Ursule , livre ebook

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Extrait : "Sylvain, le valet de chambre, entra dans l'herbier d'Urbain Andrivet, et dit : — La voiture de monsieur le comte est avancée. C'était un Frontin moderne, un jeune homme de trente ans, à la démarche grave, à l'œil vert, au regard louche ; il tenait à la main un journal qu'il se remit à lire, après avoir fait son annonce promptement et en donnant le titre de comte à son maître."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Nombre de lectures

11

EAN13

9782335122275

Langue

Français

EAN : 9782335122275

 
©Ligaran 2015

Préface
Autrefois, les longs ouvrages faisaient peur , comme nous le dit La Fontaine. Nous revenons au goût d’autrefois : le volume isolé prend crédit ; l’élixir triomphe du délayage. Nous sourions à ce progrès, et nous nous résignons volontiers à sa loi. Quel bonheur de suivre la mode quand la raison est à la mode !
Je tiens dans la main quatre vérités un peu crues, et fort scabreuses ; je crois du moins que ce sont des vérités ; excusez-moi, si je me trompe. Il me faut un volume par vérité. J’ai donné au public la première dans Monsieur Auguste , livre qui a fait son chemin, sans bruit, comme toute vérité reléguée pour cause de scrupule au fond d’un puits artésien. Deux éditions épuisées, en six mois, semblent pourtant prouver que ce livre a été compris.
J’ouvre la main pour donner le vol à la seconde vérité, dans ce nouveau volume URSULE. Quand je serai à quatre, je rentrerai dans le paradoxe, mon élément naturel ; je ferai battre encore, dans de nouveaux romans, les Anglais avec les Chinois, les Anglais avec les Indiens insurgés, comme j’ai fait autrefois, de 1840 à 1845, ce qui m’a valu tant de cris, au Paradoxe ! Car, me disait-on, les Chinois et les Indiens doivent vivre éternellement en frères avec les Anglais. Paradoxe !
Le sujet de ce nouveau livre, Ursule , est pourtant vieux comme le monde ; l’Évangile lui consacre un chapitre admirable et tous les auteurs profanes l’ont traité avec plus ou moins de bonheur.
L’ADULTÈRE, puisqu’il faut l’appeler par son nom , a fourni prétexte à tous les moralistes du livre et du théâtre. Ce crime a été flétri par quelques-uns, enjolivé par les autres, et il a toujours fourni matière à force épigrammes, quolibets, chansons, comédies. Il paraît que ce crime a un côté fort plaisant. Molière ne lui a jamais donné son vrai nom. La Fontaine a fait une comédie, la Coupe enchantée , dans laquelle il démontre que le titre plaisant prodigué par Molière doit être donné, comme surnom comique, à tous les maris sans exception.
A-t-on fait rire au théâtre, aux dépens de ces pauvres maris ! La comédie a-t-elle assez abusé de son privilège de châtier les mœurs en riant ! les dramaturges ont essayé de mettre un peu de noir dans l’adultère en faisant poignarder la femme coupable par un mari vengeur. Leçon !
La leçon n’a corrigé personne ; le crime a fleuri, et le poignard a disparu de nos mœurs et de nos armuriers.

