Dans la ville blanche
F de Alain Tanner
FICHE FILM
fiche technique
Suisse-Portugal
1982 1h47
Réalisateur :
Alain Tanner
Scénario et dialogues :
Alain Tanner
Musique :
Jean-Louis Barbier
Interprètes :
Bruno Ganz
Bruno Ganz
Julia Vonderlinn Résumé
Teresa Madruga faite de son attitude, il la retrouveMécanicien sur un navire, Paul déser-
pourtant. Mais il va la perdre définiti-te son poste et, lors d'une escale à
vement. Un jour, il aperçoit un de sesLisbonne, s'installe dans un petit hôtel
voleurs, le suit, lui réclame son argent.et rencontre Rosa. Ce havre est une
L’autre le blesse d’un coup de cou-halte dans sa vie, qu’il voudrait sans
teau. A sa sortie d’hôpital, Pauldoute changer. Muni d’une caméra
apprend que Rosa est partie travaillerSuper 8 de poche, il se filme lui-même,
en France. Même les parents de lafilme les rues, le port... et envoie ces
jeune femme ne peuvent dire où ellefilms à Elisa, qui l’attend, chez eux,
se trouve exactement. Elisa lui a écrit,quelque part en Suisse. Il filme aussi
dans une lettre, que ce serait la "guer-Rosa, la jeune et jolie serveuse, qui
re" entre eux, ce qui est peut-être undevient sa compagne. A Elisa il écrit
dernier signe d’amour. Dans le trainque maintenant il aime deux femmes.
qui le ramène, Paul est observé parUn soir, deux jeunes voleurs lui déro-
deux femmes...bent son portefeuille. Sans argent, il
doit revendre sa montre en or. Ayant
pu craindre le départ de Rosa, insatis
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rivale qui a "un diamant noir entre sif du plaisir au désarroi.Critique
les cuisses". Elle lui écrit, sans haus-
ser le ton : "Je suis très contente Le marin en cavale s’est offert une
Mécanicien à bord d’un pétrolier, d’apprendre que je suis une des escapade vers une liberté dont il ne
Paul débarque à Lisbonne et dispa- deux femmes que tu aimes. L’autre sait, à vrai dire, pas quoi faire : il est
raît dans les profondeurs de la ville. peut te parler, te toucher, moi je sans projet d’avenir tout autant qu’il
Quelques jours plus tard, il salue regarde des bouts de film. Si tu a voulu effacer le passé en rompant
d’un geste ironique son bateau qui rentres, rentre bientôt ou plus du les amarres. Mais cette indécision,
reprend la mer sans lui : "Je suis tout." cette disponibilité risquent de lui
libre", se convaint-il, "je suis un aliéner son épouse comme elle lui a
déserteur". Entre-temps, il a fait la L’ultimatum de l’épouse arrache coûté Rosa : alors il rentre au ber-
connaissance d’une serveuse de Paul à ce qu’elle appelle "un espace cail, un peu coupable. "Le côté
bistrot, Rosa, belle comme une à toi, dans ta tête", espace dans enfantin du caractère des hommes,
madone, appêtissante comme le lequel il a "pris du champ", comme écrit Tanner, c’est parfois un peu
pain frais et simple comme bonjour. les bourlingueurs de jadis avec les beaucoup pour le sérieux des
Entre eux, I’amour est une chose belles indigènes des mers du Sud. femmes" : ceci répond à l’objection
naturelle, sans manières, sans pro- Mais l’escapade hors de l’enfer de qui verrait dans ces deux
messes, sans calculs. bruyant et surchauffé de "l’usine femmes de simples objets soumis au
flottante" ne peut pas durer. La déci- bon plaisir de l’homme. Car ce
Mollement étendue sur les collines sion de "déserter" était folle, comme séjour à Lisbonne est un peu comme
qui bordent le Tage, Lisbonne est Paul le reconnaît : "C’est trop petit le paradis terrestre avant la chute,
comme une femme offerte. Paul l’a dans la cabine et c’est trop vaste à avant le péché d’irresponsabilité. Et
vue en rêve toute blanche, "comme l’extérieur, c’est pourquoi tous les le temps, malgré l’étrange horloge
la solitude et le silence". Sa chambre marins sont fous ! " D’ailleurs le du bistrot, ne revient jamais en arriè-
d’hôtel, dominant l’estuaire, est un monde entier est fou, "il va à re.
