle clé de la recherche, qualité des emplois concernés (jeunes, high-tech), importance des PME dans la création ;. • le :jeu vidéo est devenu un loisir de masse et occupe« culturelles » ensuite une place croissante dans limaginaire des jeunes. Doù limportance du maintien et du développement dune industrie de la création européenne, capable dexister dans la concurrence internationale. Pour ces raisons, les pouvoirs publics français, mais aussi britanniques et allemands, sintéressent désormais à ce secteur longtemps ignoré parce que perçu comme marginal. Le jeu vidéo est devenu une industrie finalement assez banale, qui ressemble à ses cousines du cinéma et de la musique :inflation des budgets, économie de « hits », importance du marketing et de la distribution, consolidation des acteurs, etc. Dans ce contexte,lobjectif dune politique de soutien à cette industrie peut sénoncer simplement : il sagit que les studios installés en France, quils soient français ou non, puissent développer des jeux à gros budget, pour le compte des plus grands éditeurs internationauxy aura heureusement toujours place pour des «. Sil success stories »ne répondant pas au modèle hollywoodien, cest cette capacité à concourir
pour les projets les plus ambitieux qui permettra le développement dune industrie digne de ce nom. Ce rapport faitcinq propositions, qui ont pour point commun de chercher à encourager linvestissement dans le développement de jeux en France. 1.mettre en place un fonds de production.Aujourdhui les éditeurs sont les seuls banquiers du secteur. Lintervention du fonds de production, aux côtés des éditeurs, doit permettre de partager la charge du financement de projets toujours plus onéreux et de partager le risque de la création originale. Un fonds dimensionné pour co-financer chaque année 6 productions dambition internationale développées en France, peut démarrer la première année avec 10 millions de fonds propres et 5 millions de dette. La montée en régime verrait les fonds propres portés à 30 millions , apportés majoritairement par des acteurs privés. Certaines étapes restent à franchir, pour une mise en place envisageable au deuxième trimestre 2004. 2.Attirer linvestissement via un crédit dimpôt sur les dépenses de développement réalisées en France.Cest la mesure centrale, qui vise à peser sur les choix dinvestissement. Il sagit moins dalléger les charges des studios français que dinciter les éditeurs internationaux qui seraient les bénéficiaires de cette mesure à développer des jeux en France. Lassiette porterait sur les dépenses de pré-production et de production effectuées en France, quel que soit le pourcentage des dépenses localisées en France dans le devis total du jeu. Le taux du crédit dimpôt serait de 20%, soit une dépense fiscale estimée de 20 millions . Le rapport propose dautres pistes à caractère fiscal, dont aucune cependant naurait la même simplicité ni le même impact. 3.Inscrire le jeu vidéo dans les dispositifs existants daide à la recherche et à linnovation. jeu Levidéo incorpore une part croissante de recherche (moteurs de jeux, réalité virtuelle, jeux multi-utilisateurs, etc.) et pourtant recourt peu à ces dispositifs. Le crédit dimpôt recherche notamment, récemment réformé, permet une économie dimpôt égale à 5% des dépenses qualifiées de R&D et à 45% de la progression de ces dépenses dune année sur lautre. La définition de ce quest une dépense de R&D est étroitement encadrée mais pour des jeux vidéo réellement innovants, on peut penser que jusquà 30% de la dépense de développement pourrait être concerné. Les acteurs du jeu vidéo doivent faire lapprentissage de ces dispositifs, ce qui passe par la poursuite dun dialogue tout juste engagé avec les experts qui les gèrent. 4.coût de fabrication des jeux sur consoles.Favoriser le financement du Les éditeurs sont « taxés » par les fabricants de console dune avance (de 3 mois environ) correspondant à 10 par unité de jeu mise en place. Cette avance pose des problèmes de trésorerie redoutables aux éditeurs et les condamne parfois à un certain malthusianisme commercial lorsquils ne peuvent consentir une telle avance. Les établissements bancaires spécialisés se méfient désormais dun secteur qui leur a réservé sur la période récente bien des déconvenues. Mais le financement de ce coût de fabrication serait un bon moyen de leur redonner goût au secteur tant le risque paraît en lespèce
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limité : absence de risque de bonne fin puisque le jeu est déjà produit et a trouvé un distributeur, risque de marché limité à la prise en charge par léditeur dune partie du coût des éventuels invendus. Une garantie de ces prêts par lIfcic les sécuriserait davantage encore. 5.Impliquer les acteurs de lindustrie dans le débat sur les contrats de projet.Le métier de création de jeux vidéo, centré sur des projets, est fait de pics et de creux très marqués. Le contrat à durée indéterminée est pourtant la norme pour les salariés des studios français, ce qui peut constituer un frein à lembauche. De fait, en bonne part en raison dune souplesse plus grande de la réglementation du travail, les effectifs des studios en Grande-Bretagne sont près de 4 fois supérieurs à ceux des studios français. Le jeu vidéo semble un terreau idéal pour une application éventuelle des contrats de projet, ces contrats dune durée minimale de 3 ans sinterrompant à lachèvement dun projet précis : population cible très qualifiée et limitée en nombre, secteur jeune donc propice aux expérimentations, impact de la mesure garanti en termes demplois. Lindustrie du jeu vidéo doit simpliquer dans le débat à venir, qui devrait notamment porter sur les garde-fous qui seuls rendront acceptable lapplication de tels contrats à de nouvelles recrues. *** La France conserve des atouts dans la compétition internationale : un tissu industriel encore dynamique en dépit de la saignée des années récentes ; et surtout des compétences, en programmation comme en graphisme, reconnues de tous les éditeurs. La barre peut être redressée à condition de sattaquer aux handicaps, tout aussi réels : compétitivité coûts insuffisante, rigidité de la réglementation du travail, image un peu trop artisanale, etc. Les propositions qui sont détaillées dans ce rapport veulent corriger ces faiblesses pour attirer linvestissement en France. Elles ne conduisent naturellement pas à une mise sous perfusion du secteur puisque le jeu vidéo est aujourdhui soutenu à hauteur denviron 8 millions et que les mesures proposées représenteraient une dépense fiscale de lordre de 20 millions . Il faut aller vite parce que les écarts se creusent et parce quon ne peut pas rater le tournant que marquera le renouvellement du parc de consoles, dans deux ans. Il faut aussi viser haut car il ny a pas de juste milieu : il ny a pas de place pour une production « régionale » significative, contrairement à ce qui peut exister pour le cinéma ou le livre , protégés par la langue, ce qui fait quil ny a pas loin dans le jeu vidéo du déclassement à la disparition pure et simple. Combinées, les mesures précitées doivent contribuer à créer lélectrochoc nécessaire.