Comment peut on ne pas aimer le Rwanda !
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1 COMMENT PEUT ON NE PAS AIMER LE RWANDA ! par Servilien M.Sebasoni. Introduction. Dans l’imaginaire des Rwandais, ne pas aimer le Rwanda est considéré comme une anomalie. Et l’imagination populaire d’imaginer les pires maux pour quiconque n’aimerait pas le Rwanda (inyangarwanda) : entre autres malheurs qui peuvent lui arriver il y a la mort au moment où s’annonce la prospérité (umwanzi w’uRwanda asiga rurese). Dans les pages qui suivent il ne s’agira pas de « haine », un sentiment extrême, ni uniquement d’antipathie, mais d’un sentiment intermédiaire, l’hostilité, surtout envers la façon dont le pays est dirigé. Il faut raison garder. On peut aimer le Rwanda sans aimer sa gestion de tous les jours. Certains Rwandais sont dans ce cas. Il est plus difficile de justifier l’hostilité aux choix fondamentaux de la majorité des Rwandais. Une seule voie pour cela : nier qu’il s’agisse des choix de la majorité. C’est le combat d’arrière-garde que mènent une certaine diaspora et une cohorte d’organisations étrangères de la société civile installée au Rwanda. Notre propos cherche à inventorier les principaux foyers de cette hostilité. 1. La réalité des choses. L’étude des foyers d’hostilité au Rwanda ne relève pas d’une paranoïa. Il existe autour du Rwanda des manifestations tangibles d’antipathie, une critique hostile, systématique qu’il n’est pas difficile de distinguer d’une critique constructive qui existe également mais qui fait moins de ...

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1
COMMENT PEUT ON NE PAS AIMER LE RWANDA
!
par Servilien M.Sebasoni.
Introduction.
Dans l’imaginaire des Rwandais, ne pas aimer le Rwanda est considéré comme une anomalie. Et
l’imagination populaire d’imaginer les pires maux pour quiconque n’aimerait pas le Rwanda
(inyangarwanda) : entre autres malheurs qui peuvent lui arriver il y a la mort au moment où
s’annonce la prospérité (umwanzi w’uRwanda asiga rurese).
Dans les pages qui suivent il ne s’agira pas de « haine », un sentiment extrême, ni uniquement
d’antipathie, mais d’un sentiment intermédiaire, l’hostilité, surtout envers la façon dont le pays est
dirigé.
Il faut raison garder. On peut aimer le Rwanda sans aimer sa gestion de tous les jours. Certains
Rwandais sont dans ce cas. Il est plus difficile de justifier l’hostilité aux choix fondamentaux de la
majorité des Rwandais. Une seule voie pour cela : nier qu’il s’agisse des choix de la majorité. C’est
le combat d’arrière-garde que mènent une certaine diaspora et une cohorte d’organisations
étrangères de la société civile installée au Rwanda. Notre propos cherche à inventorier les
principaux foyers de cette hostilité.
1. La réalité des choses.
L’étude des foyers d’hostilité au Rwanda ne relève pas d’une paranoïa. Il existe autour du Rwanda
des manifestations tangibles d’antipathie, une critique hostile, systématique qu’il n’est pas difficile
de distinguer d’une critique constructive qui existe également mais qui fait moins de bruit. Selon
Colette Braeckman, qui observe le Rwanda depuis une vingtaine d’années, « le Rwanda d’après le
génocide … suscite les critiques les plus violentes, éveille des passions, sinon des délires. Il peut
aussi compter sur des défenseurs inconditionnels » ; on peut toutefois regretter que ces derniers
soient particulièrement discrets. (C.B., Les Nouveaux prédateurs. Polit. des puissances en
Afr.centrale. Fayard, 2003.
