Programme National de Développement Humain Durable Etude de cas n°3 : Le tissu associatif comorien : La société civile pour une meilleure exécution du développement agricole: Forces et faiblesses, relation avec les financeurs. Les Comores, petit archipel composé de 3 îles au milieu du canal du Mozambique (une quatrième, Mayotte est encore sous administration française), ont acquis leur indépendance au milieu des années 70. Depuis elles n’ont pas connu toute la stabilité politique nécessaire au développement socio‐économique et à la mise en place d’un cadre institutionnel viable. Cette instabilité a lourdement handicapé le pays dans ses efforts de développement : les Comores sont en ème2005 situés 132 sur 170 au classement IDH. Conscients des défaillances structurelles et budgétaires des politiques nationales développementalistes, les différents acteurs du développement ont, spontanément ou de manière déclarée, redirigée leurs efforts vers des structures non gouvernementale, ce qui permettrait une meilleure redistribution de l’Aide Publique et une meilleure efficacité des actions de développement. Qu’il s’agisse du gouvernement (ayant déclaré, en 1991, un retrait de l’Etat des secteurs productifs et un appui favorisé au secteur publique et à la société civile) ...
Programme National de Développement Humain Durable Etude de cas n°3 : Le tissu associatif comorien : La société civile pour une meilleure exécution du développement agricole: Forces et faiblesses, relation avec les financeurs. Les Comores, petit archipel composé de 3 îles au milieu du canal du Mozambique (une quatrième, Mayotte est encore sous administration française), ont acquis leur indépendance au milieu des années 70. Depuis elles nont pas connu toute la stabilité politique nécessaire au développement socio ‐ économique et à la mise en place dun cadre institutionnel viable. Cette instabilité a lourdement handicapé le pays dans ses efforts de développement : les Comores sont en 2005 situés 132 ème sur 170 au classement IDH. Conscients des défaillances structurelles et budgétaires des politiques nationales développementalistes, les différents acteurs du développement ont, spontanément ou de manière déclarée, redirigée leurs efforts vers des structures non gouvernementale, ce qui permettrait une meilleure redistribution de lAide Publique et une meilleure efficacité des actions de développement. Quil sagisse du gouvernement (ayant déclaré, en 1991, un retrait de lEtat des secteurs productifs et un appui favorisé au secteur publique et à la société civile), des bailleurs de fonds internationaux (ayant mis en place des projets intégrant de manière beaucoup plus complète les associations et les organisations des communautés de base), ou de la société civile elle ‐ même (très dynamique et de plus en plus organisée, intervenant là où lEtat ne peut intervenir faute de volonté ou de moyens), tous saccordent à donner une place de plus en plus importante au développement des initiatives privées et communautaires. Cette étude se concentrera sur la place actuelle de la société civile dans la mise en uvre dactions de développement du secteur agricole en particulier. Seront présentés les enjeux de lappui des politiques de développement sur le milieu associatif, puis les différentes catégories dorganisations associatives aux Comores, ainsi que leurs forces et leurs faiblesses : Organisations Non Gouvernementales, organisations communautaires de base, groupements de producteurs finalement.
