Les climats de Ceylan Nuri Bilge
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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

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Langue Français

Extrait

fi che fi lm
SYNOPSIS
L’homme est fait pour être heureux pour de simples rai-
sons et malheureux pour des raisons encore plus simples
- tout comme il est né pour de simples raisons et qu’il
meurt pour des raisons plus simples encore... Isa et Bahar
sont deux êtres seuls, entraînés par les climats chan-
geants de leur vie intérieure, à la poursuite d’un bonheur
qui ne leur appartient plus.
CRITIQUE
Autopsie d’un couple : un homme et une femme, dans la
chaleur de l’été. Lui, Isa, est prof de fac à Istanbul, elle,
Bahar, conçoit des décors pour des séries télé. On ne
le sait pas encore : pour l’instant, c’est juste un couple
comme un autre, au bord de la mer. Ils s’aiment, ils se
sont aimés. Dès le premier plan, immédiatement envoû-
tant, Bahar regarde Isa photographiant les ruines d’un
FICHE TECHNIQUE
TURQUIE/FRANCE - 2006 - 1h37
Réalisation & scénario :
Nuri Bilge Ceylan
Image :
Gökhan Tiryaki
Montage :
Nuri Bilge Ceylan
Ayhan Ergürsel
Interprètes :
Ebru Ceylan
(Bahar)
Nuri Bilge Ceylan
(Isa)
Nazan Kesal
(Serap)
Semra Yilmaz
(Semra)
Mehmet Eryilmaz
(Mehmet)
Arif Asci
(Arif)
Can Özbatur
(Güven)
Ufuk Bayraktar
(le chauffeur de taxi)
LES CLIMATS
Iklimler
DE
N
URI
B
ILGE
C
EYLAN
1
temple – les vestiges de leur his-
toire ? –, et on sait que quelque
chose entre eux s’est lézardé. Elle
sourit en voyant l’homme trébu-
cher, puis, imperceptiblement,
son visage se ferme, une larme
coule. L’amour est passé comme
un nuage, une fausse teinte sur
un paysage.
A la plage, ils se tournent le
dos ; en voiture, ils parlent peu,
elle conduit, il est allongé, lourd
comme un corps mort ; chez des
amis, ils s’engueulent. A l’indif-
férence se mêlent des éclairs
de haine, instantanés : imagi-
ner une seconde qu’on supprime
l’autre... C’est une rupture comme
une autre, pas plus et pas moins
amère qu’une autre, mais que le
Turc Nuri Bilge Ceylan, l’auteur
d’
Uzak
, sans aucun doute l’un des
plus grands cinéastes actuels,
raconte à sa manière, incompara-
ble : une succession de tableaux,
admirablement composés (Ceylan
est aussi photographe), l’éco-
nomie de mots n’appauvrissant
jamais la palette pleine des senti-
ments explorés.
Car Nuri Bilge Ceylan a tourné
Les
Climats
en vidéo numérique haute
définition, et la précision, le piqué
de l’image sont tels que le moin-
dre détail est magnifié. Incroyable
gros plan de Bahar, en sueur, sur
la plage : elle n’est pas seulement
une ombre sur un écran, mais un
être de chair, une altérité palpa-
ble. Incroyable lumière, qui révèle
les choses cachées au plus pro-
fond des êtres. C’est comme si
les millions de pixels de l’image
vidéo, qui reconstituent le réel,
étaient ici l’entrelacs inextricable
des raisons du cœur, du corps et
de l’esprit qui poussent à la sépa-
ration, comme s’ils étaient la jux-
taposition des microsensations
qui accompagnent la fin d’une
passion amoureuse.
On vivra les deux saisons sui-
vantes du point de vue de l’hom-
me. Isa traîne son spleen dans
l’automne pluvieux d’Istanbul.
Il y revoit la femme qui a peut-
être contribué, jadis, à fissurer
son couple : suit une des scènes
d’amour les plus étranges qu’on
ait vue récemment au cinéma, le
combat tragi-comique de deux
volontés. Le récit se transforme
peu à peu en cinglant portrait de
la lâcheté masculine : de l’indéci-
sion d’Isa, de ses contradictions,
de son égoïsme aussi, va naître la
partie hivernale du film, peut-être
la plus belle.
(…)
Les Climats
sont du niveau des
meilleurs Bergman, ou Antonioni.
Mais, comme dans
Uzak
, Nuri Bilge
Ceylan agrémente son désenchan-
tement minimaliste (qui est une
forme de romantisme) d’une iro-
nie poignante. (…)
Aurélien Ferenczi
Télérama n°2975 - 20 Janvier 2007
La présentation en compétition à
Cannes 2006 des
Climats
a tota-
lement dérouté critiques et fes-
tivaliers, peu habitués à être
assis face à un film subjuguant
du point de vue plastique, ouvra-
ge d’un grand contemplatif tou-
ché par une grâce immédiate dès
qu’il s’agit de filmer une éten-
due neigeuse ou une mer acca-
blée de soleil, mais qui, question
discours, se montrait totalement
rétif à l’idée de plaire. La force
de
Climats
repose sur l’antipathie
comme moteur de tout. Ce n’est
pas la première fois qu’un film
fait son possible pour ne pas être
aimable, ce n’est pas non plus
la première fois qu’un cinéaste
se choisit pour personnage prin-
cipal un mec odieux (remember
le Pialat de
Nous ne vieillirons
pas ensemble
, ou le Desplechin de
Rois et reine
). Ce qui embarrasse
et passionne tout à la fois dans
Les Climats
, c’est que le réalisa-
teur, l’acteur et le personnage ne
faisaient qu’un : en endossant lui-
même le rôle principal, celui d’un
misogyne total, et en donnant à sa
femme, Ebru, le rôle de la fille qui
morfle, Ceylan outrepassait les
limites de la fiction critique et du
document privé. Il peut appeler ça
«fiction», inventer des prénoms
(Isa pour l’homme, Bahar pour la
femme), un autre métier (maître
de conf. pour lui, tandis qu’el-
le bosse sur des prod. télé), le
choix stratégique de faire jouer
à son propre couple le théâtre
incessant du délitement conjugal
laisse à ciel ouvert les interpré-
tations. Ce coup de force ne va
finalement pas sans séduction,
2
puisque Ceylan a tout à gagner
à laisser sous-entendre qu’il est
capable de se voir sous le jour
du pire, et s’adresser à lui-même
ce que nous décrivions en mai
comme un «autoportrait en par-
fait connard». Le film nous oblige
à nous poser une question inso-
luble : qui est le plus atroce, le
séducteur impénitent, prêt à tout
pour plaire, ou celui qui s’avoue
mufle, ne s’aime pas (ou trop) et
se jette le premier en pâture dans
sa mise en crise des sentiments ?
Le miracle rossellinien du
Voyage
en Italie
n’a eu lieu qu’une fois
et, ici, sous la pesanteur canicu-
laire turque, quelque chose s’est
pourtant refroidi à jamais entre
l’homme et la femme.
(…) On l’aura compris, Ceylan
n’entend rien cacher de l’intime,
lorsque le reflet renvoie sous la
lumière blanche une image pas
regardable, mesquine, misérable.
Ça ne pourrait produire qu’un
laisser-aller tout à fait détestable,
un nihilisme complaisant, or cet
examen à la loupe accouche tout
au contraire d’un film important.
Juste parce que, derrière, il y a un
cinéaste qui continue de croire en
une articulation implacable entre
ce qui se passe et la façon dont
on nous les donne à voir. La mise
en scène n’est pas au service des
personnages, elle est au service
du temps : attentive, fixe, entêtée,
elle attend. Un dégel, un orage,
une tempête. Et à force d’attendre
elle bat le chaud comme le froid.
(…)
Philippe Azoury
Libération - 17 janvier 2007
(…) Les événements les plus signi-
ficatifs exigent autant de violence
que d’ambiguïté. Eclats sans con-
trôle où les passions se mettent
en scène. Le cauchemar de Bahar
paraît plus réel que l’approche vé-
ritable d’Isa qui arrive près d’elle
en fantôme grisâtre et amaigri.
L’élan du retour à moto s’inter-
rompt brusquement lorsque la
jeune femme masque les yeux du
pilote. Le viol de Serap n’entraîne
aucune protestation de la jeune
femme et semble gouverné par le
parcours d’une noisette (ou d’une
pistache ou d’une cacahuète ou
d’on ne sait quoi), mais à la fin il
y en a deux. Une part de jeu, cruel,
insensé, une part consentie à la
fiction et au caprice s’impose dans
ces éruptions du moi et les rend
possibles. Car le rêve commence
dans l’amusement pour finir dans
la panique : est-il voluptueux ou
prémonitoire ? Est-ce un suicide
amoureux que Bahar souhaite
ou une brisure ? En tout cas, son
geste sur la moto conserve une
gratuité enfantine. Quant au ma-
nège érotique entre Serap et Isa,
qui déterminera ce qu’il comporte
de consentement, et de la part de
qui ? La brutalité y sert d’alibi à
l’un comme à l’autre, et de piment
aphrodisiaque, genre «Je n’ai pas
pu résister». Rien de tout cela ne
va sans quelque mauvaise foi. Mais
ainsi vont les climats : impérieux,
ils recèlent pourtant leur compo-
sition.
Sur un plateau de télévision, l’ac-
trice pleure et pleure Bahar, tan-
dis que passe dans un ciel de
neige l’avion qui emporte Isa vers
Istanbul. C’est l’épilogue. La fi-
gure de style, presque précieuse,
suggère un accord définitif et ex-
clusif entre l’œuvre filmique et
les personnes dont elle recueille
l’émotion. La fréquence du nom de
Ceylan au générique, l’homonymie
des acteurs et de plusieurs per-
sonnages, si elles insistent sur le
caractère personnel de l’œuvre,
témoignent de sa vocation lyrique.
La gravité de la confidence tient
à ce qu’elle ne peut s’esquisser,
dirait-on, que dans le secret de
l’art. Bien loin de tout esthétisme
gratuit,
Les Climats
proposent au
regard des êtres qui, faute d’es-
pace sentimental, ne peuvent vivre
pleinement qu’à l’écran.
Alain Masson
Positif - Janvier 2007
ENTRETIEN AVEC NURI BILGE
CEYLAN
Tous vos films ont une forte
empreinte autobiographique.
Mais c’est la première fois que
vous interprétez vous-même le
rôle principal. Pourquoi ?
Cela faisait longtemps que je vou-
lais consacrer un film à la relation
entre un homme et une femme. J’ai
été marié deux fois, j’ai vécu des
choses douloureuses. En discutant
avec ma femme, l’idée nous est
venue d’interpréter nous-mêmes
ce couple. Personnellement, je
ne l’aurais jamais fait si j’avais
pensé que je ne correspondais
pas à ce rôle. J’en avais l’intui-
tion profonde et c’était difficile
de demander à des acteurs de
3
Le centre de Documentation du Cinéma[s] Le France
,
qui produit cette fi che, est ouvert au public
du lundi au jeudi de 9h à 12h et de 14h30 à 17h30
et le vendredi de 9h à 11h45
et accessible en ligne sur www.abc-lefrance.com
Contact
: Gilbert Castellino, Tél : 04 77 32 61 26
g.castellino@abc-lefrance.com
reproduire cette expérience, de
simuler un état de confusion men-
tale comme celui-ci. Mais je crois
que je ne recommencerai jamais,
c’est trop épuisant d’être à la fois
derrière et devant la caméra. J’ai
eu l’impression, comme metteur
en scène, de perdre trop de maî-
trise.
Votre femme a-t-elle accepté ce
rôle sans difficulté ?
Elle a été immédiatement d’ac-
cord. Nous étions partis en week-
end, l’idée nous est venue à midi,
et nous sommes immédiatement
descendus à la plage pour impro-
viser devant la caméra que j’avais
posée sur un pied. C’était ce qui
allait devenir l’une des premières
scènes du film. Nous nous som-
mes trouvés plutôt bons. Ce n’est
qu’après que nous nous sommes
mis à écrire le scénario qui, à son
tour a changé au fur et à mesure
du tournage.
Cette idée ne vous a-t-elle pas
paru dangereuse pour votre cou-
ple ?
D’abord, ce n’est pas un film auto-
biographique, c’est une vérita-
ble fiction que nous interprétons.
Ensuite, nous formons un couple
qui ne s’effarouche pas de la noir-
ceur de la vie.
Pourquoi le choix de tourner avec
une caméra numérique ?
Cette technologie est enfin arri-
vée à un niveau satisfaisant en
matière de définition et de pré-
cision, y compris dans la profon-
deur de champ. Elle permet aussi
une liberté d’expérimentation
qu’on ne peut se permettre avec
de la pellicule, depuis le nombre
illimité de prises jusqu’à la possi-
bilité de voir le résultat immédia-
tement. C’est très important pour
moi, car cela permet de régler
l’image selon son désir, aussi
facilement qu’un peintre le ferait
avec sa toile. Cela signifie que le
format film est mort, en tout cas
pour moi.
Propos recueillis par
Jacques Mandelbaum
Le Monde - 17 janvier 2007
BIOGRAPHIE
Titulaire d’un diplôme d’ingé-
nieur à l’université du Bosphore,
Nuri Bilge Ceylan étudie ensuite
la mise en scène à Istanbul, sa
ville natale. Dès son premier court
métrage,
Koza
, il est sélectionné
au Festival de Cannes. Il tourne
en 1998 son premier long métrage,
Kasaba
, qui obtient le Prix Spécial
du Jury au Festival Premiers Plans
d’Angers.
C’est avec son deuxième film
Nuages de mai
, sélectionné à
Berlin, qu’il accède à la recon-
naissance internationale. La cri-
tique salue ce film contemplatif
réalisé par un admirateur d’Ozu
et Bergman. Auteur à part entiè-
re, Ceylan participe à toutes les
étapes de la création de l’oeuvre
(scénario, réalisation, montage,
production) et s’entoure de pro-
ches, parents et amis, pour l’équi-
pe technique et le casting, tout en
faisant souvent appel à des comé-
diens non-professionnels.
En 2003, Uzak, qui aborde des
questions sociales (le travail, l’ur-
banisation) à travers l’étude de
la relation entre deux frères, est
le film de la consécration pour
Ceylan. Premier réalisateur turc à
figurer dans la compétition can-
noise depuis Yilmaz Guney, Palme
d’or pour
Yol
20 ans plus tôt, il en
repart auréolé du Grand Prix et
du Prix d’interprétation pour ses
deux comédiens. Il revient sur la
Croisette avec son quatrième long
métrage,
Les Climats
. (…)
www.allocine.fr
FILMOGRAPHIE
Courts métrages :
Koza
1995
Longs métrages :
Kasaba
1998
Nuages de mai
2001
Uzak
2003
Les climats
2006
Documents disponibles au France
Revue de presse importante
Positif n°550
Cahiers du cinéma n°618
Fiches du cinéma n°1846/1847
4
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