2014 - Les enjeux Les enjeux Les électorats de Marine Le Pen ou les contraintes du succès N°2 Novembre 2013 Luc Rouban Directeur de recherche CNRS www.cevipof.com Centre de recherches politiques www.cevipof.com 2014 - Les enjeux Les électorats de Marine Le Pen ou les contraintes du succès N°2 Novembre 2013 L’électorat du Front national (FN) n’est pas homogène. Il est tentant de l’opposer globalement à celui de Nicolas Sarkozy¹ mais on se prive alors des Luc Rouban moyens de déceler les potentialités réelles d’un rapprochement entre eux ou de mesurer la capacité d’évolution électorale du FN.Directeur de recherche CNRS Pour comprendre ce qui s’est joué lors de la présidentielle de 2012, qui voit l’électorat frontiste se renforcer en cassant la dynamique créée par Nicolas Sarkozy en 2007, il faut identifier les trajectoires précises empruntées par les électeurs entre les deux élections. Pour ce faire, nous nous appuierons donc sur les données non pondérées de la vague 12 de l’enquête Présidoscopie de 2012.
Les électorats de Marine Le Pen ou les contraintes du succès
N2 Novembre 2013
Luc Rouban Directeur de recherche CNRS
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Les électorats de Marine Le Pen ou les contraintes du succès Lélectorat du Front national (FN) nest pas homogène. Il est tentant de lopposer globalement à celui de Nicolas Sarkozy¹ mais on se prive alors des moyens de déceler les potentialités réelles dun rapprochement entre eux ou de mesurer la capacité dévolution électorale du FN. Pour comprendre ce qui sest joué lors de la présidentielle de 2012, qui voit lélectorat frontiste se renforcer en cassant la dynamique créée par Nicolas Sarkozy en 2007, il faut identifier les trajectoires précises empruntées par les électeurs entre les deux élections. Pour ce faire, nous nous appuierons donc sur les données non pondérées de la vague 12 de lenquête Présidoscopie de 2012.
Parmi les électeurs qui votent en faveur deUne sociologie différente Marine Le Pen en 2012, on peut distinguercinq trajectoires: ceux qui, en 2007, ont votéLes analystes ont remarqué une évolution Jean-Marie Le Pen (38%), ceux qui ont voté générale de lélectorat du FN entre ce quil était Nicolas Sarkozy (21%), ceux qui ont voté pour du temps de Jean-Marie Le Pen et ce quil est lun des candidats de lextrême-gauche ou de la devenu avec sa fille. Cet électorat sest rajeuni, gauche (13,5%), ceux qui ont choisi le vote blanc féminisé et déchristianisé³. Il sest diffusé au-delà ou nul ou bien encore labstention (BNA, soit du monde ouvrier ou du petit commerce pour 13%), et enfin ceux qui ont voté en faveur de concerner de nouveaux secteurs dactivité, y François Bayrou (4,5%)². Cela veut dire que les plus réfractaires au vote FN, comme compris lélectorat nucléaire du FN (en ne remontant quà la fonction publique⁴. 2007) a compté pour moins de la moitié des voixengrangées par Marine Le Pen en 2012. Les électeurs ayant choisi le vote blanc, nul ou labstention ou bien ayant voté pour un candidat de gauche au premier tour de la présidentielle de 2007 puis pour Marine Le Pen
¹CAUTRÈS (Bruno) et STRUDEL (Sylvie), Les ux à lintérieur de la droitede capacité centripète de Nicolas Sarkozy: la perte Pascal Perrineau (dir.),La décision électorale en 2012, Paris, Armand Colin, Recherches, 2013, pp. 109-128. ²Il reste environ 10% de cas divers représentés par les votes en faveur des autres candidats de la droite parlementaire en 2007, trop peu nombreux pour quon puisse les analyser ici, et par les valeurs manquantes (refus de répondre et personnes nayant pas eu lâge de voter en 2007). Les trajectoires du vote FN en 2012 réunissent des sous-échantillons aux effectifs faibles mais suffisants pour des calculs simplesavaient voté pour le FN en 2007, 138 pour Nicolas