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Héron Raphaëlle, Stagiaire FIDA aux Comores
I. STRATEGIE DU DEVELOPPEMENT AUX COMORES: LINTERET DE LA SOCIETE CIVILE ................3 A . D EFINITION DE LA SOCIETE CIVILE ..................................................................................................................3 B . L’ ORIENTATION DES C OMORES APRES LE P LAN D ’A JUSTEMENT S TRUCTUREL ..................................................... 4 C . O RIENTATION INTERNATIONALE : L ’ EXEMPLE DES BAILLEURS ONUSIENS ............................................................ 5 II. HISTORIQUE ET STRUCTURATION DE LA SOCIETE CIVILE COMORIENNE .....................................6 A . L A SOCIETE CIVILE TRADITIONNELLE ..............................................................................................................6 B . L ES ASSOCIATIONS COMMUNAUTAIRES DE BASE ...............................................................................................6 C . L ES O RGANISATIONS N ON G OUVERNEMENTALES COMORIENNES .......................................................................8 i. Exemple du GAD ....................................................................................................................................8 ii. Elargissement de la réflexion sur les liens entre ONG, Gouvernement et personnes ressources. ....... 9 III. LE MILIEU ASSOCIATIF DE BASE DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE : LES GROUPEMENTS DE PRODUCTEURS ...........................................................................................................................................9 A . P RESENTATION ET METHODOLOGIE ................................................................................................................9 B . C REATION ET INTERET DANS LE GROUPEMENT ...............................................................................................10 C . A CTIVITES ET DYNAMISME DES ASSOCIATIONS ................................................................................................11 D . C ONCLUSION : A DEQUATION DES LOGIQUES BAILLEURS ET LOGIQUES BENEFICIAIRES ......................................... 11
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I. Stratégie du développement aux Comores: l’intérêt de la société civile a. Définition de la société civile Tout d’abord, il est bien évidement important de faire part de la définition de la société civile, qui est un concept multiforme et complexe, qui sera utilisée ici. Selon Hegel, la société civile se définit comme « ensemble, à distinguer de l’Etat, des individus en tant qu’ils sont unis par des liens juridiques et économiques, dans des rapports de dépendance réciproque ». Il s’agit donc de groupements, de rassemblements d’individus dynamiques, interagissant pour le bien de leur fonctionnement, commun ou indépendant. La définition du dictionnaire 1 , plus moderne bien qu’elle garde entier le fondement de ce concept, précise le caractère inné de la dynamique liée au mode de vie en société : « la société dans son fonctionnement concret, le corps social, par opposition à la classe politique ». C’est dans cette dernière précision que la définition sur laquelle reposera cette étude se base principalement. Plus particulièrement, dans le contexte d’aide au développement dont il est ici question, on verra la société civile comme distincte des représentants de l’Etat (Comorien ou étranger), mais également de la communauté des bailleurs de fonds, qui peuvent être considérés soient comme des représentants d’Etats individuels (coopération), comme des représentants d’Institutions supranationales (bailleurs onusiens), ou même des représentants de la Société Civile Internationale (ONG internationales ayant les moyens de financer des gros projets, par exemple). Il est clair que cette dernière ne fait pas partie du sujet de l’étude, mais elle permet de préciser une autre dimension qu’il faut prendre en compte dans la définition : dans le sens commun, il est fréquent d’entendre par société civile l’ensemble des groupes et associations de personnes juridiquement reconnues (ou non), dont l’objet du regroupement est précis, défini et orienté dans un sens accepté par tous. On parle alors de la société civile comme de l’ensemble des Associations de type Loi 1901 (dont le statut comorien est calqué sur le modèle français et en a même conservé le nom), mais également des Organisations Non Gouvernementales, des Fondations, etc., toute organisation distincte de l’Etat. Maintenant que l’on a rapidement expliqué ce que représente la Société Civile, il s’agit, dans le contexte de l’Aide au Développement toujours, et comorien en particulier, d’en définir ses représentants. Il est possible de déterminer trois caractéristiques, très liées et qui se superposent, à la société civile comorienne : Il y a d’abord la société civile comme l’ensemble des groupements destinataires des actions de développement. En