Témoin en Algérie
69 pages
Français

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Témoin en Algérie , livre ebook

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Description

En provenance de métropole, ils ont gagné le port d’Oran à bord du « Sidi Bel Abbès ». Sur le quai, des camions militaires les attendent pour les conduire au camp de transit. Sur le parcours, des promeneurs applaudissent, lancent des vivats !
Dix-sept mois plus tard, sur le chemin du retour, le convoi d’ambulances qui les mène à l’aéroport fait l’objet de crachats, de poings levés, d’insultes et de lancers de pierre.
Pourquoi un tel revirement en si peu de temps ?
Le témoignage de cet instituteur, appelé du contingent, permet de le comprendre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 mai 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782379799761
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean Charles
Témoin en Algérie
(mars 1958 – août 1959)
ISBN epub 9782379799761
ISBN papier 9782379799754
© mai 2023
Jean Charles


Pour Colette, mon épouse, Bruno, Hervé, Flavie † , nos enfants, Martin, Tanguy, Emile, Tristan, Robin, nos petits-enfants.


Jésus répond à des militaires : « Ne faites ni violence ni tort à personne et contentez-vous de votre solde. » Luc : chapitre 3, verset 14 Traduction de la T.O.B. 1988


Avant-propos
En écrivant ces témoignages, j’ai souhaité décrire une réalité : celle de quelque cent trente militaires vivant dans un cantonnement situé au milieu de nulle part, accessible par des pistes dont une, empierrée, est carrossable.
Ces hommes-là sont presque tous jeunes, venus à Aïn-Biko par l’exigence du service militaire et la nécessité de mettre fin à la rébellion d’une partie de la population algérienne.
Ces soldats vont se rendre compte, sur place, que la réalité vécue au quotidien n’est pas celle qu’ils ont pu entrevoir à l’école, dans les livres d’histoire ou de géographie.
Pourquoi, en Algérie, les enfants de six à quatorze ans ne sont-ils pas tous scolarisés ?
Pourquoi, en Algérie, tant de jeunes enfants meurent-ils sans soin ?
Ces questions s’étendent à tout le Bled et sont valables aussi, à un moindre degré, aux agglomérations urbaines.
Les soldats que nous sommes ont une mitraillette dans une main et dans l’autre une boîte de premiers secours.
Pourquoi ?
Parce que l’action psychologique le veut, que le referendum le demande et que la guérilla et la sécurité nous contraignent à l’usage de nos armes.
Parce qu’il faut essayer de soigner, l’armée va mettre des pansements sur les plaies alors qu’il faudrait des opérations chirurgicales tant le mal apparaît profond.
*
Un jour, j’ai été atterré en lisant une phrase dont je n’ai gardé ni le nom de l’auteur ni celui de la feuille où il avait écrit, en gros, que nous étions les « Croisés » d’une « nouvelle croisade ». Pourtant ce n’était pas la foi qui animait la plupart des appelés qui s’acquittaient de l’obligation du service militaire en espérant rentrer sains et saufs en France.
D’ailleurs, ceux qui appelaient de leurs vœux « la Croisade » avaient oublié comment elles s’étaient achevées : par un fiasco sur le plan militaire, hormis la première.
Nous étions pourtant nombreux, dotés d’équipements modernes, soutenus par l’aviation légère, les hélicoptères, les blindés, l’artillerie, que sais-je encore ? L’essentiel de l’armée française quadrillait l’Algérie, apportant aide et progrès là où il le fallait.
Tous les conquérants ont laissé des traces en Afrique du Nord : les ruines romaines y sont nombreuses, les « Kraks » de Palestine et de Syrie rappellent les « Chevaliers croisés », les immeubles HLM, les routes et les voies ferrées ont marqué notre passage en AFN.
Mais comme les Romains et les Croisés, nous n’y sommes pas restés !
*
J’avais noté beaucoup d’observations dans des carnets qui m’ont permis d’écrire ces pages avec précision. Les conversations y ont été consignées, mais résumées à l’essentiel.
Tous les faits relatés ici ont soixante ans, le temps a partiellement apaisé les tensions, mais l’oubli n’est pas possible.
Dans ce travail de mémoire, je n’ai nommé personne. Les grades ou les fonctions permettront peut-être d’identifier certaines personnes par ceux qui les ont connues, les plus anciens d’entre nous.
Seuls les prénoms de trois enfants, Lila et Mohamed ont coulé de ma plume pour avoir été les héros d’une mésaventure due à la bêtise humaine, Ali qui voulait être mécanicien, ainsi que ceux de deux camarades morts étouffés sous le sable d’un pan de dune qui s’effondre.


