Réunion tripartite de haut niveau sur la crise financière et économique mondiale actuelle (Genève, 23 mars 2009) Lutter contre la crise financière et économique par le travail décent1Table des matières
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Page Résumé analytique ............................................................................................................................ 1Introduction.......................................................................................................................................8I. La crise sétend au monde entier et pourrait avoir de profondes conséquences sociales........ 8II. Réactions à la crise à léchelon national et international ........................................................ 23III. Le travail décent est un élément fondamental de la reprise: un pacte mondial pour lemploi .............................................................................................. 38IV. Améliorerla cohérence des politiques mondiales en vue dune croissance et dun développement plus équilibrés.................................................................................... 55
1Le présent document est également présenté à la Commission de lemploi et de la politique sociale du Conseil dadministration sous la cote GB.304/ESP/2.
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Résumé analytique
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La crise mondiale saggrave 1.de plein fouet par la crise financière et les perspectivesLéconomie mondiale a été touchée nont jamais été aussi sombres depuis la dépression des années trente. Dores et déjà, les plus grands pays développés, notamment ceux doù est partie la crise, sont entrés en récession. Si la propagation à dautres pays a été limitée dans un premier temps, plusieurs pays émergents sont maintenant durement touchés la thèse dun «découplage» de ces économies sétant donc révélée fausse. 2.Les pays en développement subissent eux aussi les effets de la crise, ce qui va compromettre voire dans certains cas réduire à néant la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, y compris laccès universel au travail décent. Cela est dautant plus inquiétant que, déjà avant la crise, le modèle de croissance de certaines régions, notamment de lAfrique, navait que très peu fait reculer la pauvreté. Une grande partie de la population mondiale na toujours pas accès à des conditions de vie et de travail décentes. 3.léconomie réelle par le biais de trois mécanismes quiIl faut souligner que la crise gagne se renforcent mutuellement: la raréfaction du crédit pour les entreprises qui ont besoin de fonds de roulement, pour le financement du commerce ainsi que pour des investissements dans léconomie réelle (crise du crédit); la réticence des décideurs à engager des dépenses, synonyme de production en berne, de chômage et de prix cassés, qui se répercute sur la confiance des consommateurs et des investisseurs (cercle vicieux de la récession); et, enfin, linterdépendance des courants déchanges et des flux dinvestissements internationaux ainsi que les transferts de fonds privés (mondialisation).
... et entraîne un risque de récession prolongée sur le marché du travail ... 4.La crise se fait sentir sur les marchés du travail depuis 2008, en particulier aux Etats-Unis, là où tout a commencé. Au niveau mondial, après quatre années consécutives de baisse du chômage, 11 millions de personnes sont venues grossir les rangs des chômeurs en 2008. Et comme la crise continue de gagner du terrain et que les suppressions demplois se multiplient, le monde pourrait compter 40 millions de chômeurs de plus à la fin de lannée. 5.Certains groupes notamment les femmes, les travailleurs migrants et les jeunes souffrent beaucoup plus que dautres de latonie du marché de lemploi. Dans certains pays, le secteur financier, le bâtiment et lindustrie automobile sont les plus touchés. En général, les secteurs axés sur lexportation, principales sources demplois formels dans de nombreux pays en développement, surtout pour les femmes, sont confrontés à la perspective dun repli rapide des marchés mondiaux. De plus, les pertes demplois ne seront pas les seules manifestations de la crise sur les marchés du travail: les emplois informels et le nombre de travailleurs pauvres vont augmenter et aggraver encore les problèmes déjà existants. 6.Une récession prolongée sur les marchés du travail est le plus grand risque. Les enseignements tirés des crises antérieures montrent que le marché du travail ne se redresse généralement que quatre ou cinq ans après la reprise de léconomie (laquelle nest pas attendue avant la fin de 2009). Cela tient au fait quil est extrêmement difficile de revenir à la normale après une hausse massive du chômage de longue durée et dune
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HTM/1 «informalisation» accrue du marché de lemploi encore accentuée par le retour des travailleurs migrants et dimportants flux migratoires inversés depuis les zones urbaines vers les zones rurales. Si ces tendances se confirment, les effets de la crise se feront durablement sentir, provoquant par là même de graves problèmes sociaux et privant léconomie de précieuses ressources.
