Belzec de de Guillaume Moscovitz
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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

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Langue Français

Extrait

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Fiche technique
France - 2005 - 1h40
Réalisation & scénario :
Guillaume Moscovitz
Image :
Guillaume Schiffman
Stéphan Massis
Résumé
Presque oublié dans l’his-
toire de la Shoah, Belzec est
chronologiquement le pre-
mier camp d’extermination
de l’Aktion Reinhard, le plan
nazi d’extermination des
Juifs des territoires de la
Pologne occupée.
Sa destruction intégrale
dans les premiers mois de
l’année 1943, presque un
an avant le démantèlement
des camps de Sobibor et de
Treblinka, témoigne de la
volonté nazie d’effacer les
traces de l’extermination des
juifs d’Europe. Le meurtre de
masse industrialisé du peu-
ple juif par les nazis ne s’est
pas arrêté aux meurtres des
vies, il a continué avec la
destruction des cadavres
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FICHE FILM
de ceux qui avaient été extermi-
nés : effacement des corps, des
noms et des lieux. Ce qu’on appelle
aujourd’hui le négationnisme était
déjà au principe même du meurtre
nazi : l’effacement des traces de
l’extermination faisait partie du plan
d’anéantissement du peuple juif.
En filmant les séquelles de cet effa-
cement, le cinéaste montre la vio-
lence de notre présent : là où il n’y
a que destruction, comment attester
de ce qui a été ?
Critique
Fin 1941, le gouvernement nazi de
la Pologne occupée fit construire à
Belzec le premier camp d’extermi-
nation des juifs. Pendant l’année
suivante, des convois ferroviaires y
amenèrent des hommes, des fem-
mes et des enfants déportés des
ghettos polonais, d’Allemagne et
d’Autriche.
Les victimes étaient exterminées
dans des chambres à gaz alimentées
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Belzec
de Guillaume Moscovitz
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par des moteurs de camion puis
enterrées dans des fosses com-
munes. Entre 600 000 et 800 000
juifs ont été assassinés à Belzec,
qui fut le prototype des camps à
venir, Auschwitz, Treblinka. Début
1943, les nazis firent déterrer et
brûler les cadavres puis détruire
les installations de Belzec. A la
Libération, il ne restait du camp
que quelques vestiges de bâti-
ments et des fragments de corps
humains éparpillés. Trois déportés
seulement avaient survécu. L’un
d’eux fut assassiné par des anti-
sémites polonais en 1946 alors
qu’il témoignait devant la com-
mission d’histoire juive de Lublin,
le deuxième est mort au Canada
dans les années 1960.
Seule vit à ce jour, en Israël,
Braha Ranffmann. En 1942, elle
avait 7 ans. Sa mère réussit à la
faire sortir du camp. Recueillie
par une famille polonaise, elle a
passé vingt mois cachée dans un
réduit où elle ne pouvait se tenir
debout.
Belzec
, le documentaire
de Guillaume Moskowitz, doit
donc raconter une histoire deux
fois effacée — une première fois,
délibérément, par les nazis, une
seconde fois par l’écoulement du
temps.
Les outils que lui laisse la réa-
lité sont rares : les témoignages
d’habitants de la ville de Belzec
qui ont gardé un souvenir direct
ou indirect de l’extermination, les
tableaux naïfs d’un Polonais qui,
semble-t-il, avait assisté à cer-
tains épisodes, et surtout le récit
de Braha, la petite fille cachée.
Si Guillaume Moskowitz réussit
à construire un récit cohérent et
terrible, la forme cinématogra-
phique qu’il lui a donnée reste en
deçà de l’immensité de l’horreur
évoquée.