Les sympathies elles-mêmes ne sont pas constantes, souvent, faute de compréhension des idées
politiques sur lesquelles fonctionne le Rwanda. Cette incompréhension est remarquable surtout
quand il s’agit de comprendre le statut politique des « ethnies ». Or, même si « incompréhension »
n’est pas « hostilité », expliquer de façon erronnée le projet rwandais de société a les mêmes effets
néfastes que de le combattre.
Au sein des ONG internationales, également, une antipathie réelle voisine avec une critique saine
et légitime : l’USAID réalise des études qui contrastent avec les rapports de HRW où la principale
conseillère pour l’Afrique, comme pour donner des gages à ceux qui confondaient son investigation
sur le génocide avec une sympathie pour le FPR, en est arrivée à souligner à tout moment son
désamour pour ce mouvement.
Rien que le conflit entre les ONG et le gouvernement rwandais, immédiatement après le génocide,
justifierait de voir si cette hostilité, en quelque sorte congénitale, n’explique pas qu’on remarque
aujourd’hui une sorte d’opposition larvée de la société civile au projet politique rwandais.
Enfin, l’ignorance, au Rwanda, de ces foyers d’hostilité constitue un obstacle à une riposte
appropriée que ce soit pour parer à leur nuisance ou pour gagner leur sympathie. L’hostilité au
2
nouveau régime rwandais fait bien partie de la réalité des choses. Il est légitime de s’en
préoccuper, car l’enjeu est vital. En effet, le Rwanda, comme beaucoup d’autres pays africains, a
besoin de l’aide de l’extérieur sous forme de don, de prêt ou d’investissement. Or tout cela dépend
largement de l’image du pays à l’étranger. D’ailleurs il suffit de voir que le point de convergence de
tous les foyers d’hostilité est le refus de l’aide ou le chantage à l’argent.
2. Des motifs qui remontent loin !
Sans remonter au déluge, on peut dire que les préjugés hostiles au Rwanda remontent loin dans le
temps. Avant l’arrivée des Européens. Hamed Ibrahim, un agent de commerce itinérant, racontait à
Stanley qui hésitait à entrer au Rwanda :
"Ah ! les Banyarwanda sont un grand peuple, mais des
hommes cupides, malfaisants, fourbes et traîtres. Ils n’ont jamais permis à un Arabe de trafiquer
dans leur pays, ce qui prouve que ce sont de mauvaises gens"
.
Stanley lui-même essaya d’entrer au Rwanda par le lac Ihema dans le parc de l’Akagera, et se fit
repousser par une grêle de sagaies. Voici ce qu’il écrivit sur le Rwanda : "un petit village était près
de la rive, nous essayâmes d’atterrir ; aussitôt les indigènes nous montrèrent les dents avec une
colère de chiens hargneux, et bandèrent leurs arcs d’une façon menaçante, ce qui..nous obligea de
nous éloigner et d’abandonner ces gens à leur féroce exclusivisme". (B. Lugan, Etudes
rwandaises,1980).
Pourquoi une telle hostilité contre le Rwanda ? Au-delà des antipathies épidermiques et des heurts
occasionnels, la raison de fond est que le Rwanda est un pays atypique dans la région. L’hostilité
des années 2000 n’est qu’un épisode d’une longue peur qui remonte au 19è siècle : peur d’une
nation solide et unie au milieu d’une poussière de tribus ; peur d’une nation décidée à défendre son
identité et qui l’a concrètement montré à maintes reprises. L’essentiel de l’hostilité à l’égard du
Rwanda serait ainsi dû à sa volonté d’indépendance. L’acharnement à démanteler la nation
rwandaises en ethnies s’explique peut être par une volonté de mieux gérer cette "anomalie" au
centre de l’Afrique. Beaucoup de pays occidentaux voudraient bien donner l’argent au Rwanda,
beaucoup d’ONG occidentales voudraient bien aider le Rwanda à condition que, comme tout le
monde, le Rwanda leur abandonne sa direction intellectuelle et morale. En somme, on reproche au
Rwanda un déficit de docilité.