... ce qui constitue une menace pour la stabilité sociale 7.La situation sera particulièrement difficile dans les pays en développement où la protection sociale est souvent limitée. Or, même dans les pays émergents et dans un certain nombre de pays développés, la plupart des personnes à la recherche dun premier emploi ne perçoivent pas dallocations de chômage. En conséquence, des millions de travailleurs vont se retrouver sans laide dont ils auraient besoin. 8.Les régimes de retraite sont mis à rude épreuve en raison de leffondrement des marchés de capitaux. Les placements effectués par des caisses de retraite privées se sont soldés par de lourdes pertes. Même si la situation est souvent exposée dans un jargon excessivement technique, une chose est claire: les droits à pension des travailleurs qui dépendent de ce type de caisse ont été amputés de plus de 20 pour cent, en moyenne. Dans certains pays, les retraités eux-mêmes sattendent à voir leur pension diminuer. Il est important de relever que les régimes publics de retraite bien conçus ont beaucoup moins souffert que les régimes privés. Cest ce qui explique que certaines organisations internationales ont évolué dans leur position et préconisent dorénavant de privilégier des régimes publics de retraite plus stables et davantage axés sur la sécurité. Cette évolution est vraiment la bienvenue, même si le mal est déjà fait et même sil sera difficile de redresser la barre. 9.est préoccupant de constater que la crise népargne aucune catégorie deEnfin, il population, alors que les fruits de la période de croissance qui la précédée nont pas été équitablement répartis. 10.En résumé, une crise sociale se dessine très nettement et ne pourra être évitée que si des mesures adaptées sont prises rapidement.
Les pays ont tenté de contrer la crise en adoptant des mesures radicales pour renflouer le secteur financier et en annonçant des plans de relance budgétaire 11.Pour lheure, la priorité a principalement été donnée à la stabilisation des marchés financiers et au rétablissement du crédit. Dans un même temps, afin de stimuler léconomie, de nombreux pays ont annoncé des plans de relance budgétaire réductions dimpôts et augmentations des dépenses dont lampleur est variable. Plusieurs pays ont également pris des dispositions pour atténuer les répercussions de la crise sur le marché du travail et sur le plan social. Toutefois, les montants alloués aux mesures de sauvetage financier sont le plus souvent très largement supérieurs à ceux affectés aux dispositifs budgétaires mis en place pour relancer la demande, la production et lemploi.
... mais pour lheure les plans nont pas les effets escomptés ... 12.Il est louable que les pays aient réagi si vite, compte tenu du temps qui sécoule avant que les effets des plans de relance se fassent sentir sur léconomie réelle, mais ces effets ne sont pas encore perceptibles à ce jour. Daprès lanalyse de 40 plans de relance et de sauvetage réalisée aux fins du présent document, cela tient au fait que les mécanismes de
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HTM/1 transmission de la crise nont pas été pleinement pris en compte. Et bien souvent les mesures ne sont pas attaquées aux déséquilibres structurels qui sous-tendent la crise.
parce que le système du crédit na pas été redynamisé 13.Premièrement, les mesures de sauvetage en faveur des banques, en dépit de leur ampleur sans précédent, nont pas permis de rétablir le crédit bancaire. Pour éviter le risque deffondrement systémique, les pays développés ont renfloué des institutions financières en injectant des capitaux, en accordant des garanties de prêts et parfois en prenant purement et simplement en charge des créances douteuses. En fait, on a considéré, à juste titre, quil fallait avant tout maintenir la solvabilité des établissements bancaires et rouvrir les vannes du crédit pour les entreprises et les ménages si lon voulait éviter leffondrement total du système financier et ses effets imprévisibles sur léconomie réelle. Laccès au crédit bancaire nen reste pas moins limité.