effet, dans un très grand nombre de projets de développement, les bailleurs préfèrent diriger leurs activités envers des individus groupés et organisés, par souci d’une meilleure diffusion de leur aide. On a donc ici l’équation : société civile=associations destinataires des projets de développement. Cette entité, qui fait l’unanimité en tant qu’interlocuteur des promoteurs d’actions de développement, peut et doit également être confondue avec deux autres notions : celle de société civile/actrice du développement, et celle de société civile/représentante du secteur privé. On entend par « société civile actrice du développement » les effets ou les motivations (l’un entrainant l’autre) de l’orientation de la dernière décennie (90) en matière de développement. Ce que Christian Castellanet appelle « modes successives [de la coopération] (hier l’appui à la société civile et aux organisations paysannes, aujourd’hui la gouvernance, la lutte contre la pauvreté) » 2 , a pendant longtemps placé l’organisation des bénéficiaires comme point principal de l’approche participative, qui est encore aujourd’hui une porte d’entrée privilégiée des actions du développement. Il faut organiser les populations défavorisées en petites entités pour les aider à formuler elles‐ mêmes leurs besoins, et pour leur donner les moyens de répondre à ces besoins. Ainsi la 1 Le Petit Larousse, 100 ème Edition, 2005. 2 Christian Castellanet, Cycle des projets, cadre logique et efficacité des interventions de développement, Série TRAVERSES, Edition du Groupe Initiative, Octobre 2007 3
« participation de contrepartie » est importante pour un grand nombre de projets de développement local. La société civile, bénéficiaire des actions de développement par souci d’efficacité, est également organisée et formée pour lui permettre de devenir un acteur réel et non un simple réceptacle du développement. Finalement, lorsqu’il s’agit du secteur agricole en particulier, il faut appréhender la relative absence de distinction entre milieu associatif et secteur privé . Le secteur privé comorien, somme toute assez peu structuré dans son ensemble, ne doit pas compter beaucoup plus qu’une vingtaine d’entreprises agricoles (inscrites au registre du commerce). La grande majorité des agriculteurs travaillent des cultures vivrières soit à titre individuel, soit en groupement associatif, mais quasiment aucun n’a d’enregistrement à la chambre d’agriculture (il y a donc extrêmement peu de statuts entrepreneuriaux, hormis quelques aviculteurs et gros producteurs/distillateurs d’Ylang‐ylang). Il s’agit pour la plupart de groupements de producteurs, de coopératives, dont le travail en commun permet soit l’accès à la terre, soit un meilleur accès aux intrants et une plus grande facilité d’écoulement des produits. Dans pratiquement tous les cas, le statut du groupement est celui d’une association, du type Loi 1901. S’il n’existe pas encore de statut et de récépissé à certaines, l’organisation et le mode de fonctionnement du groupement est très largement similaire à celui d’une association. Dans pratiquement tous les cas également, le groupement en association est motivé par l’arrivée de projets, subventionnant une large partie des activités des agriculteurs, et participants pour beaucoup à leurs revenus. Mais ce sujet sera plus largement évoqué dans la suite de cette étude. Tous secteurs d’activités confondus, la notion de société civile distingue également deux grands groupes d’organisations :les petites associations, qui comprennent largement les caractéristiques évoquées ci‐dessus, ainsi que les plus grosses Organisation Non Gouvernementales. La différence entre les deux se situe principalement dans le niveau de formation et de compétence de leurs membres. Les ONG sont principalement des intermédiaires entre les bénéficiaires (et donc souvent, les associations) et les bailleurs de fonds. Elles ont pour charge l’exécution des projets de développement, et sont donc normalement mieux formées, leurs membres plus instruits. Elles sont aussi pour beaucoup financièrement motivées par l’intervention de bailleurs extérieurs. b. L’orientation des Comores après le Plan d’Ajustement Structurel Les débuts de l’Etat Comorien indépendant ont été marqués, au niveau du développement agricole, par un interventionnisme tant au niveau national que local. De la tentative d’Ali Soilihi d’une économie agricole étatisée et planifiée (passant par la nationalisation des terres arables), au système CEFADER/CADER d’Ahmed Abdallah où l’Etat était censé être le récepteur et catalyseur des projets des bailleurs au niveau local (où des entités publiques se chargeaient de la vulgarisation de nouvelles techniques agricoles, de la mise en place des projets de développement, de l’aide à l’approvisionnement en intrants, etc.), les activités de développement étaient bien souvent menées par le gouvernement, conjointement avec l’assistance technique internationale. Parallèlement, les finances comoriennes se sont peu à peu dégradées, et les orientations des bailleurs ont évoluées. Conditionnée à celle des institutions de Bretton Woods, la stratégie de développement des Comores s’est donc adaptée pour répondre aux critères et continuer de bénéficier des aides internationales. Le Plan d’Ajustement Structurel a été élaboré. L’Etat, n’ayant plus les moyens budgétaires ou organisationnels d’assurer le système de vulgarisation mis en place par le PNUD et la FAO (CEFADER/CADER, Cf. Etude de cas n°2) a donc principalement basé sa stratégie sur un retrait de l’exécution du développement agricole. La stratégie agricole élaborée avait comme conditions d’accompagnement l’encouragement et le soutien à l’initiative privée (qu’elle soit entrepreneuriale ou associative), la promotion d’une allocation des ressources par les mécanismes de marché et la restauration 4
d’un climat de transparence et de confiance pour attirer les investisseurs. Il a également semblé nécessaire d’effectuer la relève (publique comme privée) de l’assistance technique extérieure afin d’augmenter les capacités d’absorption nationale de l’Aide Publique au Développement. Le nouveau mot d’ordre a donc été (et est toujours) de s’appuyer au maximum sur les entités civiles et privées renforcées, pour une meilleure distribution des aides apportées. Désormais, qu’il s’agisse de la stratégie nationale ou des projets des bailleurs internationaux, l’association est souvent le point d’orgue des actions du développement. c. Orientation internationale : l’exemple des bailleurs onusiens La stratégie du gouvernement Comorien de compter sur la société civile dans son ensemble (ONG, Associations, Groupement de producteurs…) pour les actions de développement agricole n’est en effet pas délié des orientations internationales en termes de développement. En 1996, la FAO publiait un document intitulé « Coopérationde la FAO avec les ONG », faisant état de l’importance grandissante des nouveaux interlocuteurs, différents du secteur public : la société civile et le secteur privé. Il s’agit dans ce contexte de la société civile en tant qu’ensemble des ONG ou associations de moyenne à grande envergure, souvent de portée internationale, et aux compétences déjà éprouvées. L’émergence de cette société civile l’amène de plus en plus à revendiquer sa participation aux conférences des Nations Unies, pour pouvoir agir activement dans les processus décisionnels et exécutifs, d’autant plus que son expérience en matière de développement durable et réduction de la pauvreté est de plus en plus reconnue. Petit à petit, la société civile participe aux projets, aux formulations, reçoit des formations, des renforcements des capacités, se constitue en réseaux… La FAO recense de nombreux avantages mutuels dans cette synergie : Pour les bailleurs, la société civile est souple, innovante. Elle a un contact direct avec les bénéficiaires, quand elle n’est pas ces bénéficiaires, et elle permet une construction simultanée des capacités nationales. Elle attire les donateurs car elle renforce la crédibilité des bailleurs, soit en leur apportant un point de vue nouveau, soit en étant la preuve de l’approche participative tant recherchée. Quand aux ONG et aux associations, elles sont renforcées dans leur compétences, acquièrent d’avantage de pouvoir et de méthodologie, ont accès à plus de ressources, tant financières que d’information. Recentrée sur le contexte comorien, en observant toujours les stratégies des grands bailleurs, cette orientation reste de mise. En février 2002, le Système des Nations Unies aux Comores rédigeait un Plan Cadre d’Assistance pour les Comores (UNDAF). L’objectif global recherché est de contribuer à la réduction de la pauvreté par l’habilitation des groupes vulnérables à travers la réalisation de 3 objectifs spécifiques : l’insertion dans le système de production, la facilitation de l’accès aux services de bases de qualité, et la participation dans les mécanismes de décision. Le troisième objectif (de son nom complet « Contribuer à créer un environnement propice à la participation effective dans les mécanismes de décision et à la décentralisation »), comporte 4 résultats attendus, dont le 2 ème « Une société civile capable de participer activement à la prise de décision », répond directement à cette nouvelle stratégie du développement, qui passe par l’association de la société civile dans la conception, la planification et la prise de décision des actions liées au développement. Pourtant, la société civile, par son essence même, est caractérisée par une hétérogénéité importante, et souvent des points faibles ou des inconvénients non négligeables : un manque de compétences en gestion administrative, financière et de l’organisation communautaire est souvent relevé. Elle dépend principalement des financements extérieurs et est très rarement autonome. Ses derniers points sont particulièrement pertinents en ce qui concerne le tissu associatif comorien.