Quand on l’ignore, ce n’est rien,
Quand on l’apprend, c’est peu de chose.
Telle est la définition de l’adultère, au point de vue du vaudeville, œuvre du Français né malin  ; cette maxime a généralement prévalu. Ô maris ! sachez ignorer votre sort, Ce n’est rien !
Ah ! ce n’est rien ! Examinons la question sous un point de vue nouveau et sérieux, examinons ce rien, malgré le proverbe antique de Lucrèce de nihilo nihil .
I Introduction
Sylvain, le valet de chambre, entra dans l’herbier d’Urbain Andrivet, et dit :
– La voiture de monsieur le comte est avancée.
C’était un Frontin moderne, un jeune homme de trente ans, à la démarche grave, à l’œil vert, au regard louche ; il tenait à la main un journal qu’il se remit à lire, après avoir fait son annonce promptement et en donnant le titre de comte à son maître.
Urbain eut l’air de ne pas entendre, et continua d’examiner une tige d’hibiscus, vrai phénomène de floraison.
Comme il contemplait ce phénomène, une jeune femme entra, fit un léger haussement d’épaules et s’assit.
Après un moment de silence, elle dit :
– Je suis là.
Urbain se retourna vivement et répondit :
– Ah ! chère amie, je suis à toi dans l’instant… nous allons partir… Es-tu curieuse de voir ceci ?… une magnificence végétale que j’ai reçue du jardin zoologique de Ceylan…
– Si nous tardons encore, reprit la jeune femme, la chaleur sera plus forte, et…
– Nous partons, interrompit Urbain, en arrangeant ses fleurs empaillées, nous partons… C’est égal, les Chinois sont plus forts que nous en agriculture !… Pourquoi le gouvernement ne place-t-il pas deux Chinois fleuristes au Jardin des plantes ?… Nous partons, Ursule… Ah ! un instant… laisse-moi serrer la médaille que M. Dieffenbach m’a envoyée de Friedberg… Est-ce beau !… un module de cette dimension !… Auguste fermant le temple de Janus  !… presque aussi rare qu’un Othon-grand-bronze !…
– Nous manquerons le convoi ! interrompit Ursule sur le ton de l’impatience.
Cette réflexion menaçante, inconnue de nos pères, produit toujours son effet sur les indolents et les retardataires de profession. Urbain suivit sa femme d’un pas leste ; on ne perdit plus une minute ; la voiture se dirigea au vol vers la gare du Nord.
Urbain et Ursule comptaient quatre ans de mariage.
– En voilà deux qui ont inventé le bonheur ! avait-on dit dans le monde à leur première apparition.
Ils avaient, en effet, tous les éléments de la vie heureuse. Urbain était un jeune mari complètement dépourvu de défauts. Sa figure fraîche, ronde, sereine, annonçait l’absence de toute mauvaise passion, comme la blanche pleine lune d’été promet un quartier d’azur et d’or. Ses yeux d’un bleu clair et tranquille ne donnaient jamais une étincelle d’animation ; le calme intérieur se reflétait toujours dans leur nuance immuable. Les goûts simples remplaçaient chez lui les passions actives ; il aimait l’étude de la philosophie, l’art numismatique, la chimie et la botanique, toutes choses qui se concilient si bien avec l’humeur sédentaire et l’affection pour le toit domestique. Une grande fortune lui permettait de consacrer à ses études et à ses collections des dépenses assez considérables, mais réglées avec discernement par un sage esprit d’économie. Sa belle-mère, femme d’expérience parisienne, disait de lui :
– Ah ! que je serai heureuse le jour où je découvrirai un défaut chez Urbain !
Ursule, sa femme, a vingt-quatre ans en 1855. Ce n’est pas une de ces belles personnes qu’on admire au théâtre et dans les bals publics, et qui servent de point de mire aux lorgnettes et aux doigts indicateurs ; elle n’a aucun éclat bruyant sur sa figure ni sur sa toilette : sa grâce et ses charmes ne se révèlent que dans le demi-jour du salon, lorsqu’elle a quitté son chapeau, sa mantille ou son châle ; et que rien ne dérobe ses beaux cheveux noirs, l’ovale pur de son front, la fraîcheur de son teint, le calme virginal de ses yeux, la souplesse ouatée de son col, les limites savoureuses de ses épaules, la perfection de son corsage, la finesse de sa taille et tout ce qu’on devine dans l’invisible, par une règle de proportion que font si aisément les mathématiciens de la forme et les connaisseurs en beauté.
Quant au caractère d’Ursule, il se dessinera plus tard en paroles et en actions.
La voiture conduisit les deux jeunes époux à la gare du Nord. Urbain prit deux billets de wagons pour la station d’Enghien.
Peu d’instants après, le coup de sifflet du départ se fit entendre, et la locomotive prit le galop.
Six compagnons de promenade, surnommés pompeusement VOYAGEURS de Paris par les préposés des stations de banlieue, complétèrent le personnel du wagon. Trois de ces voyageurs, ne pouvant supporter le poids de leur pensée jusqu’au lac d’Enghien, s’endormirent profondément. Un autre prit un journal et fit semblant de lire ; les deux autres causèrent de la rente et de la chaleur. Urbain, perverti ou magnétisé par le voisinage, s’endormit pour faire le quatuor.
Ursule regardait ces hommes avec des yeux pleins de tristesse, et personne ne la regardait.
Les deux causeurs changèrent de sujet à la station de Saint-Denis ; ils parlèrent des infiltrations souterraines qui s’étendent aux caves des maisons voisines du lac d’Enghien, et causent de grands ravages.
– Y a-t-il un remède à cet inconvénient ? demanda le plus jeune.
– Sans doute, répondit l’autre ; un remède fort simple, mais un peu cher : il faut faire recrépir les murs et le plancher avec de la pozzolane. Je m’en suis servi, et je m’en trouve fort bien.
– Vous dites… de la poso… ?
– Pozzolane, pozzolano … En français, pozzolane ; c’est un nom italien.
– Je vais récrire sur mon agenda… Où trouve-t-on ça ?
– Quai de Valmy… n°… n°… j’ai oublié le numéro… ; mais on ne peut pas se tromper, il y a sur le mur extérieur : Dépôt de pozzolane d’Italie .
– En faut-il beaucoup ?
– Oui, si l’infiltration est considérable. En tout état de choses, consultez mon maçon… Jean Isnard… un honnête homme… Je vous l’enve

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