3. Foyers d’hostilité.
Il existe néanmoins des motifs spécifiques à tel ou tel foyer d’hostilité, à tel ou tel groupe qui fédère
autour de lui la lutte contre le Rwanda d’aujourd’hui. Sans prétendre à être exhaustif, on peut
énumérer trois foyers principaux d’hostilité au nouveau Rwanda : le foyer autour de la démocratie
chrétienne, le foyer français et le foyer de la nouvelle diaspora. Cette dernière est formée d’étoiles
errantes qui s’agglutinent à tel ou tel autre foyer important selon les vicissitudes de son errance et la
couleur de ses intérêts immédiats.
La démocratie chrétienne.
Le foyer de la démocratie chrétienne a son épicentre en Belgique et possède des ramifications dans
plusieurs pays européens, en Espagne, en Allemagne, en Italie et ailleurs. Il est utile de préciser
qu’il ne s’agit pas, comme certains le croient, de l’IDC en général, mais d’une partie seulement. La
confusion vient du fait que, en 1990, le Secrétaire général de l’IDC était belge et fortement engagé
aux côtés de Juvénal Habyarimana contre le FPR ; il possédait même une antenne dans le bureau
présidentiel.
3
Ce foyer prend racine dans l’échec de la démocratie chrétienne belge (DCB) au Rwanda. La DCB
a créé Kayibanda et a tenu sur les fonts baptismaux une république rwandaise basée sur l’ethnisme.
Cette politique a échoué. Un échec vécu comme le sien propre par la DCB. La DCB s’incarne
aujourd’hui dans des ONG chrétiennes ou parachrétiennes, comme "Réseau Europe-Congo" (REC)
ou 11 11 11. Une métastase virulente de ce foyer ameute la société civile de Bukavu (RDC) contre
tout ce qui est rwandais. Au lieu de reconnaître son erreur, la DCB, sous plusieurs formes, persiste à
combattre les efforts de retour à l’unité nationale et la réconciliation au Rwanda.
Au sein de cette constellation on rencontre la négation du génocide des Tutsis. Le père Desouter,
par exemple, de la congrégattion des Pères Blancs, directeur d’une revue missionnaire, sur le site
espagnol Minorisa-Inshuti (30.4.02) estime que, pour ce qui s’est passé au Rwanda en 1994, il y a
"usage usurpé du terme génocide".
Occasionnellement associé à ce foyer, Filip Reyntjens est lui-même inclassable ; il va d’un camp à
l’autre avec la prétention d’en être l’animateur intellectuel. Aujourd’hui « interdit de séjour dans ce
pays », pour son ethnisme et non, comme il dit, parce qu’il dit que « (l’histoire du génocide) n’est
pas une histoire de bons et de méchants », Filip Reyntjens semble se concentrer sur son centre de
recherche où il inocule la détestation du régime rwandais à quiconque y vient enseigner ou étudier,
d’Europe, d’Afrique, d’Asie et de toutes les Amériques.
Le foyer français
Le foyer français est nourri par une longue amitié avec les régimes précédents, par le refus rwandais
d’ "aller à Canossa" ( implorer le pardon de la France), comme un diplomate conseiller à l’Elysée
l’avait annoncé et par le refus orgueilleux de la France de revenir sur une fausse bonne idée qu’est
l’ethnicité pour structurer la société rwandaise.
Le paradoxe ou, si l’on veut, l’exception française, est que c’est dans ce pays qu’on trouve à la fois
l’hostilité la plus déterminée contre le Rwanda et la compréhension la plus fine des racines du
génocide ; là on trouve, dans le monde universitaire comme dans le mouvement associatif, la lutte
intellectuelle la plus structurée contre le négationnisme et le révisionnisme. Même si, dans certains
médias et certains milieux universitaires, on rencontre un réflexe patriotique qui tend à toujours
donner raison à la France.