Sarkozy, 90 pour la gauche ou lextrême-gauche, 87 ont voté: 254 personnes blanc, nul ou se sont abstenues (BNA), 30 avaient voté pour François Bayrou, sous-échantillon à manier avec précaution. Par ailleurs, des trajectoires particulières existent, comme celle des personnes ayant voté FN en 2007 puis Nicolas Sarkozy en 2012 (64 personnes). Enfin, les trajectoires principales réunissent évidemment des sous-échantillons plus importants: en 2007 comme en 2012, 102 personnes ont choisi le BNA, 222 François Bayrou, 724 Nicolas Sarkozy et 1197 lun des candidats de la gauche ou de lextrême-gauche. ³PERRINEAU (Pascal), Lélectorat de Marine Le Pen: ni tout à fait le même ni tout à fait un autre, Pascal Perrineau (dir.),Le vote normal, Les élections présidentielle et législatives davril-mai-juin 2012, Paris, Presses de Sciences Po, Chroniques électorales, 2013,pp. 227-247. ⁴ ROUBAN (Luc), Le vote des fonctionnaires en 2012 ou la crise de lappareil dÉtat,Revue française dadministration publique, Les téléservices publics , n 146, 2013/2, pp. 465-479. http://dx.doi.org/10.3917/rfap.146.0465
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en 2012 sont avant tout des femmes, employées, faiblement diplômées, jeunes (un tiers a moins de 35 ans) et disposant dun patrimoine très faible. Mais ces deux groupes se distinguent sur un point essentiel, la religion. Alors que les personnes de tradition ou de culture chrétienne ne comptent que pour 41% dans le premier groupe, 48% se déclarant sans religion, elles en constituent 72% dans le second. Étant donné la forte portée politique de lancrage religieux, il est donc difficile dassocier ces deux sous-groupes dans un espace commun.
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Ces diverses caractéristiques sont présentées dans le tableau 1 en les comparant à celles de lélectorat fidèle à Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012. Comme on peut le voir, ce dernier est très différentpuisquil est composé dune forte proportion relative de cadres, et donc de diplômés, ainsi que de retraités, de personnes ayant un patrimoine et dune proportion très réduite douvriers. Le groupe des électeurs fidèles au candidat de lUMP se distingue donc, du moins sur le plan socioéconomique, de celui des transfugesqui labandonnent en 2012.
Lélectoratayant voté pour Nicolas Sarkozy en 2007seLfiorpuae–1blTa-oicoslqimonocééesdueatorctleFNsud102ne2trajparireectoceléarotdel02eà07012(%2) puis pour la candidate du FN en 2012 est beaucoup plus masculin, chrétien à 78%, sensiblement plus âgé puisque la proportion des 60 ans et plus atteint les 30%,eyoMGennSayozyozrkyaorBlaiStknrnuoleauchFNBNA et comprend donc davantage de retraités. SonzokrahcéFN-Sa-F-N-NF-FNFN-patrimoine moyen est plus important et lon y trouve 53Femmes 62 51 54 43 41 66 davantage de représentants des professions 29de 29 19 intermédiaires et de cadres.sn53aMnsoi17251028 35-60 ans 53 59 59 53 46 37 45 Le groupe de ceux qui ont voté dabord François 18 1460 ans et 30 23 51 30 27 Bayrou en 2007 puis Marine Le Pen en 2012 luieiialbF331534204236oine30 ressemble assez. On le mentionne ici sous réserve dem la taille réduite du sous-échantillon (30 personnes).Sous le Bac 43 38 30 50 27 43 45 Ce groupe est encore plus masculin, de tradition 78 78 77 63 49Tradition 72 59 chrétienne à 77%, et lon y trouve une proportionchrétienne relativement importante de cadres ou de membresSans religion27 48 36 23 21 20 38 des professions intermédiaires. Cest aussi le groupe 31 23 15 21Cadres 8 9 12 le plus diplômé et le plus doté en patrimoine. 19 22 22 15 27Prof. inter. 