Objets vOdOu, cOuches de sens
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Objets vOdOu, cOuches de sens

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Objets vOdOu, cOuches de sens
Olivier Schinz
Le baiser de l’artiste Mardi 24 juillet 2007. Tandis que le Musée d’ethnogra -phie de Genève (MEG) prépare l’exposition «Le vodou, un art de vivre» , une jeune femme visite à Avignon l’exposi -tion de la Collection Lambert consacrée à l’artiste améri -cain Cy Twombly. Elle s’appelle Rindy Sam, les journaux nous diront d’elle qu’elle est française, d’origine cambod -gienne, et qu’elle a 30 ans. Devant une toile blanche, entièrement blanche, elle s’arrête un moment, applique un peu de rouge sur ses lèvres et appose un baiser sur la toile. Ayant bien pris soin de mettre un rouge à lèvres indélébile, elle macule ainsi le tableau de son empreinte et, selon ses propres termes, de son «amour». Elle parle de son geste comme d’un geste «artistique». Depuis le siècle dernier au moins, ce genre de perfor -mance n’est pas inhabituel dans le milieu de l’art: on se
. Commissaires: Jacques Hainard et Philippe Mathez, assistés d’Ar -naud Robert, de Gamila Walter et de moi-même. Je dois beau -coup aux discussions menées au sein du groupe de travail. Je remercie également Laurent Aubert, Erica Deuber Ziegler et Geneviève Perret pour leurs lectures attentives qui m’ont obligé à préciser certains arguments de ce texte.
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Objets vodou, couches de sens
souvient des innombrables actions dirigées contre le célè -bre urinoir de Duchamp – coups de marteaux et décilitres d’urine fraîche – ou de celle de l’artiste Bernard Bazile ouvrant en public la non moins célèbre boîte Merda d’ar-tista de Piero Manzoni. Ces gestes ont un point commun: ils s’effectuent sur des œuvres d’art dans le but avoué d’en produire de nouvelles. La matière première n’est pas de la matière brute, mais un artefact déjà travaillé, terminé, une œuvre d’art reconnue comme telle à laquelle l’artiste (pro -fessionnel ou improvisé) fait subir telle ou telle transforma -tion dans le but avoué de lui donner un nouveau sens. Le geste est d’autant plus intéressant lorsqu’il s’agit de Fountain de Duchamp, un ready made , un objet ridicule, un banal urinoir de porcelaine blanche transformé en œuvre d’art par le décret d’un artiste (Duchamp faisant une blague en signant l’objet «R. Mutt 97») et d’autres acteurs du milieu de l’art (ces derniers, notamment les collection -neurs Arensberg dans le salon mondain desquels la blague a été commise, prenant celle-ci au sérieux) 2 . Dans le cas de Fountain , souillé par l’urine d’un performer , on se rend compte de la difficulté pour l’observateur à saisir les trans -formations d’un objet modifié à coups de déclarations et de gestes aux sens multiples et parfois contradictoires. Quelle interprétation donner à de la merde (même si elle est celle d’un artiste), mise en boîte puis remise en pleine lumière par un autre artiste? Bazile, spécialiste d’une réflexion sur l’art, des signes sociaux dans le monde contemporain, avait au préalable mené toute une enquête auprès des acqué -reurs des multiples Merda d’artista de Manzoni, les avait interviewés et filmés avant d’accomplir son «outrage».
2. En 963, à l’occasion d’une rétrospective sur le dadaïsme au Pasadena Museum of Art de Los Angeles, Marcel Duchamp auto -risera une vingtaine de répliques de Fountain .
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