A l’exception de Stephen Smith du journal LE MONDE, quand il sort en commando (en service
commandé), l’hostilité à la française ne prend pas les formes d’un militantisme tapageur
1
; elle est
plus subtile. Un soutien discret aux animosités qui couvent chez certains Congolais, une guérilla de
couloir pour arrêter ou freiner l’aide financière au Rwanda. Pour crier son hostilité, il lui suffit,
parfois, d’un silence. Le 18 février 04, la VOA rendait compte d’un rapport au Conseil de Sécurité
sur la région des Grands Lacs.
Des intervenants, pour le moins inhabituels ( un Béninois, un Angolais et deux Français)
évoquèrent le « retour à la paix au Burundi » et « la transition prometteuse en RDC ». Pas un mot
sur le Rwanda ! Tout cela se passait dans une semaine d’adoubement diplomatique orchestré par
Chirac au bénéfice des présidents de la RDC et du Burundi, avec un optimisme, pour la RDC du
moins, que ne partagent pas les évêques congolais. C’était aussi pendant la CAN de Tunis où,
goguenard, un reporter français parlait de l’ « équipe de la Rwanda » (sic) « un pays où l’on ne
mange pas tous les jours » (resic).
1
Ce texte était déjà articulé pour l’essentiel quand a « éclaté » la bombe annuelle du « rapport Bruguière » ; on en
parlera à une prochaine occasion.
4
Le fond de la mésentente franco-rwandaise repose sur une ressemblance et sur un ressentiment. Le
Rwanda se considère comme une nation séculaire, à l’instar de la France, ayant dépassé le stade
tribal ou ethnique. Voilà pour la ressemblance. La France considère le Rwanda comme un petit bout
d’Afrique, peuplé, comme ailleurs , de tribus dont la plus nombreuse a vocation d’exercer le
pouvoir. Or cela le Rwanda ne l’accepte plus et cela fait désordre en Francophonie. Il faut y ajouter
quelques rencontres militaires durant le génocide d’où l’armée française n’est pas sortie à son
avantage. Voilà pour le ressentiment.
Une diaspora rétive.
Le foyer de la nouvelle diaspora rwandaise est soudée par une solidarité ethnique de mauvais aloi.
Cette solidarité est bâtie, en effet, sur un mensonge : le nouveau régime rwandais accuserait de
génocide tous les Hutus. Ce qui est une évidente aberration. La hargne s’explique par
l’enracinement dans l’ethnisme durant deux républiques et par la perte du monopole d’exister qui
semblait acquis sous Habyarimana comme le montrent les recherches récentes sur la vie
quotidienne au Rwanda au temps de Habyarimana. Il ya aussi, au sein de cette nébuleuse, des gens
qui lancent un écran de fumée pour cacher une conscience tourmentée. « Les cadres rwandais
impliqués dans les crimes racistes, du moins dans l’ethnisme hutu, forment aujourd’hui un immense
réseau dont les éléments les plus lointains peuvent se rencontrer en Australie comme en
Scandinavie, aux Séychelles comme au Canada » (J.P.Goûteux). Un milieu, somme toute,
intellectuellement fragile qui gobe avidement tout ce qui se raconte d’horreurs sur le nouveau
régime rwandais.
Une lutte sans cause.
Un groupe de la diaspora rwandaise, Hutus et Tutsis confondus, s’est positionné politique- ment et
se fédère en ce qui s’appelle pompeusement "l’opposition démocratique rwandaise" (ODR). Une
des raisons de la faiblesse de l’ODR c’est de parasiter la frange extrême de la "diaspora hutue" sans
avoir les mêmes causes à défendre. Car les FDLR ne luttent pas pour le pouvoir politique mais pour
conjurer leur culpabilité dans le génocide ou éventuellement pour le terminer. On ne sache pas que
ce soit l’objectif de toute l’ODR. Cette divergence de motivation condamne dans l’oeuf toute
possibilité de cohésion durable.