Chapitre 1 Arrivée et découvertes
13 Mars 1958 – Ce jour-là, le Sidi-Bel-Abbès pénètre dans le port d’Oran. Les dauphins qui l’accompagnaient et qui nous distrayaient par leurs jeux et leurs bonds sont restés au large. Le navire accoste doucement le long du quoi de sa compagnie.
Sur le pont, des soldats par centaines sont déjà prêts à débarquer : paquetage sur l’épaule, valise à la main. Nous sommes en grande majorité des appelés, soit nous assurons la relève de ceux qui ont terminé leur service militaire, soit il s’agit de permissionnaires qui rejoignent leurs unités après leur séjour en France. De nombreux camions de l’armée nous attendent sur le quai.
Pour sortir de la zone portuaire et gagner la ville construite sur un plateau, on emprunte une voie très pentue. Sur le parcours, des badauds, des promeneurs arabes ou européens. Des applaudissements crépitent, des « Vive la France » retentissent.
Le convoi nous emmène à l’extérieur de la ville, jusqu’à un camp militaire installé à proximité du sanctuaire marial « Santa Cruz ». Des baraquements neufs, propres, bien éclairés, nous accueillent. De l’avis de tous ceux qui sont passés par le camp « Sainte Marguerite » de Marseille, celui-ci est beaucoup mieux, même la nourriture y est très satisfaisante. Pas de corvée, mais nous sommes « consignés ». Ce qui signifie en jargon militaire que les sorties nous sont interdites.
Après la troisième nuit, au réveil, branle-bas de combat pour nous, le renfort du 25 e RA, il nous faut rejoindre notre « groupe de marche » quelque part à l’est de Mascara.
Paquetage cadenassé, valise fermée et comme viatique un fusil qui pend à notre épaule et nous empêtre quand il faut se hisser dans les GMC qui vont nous déposer à la gare.
Eh oui, nous allons prendre le train !
La gare d’Oran nous apparaît bientôt, monumentale, construite comme celles des grandes villes de métropole.
Le train est à quai.
Nous nous entassons dans des compartiments déjà partiellement occupés par des civils de type européen.
Sur le quai, des agents des Chemins de fer algériens, en uniforme, vont et viennent le long du train. On se croirait en France. Bientôt l’un d’entre eux lève et agite son guidon et siffle : c’est le signal du départ, comme en France, mais pour l’inconnu. Le train s’ébranle. Le visage des hommes du renfort s’assombrit et par là traduit une profonde inquiétude. Mais a-t-on le choix ? Alors « Inch Allah ».
Des nombreux arrêts, je ne citerai que les principaux, ceux dont les noms ont été curieusement francisés : Sainte-Barbe du Tlélat, Saint-Denis du Sig, Perrégaux. Les noms sont français, mais le paysage n’est pas celui de la métropole. Des orangeraies, des oliveraies, des vignes en plaine nous sont signalées par les civils. Quelques marabouts tranchent par leur éclatante blancheur au milieu de la verdure ambiante. Des marécages font le bonheur des canards sauvages, des cigognes dont on aperçoit çà et là les nids circulaires.
Très vite, nous prenons conscience des problèmes : à chaque arrêt, de jeunes enfants arabes proposent des oranges ou des boissons aux voyageurs qui les rabrouent en criant : « Voleurs, sales bougnoules, racaille ». Ces noms d’oiseaux fusent de toutes les fenêtres des compartiments. Certains civils vont jusqu’à descendre du train pour amasser des morceaux de ballast et les jeter sur les enfants qui s’éloignent. Un tel comportement nous choque et nous exprimons clairement notre indignation.
— On voit bien que vous arrivez, vous ne les connaissez pas, attendez et vous verrez, bientôt vous changerez d’avis, nous dit-on charitablement. Soixante ans plus tard, je désapprouve toujours ces brutalités gratuites et ces insultes destinées aux enfants.
Les arrêts du train sont longs et permettent de constater que l’activité ferroviaire est faible : l’herbe qui pousse entre les rails et les traverses en témoigne.
À un moment, on change de machine, une locomotive diesel est accrochée aux wagons, mais, détail « rassurant », trois ou quatre plateformes vides sont attachées devant la motrice. Craindrait-on un sabotage de la voie ? À ce moment des gradés passent dans le train et recommandent à tous les militaires d’avoir leur arme chargée à portée de la main, en cas de besoin !
Nos voisins civils, ne font plus les fanfarons, l’un ou l’autre risque timidement « il n’est jamais rien arrivé sur la ligne ». Mais, quelques kilomètres plus loin, des débris métalliques tordus de wagons abandonnés sur le bord de la voie ferrée en apportent le démenti le plus irréfutable.
Le voyage en train se termine à Dublineau pour la trentaine de soldats qui assuraient la relève des « quillards » du 1/25 e RA. Nous rejoindrons notre destination par la route à bord de GMC bâchés : nous sommes privés du paysage.
Nous traversons une ville, sans doute Mascara, et une petite quarantaine de kilomètres plus loin, nous sommes à Dombasle. Ce gros bourg a repris maintenant son nom d’origine « El Hachem ». C’est ici qu’est installé le PC du groupe de marche 1/25 e RA auquel nous sommes affectés. C’est le terminus de notre voyage commencé à la frontière franco-luxembourgeoise. Cela fait approximativement 2 000 km à vol d’oiseau. C’est très loin pour les personnes que nous aimons et qui nous aiment.
Après une incorporation rapide et un repas pris au réfectoire, on nous guide jusqu’à une vaste ferme tenue par un colon. Un hangar nous abritera pour la nuit. Sans souci, nous dormons dans la paille. Trois ans plus tard, le journal France Soir nous apprendra qu’une jeune femme de la famille de ce fermier était arrêtée en Alsace, au motif de convoyage de fonds pour le FLN.
Le lendemain matin : réveil. Après le déjeuner, l’adjudant qui nous avait accompagnés depuis Thionville nous indique nos affectations définitives. C’est un saupoudrage entre les cinq unités du groupe de marche : la 1 re Batterie d’Uzes-le-Duc, la 2 e Bie d’Ain-Défla, la 3 e d’Aïn-Biko, la 4 e du Guerghour, la BCS et le PC de Dombasle. Notre accompagnateur me dira en confidence :
— À la 3 e Batterie, une école a été ouverte par l’armée, vous remplacerez l’instituteur appelé dès la fin de son service militaire.

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