Fiche technique du film " L'armée des douze singes " Produite par Le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France Site : abc-lefrance.com Résumé : " En l’an 2035, 99 % de la population mondiale a été anéanti par une mystérieuse épidémie, survenue en 1997. Les survivants, réfugiés dans des sous-sols glauques, croupissent comme des animaux au fond de cellules grillagées. Une poignée de savants règne sur ces troglodytes du futur et ont une seule obsession : découvrir l’origine de la catastrophe. Pour cela, ils utilisent un cobaye humain et le propulsent dans le passé "
L’armée des douze singes
Twelve MonkeysF de Terry Gilliam
FICHE FILM
Fiche technique
USA - 1996 - 2h05 -
Couleur
Réalisateur :
Terry Gilliam
Scénario :
David et Janet Peoples
d’après le film de Chris
Marker La jetée
Bruce Willis et Madeleine Stowe
Musique :
Résumé CritiquePaul Buckmaster
En l’an 2035, 99 % de la population mondia- Après Fisher King il y a quatre ans,
le a été anéanti par une mystérieuse épidé- L’armée des douze singes est le deuxiè-
mie, survenue en 1997. Les survivants, réfu- me film que Terry Gilliam réalise sansInterprètes :
giés dans des sous-sols glauques, croupis- l’avoir écrit. Il y impose toutefois sa marque,Bruce Willis
sent comme des animaux au fond de cel- plus encore que dans son précédent opus,
(James Cole) lules grillagées. Une poignée de savants avec une maestria qui devrait faire réfléchir
règne sur ces troglodytes du futur et ont une ceux qui croient qu’un bon cinéaste doit for-Madeleine Stowe
seule obsession : découvrir l’origine de la cément être son propre scénariste. Nul(Dr Kathryn Railly)
catastrophe. Pour cela, ils utilisent un doute que l’opposition entre la folie et la
Brad Pitt cobaye humain et le propulsent dans le normalité, entre le rêve et la réalité, entre le
passé. passé et le présent dans un monde au bord(Jeffrey Goines)
du gouffre convenait par excellence àChristopher Plummer
l’auteur de Brazil et des Aventures du
(Dr Leland Goines) baron de Münchausen. Encore lui fallait-
il s’approprier ce matériau, lui-même inspiréFranck Gorshin
de La jetée (1962) de Chris Marker. (…)(Dr Fletcher)
Terry Gilliam, qui ne connaissait pas le chef-
d’œuvre de Marker, affirme avoir refusé de
le visionner pour ne pas être influencé.
Mais le spectateur, lui, n’a pas le choix : il
percevra le film différemment selon qu’il
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connaît ou non le film source et son sur- références plus ponctuelles aux images L’armée des douzes singes est l’his-
prenant dénouement, I’explication du que renvoient des écrans de télévision. toire d’un homme dont l’imagination déli-
meurtre dont a été témoin le héros Les acrobaties du loup de Tex Avery et rante amuse, agace ou indiffère, jamais
enfant et qui, depuis, hante son sommeil. une poursuite extraite d’un film des Marx prise au sérieux, jusqu’au jour où l’on
Les familiers de La jetée ne seront pas Brothers (Monnaie de singe, bien sûr) comprend qu’il était un vrai visionnaire.
déçus, au contraire. En plus des surprises offrent un contrepoint ironique aux Une histoire qui changerait à peine en
relatives à cette fameuse armée des gestes des fous dans l’asile. Une publici- devenant celle de Terry Gilliam, dont
douze singes inventée par les scénaristes té pour une contrée paradisiaque (clin l’imagination délirante amuse, agace ou
de Gilliam, ils jouiront d’une position pri- d’œil à Brazil) assure, avec une bonne indiffère, jamais vraiment prise au
vilégiée par rapport à une intrigue articu- dose d’humour noir, qu’il faut savoir sérieux (sinon, abusément, par Positif),
lée autour de la notion de déjà vu. En «profiter de l’instant présent». Quant aux jusqu’au jour où L‘armée des douze
développant des idées à peine esquis- images d’un documentaire sur la vivisec- singes révèle un vrai cinéaste.(…)
sées dans La jetée, l’adaptation intègre tion, elles justifient presque la future Terry Gilliam est par excellence un
en effet au sein même de son intrigue un revanche, postulée au début du film, des cinéaste du premier âge : il filme en un
commentaire sur son modèle. bêtes sur les hommes : en 2035, après flux continu, en mouvement, sans rien
Ainsi, le plan de Marker qui représente qu’un terrible virus a décimé la popula- qui puisse faire songer à une contrainte
l’homme et la femme devant une coupe tion humaine et forcé les rares survivants et en masquant au maximum les inévi-
de séquoia couverte de dates au Jardin à se terrer dans des souterrains, les ani- tables raccords du montage (d’où un
des Plantes est replacé ici dans sa pers- maux sont redevenus les maîtres du regard plutôt informe, qui montre beau-
pective hitchcockienne. Là où Marker fai- monde. coup et ne désigne rien, ne choisit pas,
sait une allusion implicite à Vertigo, Cette idée, qu’on imagine puisée dans la ennuyeux comme le théâtre). La jetée
Gilliam entraîne carrément son couple de longue scène de La jetée réunissant le est, au contraire, I’archétype d’un cinéma
héros à une projection du Hitchcock. couple au milieu d’animaux empaillés du cadre, du plan, du découpage et du
Paraphrase maladroite ? Certes non. Car («immortels») dans un musée d’histoire montage : Chris Marker filme ses photos-
la scène du séquoia de Vertigo ne reflè- naturelle, inspire à Gilliam des plans roman et fait surgir un espace, une
te pas seulement le présent des person- d’une beauté à couper le souffle : le face durée, un mouvement dans l’image arrê-
nages de L'Armée des douze singes, à face incongru de James Cole et d’un tée. Ainsi, plus on y réfléchit, et plus le
elle anticipe leur futur : le déguisement ours dans les ruines enneigées de rapprochement du cinéma de Terry
et le changement de coiffure de Philadelphie en 2035, la débandade des Gilliam et de La jetée devient mons-
Madeleine Stowe, qui ressemble alors animaux du zoo dans les rues de la ville trueux et excitant. D’autant que ce sont
exactement à la femme du rêve. La mise en 1996. La rime entre ces deux situa- les acteurs qui, étonnamment, incarnent
en scène parachève l’effet. La brusque tions, soulignée par le choix des l’enjeu formel de L‘armée des douze
irruption des images tournées par cadrages et enrichie de la correspondan- singes.