L’opposition rwandaise tire sa faiblesse également de ce qu’elle n’a pas une cause à défendre. Il
lui est dès lors difficile de construire un programme politique fait d’autre chose que des redites qui
trainent sur le marché du politiquement correct ( « un dialogue interrwandais hautement inclusif »
d’origine congolaise) et des stéréotypes d’ organisations humanitaires. Il serait abusif de la
comparer au FPR en exil dont les fondateurs avaient une patrie et une identité nationale à
reconquérir.
Un des ténors de l’ODR, revenu d’un tour au Rwanda sans encombres, poussait l’irréalisme cocasse
jusqu’à conseiller à ses "amis" de rester à l’extérieur du Rwanda parce qu’une opposition s’y
exprime plus librement ! Une opposition platonique, en somme !
4. Le cas des ONG.
Depuis une vingtaine d’années, les ONG occupent une place importante dans la vie des pays en
développement. Fondées en Europe dans les années 8O pour pallier la carence d’une assistance
technique d’Etat aussi coûteuse qu’inefficace, les ONG étaient, à l’origine, composées de
volontaires d’une frugalité et d’une efficacité étonnantes. Elles sont aujourd’hui les rares lieux où
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toute une jeunesse sans expérience trouve encore l’argent et l’emploi pour se préparer un avenir.
Elles sont devenues quasi incontournables dans la coopération entre le Nord et le Sud.
Sans aucune intention hostile, sans doute, pour leur grande majorité, les ONG ( on en compte 93 au
Rwanda) servent de relais, dans le monde entier, à l’influence de l’Occident en répandant les idées
et les normes occidentales d’éthique et d’action (HRW, AI, etc) ou en fournissant à l’Occident des
analyses pour lui permettre d’ajuster son action dans le monde (ICG).
Il faudrait sortir de l’hypocrisie. Il n’existe pas d’HRW ni d’AI ou d’ICG africains, asiatiques ou
sud-américains ; il n’y a que l’Occident, européen et américain, qui veut et peut se payer le contrôle
du monde.
L’hypothèse de base est l’universalité des valeurs occidentales à laquelle le Rwanda, comme toute
l’Afrique d’ailleurs, n’ajoute plus qu’une foi relative pour avoir appris à savoir que l’Occident est
composé d’hommes tout à fait semblables à tous les autres.
Au Rwanda, dans les milieux de la société civile occidentale, appartenir au FPR ou en être proche
constitue un quasi délit d’opinion ; être contre le FPR constitue un certificat d’objectivité et même
de normalité. Or, qu’on le veuille ou pas, le FPR est le principal mouvement porteur des idéaux du
nouveau Rwanda. C’est essentiellement le programme de ce mouvement que, jusqu’à nouvel ordre,
le peuple a choisi.
Lorsque des organisations de la société civile occidentales partent en guère contre l’option nationale
et anti-ethniste du Rwanda et harcèlent ou refusent d’employer leurs partenaires rwandais pour leur
adhésion à une telle option, non seulement elles sortent du champ de leurs prérogatives et violent le
pacte de coopération avec le pays d’accueil, mais également elles nuisent aux intérêts du Rwanda et
se disqualifient elles-mêmes pour un travail de coopération avec le Rwanda ; leur place,
littéralement, n’est pas au Rwanda. En supposant, bien entendu, que nous restons dans un monde
régi par la logique…
Le refus de l’ethnisme comme critère de distribution du pouvoir et comme fondement de la vie
politique et des rapports politiques entre les Rwandais est combattu, entre autres, par HRW et par
AI au nom de la conception occidentale de l’opposition politique. Des « experts » qui n’ont pas vu
venir le génocide, depuis les pogroms et l’exclusion des Tutsis, depuis la naissance de la république
MDR-P, crient aujourd’hui au crime de lèse-démocratie quand le Rwanda décide de couper court à
toute velléité de propagande ethniste !