16 13 Il reste enfin lélectorat fidèlecomposé de ceux qui ontEmployés 43 39 26 31 26 27 35 voté FN en 2007 comme en 2012. Cest le groupe le plusOuPvertiit 16ers 20 17 24 7 21 13 masculin, où lon trouve le plus douvriers et de chômeursanndpedéinsst 6 06 5 8 8 6 et la population la moins diplômée. La traditionChômeurs 4 0 6 3 9 9 6 chrétienne y est encore majoritaire (63%) mais en retrait. La proportion de personnes âgées de 60 ans et plus ou 15Retraités 19 28 31 49 30 26 retraitées en représente environ le quart mais la grandeNote: la tradition chrétienne regroupe toutes les obédiences majorité de ce groupe est composée de quadragénairesquelle que soit la pratique; le patrimoine faible est le fait de se ou de quinquagénaires.situer en bas de lindice de patrimoine construit sur la base de trois critères: le fait dêtre propriétaire de sa résidence principale, dune résidence secondaire et de valeurs mobilières.
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Lélectorat FN se distingue de tous les autres électorats par sa précarité économique. Pour mesurer cette situation, on a créé un indice de précarité reposant sur le fait dêtre confronté à un fort risque de chômage, de sen sortir difficilement ou très difficilement avec les revenus du ménage, de travailler en CDD ou sur des contrats aidés ou bien encore de travailler à temps partiel. On dispose donc dun indice allant de 0 à 4 dont la moyenne pour lensemble des électeurs se situe à 0,92. Le tableau 2 présente la situation respective de chacun des itinéraires électoraux conduisant au vote FN en 2012 et celle de chacun des électorats fidèles de la gauche, de François Bayrou, de Nicolas Sarkozy ou du choix BNA. Comme on peut le voir, litinéraire Gauche en 2007 – Marine Le Pen en 2012caractérise lélectorat le plus précaire alors que les transfuges qui ont quitté Nicolas Sarkozy en 2012 au profit de la candidate du FN sont moins touchés par la précarité. Néanmoins, le degré de précarité de tout lélectorat FN, quel que soit son itinéraire, est bien plus marqué que celui de lélectorat de gauche (0,92 soit la moyenne) et même que celui de ceux qui se sont réfugiés dans le refus de vote (BNA) en 2007 comme en 2012. De toute évidence, Marine Le Pen est la candidate des électeurs en situation de précarité même si cette situation est loin dêtre homogène.
Tableau 2 – Indice de précarité de chaque électorat en 2012
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Des valeurs divergentes Lexamen des valeurs économiques et sociales montre par ailleurs deux choses. La première tient à ce que le noyau dur de lélectorat fidèle au FN est plus libéral sur le plan économique que les électorats provenant de la gauche ou du choix BNA. La composante la plus libérale sur le terrain de la redistribution fiscale cest-à-dire la moins daccord avec : Pour la justice sociale, il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres est celle qui a voté en 2007 pour Nicolas Sarkozy. De la même manière, le noyau dur de lélectorat FN fidèle de 2007 à 2012 se distingue par son rejet de limmigration et sa critique de la transformation subie par la société française (On ne se sent plus chez soi comme avant) bien au-delà des attitudes partagées par les autres composantes du vote en faveur de Marine Le Pen. Enfin, quil sagisse de valeurs économiques ou sociales, la différence entre les diverses composantes du vote FN et le vote de lélectorat fidèle à Nicolas Sarkozy est agrant, ce qui semble réduire à néant tous les espoirs de récupération par lUMP de lélectorat frontiste, du moins si lon sen tient à ces deux terrains. Tableau 3 – Quelques représentations sociales en 2012 (%)
Pour la justice sociale il faut prendre aux riches pour donner 27 9 22 30 2936 32 aux pauvres dIlimymaitgrroéps 37 29 70 6558 62 77 chOeznsnoeicsoemsemnetpalvuasn 56 30 70 5749 61 26
Note: pour les questions des trois lignes, on na retenu que la modalité tout à fait daccord qui est la plus significative.