Hitchcock (une ellipse a caché que les ce avec l’ours empaillé dans une vitrine à Brad Pitt est ici un histrion qui hystérise
héros poursuivis s’étaient réfugiés dans l’endroit même où surgira un de ses sem- chacune de ses scènes, dans un second
un cinéma) assène au spectateur un choc blables bien vivant près de soixante ans rôle d’illuminé sans surprise -lié au motif
comparable à celui éprouvé dans la fic- plus tard, véhicule une superbe émotion. écologique rajouté au décor de l’histoire
tion par James Cole (Bruce Willis) avant Jeux d’échos emblématiques d’un film -un personnage qui va simplement de
que, quelques plans plus loin, I’envoûtan- qui multiplie les analogies entre le passé l’avant, sur des rails comme ceux des
te partition de Bernard Herrmann et I’avenir (les scientifiques interrogent montagnes russes, la caméra semblant
n’accompagne un poignant travelling le protagoniste comme plus tard la com- dans ces moments-là devenue le pompon
avant sur sa compagne métamorphosée. mission médicale de l’hôpital, les cel- d’un manège soûlant, machinal. Avec
De manière plus générale, Gilliam lules des prisonniers dans les souterrains Brad Pitt, on est bien dans un mauvais
emprunte aussi à Vertigo la figure de la s’apparentent aux cages des animaux du film de Terry Gilliam, chez qui les acteurs
spirale, déclinée sous toutes ses formes, zoo) pour entretenir une atmosphère cau- ont toujours le second rôle, noyés dans le
du logo des écologistes révolutionnaires chemardesque et accentuer le trouble de tout-venant de la mise en scène et la
à l’architecture de l’hôpital psychiatrique Cole qui finit par se demander s’il n’est charge visuelle. Avec Bruce Willis, c’est
en passant par les arabesques des mou- pas réellement fou. autre chose. Son personnage vient non
vements d’appareil. Ce travail sur la Philippe Rouyer seulement de La jetée, mais de l’avenir
propre mémoire du spectateur (son passé Positif n°421, mars 1996 et, au lieu d’aller de l’avant, progresse à
de cinéphile) se prolonge à travers des reculons, logiquement pas plus à sa
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place en 1996 que dans un film de Terry Le scénario de Janet et David Peoples Entretien avec le réalisateur
Gilliam. Ce sentiment d’hétérogénéité I’auteur d’lmpitoyable, le superbe wes-
(totalement inédit chez lui), le cinéaste le tern crépusculaire de Clint Eastwood) est
Le film est un ensemble d’éléments de
travaille, le modèle, donnant à Bruce ouvert à pas mal d’interprétations, de
diverses origines, dont vos propres films
Willis la place qui lui revient, celle d’un perspectives. Et le décor de l’an 2035
Dans Brazil, c’était la musique brési-
acteur de premier plan (par contrat et par participe de ce délire poétique : mélange
lienne, dans celui-ci la musique d’Astor
talent), autour de qui, autrement dit, la d’éléments high-tech et de ferraille
Piazzolla. La chaise de ce film rappelle
mise en scène doit se construire. Et moyenâgeuse, architecture monumentale
celle de Brazil…
comme le film est aussi insensé que aux circonvolutions évoquant celles d’un
Elles ont l’air identiques. Celle de Brazil
sensé, la direction où Willis guide Terry vaste cerveau malade. En bricoleur talen-
ressemble à un fauteuil de dentiste au
Gilliam reflète celle où James Cole (qui tueux, Gilliam récupère, recycle tout ce
milieu d’un espace gigantesque. Ce que
vient quand même d’un futur très «terry- qui lui tombe sous la main - objets et
j’aime dans ce film qui s’élève dans
gilliamien») est guidé par les images qui images de toute sorte, y compris celles
l’espace, c’est que, dans ces scènes
le hantent, à l’instar du héros de Marker : de Vertigo, d’Hitchcock - et parvient a
d’interrogatoires, le sujet est plus élevé
flashes d’une mémoire prémonitoire, créer ainsi un univers original.
que ceux qui le questionnent. Il est
focalisée sur des plans très structurés Une vraie réussite ? Pas tout à fait. Car
comme un papillon collé contre les murs
qui s’organiseront pour la séquence fina- ce cinéaste ne résiste pas toujours à en
qui son durs, cliniques, technologiques.
le de l’aéroport, superbement découpée. faire juste un peu trop. Non content de
Et autour d’eux, c’est la confusion, le
Vitesses, directions