Belzec
arrive tard dans
l’historiographie du génocide des
juifs par les nazis allemands et
leurs alliés (les gardes de Belzec
étaient Ukrainiens) et doit trouver
sa place à l’ombre du
Shoah
de
Claude Lanzmann. (…)
Thomas Sotinel
Le Monde 23 novembre 2005
(…) Partant du paysage, comme
Claude Lanzmann en 1985,
comme Alain Resnais et Jean
Cayrol en 1955 dans
Nuit et
brouillard
, Guillaume Moscovitz
tourne à son tour autour du meur-
tre ; à la façon des grands docu-
mentaristes. Pas un commentaire,
aucune archive, foin de musique,
mais une bande-son d’un naturel
glaçant : le froufrou obsession-
nel des pigeons qui prennent leur
envol, le bourdonnement d’insec-
tes, le chant des oiseaux, quelque
aboiement de chien, le tapage
d’engins de chantier.
Belzec
n’est plus qu’un lieu de fouilles,
un mémorial avec sa part de fron-
tières et de béton, qui tente de
contenir et de définir ce périmètre
sablonneux charriant encore et
toujours des ossements calcinés.
Avant que ne meurent les ulti-
mes braves ou veules Polonais,
confrontés - de si près, de trop
loin - aux destructions et à leurs
cortèges, le documentariste far-
fouille dans leurs souvenirs. Avec
respect, mais sans concession :
gros plans, questions serrées. Ces
paysans étaient nés là. Ils assis-
tèrent («là-bas, on ne pouvait rien
demander à personne») à la mise
à mort de juifs, dont le seul crime
était d’être nés, nés ailleurs, nés
tout court. Le film appuie sur
cette chanterelle avec une grande
justesse de ton. Sa construction
en spirale, qui fore l’abomination
sans fin, coince soudain sur une
voix qui parle hébreu et non plus
polonais.
Braha Rauffman fut cachée entre
7 et 9 ans dans le minuscule
cagibi d’une porcherie du village.
Elle en sortira ne tenant plus sur
ses jambes, ne pouvant plus que
murmurer, ne sachant plus ce
qu’était le ciel. La force de son
expérience, la puissance de son
témoignage en font le pivot du
film, au point d’en contrarier la
rotation. Cette petite survie sin-
gulière devient comme un grain
de sable dans la mécanique de
mort absolue à laquelle collait le
réalisateur. Sa manière de creu-
ser l’inépuisable sujet, avec une
grâce inflexible, captive et pour-
suit le spectateur, bien après que
la lumière est revenue. En retour-
nant à Belzec, où la terre avait été
retournée par des chercheurs de
dents en or, Guillaume Moscovitz
nous retourne, peut-être comme
jamais. Il était pourtant parti de
rien.
Antoine Perraud
Télérama n°2915 - 26 nov 2005
Entretien Avec Guillaume
Moscovitz
Comment est née l’idée de faire
ce film ?
Lorsque j’ai été à Belzec pour la
première fois, en avril 2000, j’ai
été, au sens propre, sidéré de voir
qu’il n’y avait rien à voir, un petit
bois, une forêt, des arbres, une
clairière, finalement un paysage
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extraordinairement banal. Mais
cette nature avait quelque chose
de tout à fait effrayant, de pres-
que irréelle. Ces arbres avaient
été plantés par les Allemands une
fois l’extermination terminée pour
nier l’existence du camp. Tout est
parti de cette image et du lieu lui-
même, de la confrontation avec
la réalité de ce lieu. Cette image
était la négation de la réalité, ces
arbres plantés par les Allemands
étaient la négation du crime,
la négation de l’extermination.
J’étais avec un historien qui me
montrait où étaient les baraques,
les fosses, les chambres à gaz... Il
y avait l’image réelle - les arbres,
la clairière - et cette image visi-
ble était la négation de l’image
que produisait en moi le récit
de l’historien. Il y avait dans le
jeu de ces deux images, quelque
chose d’hallucinatoire, de litté-
ralement sidérant. C’est de cette
confrontation avec la réalité de
l’effacement, avec la violence de
cette réalité qu’est né le besoin
de faire ce film.
Comment se sont déroulés les
interviews avec les villageois ?