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Lesenjeux pour la France ne sont pas eux-mêmes distribués de manière homogène. Seuls les électeurs du noyau dur FN qui ont voté pour son candidat en 2007 et 2012 placent nettement en tête la question de limmigration (63%) suivie, loin derrière, par le pouvoir dachat (40%). Si les abstentionnistes de 2007 qui votent FN en 2012 citent encore en tête limmigration, cest avec moins de conviction (48%) et citent en second, et très près, le chômage (42%). En revanche, ceux qui viennent de la gauche citent dabord le pouvoir dachat (52%) puis limmigration (46%). Ceux qui avaient voté François Bayrou en 2007 mettent au-dessus de tout la crise économique (61%) puis limmigration (50%). Et ceux qui avaient voté Nicolas Sarkozy citent en premier limmigration (57%) mais tout de suite après le pouvoir dachat (51%). Lélectorat fidèle de Nicolas Sarkozy place en premier la crise économique (64%) suivie par les déficits (49%). Si limmigration reste le fil rougedu vote FN, elle est clairement rapportée à la situation économique, ce que lon peut interpréter soit comme de la xénophobie soit comme la réaction de pauvres et de précaires confrontés au dumping social lié à la mondialisation. ce titre, on remarque que la question de linsécurité passe toujours après la question de la crise économique quelle que soit la trajectoire qui mène au vote FN.
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défendre un libéralisme national de type mercantiliste, bien que ce policy mixne soit pas du goût de tous les électorats FN.
Tableau 4 – Les représentations économiques des électorats FN -Ce qui paraît positif (%) - Evolution de 2007 à 2012 y Sarkozy Gauche BNA FN Bayrou SarkozMoyenne F-NF-NF-NF-N--éch illon FN Sarkozant
États-Unis 57 73 61 55 5444 38 UE 80 62 35 44 2731 25 Mondialisation 32 24 47 16 1713 18 Capitalisme 28 62 3313 19 33 24 Libéralisme 46 45 31 56 6935 33 Profit 28 38 60 4028 29 36 Marché 49 4546 35 52 47 77 Privatisations 41 28 3228 22 33 58 Socialisme49 25 10 15 21 19 56 Protectionnisme65 62 63 72 61 48 50 LÉtat doit contrôler les 5771 60 59 60 41 37 entreprises liIbnédricaleisdmee 2,45 1,21 1,26 1,751,25 1,08 1,5 Note: lappréciation positive de chaque item réunit les représentations assez positives et très positives.La question sur le rôle de lÉtat est dichotomique. Lindice de libéralisme présente la moyenne obtenue par chaque électorat reposant sur un indice composé de quatre variables (représentation du libéralisme, du profit, du marché et des privatisations).
Sur le seul terrain des représentationsUn électorat instable économiques, les variations ne manquent pas non plus entre les diverses trajectoires menant auLanalyse des votes au second tour de vote FN en 2012. De plus, comme on peut le lélection présidentielle de 2012 montre que constater sur le tableau 4, lélectorat nucléaire du lélectorat de Marine Le Pen est instable car, sil FN est à la fois plus libéral, plus favorable au semble rejeter dos à dos François Hollande et capitalisme et plus protectionniste (et donc plus Nicolas Sarkozy quant à leur capacité daction hostile à lUnion européenne et à la limitée sur la situation économique ou sociale, il vote mondialisation) et plus favorable au contrôle de assez souvent pour lun des deux protagonistes au lÉtat sur les entreprises que la moyenne des second tour et ne se réfugie pas systématiquement Français. On retrouve ici les arguments venant dans labstention ou le vote blanc et nul.
