Pourquoi offre-t-on une bague avec un diamant quand on se fiance ?
4 pages
Français

Pourquoi offre-t-on une bague avec un diamant quand on se fiance ?

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
4 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Ce que vous appelez l'amour a été ’ invente par des gars comme nous pour vendre des bas nylons. Don Draper Mad Men Pourquoi ofre-t-on une bague avec un diamant quand on se fiance"? Quand un homme demande une femme en PDULDJH LO HVW GH FRXWXPH TX­LO OXL RIIUH XQH EDJXH VHUWLH G­XQ GLDPDQW $SUqV WRXW TXHO plus beau symbole de son amour pourrait-il OXL RIIULU " /H GLDPDQW HVW DXVVL SUpFLHX[ SXU et, surtout, aussi indestructible que son amour. Cette tradition est ancienne, puisque la première bague est offerte en 1477 par MaximiOLHQ ,HU GH +DEVERXUJ j 0DULH GH %RXUJRJQH 0DLV j SDUW OXL SUHVTXH SHUVRQQH Q­HQ RIIULW SHQGDQW GHV VLqFOHV (W FH Q­HVW TX­j SDUWLU GHV DQQpHV TXH FHWWH WUDGLWLRQ V­LPSRVHUD j OD VXLWH G­XQH GHV SOXV JpQLDOHV RSpUDWLRQV GH marketing de tous les temps. /HV ´DQFpV HXURSpHQV WRXFKpV GH SOHLQ fouet par la crise de 1929 et se préparant de QRXYHDX j HQWUHU HQ JXHUUH Q­DFKHWDLHQW SOXV GH EDJXHV GH ´DQoDLOOHV 'H %HHUV TXL DYDLW OH monopole des ventes de diamants engagea 173 Comment voir la vie d’un œil neuf GRQF O­DJHQFH GH SXEOLFLWp 1 : $\HU HQ pour relancer les ventes. Mettez-vous une seconde dans la position GH *HUROG 0 /DXFN OH SUpVLGHQW GH $\HU &RPment vendre un produit dont la plupart des KRPPHV QH YHXOHQW SDV HW TX­LOV Q­RQW GH WRXWH PDQLqUH SDV OHV PR\HQV GH V­RIIULU " '­DXWUHV auraient baissé les bras, mais pas lui. Et sa solution allait hanter les mâles occidentaux pendant des générations.