... les plans de relance budgétaire ne mettent pas suffisamment laccent sur le travail décent et, faute dêtre coordonnés, ne parviennent pas à donner une nouvelle impulsion à léconomie 14.Deuxièmement, les mesures de relance budgétaire annoncées par les pouvoirs publics nont pas la même ampleur que laide apportée aux banques. En outre, elles ne sont pas suffisamment axées sur lemploi et la protection sociale. Par exemple, seuls quelques pays ont annoncé des mesures daide à lemploi; les programmes dinfrastructure ne tiennent pas assez compte de la nécessité de renforcer les capacités existantes des entreprises et la formation professionnelle si bien quune partie des dépenses dinfrastructure risquent dentraîner une hausse des prix et non pas une augmentation de la production ni la création demplois; et, enfin, les réductions dimpôts auront pour effet en partie dalimenter lépargne au lieu daccroître la demande, la production et le niveau de lemploi. En outre, ces mesures ne prévoient quun dialogue social limité avec les employeurs et les syndicats et ne sont pas suffisamment coordonnées entre les différents pays. 15.Labsence de coordination internationale réduit bien entendu leffet global des mesures de relance. De plus, elle dissuade chaque pays de réagir plus vite que ses partenaires commerciaux, en raison des chaînes dinterdépendance qui les relient au niveau international. En conséquence, il se peut que la mise en uvre concrète des plans de relance budgétaire soit encore différée, ce qui alimenterait toujours plus le cercle vicieux de la dépression.
solutions individualistes, dévaluations concurrentielles et déflation salariale sont autant de risques pour les marchés mondiaux 16.Troisièmement, la crise du crédit (qui assèche les sources de financement du commerce dont disposent les entreprises) dont souffrent les marchés mondiaux risque de donner lieu à des solutions individualistes et à des réactions protectionnistes. Les répercussions sur les pays en développement, si tributaires des marchés mondiaux, seraient particulièrement graves. Aussi faut-il que le système multilatéral reste vigilant face aux pressions grandissantes qui sexercent pour quun soutien soit accordé à des secteurs stratégiques, tels que celui de lautomobile. De même, il serait contre-productif de chercher à surmonter la crise en procédant à des dévaluations concurrentielles.
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HTM/1 17.Une baisse généralisée des salaires en vue de protéger les économies aurait un effet encore plus aggravant quune vague de dévaluations concurrentielles. En fait, une diminution des salaires priverait léconomie mondiale dune demande dont elle a grand besoin et ébranlerait fortement la confiance. Les politiques douverture, si déterminantes pour la reprise, risquent également de susciter des réactions très hostiles, si les travailleurs considèrent les mesures prises comme inéquitables.
peu dattention a été accordée à la question du développement 18.Quatrièmement, la problématique du développement na pas fait lobjet dune attention suffisante. Les conséquences sociales de la crise dans les pays en développement sont amplifiées par le fait que la majorité des travailleurs et des petites entreprises nont accès à aucune forme de protection sociale. Daprès les prévisions, entre 40 et 50 pour cent des habitants de la planète, hommes et femmes confondus ainsi que leur famille, nauront pas les ressources financières requises pour dépasser le seuil de pauvreté (2 dollars des Etats-Unis par jour) en 2009. 19.pays en développement nont pas les moyens dengager desEn outre, de nombreux investissements publics massifs. Beaucoup ont déjà un budget et une balance des opérations courantes largement déficitaires à cause de la flambée des prix des denrées alimentaires et du pétrole qui sest produite au deuxième semestre de 2008. Si lécart se creuse davantage entre les pays en raison de leur capacité inégale de faire face à la crise, les déséquilibres et les disparités saccentueront à léchelle mondiale. 20.Les programmes au moyen desquels le Fonds monétaire international (FMI) vient habituellement en aide aux pays qui connaissent des difficultés de balance des paiements ne sont pas du tout adaptés à la situation actuelle. Ces programmes reposaient sur lidée que les pays étaient confrontés à des crises locales dont ils étaient eux-mêmes les principaux responsables. Or la crise actuelle est une crise mondiale qui a pris son origine dans le monde développé. La multiplication de programmes de sauvetage classiques aggraverait encore la baisse de la demande dans le monde et prolongerait indéfiniment la crise. Cest pourquoi un nouveau mécanisme, qui coexisterait avec les programmes du FMI sans sy substituer, est nécessaire.
et on ne sest pas attaqué aux causes structurelles de la crise 21.Cinquièmement, à ce stade, les mesures de relance nont pas été mises en place dans loptique dune croissance mondiale plus équitable et plus durable à court et moyen termes. Les déséquilibres mondiaux, le déficit de travail décent et les inégalités ont été pour beaucoup dans la crise actuelle. De même, à cause dune piètre réglementation des marchés financiers, léconomie réelle a été poussée vers le profit immédiat, parfois au détriment du revenu des travailleurs et des intérêts à long terme des entreprises. Pour favoriser la reprise, réduire le risque dune autre crise systémique majeure et faire naître un sentiment déquité, il faut absolument sattaquer aux causes profondes de la crise. Le retour au statu quo ne saurait être une solution.
