Tout dans une ville demeure invisible, tout, et par-dessus tout, la ville saisie comme totalité. On dira que nous disposons maintenant des cartes satellites qui nous permettent de zoomer à tous les niveaux, si commodément que lon peut, en quelques clics, passer de lIle-de-France au toit de limmeuble où nous habitons. On a donc bien le droit, pour une fois, à propos de Google Earth ou du site de lInstitut géographique national, de parler dun panoptique, puisquon embrasse toute la ville» et que lon peut, en même temps, descendre en continu jusquà son moindre détail. Mais non, vous nembrassez »rien, vous ne voyez rien, vous ne descendez pas en continu » ! Lillusion est puissante, je le reconnais ; il est délicieux de jouer aux montagnes russes en montant et descendant du tout aux parties jusquà en avoir mal au cœur, mais si vous vous prenez pour celui qui voit tout, vous vous mettez le doigt dans lœil. Cest comme de confondre un jeu vidéo avec la pratique dun match de rugby. Dailleurs, les photos satellites sont datées, elles ne sont pas en temps réel ».Ce que vous voyez, cest la ville, votre quartier, votre immeuble comme il était il y a quelques mois, quelques années, en tous cas à une autre saison, sous un autre éclairage, et daprès le plus improbable des points de vue – le moins informatif aussi : que vous importe de voir le toit de votre immeuble, êtes-vous poseur dantennes ou ramoneurs de cheminées ?Le rafraîchissement des images se fait à des pas de temps bien trop grossiers pour que vous soyez en face dautre chose que lillusion de voir tout en direct– sans parler des pixels qui mutent rapidement en de gros carrés brunâtres dès que vous sortez des sentiers battus. Que serait une vision de Paris dont le rafraîchissement serait si rapide que lon pourrait se trouver en temps réel et, surtout, enespace réel? Pour rafraîchir lespace et le rendre un peu plus réaliste, ce nest pas vers une carte quil faut se tourner, quel que soit le nombre de ses pixels, mais vers lesoligoptiques. Je désigne par ce néologisme les étroites fenêtres