Informations

Publié par
Publié le 29 septembre 2015
Nombre de lectures 3 549
Langue Français

Extrait

Ce que vous appelez l'amour a été invente par des gars comme nous pour vendre des bas nylons.
Don Draper Mad Men
Pourquoi ofre-t-on une bague avec un diamant quand on se fiance?
Quand un homme demande une femme en mariage, il est de coutume qu’il lui offre une bague sertie d’un diamant. Après tout, quel plus beau symbole de son amour pourrait-il lui offrir ? Le diamant est aussi précieux, pur et, surtout, aussi indestructible que son amour.
Cette tradition est ancienne, puisque la pre-mière bague est offerte en 1477 par Maximi-lien Ier de Habsbourg à Marie de Bourgogne. Mais, à part lui, presque personne n’en offrit pendant des siècles. Et ce n’est qu’à partir des années 1940 que cette tradition s’imposera, à la suite d’une des plus géniales opérations de marketing de tous les temps.
Les ïancés européens, touchés de plein fouet par la crise de 1929 et se préparant de nouveau à entrer en guerre, n’achetaient plus de bagues de ïançailles. De Beers, qui avait le monopole des ventes de diamants engagea
173
Comment voir la vie d’un œil neuf
donc l’agence de publicité N.W. Ayer en 1938 pour relancer les ventes.
Mettez-vous une seconde dans la position de Gerold M. Lauck, le président de Ayer. Com-ment vendre un produit dont la plupart des hommes ne veulent pas et qu’ils n’ont de toute manière pas les moyens de s’offrir ? D’autres auraient baissé les bras, mais pas lui. Et sa solu-tion allait hanter les mâles occidentaux pen-dant des générations.
L’agence commença par convaincre les jeunes femmes que les diamants étaient le plus beau cadeau que pouvait leur faire un homme qui leur faisait la cour. Pour cela, elle encoura-gea les actrices hollywoodiennes à porter des diamants en public et les créateurs de mode à dire qu’ils étaient tendance.
Il restait un problème à régler : comment décider les hommes à investir dans ce pro-duit qu’ils trouvaient trop cher ? Lauck eut une seconde idée géniale : présenter le diamant comme un symbole de réussite sociale. Plus le diamant serait gros, plus il serait évident à tous que vous aviez réussi dans la vie.
Cette stratégie culmina avec un slogan qui fait maintenant partie de l’inconscient popu-laire :A Diamond is forever(Un diamant est éternel). Un slogan qui crée un lien symbolique
174
sans passer 6 mois dans un monastère en Mongolie
entre le diamant et l’amour, mais qui induit aussi qu’il est un investissement ïnancier et amoureux dont la valeur est éternelle. Entre 1938 et 1941, alors que la guerre faisait rage, les ventes ïrent un bond de 55 %.
La stratégie de De Beers resta inchangée e durant tout lexxsiècle. Utiliser les stars de cinéma pour créer le désir, de Marilyn chan-tantDiamonds Are a Girl’s Best Friendà James Bond dans Les Diamants sont éternels. Per-suader les hommes d’investir entre un et deux mois de salaire dans une preuve de leur amour.
Résumons. Nous offrons des diamants durant les ïançailles parce qu’une bande de Mad Mendes années 1940 ont réussi à nous convaincre que des pierres dont personne ne voulait étaient un symbole de notre amour et un signe de notre réussite sociale. Ils ont orchestré une manipulation aux proportions spectaculaires qui passe aujourd’hui encore inaperçue, comme si une société qui avait le monopole des jouets avait orchestré en secret le succès du père Noël.
Mais, me direz-vous, un diamant est pré-cieux. C’est vrai, mais pas comme l’est l’or. L’or est précieux parce qu’il est un métal rare. Les diamants sont rares parce que De Beers a longtemps limité leur diffusion. S’il vous pre-nait l’envie de fondre l’or de vos bijoux, vous
175
Comment voir la vie d’un œil neuf
le revendriez au prix de l’once sur le marché. À l’inverse, si vous cherchez à revendre vos diamants, on vous les rachètera à un prix deux à trois fois inférieur. Le prix des diamants est moins lié à la valeur de la matière qu’à leur valeur « sentimentale », comme un tableau. C’est l’amour qui en fait le prix. Littéralement.
Évidemment, tant qu’on offrira des dia-mants pour la vie, la question de leur revente restera largement théorique. Et d’ailleurs, d’une certaine manière, nous avons tous besoin que les diamants soient chers. La bague de ïan-çailles étant la manifestation physique d’un engagement amoureux, celui-ci ne doit pas être neutre ïnancièrement.
En effet, la bague de ïançailles permet à l’homme d’afïrmer que son engagement est sincère (puisqu’il perdra l’argent de la bague, s’il quitte la femme). C’est ce que résume son nom anglais :engagement ring.
La bague de ïançailles est une incarnation de la « théorie du handicap » : pour convaincre l’autre de notre sincérité nous lui prouvons que nous n’avons pas intérêt à lui mentir en nous créant un handicap supplémentaire. D’où le fait que le prix de la bague soit proportionnel à la fortune : si Kanye West achetait la même bague qu’un ouvrier métallurgiste, cela ne lui demanderait pas un sacriïce assez important.
176
sans passer 6 mois dans un monastère en Mongolie
Le diamant est le produit parfait pour incar-ner ce gage d’amour. D’abord, parce que tout le monde peut estimer à vue d’œil le sacri-ïce ïnancier qu’il a demandé (« Regarde, elle a une bague de plusieurs carats » entend-on murmurer lors des mariages). Ensuite, parce que l’homme ne s’intéresse absolument pas aux diamants : quel cadeau plus sincère peut-il faire à une femme qu’un cadeau dont il ne proïtera pas ? Offrir une boule de bowling ou un abonnement aux matchs du PSG ne sem-blerait pas aussi désintéressé...
C’est aussi ce qui explique le succès de la stratégie de De Beers aux États-Unis. Dans l’Amérique puritaine des années 1930, de nom-breuses femmes perdaient leur virginité dans la période entre les ïançailles et le mariage. Un geste d’amour risqué, car pour être « bonne à marier », une femme se devait d’être vierge. D’autant plus risqué qu’à cette époque, les tri-bunaux interdirent les procès pour rupture de promesse de ïançailles.
Ce qui explique que les ventes de bagues de ïançailles commencèrent à croître à cette époque : les hommes avaient besoin de fournir une autre preuve que leurs intentions étaient nobles et qu’ils ne quitteraient pas leur ïancée dès qu’ils l’auraient mise dans leur lit. La bague était, littéralement, un « gage d’amour » : on mettait en gage une preuve de son amour.
177
Comment voir la vie d’un œil neuf
Au ïnal, c’est peut-être cela le vrai génie de De Beers. Non d’avoir associé la durabilité du diamant à un investissement éternel dans l’amour pour vendre ses cailloux et découra-ger leur revente. Mais d’avoir compris qu’un sacriïce sincère serait toujours la plus belle des preuves d’amour.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents