Les aventures de Pinocchio
Le avventure di Pinocchio
de Luigi ComenciniF
FICHE FILM
Fiche technique
Italie - 1972 - 2h15
Réalisateur :
Luigi Comencini
Scénario :
Suso Cecchi d'Amico
Luigi Comencini
d'après Carlo Collodi
Musique :
Fiorenzo Carpi
Interprètes :
Andrea Balestri
(Pinocchio)
Nino Manfredi
(Geppetto)
Franco Pranchi
(le chat)
Ciccio Ingrassia
(le renard)
Mario Adorf
(le directeur du cirque)
Gina Lollobrigida
(la fée)
Vittorio De Sica
(le juge)
Ugo d'Alessio
Andrea Balestri et Nino Manfredi
(Maître Cerise)
RésuméLionel Stander
(Mangia Fuoco) ainsi les vœux de la poupée et de son créa-Un pauvre menuisier, Geppetto, se voit
Mario Scaccia teur. Mais elle prévient Pinocchio qu‘il rede-remettre par son voisin Cerise une belle
viendra marionnette s’il n’est pas sage et nepièce de bois qui semble ensorcelée. Il déci-(premier médecin)
va pas à l’école. Le petit bonhomme ne cessede d'en faire une marionnette. Une fée trans-
pourtant pas d‘alterner bonnes et mauvaisesforme le pantin en petit garçon, comblant
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actions, passant donc régulièrement de phiquement en Toscane et historique- Voici enfin que nous est donné de voir la
l’état d'être de sang à celui de bois. Ainsi ment à la fin du XIXe siècle et de ces version cinématographique (2h15) du
plutôt qu‘aller en classe, il préfère un personnages éternels que sont les fées, fameux Pinocchio de Luigi Comencini,
matin se rendre au cirque où il ne les magiciens, les animaux qui parlent.) dont nous avons pu voir la version télé-
manque pas de reprendre son aspect de Conte de fée pour grands et petits, visée en six épisodes de 55 minutes à
pantin. Il est aussitôt mis en cage avec Pinocchio est une incontestable réus- Noël 1972. Malgré la compression du
les autres marionnettes de la troupe. Il site. récit et la brusquerie de certains enchaî-
retrouve le Chat et le Renard, deux Mireille Amiel nements, c’est de nouveau un ravisse-
redoutables compères qui tentent de le Cinéma 75 n°201-202 - Sept./Oct. 1975 ment : quelque satisfaisante que puisse
déposséder de son argent. Il apprend être cette version cinéma, tous ceux qui
bientôt que son père le recherche. Arrivé ont vu le film dans son intégralité
à un port, il voit la barque de Geppetto regretteront en effet certains épisodes
sombrer. Il rencontre alors Lucignolo, un L’adaptation de Comencini est exemplai- d’un conte en tous points merveilleux ;
garçon plus âgé que lui avec qui il fait re. «Il a su trouver constamment un car cette réserve inévitable étant faite, il
les quatre cents coups. Après un séjour équilibre quasi miraculeux entre la part reste que Comencini a parfaitement
chez la fée qui l’a recueilli, Pinocchio de respect et d’admiration qu’inspire un réussi la "mise en images" du fameux
fuit avec Lucignolo vers un pays où les tel chef-d’œuvre à tous ses lecteurs et conte de Collodi (écrit en 1880), et nous
enfants ne travaillent jamais. Mais très la part d’interprétation personnelle, de introduit avec une magnifique aisance
vite, ils sont transformés en ânes. C’est libre lecture inséparable du travail de dans ce monde du Merveilleux devenu si
ainsi qu’il rejoint le bord de mer où son tout créateur adulte et digne de ce rare au cinéma : il faudrait peut-être
maître le précipite… nom (...). Miraculeux, le mot n’est pas remonter à la version de Alice au pays
trop fort non plus pour qualifier la des merveilles de Norman Mc Leod
manière extrêmement subtile et créatri- (1933), ou à celle du Songe d’une nuit
ce dont Comencini et son scénariste ont d’été de Max Reinhardt (1935) pourCritique
résolu les problèmes sans nombre que trouver un équivalent. Il faut dire que, en
pose la transcription visuelle de ne minimisant pas le moins du monde le
Pinocchio, cette œuvre qui fait vivre rôle de Comencini, celui-ci a su s’entou-Quant à Pinocchio, c’est l’histoire
concurremment un héros qui est une rer d’une fine équipe de techniciens etd’une éducation manquée, celle de la
marionnette, des créatures surnatu- d’acteurs, dont les efforts conjuguésmarionnette par la fée, et d’une éduca-
relles, un vaste bestiaire parlant et concourent à la perfection du tout. Ontion réussie, celle du père par son
diversement humanisé ainsi que toute n’oubliera pas de sitôt les décors deenfant. Inversant la morale sermonneu-
une collection d’humains normaux ou Piero Gherardi, surtout ceux de la fêtese de Collodi, Comencini a fait de
qui semblent l’être, tirés de l’univers finale et de l’intérieur de la baleine,Pinocchio une incarnation de la liberté
quotidien de l’ltalie de la fin du XIXe dont l’élégante beauté très «XVIII èmeanarchique, de l’instinct libertaire, face
siècle. Signalons les qualités primor- siècle» est encore avivée par l’éblouis-à un monde adulte inaccompli, rétrogra-
diales du film de Comencini et que sante photographie en technicolorde et béatement inepte. (...) Ce parti-pris
l’auteur contre toute attente a eu à d’Armando Nannuzzi, dans des tonsd’adaptation est capital et révolutionnai-
rendre compatibles : I’audace, la nette- chauds qui se font rares aujourd’hui,re.