Le forum de concertation des formations politiques a été combattu par les trois "multinationales de
la vertu (HRW, AI, ICG)" au nom de la même conception. Le Constituant rwandais a imaginé et
mis en place un système de partage du pouvoir qui évite de reléguer les formations minoritaires hors
des institutions pendant la durée de toute une législature. Quand les courroies de transmission de la
domination intellectuelle et morale de l’Occident n’ont pas combattu ce système de démocratie
participative à la rwandaise, elles l’ont traité par le silence et le dédain, sans pour autant nous
expliquer à quoi servent, par exemple, les Démocrates américains en attendant le départ de Bush ou
les socialistes français pendant le mandat de Chirac…
Il n’y a aucun mal à chercher à faire partager ses valeurs. Mais cela doit se faire dans le respect des
valeurs des autres. Donc, plutôt, par le débat et non par le chantage à l’argent.
Védrine, ancien ministre des affaires étrangères de Mitterrand, écrivait récemment (Le Monde du
20.12.03) :
"je me demande si l’Occident dans son ensemble va réussir à imposer sa loi au monde,
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ou s’il devra composer"
. L’Europe ne doit pas d’abord faire table rase là où elle arrive, pour
implanter ensuite son système de valeurs quand il s’agit, par exemple, de construire une société
démocratique ou de choisir la forme de société que l’on veut promouvoir. On admet justement qu’il
appartient à chaque nation de choisir son destin.
5. Que faire ?
Ce serait, certes, pour le Rwanda, un atout pour une coexistence apaisée que la disparition de tous
les foyers d’hostilité. Mais il ne faut pas perdre de vue que la bonne image du Rwanda, le niveau et
la somme de sympathies dépendent essentiellement de la rigueur, de l’honnêteté et de la continuité
que le Rwanda montrera dans la construction d’une société harmonieuse, juste, démocratique dans
laquelle chaque citoyen se sentira heureux de vivre. Là est l’essentiel, le reste n’est qu’un adjuvant.
Car « on finit par distancer ce qui court après soi, personne ne distance ce qui court en lui », disent
les Rwandais.(Umuntu asiga ikimwirukana ; ntawe usiga ikimwirukamo). Accorder une importance
excessive à l’hostilité extérieure serait de la paranoia vraie et nuisible.
On n’arrivera pas à éteindre à 100% les foyers d’hostilité contre le nouveau régime rwandais fondé
sur le citoyen à la place des "ethnies". Il faut néanmoins voir comment atténuer l’hostilité ambiante
en attendant de pouvoir y mettre fin. Car,
"l’ennemi, même quand il ne te dépouille pas de tes biens,
il retarde ton voyage"
(umwanzi iyo atakwambuye, aragukerereza).
Le premier foyer d’hostilité (la démocratie chrétienne) s’éteindra par l’argumentation, l’explication
incessante, en attendant le vieillissement des porteurs de rancunes. De jeunes générations surgissent
qui ne comprendront plus ni l’objet ni le bienfondé d’une hostilité et d’une lutte contre le Rwanda.
Vraisemblablement l’animosité de la diaspora rwandaise récente ne s’éteindra que par strates
successives à cause de son manque d’homogénéité. Une somme de revendications hétéroclites, les
unes mineures, d’autres mensongères et toutes individualisées, fédèrent de façon fragile la diaspora
et l’opposition actuelle. Pour beaucoup il suffirait d’effacer un casier judiciaire, d’éteindre une dette
pour qu’ils déposent les armes.
Ce sera finalement la disparition des clivages ethniques et de toutes les barrières à l’intérieur et
autour du Rwanda, barrières matérielles et barrières symboliques, qui enlèvera toute velléité de se
battre à une cohorte fondée sur le mensonge, l’illusion et la nostalgie.
Quant à l’hostilité française, elle s’apaisera et finira par s’éteindre par une explication franche des
deux côtés. Grâce également à l’émergence d’acteurs étrangers aux anciens ressentiments, grâce à
l’argumentation d’intellectuels indépendants, amis du Rwanda ainsi que grâce à l’action d’une
société civile sympathique qu’il appartient à la diplomatie de susciter et de soutenir.