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II. Historique et structuration de la société civile comorienne a. La société civile traditionnelle Historiquement, Hachimo Saendi, du Commissariat à la Jeunesse et aux Sports de Ngazidja, parle d’ « une communauté comorienne parfaitement hiérarchisée, faisant intervenir des individus insérés dans des groupes à lintérieur desquels ils réalisent leur idéal de vie » 3 . Bien que l’atteinte de l’ « idéal de vie » soit discutable, il faut en effet préciser l’existence d’associations traditionnelles aux Comores. Certains considèrent tout d’abord la présence de classes sociales structurant la population comme une première forme d’association, car chacune de ses classes sociales a un rôle à jouer pour l’intérêt commun : « Toute léducation est basée sur le développement de lesprit associatif grâce auquel se perpétuent les traditions de travail communautaire au service des individus ou du groupe. ». L’intégration dans la communauté et ses échelons se fait par le système des classes d’âges essentiellement, bien qu’il existe également une hiérarchisation par lignage (beaucoup moins importante), et par village, toujours d’actualité et différenciant mdji wa yezi (village du pouvoir), mdji mhuu (grand village ou ville), mdji ndze (village rural) et itrea (village servile) 4 . La structuration par la classe d’âge est définie principalement par le Grand Mariage ( Anda ), et particulièrement contrastée en Grande Comore. Sur les autres îles, la distinction reste valable même si moins appuyée. A la base de l’échelle se trouve les Wanamdji (enfants du village), qui regroupent plusieurs catégories. Les Washondjés , âgés de 13 à 20 ans, sont chargés de toutes les corvées du village : entretien en propreté des rues et places publiques, courses et commissions diverses, réalisation des travaux d’intérêt commun. Ils ont le devoir d’obéissance stricte et permanente aux aînés. On trouve également les Wazunguwas et Wafomanamdjis : les cadets, gardiens et défenseurs de la communauté, qui sont supérieurs (en âge et en responsabilité) aux Washondjés . A l’échelon supérieur se trouvent les Maguzi : ils ont parcourus toutes les étapes nécessaires pour atteindre le grand mariage, sans avoir pu le concrétiser. Finalement, la réalisation du grand mariage permet l’intégration dans la catégorie des Wandruwadzima (littéralement gens uniques ou hommes complets), et l’accès au statut de Mrdumdzima , ou plus communément de notable. La notabilité confère un certain nombre d’avantages : prise de parole pendant les réunions publiques, place de choix dans les festivités, port des habits réservés (conférant respect et admiration), obtention de crédits chez les commerçants… D’autre part, le notable peut jouer un rôle important dans la politique : il est capable de légitimer le pouvoir ou d’entrainer une masse d’électeur dans l’opposition, il incarne la perpétuation de la tradition, l’exemple de l’éducation sociale, etc. Bien sûr, cette description relève d’un idéal à atteindre, et tous les notables n’y répondent pas forcément. Néanmoins, on remarque que les structures traditionnelles jouent un rôle important dans l’ordre et la stabilité sociale. Elles disciplinent les citoyens et assurent une éducation civique axée sur le respect des valeurs de la société et le dévouement pour les tâches communautaires. Il existe également des types d’associations traditionnelles religieuses (Chorales et Confréries), ainsi que féminines (Mray et Beya, principalement). Ce tissu originel complexe (classes d’âge, lignage, village, associations religieuses et féminines) peut alors être considéré comme un facteur explicatif du très rapide développement, depuis la fin des années 50, d’un tissu associatif moderne. b. Les associations communautaires de base L’AJC (Association de la Jeunesse Comorienne) est considérée comme la première association militante des Comores, en marge de la société traditionnelle et initiant des actions de développement communautaire structurées : lutte contre l’analphabétisme, défense des droits 3 Hachimo Saendi, Bangwe, La place et le rôle des associations dans la société comorienne daujourdhui, 2005, Programme de Développement Local des Comores de la Coopération Française. 4 Aboubakari Boina, opus cité. 6