té, I’absence d’hésitation à trancher, à sauf peut-être en Italie justement. (...)Robert Benayoun
couper dans le vif ; le respect de la plu- A ce degré de qualité et d’homogénéité,Positif n°157 - Mars 1974
part des inventions narratives et poé- il convient de louer ce superbe travail
tiques de l’original ; enfin et par-dessus d’équipe qui nous repose un peu du
tout un souci de cohérence qui a fait que cinéma d’auteur centripète tel qu’il est
l’auteur, conduit à modifier telle ou telle pratiqué aujourd’hui sans frein.Il faut admirer chez Comencini cette
partie architecturale de l’intrigue, a su Max Tessiercohérence parfaite dans l’adaptation.
aussitôt tirer les conséquences de son Ecran°39, septembre 1975Choisissant une des lectures possibles
intervention au plan du récit entier et dede l’œuvre, il parvient à mettre en scène
son sens global» (Jacques Lourcelles insa représentation de l’univers de Collodi
Fiction n° 238 - Octobre 1973).tout en respectant l’essentiel (et dans
Alain Garelles épisodes narratifs et dans l’étrange
Revue du Cinéma n° 298 - Sept. 1975cohabitation d’humains situés géogra-
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Comencini, dont l’œil est magistral, Comencini a sauvé le conte de Collodi Lattuada ou Pietro Germi. A partir
montre une verve éblouissante et un de l’abominable traitement auquel les de 1947, il passe à la réalisation,
pathos irrésistible. Devant les aventures contes de tous pays et de toute époque, d’abord de courts puis de longs
picaresques de ce «Sans famille», on de la «Cendrillon» de notre Perrault au métrages tout en poursuivant une
pense (plus qu’à Hector Malot) aux «Mowgli» de Kipling, de la «Blanche- collaboration avec différents jour-
errants minables de la Strada ou aux Neige» de Grimm à l’«Alice» de Lewis naux où il est aussi bien critique de
héros prolétaires de Miracle à Milan Carroll, pour peu que leur célébrité les cinéma que photographe.
(De Sica est d’ailleurs présent au géné- expose à ce navrant péril, n’échappent Longtemps traité avec condescendance
rique). Ce Pinocchio de la famine, qui se guère : le disneyfaction, avec, pour par la presse de cinéma qui ne voyait en
mêle aux bagnards, aux gamins concen- conséquence rapide, une anémie perni- lui qu’un bon artisan de comédies à suc-
trationnaires, aux marionnettes «exploi- cieuse compliquée de décalcification cès, comme la fameuse série des Pain,
tées», est un contestataire de l’enfance, irréversible, la disneyose. Comencini a amour et…, Comencini a eu beaucoup
et Geppetto un calamiteux chaplinien. guéri son compatriote Pinocchio du de mal à imposer son style fait de subti-
Robert Benayoun vilain enchantement made in Hollywood lité et de fluidité ainsi que son regard
Le Point - 18 Décembre 1972 dont il avait déjà été victime. (...) tendre et ironique sur la société italien-
Comencini va le plus loin possible dans ne. Il faudra attendre 1969, avec la sor-
la direction de cette complicité avec tie de Casanova, un adolescent à
l’enfance. Il commence par prendre la Venise pour que l’on se décide à le
féérie au sérieux. Le fantastique, c’est prendre au sérieux et à assurer en
Le Pinocchio de Comencini n’est pas du surnaturel, auquel les grandes per- France la distribution de ses films dans
édifiant. Il est intelligent, dur et résis- sonnes sont aveugles et sourdes, et le le plus total désordre. La belle de
tant, il subit les transformations, il ruse surnaturel n’est que du naturel encore Rome, A cheval sur le tigre ou La
mais ne cède pas. Il refuse d’être un inconnu. Respectant cette poésie telle grande pagaille et surtout ce chef-
mouton et vient à bout de la fée. Si que la vivent les enfants (et non telle d’œuvre injustement boudé à sa sortie,
condensée qu’elle soit pour le grand que la voient les grandes personnes, L’incompris. Plus tard, il affirmera sa
écran, la fable reste claire, ainsi que sa comme les fabricants de la Disney and patte aussi bien dans des farces grin-
morale. A côté de Pinocchio, Lucignolo Co), Comencini a tourné un film réaliste - çantes comme L’argent de la vieille
exprime, avec plus de gravité sous sa néoréaliste même, à cause de la ten- que dans des mélodrames comme Un
révolte, I’idée maîtresse de tous les dresse souriante de son populisme. vrai crime d’amour. A regarder cette
films de Comencini : I’enfance est le Jean-Louis Bory œuvre dans sa continuité, on en
seul moment de liberté pour l’individu... Le Nouvel Observateur - 25 août 1975 découvre avec stupéfaction la richesse
Jacques Siclier et surtout l’unité. En effet le cinéaste
Le Monde - 26 août 1975 s’est toujours passionné pour les pro-
blèmes de l’enfance et de l’adolescence,
de l’apprentissage de la vie, de la
découverte du monde et de ses
contraintes, et de la conquête de la
Le réalisateurDerrière le c