Il faut expliquer inlassablement le projet de société du Rwanda, en montrer à la fois le réalisme et la
générosité, et surtout convaincre par sa mise en pratique quotidienne à l’intérieur du pays. Pour le
moment toutefois il ne faut pas se bercer d’illusions : une certaine France fort influente ne peut pas
encore concevoir entre elle et un pays africain une relation qui ne soit pas de subordination. Elle
qui, comme l’écrivait récemment Dominique de Villepin, son ministre des affaires étrangères, « ne
se satisfera jamais de n’être qu’un partenaire parmi d’autres » dans le monde !
6. Les médias occidentaux et nous.
Les médias, comme leur nom l’indique, pourraient servir de médiateurs pour une explication et une
compréhension mutuelle. Or il n’en est rien. Le Rwanda, et l’Afrique en général, ne dispose pas de
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médias aussi nombreux et aussi importants que ses "adversaires" et il ne peut pas user du même
poids pour bénéficier de l’audience des médias qui ne lui appartiennent pas.
L’équité dans la publication des opinions n’est pas si équitable que ça. Un Africain – à moins d’être
chef d’Etat ; et encore ! – obtiendra très difficilement, sinon jamais, un droit de réponse, une « libre
opinion » ou un « point de vue » dans un journal français ou belge. S’il obtient quelque chose de
semblable, ce sera dans un délai ou en un emplacement du journal qui atténuera au maximum son
propos.
Quant au droit de réponse, au sens juridique du terme, il doit passer par des méandres juridiques
compliqués, le plus souvent ignorés, et si d’aventure il est obtenu, l’objet de la réponse sera déjà
oublié ou hors de saison.
La réalité est que le "Sud" est diffamé constamment et impunément dans les médias du "Nord",
presse et TV, constamment et sans conséquence pour les auteurs de la diffamation. Or, comme on
l’a vu, les conséquences d’une diffamation constante peuvent être graves pour l’image d’un pays
comme le Rwanda, à qui il importe d’avoir une bonne image auprès des bailleurs de fonds. Ceux
qui se livrent à la diffamation en sont bien conscients.
Conclusion générale.
Des trois choix fondamentaux du Rwanda (l’unité, la démocratie et le développement) l’hostilité
porte sur l’unité citoyenne face à l’affrontement ethnique dans le champ politique; cette hostilité
génère le doute sur l’intention réelle d’aller vers la démocratie et sur la possibilité d’un
développement réel dans ces conditions.
Cette hostilité porte donc sur l’essentiel : le choix de l’unité est fondamental aussi bien au regard du
passé qu’au regard de l’avenir ; la démocratie égalitaire et la prospérité économique en sont des
conditions incontournables.
Le Rwanda ne peut ni transiger ni céder sur ce point sans renier le destin qu’il s’est choisi. Les
voies d’une coexistence sereine avec ceux qui sont hostiles au Rwanda sont donc à chercher ailleurs
que dans le retour à l’ethnie pour la DCB, dans le voyage à Canossa ou la repentance pour la
France, dans le retour au bon vieux temps de papa Habyarimana pour une diaspora nostalgique.
Servilien M. Sebasoni
mars 2004
ABREVIATIONS NON EXPLIQUEES DANS LE TEXTE :
ONG (organisation non gouvernementale), USAID (United States Agency for international
development), FPR (Front Patriotique Rwandais), IDC (Internationale Démocrate chrétienne), VOA
(Voice Of America), RDC (République Démocratique du Congo), CAN (Coupe Africaine des
Nations), FDLR ( Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda), HRW (Human Rights
Watch), ICG (International Crisis Group), AI (Amnesty International), MDR-P (Mouvement
Démocratique Rwandais – Parmehutu).
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