Le camp d’extermination de
Belzec était dans le village à cinq
cent mètres de la gare. Il y a un
peu plus de deux milles habi-
tants à Belzec aujourd’hui. Ceux
qui étaient vivants à l’époque
ont été les témoins de l’extermi-
nation. Les habitants du village
voyaient tout, ils savaient tout,
et la plupart ont fait comme s’ils
ne voyaient rien, comme s’ils ne
savaient rien. Malgré les peti-
tes et les grandes lâchetés, les
complicités avec l’occupant, la
peur, ou l’héroïsme de quelques-
uns, ils ont tous été les "spec-
tateurs" de ce qui s’est passé.
Le secret était un leurre imposé
par les Allemands avec lequel
les habitants du village se sont
arrangés. Comment ces gens et
leurs enfants ont-ils fait pour
vivre après la guerre avec tout ce
dont ils avaient été les témoins,
comment ont-ils fait pour conti-
nuer à habiter à proximité d’un
lieu pareil ? J’ai beaucoup tra-
vaillé autour de la notion de hors-
champ, autour de deux aspects
de cette notion, parfois antago-
niques, parfois complémentaires.
Un premier aspect du hors-champ,
d’un hors-champ pour ainsi dire
"absolu", renvoi à ce qui excède
toute vision, à ce qui ne peut être
circonscrit dans un cadre, à l’évé-
nement incommensurable, immo-
bile du "ça a eu lieu", l’effroya-
ble énormité de la Shoah, de la
réalité de l’extermination. L’autre
aspect du hors-champ, d’un hors-
champ "relatif" s’articule dans
le film à ce que les habitants de
Belzec ont vu, vision close, proche
dans l’espace, témoins des frag-
ments de l’horreur entrevue. Ce
hors-champ renvoie à la proximité
des gens du village avec le camp,
à la contiguïté du village avec le
camp : les convois qui arrivent de
l’autre côté de la rue, le camp de
l’autre côté des voies, ce qui se
passe derrière les arbres…
Au moment de commencer le
film, connaissiez-vous l’existen-
ce de Braha Rauffman, l’enfant
cachée ?
Oui, je connaissais l’histoire de
cette enfant juive cachée dans
le village. La femme qui l’avait
cachée avait reçu la médaille
des Justes. Nous avons retrouvé
Braha en Israël. La question s’est
très vite posée du statut de son
témoignage par rapport au reste
du film. Rudolf Reder et Chaïm
Hirzsman furent les deux seuls
survivants du camp d’extermi-
nation de Belzec. Tous les deux
étaient morts depuis longtemps
lorsque nous avons commencé
la préparation du film. Cette
absence de survivants est un des
points nodaux du film. Braha est
une survivante, mais qui n’a pas
vécu le camp, une survivante qui
n’a rien vu, cachée dans un trou,
retranchée du monde des vivants,
cachée parmi les morts. Elle ne
témoigne pas de l’effacement des
traces de l’extermination ou de
l’extermination elle-même, mais
des effets, en elle, des dispari-
tions collectives.
Une des scènes centrales du film
est ce moment où les bulldozers
détruisent l’ancien mémorial.
Belzec est une immense fosse,
les restes des cadavres brûlés ont
été enterrés partout sur le ter-
rain du camp. Le sol est sablon-
neux, une partie de ces restes est
remontée à la surface. Les restes
d’ossements affleuraient partout
à la surface du sol. Les choses
ne pouvaient rester en l’état,
l’Holocaust Memorial Museum
de Washington en collaboration
avec le gouvernement polonais
ont donc décidé la construction
d’un nouveau mémorial à Belzec.
Il y avait alors vaguement une
clôture et un monument érigé
dans les années soixante à la
mémoire des "martyrs de l’hitlé-
risme", terminologie communiste
qui donnait à penser que ceux
qui étaient morts assassinés à
Belzec, étaient morts dans leur
combat contre le fascisme. Il a
fallu attendre 1994 pour qu’une
plaque soit apposée à l’entrée du
site pour dire que 600 000 hom-
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mes, femmes, enfants, étaient
morts exterminés à Belzec parce
qu’ils étaient Juifs. En 1997 des
fouilles ont été menées pour
déterminer l’emplacement des
fosses et des infrastructures
du camp. Quand nous sommes
arrivés à Belzec pour tourner en
juin 2002, commençaient les tra-
vaux de destruction de l’ancien
mémorial. Mais l’entrepreneur en
charge des travaux n’avait pas
connaissance de l’existence des
fosses. Des restes d’ossements
ont été jetés avec les gravats.
Tout cela est raconté dans une
scène du film où l’on voit l’ar-
chitecte du nouveau mémorial
expliquer à l’émissaire du grand
rabbin de Varsovie venu cons-
tater les dégâts, qu’il se trouve
sur un immense charnier. Là, on
est confronté à la matérialité
des faits. Le jeune émissaire du
rabbin qui vient pour la première
fois à Belzec ne comprend pas ce
qui se passe. Pourtant il n’arrête
pas de dire : "Je comprends. Et
là aussi vous avez trouvé des res-
tes d’ossements?". L’architecte
lui répond : "Là où il n’y a pas de
fosses il y a aussi des restes d’os-
sements, il suffit de voir l’herbe,
l’herbe est blanche." Et l’émissai-
re répète : "Oui je comprends…"
Mais ça lui échappe, et à nous
aussi. Ces restes d’ossements
brûlés transformés en poudre,
on ne sait plus ce que c’est. Où
sont les morts, où sont les cada-
vres ? Voilà ce que les nazis ont
fait et c’est très difficile à réali-
ser. L’entreprise d’extermination
des nazis ne s’arrêtait pas aux
meurtres des vies, il continuait
avec la destruction des morts. Il
y a dans cette nature à Belzec,
dans cette nature qui a poussé
sur les cendres des cadavres juifs
toute la volonté folle des Nazis
de réduire les Juifs à cet état de
nature, à cet état d’herbe blan-
che, la volonté de nier non seule-
ment la vie, mais aussi la mort de
ceux qu’ils avaient assassinés.
Quelles ont été les influences du
film de Claude Lanzmann,
Shoah
sur votre film ?
J’ai vu
Shoah
à sa sortie au
cinéma en 1985, j’avais 16 ans,
ce fut une expérience extrême,
et je peux dire que ce film ne
m’a plus quitté depuis. Lorsque
Claude Lanzmann énonce son
refus de comprendre, lorsqu’il
dénonce l’obscénité absolue du
projet de comprendre, il définit
ce refus comme la seule attitude
possible éthique et opératoire
à la fois. Il parle de l’aveugle-
ment comme "seule façon de ne
pas détourner son regard d’une
réalité à la lettre aveuglante, un
mode plus pur du regard, la clair-
voyance même". Ce refus de com-
prendre est l’exact contraire du
renoncement, il garde hautes les
exigences de savoir et de vérité,
il est la seule manière de garder
l’oeil ouvert, la seule façon pour
le regard de faire face, la seule
façon de ne pas perdre connais-
sance, au sens propre comme au
sens figuré, dans le vertige qui
nous saisit devant la violence de
l’extermination. "L’extermination
ne s’engendre pas, écrit-il encore,
et vouloir le faire, c’est d’une cer-
taine façon nier sa réalité, refuser
le surgissement de la violence,
c’est vouloir habiller l’implacable
nudité de celle-ci, la parer et donc
refuser de la voir, de la regarder
en face dans ce qu’elle a de plus
aride, de plus incomparable". Ne
pas céder sur la réalité, la violen-
ce de l’extermination, refuser les
schémas explicatifs d’un objet qui
serait purement d’histoire, cette
éthique du refus de l’engendre-
ment qui va de pair avec l’exigen-
ce de clairvoyance, constituent
en quelque sorte les principes à
la fois éthiques et artistiques qui
m’ont guidé tout au long de mon
travail sur ce film. (…)
Dossier de presse
Filmographie
Long métrage :
Belzec
2005
Documents disponibles au France
Revue de presse importante
Cahiers du Cinéma n°606
Positif n°538
Pour plus de renseignements :
tél : 04 77 32 61 26
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