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Lindifférenciation de François Hollande et de Nicolas Sarkozy semble marquer lélectorat FN sur la base du rejet de lUMPS dénoncé par les dirigeants du parti. Cependant, là encore, les diverses composantes de cet électorat ne réagissent pas de la même façon à une batterie de questions portant sur la capacité quaura François Hollande de se démarquer de Nicolas Sarkozy.
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Tableau 5 – Le degré de scepticisme sur la capacité de changement socioéconomique de François Hollande par trajectoireélectorale (indice)
On a donc créé un indice de scepticisme mesurant le nombre de fois où les électeurs pdiefnfséerentnciqeuredFerasnoçonisprHéodlléacnedsseeunre,pcoesurrqauepsatisonsseNote: la moyenne est celle de tout léchantillon de lenquête. portant à la fois sur la situation économique etCette diversité dattitudes à légard de la sociale⁵ se confirme lorsquon étudie le second gauchede 0 à 6 et sa moyenne. Cet indice va pour lensemble de léchantillon est de 1,89. tour de la présidentielle. Au total, selon lenquête Comme le montre le tableau 5, on enregistre Présidoscopie, les électeurs de Marine Le Pen ont ici encore des résultats contrastés entre les divers choisi Nicolas Sarkozy en priorité au second tour électorats de Marine Le Pen. Mais ce scepticisme (57%) suivi par François Hollande pour lequel ils se prononcent tout de même à hauteur de 22%, npreécsauriitté,paosnpdoeurrmaaitnipèrreesqluineédaiirreeqlueildevagrriéeednecequiconfirmelexistencedungaucho-fonction inverse. Selon lélectorat, ce scepticisme lepénisme⁶ par labstention et le vote, puis est nourri par le rejet politique (cest évidemment blanc et nul (21%). lpearcalesfdaetalliéslemceto(rcatesfitdsèalnesddeouNtiecolleascaSsardkeoszyB)NAo)u.LechoixfinalvariecependantassezOn remarque que lélectorat FN venu soit de la fortement selon la trajectoire électorale: les électeurs fidèles du FN choisissent Nicolas gauche soit du centrisme (vote pour François Sarkozy à hauteur de presque 59% des inscrits Bayrou en 2007) pense plus souvent que les alors que les transfugesqui ont abandonné ce laeuttreersraqiunesForciaonéçcooisnoHmoillqauned.eLepsouprlruasinscneopvteirquseusrdernierauprofitdeMarineLePenaupremiersont ceux qui ont abandonné Nicolas Sarkozy en tour le choisissent encore au second à hauteur de 2012. Cela veut dire que le rejet de la gauche est 79%.En revanche, ceux qui ont avaient voté à loin dêtre uniforme au sein de lélectorat FN. gauche en 2007 puis Marine Le Pen en 2012 se reportent sur François Hollande à concurrence de 57% alors que seuls ceux qui se sont abstenus en 2007 puis ont voté FN en 2012 affichent un score BNA de lordre de 30%.
⁵mesurant le nomb e de réponses négatives aux questionsIndice Hollande pourra-t-il mener une politique différente de: François r celle de Nicolas Sarkozy sur la politique économique, sur lemploi, la dette et le déficit publics, le pouvoir dachat des Français,la politique dimmigration et lécole. ⁶PERRINEAU (Pascal), La dynamique du vote Le Pen: le poids du gaucho-lepénisme, Pascal Perrineau et Colette Ysmal (dir.), Le Vote de crise : lélection présidentielle de 1995, Paris, Département détudes politiques du Figaro et Presses de Sciences Po, 1995,pp. 243-261. http://www.cairn.info/le-vote-de-crise-l-election-presidentielle-de-1995--9782724606787-page-243.htmwww.cevipof.com
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Parailleurs, on remarque que lélectorat FN se décide entre les deux candidats du second tour et ne choisit pas massivement labstention, bien que les dirigeants du parti aient souvent appelé dans le passé à labstention massive pour exprimer son rejet de loffre politique notamment à la présidentielle de 1995 et de 2007 et que Marine Le Pen ait déclaré naccorder ni confiance ni mandat aux deux candidats en lice pour le second tour de 2012.