de la femme, dénonciation des dépenses ostentatoires entrainées par les cérémonies coutumières 5 . Peu à peu, la dynamique se propage dans toutes les localités des Comores : des associations naissent, à caractère formel ou informel. Les informelles n’ont pas de statut ni de déclaration, et fonctionnent soit traditionnellement, soit comme les formelles, dont les statuts se réfèrent à la loi française de 1901. Ce nouveau milieu associatif de base comprend plusieurs types d’organisations associatives : les associations généralistes du développement communautaire, les associations culturelles, les associations sportives, etc. On compte maintenant au minimum une association de ce type dans chaque localité comorienne, dont l’ensemble apparait comme étant l’élément central des dynamiques des communautés. Mais c’est un ensemble hétérogène, surtout lorsque l’on parle d’associations de développement :la disparité des statuts constituent un handicap majeur pour un meilleur rendement des activités. Les associations n’ayant aucune déclaration officielle ne peuvent espérer de soutien financier en dehors de leur communauté, les autres, ayant théoriquement plus de possibilités, sont également lésées par leur manque de cohérence. En effet, un constat est similaire pour une majorité d’organisations 6 : l’échec de nombreuses initiatives de développement locales réside dans le manque de formation en gestion de projet, et dans le manque de concertation des différents acteurs locaux ou internationaux œuvrant dans la localité. Il n’est pas rare de constater que des actions identiques, issues de différents promoteurs, aient lieu sur une même localité. Un raisonnement en 3 étapes peut être effectué comme suit : 1) Le manque de capacité entraine des actions spontanées, certes bienvenues, mais sans objectif bien défini, sans moyens recensés ni programmation précise, ce qui entraîne certaines incohérences. 2) Les actions amenées par les bailleurs, et qui s’appuient sur la société civile, sont souvent suivies sans qu’il n’y ait de réel effort (ni d’une part, ni de l’autre) d’appropriation des logiques ayant conduit à ces actions. 3) Le cumul des ces deux considérations entraine une opacité de vision, pour les promoteurs de projet (tant endogènes qu’exogènes) des problèmes liés au développement. Le Fonds International pour le Développement Agricole, aux Comores, a décidé de s’appuyer sur ces structures afin de les développer, d’actualiser leur activités, et d’opérationnaliser les acteurs locaux du développement. La stratégie promue au sein du Programme National de Développement Humain Durable (PNDHD) repose sur « la mise en place de structures communautaires capables de définir et de prendre en charge les actions de développement local et de gestion viable de leur écosystème » 7 . L’objectif est de poursuivre la consolidation des structures communautaires entamée par les autres projets et programmes de développement, qui a permis l’élaboration de Plans de Développement Locaux soit par les Associations de Développement Villageois (ADV), soit par les Comités de Pilotage (organisations promues et développées par le FADC, un programme de la Banque Mondiale). Il est alors intéressant de se rendre compte de la malléabilité des groupes, des frontières entre chaque entité : une femme d’une association de développement communautaire par exemple, peut participer à différentes activités du village, tout en faisant partie d’une association d’agricultrices. Il y a une transparence et une confusion voulue entre les activités et les devoirs de chaque entité villageoise (ADV, Association de Gestion de Terroir, Comité de Pilotage, groupes informels), et entre les initiatives spontanées de développement, les initiatives traditionnelles et 5 Hachimo Saendi, Bangwe, La place et le rôle des associations dans la société comorienne daujourdhui, 2005, Programme de Développement Local des Comores de la Coopération Française. 6 Constat partagé par les différentes personnes ressources interrogées pour la rédaction de cette étude, et remarqué lors des rencontres avec les associations : 4 Associations de Développement Villageois (appuyées par le FIDA, 2 associations généralistes, et 3 Comités de Pilotage (appuyés par le FADC) ont été rencontrés. 7 Rapport de Pré ‐ Evaluation du Programme de Développement Humain Durable, Département Gestion des Programme, Mars 2007, Fonds International pour le Développement Agricole. 7