refuge de fraîcheur ombreuse l’envers", lui dit ironiquement Rosa Marcel Martin
ouverte sur la crudité du soleil. Ce devant l’horloge du bistrot dont les La Revue du Cinéma n° 383 1983
décor enchanteur incite à la paresse aiguilles ne tournent plus dans le
et à la volupté. Mais la cité a aussi sens habituel. Dans le sens com- Le réalisateur
ses bas-fonds : Paul est dévalisé par mun, dirais-je, dont témoignent les
deux voyous, puis envoyé à l’hôpital lettres de l’épouse : les horloges
par le méchant coup de couteau Fils d’un peintre genevois et d’unesuisses n’ont pas de ces fantaisies !
d’un de ses voleurs. Il commence à mère actrice, il étudie le cinéma au"Le cinéma, écrit Alain Tanner, n’est
se clochardiser et la disparition de British Film Institute. Il dirigepas loin du bonheur et de la magie."
Rosa achève de le désorienter : quelques courts métrages en FranceC’est bien ce que j’ai ressenti devant
arraché à son rêve éveillé, il reprend puis passe en Suisse où il signemon film : une merveille de liberté,
le chemin du domicile conjugal. "Charles mort ou vif" qui l’imposede spontanéité, de naturel où tout a
comme l’un des meilleurs réalisa-l’air d’être improvisé dans I’instant
Car il a une épouse qui l’attend en teurs de son pays. Son cinéma estdu tournage, de se passer en direct
Suisse et à qui il adresse ("Je ne celui d’un intellectuel engagé, dontdevant une caméra décontractée.
sais plus écrire") des cassettes les conceptions, par le goût de laEn contrepoint des bruits de la ville,
Super 8 en guise de correspondance : distanciation, peuvent se réclamerla partition, tantôt rutilante, tantôt
il filme le port, les petites rues de Brecht. "Le milieu du monde", quichaleureuse, garde intelligemment
qu’escaladent allègrement des raconte comment un directeur tech-ses distances avec l’image. Les
trams brinquebalants, Rosa en train nique d’une petite entreprise, com-séquences en Super 8, d’abord insé-
de faire le ménage, il se filme promis par une liaison avec une ser-rées dans la continuité narrative,
lui-même faisant le clown. Comme veuse, est battu à une élection, ests’en détachent peu à peu, comme
beaucoup d’hommes, il s’accomode très caractéristique de la manièredes flashes subjectifs, de Paul, de
fort bien d’aimer deux femmes en didactique et en même temps parti-plus en plus éloignés du réel figuratif
même temps mais l’épouse solitaire culièrement élaborée de Tanner,et de sa vision joyeuse du début :
supporte mal de savoir qu’elle a une ainsi l’écoulement du temps suggérec’est comme un glissement progres-
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par des intertitres rouges portant La vallée fantôme
une date et des plans d’un champ (1987)
qui reflète les saisons dans sa vége-
tation. "Les années-lumière" nous La femme de Rose Hill
proposent le difficile récit de l'ini- (1989)
tiation d'un jeune homme par un
vieillard qui rêve de devenir le nou- L’homme qui a perdu son ombre
vel Icare. Un peu artificiel, plutôt (1991)
froid, trop désincarné et cérébral, ce
type de cinéma ne peut prétendre Jean Tulard
toucher un vaste public. Dictionnaire des Réalisateurs
Filmographie
Les apprentis
(1964)
Une ville à Chandigarh
(1966)
Charles mort ou vif
(1969)
La salamandre
(1971)
Le retour d’Afrique
(1973)
Le milieu du monde
(1974)
Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000
(1976)
Messidor
(1979)
Les années-lumière
(1981)
Dans la ville blanche
(1983)
No Man’s Land
(1985)
Une flamme dans mon cœur
(1987)
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