LIMPACT DE LA GUERRE EN IRAQ SUR LA SCÈNE POLITIQUE AMÉRICAINE
par
François VERGNIOLLE DE CHANTAL (*)
Les Européens ont systématiquement tendance à voir dans la multiplica-tion des critiques contre loccupation américaine de lIraq une confirmation de leurs propres préoccupations; le débat autour de la justification de la guerre est encore vivace en Europe, ce qui illustre plus que jamais la per-manence de la critique contre la décision américaine denvahir lIraq au printemps 2003. Cependant, cette perspective européenne est très largement faussée : cette projection des attentes du Vieux Continent ne correspond pas à la réalité de la scène politique américaine.
Rien de ce qui paraît scandaleux aux Européens dans loccupation de lIraq na les mêmes dimensions aux Etats-Unis. Malgré sa visibilité lors de la campagne présidentielle, la guerre en Iraq na pas joué pas un rôle aussi important que ce que les Européens ont supposé. Certes, il est très inhabi-tuel que lélection présidentielle soit aussi fortement axée sur la politique étrangère comme la été celle de 2004 (le seul exemple contemporain simi-laire est lélection de 1968, largement consacrée au Vietnam). Ainsi, avant le lancement officiel des Primaires démocrates, Howard Dean avait cons-truit lessentiel de son élan autour de la critique de la décision daller en guerre, de sorte quà la fin de lannée 2003, il apparaissait comme le can-didat le mieux placé. Une fois les Conventions passées, cest John Kerry qui a mis en avant sa compétence en politique étrangère, mais cette fois pour critiquer les modalités de loccupation de lIraq, plaçant temporairement Bush dans une situation difficile, notamment lors du premier débat télé-visé (1). Toutefois, cette montée de la politique étrangère ne sest pas effec-tuée selon les mêmes modalités quen Europe. De lautre côté de lAtlanti-que, la légitimité de la guerre fallait-il ou non envahir ce pays? a fait lobjet de tous les débats. Actuellement, rares sont les responsables euro-péens qui soutiennent encore ouvertement linitiative américaine : Silvio Berlusconi et Tony Blair sont de plus en plus isolés, y compris au sein de leurs pays respectifs. Le scandale des sévices au printemps dernier a sans
(*) Maître de conférences à lUniversité de Bourgogne (France) et chercheur associé au Centre français sur les Etats-Unis (CFE) à lInstitut français de relations internationales (IFRI, France). (1) John Kerry, vétéran du Vietnam, est aussi membre de la puissante Commission sénatoriale des Affai-res étrangères (Senate Foreign Relations Committee) depuis 18 ans.