Tableau 6 – Le choix au second tour par itinéraire électoral
Note: la moyenne est celle de tout léchantillon de lenquête. Le vote en faveur de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2012 est celui des électeurs les plus précaires. En ce sens, la réorientation politique du FN est réussie puisquil ne passe plus pour le parti de lancienne extrême-droite lié à la guerre dAlgérie mais pour le parti des pauvres, des exclus, jeunes ou retraités, et des petits blancs. On peut alors douter de la thématique de la porositéentre lélectorat FN et celui de lUMP. Même si on ne prend en considération que les électeurs ayant quitté Nicolas Sarkozy pour Marine Le Pen en 2012, on voit quils nappartiennent pas à la génération des fidèles à Nicolas Sarkozy et quils ne partagent ni le même statut social ni les mêmes valeurs. La question
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centrale nest donc pas celle de la porosité des électorats FN-UMP mais bien celle de la captation du vote des pauvres, qui votent à gauche ou ne votent pas du tout. Mais aller vers la gauche et les exclus, cest faire le grand écart avec les élites sociales qui manquent cruellement au FN pour asseoir ses réseaux sur le tissu économique, lappareil dÉtat ou les grandes collectivités locales.
Lautre stratégie est celle de la plus grande ouverture, y compris à lélectorat UMP ou à lélectorat centriste. Cette diversité politique atteinte en 2012 crée cependant de lincohérence. En ce sens, le débat sur le vote protestataireest biaisé puisque, si le vote FN réunit des mécontents de lUMP, de la gauche, voire de François Bayrou, ou bien exprime le rejet du système politique, une grande partie des électeurs de Marine Le Pen a bien effectué un choix électoral au second tour, sinscrivant de gré ou de force dans la logique des institutions de la VᵉRépublique. Cette protestation ne va donc pas jusquau bout, du moins tant que le candidat du FN narrive pas au second tour de la présidentielle. Le paradoxe tient à ce que linscription du vote FN dans la normalité institutionnelle le rend instable dans la mesure où il réunit un électorat de gauche minoritaire et un électorat de droite majoritaire qui nont pas grand-chose en commun. Cest sans doute ici que se situe la limite de toute mise en phase des protestations portées en octobre 2013 par le mouvement des Bonnets rougesdont le caractère hétéroclite est manifeste. Aux sursauts de mobilisation électorale peuvent succéder des moments de déclin brusque. Rien nest donc acquis pour le FN malgré sa progression dans les urnes depuis 2012.
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Pour aller plus loin :
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> CAUTRÈS (Bruno) et STRUDEL (Sylvie), Les ux à lintérieur de la droite: dune victoire centripète à la défaite centrifuge, Pascal Perrineau (dir.),La Décision électorale en 2012, Paris, Armand Colin, Recherches, 2013, pp.109-128.
> PERRINEAU (Pascal),La dynamique du vote Le Pen: le poids du gaucho-lepénisme, Pascal Perrineau et Colette Ysmal (dir.),Le Vote de crise: lélection présidentielle de 1995, Paris, Département détudes politiques du Figaro et Presses de Sciences Po, 1995, pp.243-261. http://www.cairn.info/le-vote-de-crise-l-election-presidentielle-de-1995--9782724606787-page-243.htm
> PERRINEAU (Pascal), L'électorat de Marine Le Pentout à fait le même, ni tout à fait: ni un autre, Pascal Perrineau (dir.),Le Vote normal: les élections présidentielle et législatives davril-mai-juin 2012, Paris, Presses de Sciences Po, Chroniques électorales, 2013, pp.227-247.
> ROUBAN (Luc), Le vote des fonctionnaires en 2012 ou la crise de l'appareil d'État,Revue française d'administration publique, Les téléservices publics, n146, 2013/2, pp.465-479. http://dx.doi.org/10.3917/rfap.146.0465