Une mesure nécessaire: linstauration dun pacte mondial pour lemploi 22.Il est capital de poursuivre la mise en uvre de lAgenda du travail décent pour soutenir la reprise économique, prévenir les soubresauts du marché du travail et les crises sociales et
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HTM/1 assurer la cohésion sociale autour des mesures. Dans le contexte de la crise actuelle, le meilleur moyen dy parvenir est un pacte mondial pour lemploi. 23.Etant confrontés à une crise qui touche la totalité de la planète, il importe que nous mettions en uvre une stratégiemondialeet, par souci defficacité, que nous nous gardions soigneusement des solutions de type protectionniste. Si la question de lemploi est pour nous au cur du débat, cest parce que comme nous le verrons au fil de ce document il ne sera pas possible de relancer durablement léconomie sans mettre résolument au premier plan lemploi décent et productif pour les hommes et les femmes, une protection sociale bien conçue et les droits des travailleurs. Sil est indispensable, au niveau national, de sappuyer sur le dialogue social pour assurer une mise en uvre optimale des mesures, le renforcement de la coopération internationale peut également exercer un effet dentraînement dont tous les pays pourront bénéficier, doù la nécessité dunpacte. 24.Ce pacte mondial pour lemploi sinspirerait de lAgenda global pour lemploi de lOIT et de la déclaration faite par le bureau du Conseil dadministration en novembre 2008. Sa finalité essentielle serait de soutenir la reprise économique par des politiques axées sur le travail décent, déviter une propagation encore plus forte de la crise et de poser des jalons pour linstauration dune mondialisation plus durable et plus équitable. 25.Pourrelancer le crédit, les pouvoirs publics devraient envisager de: subordonnerde laide financière, notamment la prise en charge des actifs loctroi toxiques par les gouvernements, à un certain nombre de conditions: les banques qui en bénéficieront devront accorder de nouveaux crédits pour des projets viables dentreprises ou de particuliers; la rémunération des dirigeants sera limitée et les dividendes des actionnaires seront moins généreux, afin que laction des gouvernements ne passe pas à côté de lobjectif véritable qui est la relance du crédit; des lignes de crédit aux petites entreprises, importants vecteurs de proposer linnovation et de la croissance de lemploi, et leur ménager un accès direct aux prêts publics, afin quelles soient en mesure de poursuivre leurs activités (et, le cas échéant, de tirer parti de nouveau débouchés) en attendant le redressement de la demande. 26.Des plans de relance budgétaire dynamiseraient davantage léconomie et lemploi, tout en se révélant moins coûteux que les programmes actuels, à condition que: dinfrastructures, de construction et de logements utilisent les les projets en matière capacités dentreprises existantes, en aidant les petites et moyennes entreprises (PME) à tirer parti des nouvelles opportunités, en faisant en sorte que les travailleurs aient les qualifications requises pour répondre aux nouvelles exigences, et en favorisant les volets rural et agricole, extrêmement importants pour les pays en développement car ils contribueront non seulement à dynamiser léconomie nationale et le marché de lemploi mais aussi à faire reculer la menace de la crise alimentaire; que le lancement des projets en matière dinfrastructures, de construction donné étant et de logements prend toujours un certain temps, il serait souhaitable de: soutenir les emplois existants dans les entreprises viables, en réduisant la durée du travail, en indemnisant partiellement le chômage et en mettant en place des programmes de formation; réduire les charges sur les bas salaires; et renforçer la protection sociale par des programmes bien conçus aptes à soutenir la demande globale sans décourager le travail. On pourrait notamment prévoir des transferts conditionnels destinés à favoriser laccès à léducation et à la santé, et des transferts non conditionnels dans les pays frappés par la pauvreté et sous-administrés. Des mesures structurelles seront néanmoins nécessaires pour assurer une protection sociale à grande échelle;