Quelqu un priait sur ma tombe
182 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Quelqu'un priait sur ma tombe , livre ebook

-

182 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Jean-Claude Melka Quelqu’un priait sur ma tombe Policier Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com Copyright © 2013 Editions Les Nouveaux Auteurs – Prisma Média Tous droits réservés ISBN : 978-2-8195-03163 Composition et réalisation de l’epub : IGS-CP À mes enfants Jonathan et Sarah. À ma compagne, Nicole, ma première lectrice.   À Jean B. alias le Gros, qui a toujours cru en moi ; Et à Willy dit le Zeït ; deux témoins de toute une vie. «  En vieillissant, on s’aperçoit que la vengeance est la forme la plus sûre de la justice.  » Henry Becque. Prologue Viña del Mar – Chili. Janvier 2006   Anton appuya sa main contre sa poitrine, désespérément, comme s’il voulait empêcher son cœur d’en sortir. À nouveau cette tachycardie qu’il redoutait à la moindre émotion se manifestait, plus violente qu’à l’accoutumée. Il s’allongea, torse nu, face contre le carrelage frais, guettant le martèlement désordonné de son cœur. Il en ressentait les pulsations affolées jusque dans sa gorge. De longues minutes passèrent avant qu’il ne perçoive plus qu’un battement régulier entre ses côtes. Il se redressa et regarda de nouveau l’enveloppe. Le cachet de la poste l’avait instantanément ramené vingt ans en arrière. Il l’ouvrit, les doigts encore tremblants. La lettre était à l’en-tête d’un centre d’études talmudiques de Jérusalem.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 avril 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782819503163
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Claude Melka
Quelqu’un priait sur ma tombe
Policier
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com
Copyright © 2013 Editions Les Nouveaux Auteurs – Prisma Média
Tous droits réservés
ISBN : 978-2-8195-03163
Composition et réalisation de l’epub : IGS-CP
À mes enfants Jonathan et Sarah.
À ma compagne, Nicole, ma première lectrice.
 
À Jean B. alias le Gros, qui a toujours cru en moi ;
Et à Willy dit le Zeït ; deux témoins de toute une vie.
«  En vieillissant, on s’aperçoit que la vengeance est la forme la plus sûre de la justice.  »
Henry Becque.
Prologue
Viña del Mar – Chili.
Janvier 2006
 
Anton appuya sa main contre sa poitrine, désespérément, comme s’il voulait empêcher son cœur d’en sortir. À nouveau cette tachycardie qu’il redoutait à la moindre émotion se manifestait, plus violente qu’à l’accoutumée. Il s’allongea, torse nu, face contre le carrelage frais, guettant le martèlement désordonné de son cœur. Il en ressentait les pulsations affolées jusque dans sa gorge. De longues minutes passèrent avant qu’il ne perçoive plus qu’un battement régulier entre ses côtes. Il se redressa et regarda de nouveau l’enveloppe. Le cachet de la poste l’avait instantanément ramené vingt ans en arrière. Il l’ouvrit, les doigts encore tremblants. La lettre était à l’en-tête d’un centre d’études talmudiques de Jérusalem. Dans un anglais approximatif, le signataire y exprimait le regret de faire part du décès d’Amos Kupfer, inhumé au cimetière du Mont des Oliviers, conformément à sa volonté. Une formule énigmatique qu’il ne tenta pas de comprendre précédait une signature illisible.
Il abandonna le carrelage et se dirigea à pas lents vers sa chambre. Confondue dans les motifs jaunis d’un papier peint sans âge, une feuille était épinglée au-dessus de la tête de lit. Il la regarda longuement. Il lui semblait la voir pour la première fois : « En cas de décès, prévenir monsieur Amos Kupfer – Yéshiva Akiva – Jérusalem. »
Cette réciprocité morbide lui arracha un soupir de lassitude. Il relut cette dérisoire dernière volonté, attestation de la solitude dans laquelle il vivait depuis de longues années, obsession des premiers temps de son exode, désormais inutile. Il arracha la feuille, la déchira lentement, méthodiquement, et s’allongea.
Il revoyait Kupfer gravir la passerelle de ce vieux cargo en partance pour Haïfa. La veille de ce départ, ils avaient déambulé de bar en bar, inquiets, et arpenté les quais déserts du port d’Anvers. Aux premières lueurs de l’aube, Anton était resté sur sa décision : il ne suivrait pas Kupfer en Israël. Même si cela était le refuge le plus sûr, il valait mieux se séparer. Ils n’avaient plus rien à partager. Ils étaient l’un pour l’autre un miroir dans lequel subsistait le reflet des cauchemars qu’ils avaient traversés. Il leur fallait, comme les rescapés d’un naufrage, oublier et tenter de revivre. Ailleurs. Amos Kupfer au moins connaissait sa destination. Il l’avait griffonnée sur un carton à bière. « Pour le cas où… » avait-il rajouté à bout d’arguments. Ils s’étaient longuement étreints, Anton avait promis de lui faire savoir où il s’installerait et Kupfer s’était éloigné lentement vers la passerelle. Anton était resté sur ce quai désert aussi longtemps que le cargo était visible sur l’Escaut et qu’il pouvait apercevoir Kupfer appuyé au bastingage agitant son chapeau. Quelques mois plus tard, il lui avait adressé une simple carte pour lui faire savoir où, à son tour, il avait décidé de jeter l’ancre : « Anton Drajick – Antiquités – Avenuda del Borgo – Viña del Mar – Chili. »
Il n’avait pas été nécessaire d’être plus précis. Seul Amos Kupfer savait qui se cachait sous ce nom, lui seul savait qu’un corps inconnu gisait dans un cimetière lointain sous la véritable identité de ce fantôme qu’était devenu Anton Drajick.
Il murmura, pensif, en détachant chaque syllabe : Ma-xime-Ho-bart… Maxime Hobart… comme l’on prononce le nom de quelqu’un dont on cherche le visage. Quelqu’un que l’on croit avoir connu… Anton eut subitement l’impression d’avoir ouvert une porte sur sa mémoire. Une porte interdite. Mais seules les quelques heures qui avaient précédé le départ de Kupfer persistaient dans ses souvenirs comme si elles s’étaient déroulées la veille. Le reste, tout le reste, s’était volatilisé. À peine perçus, ses souvenirs explo saient et se dispersaient comme des bulles frémissantes remontant à la surface d’une eau en ébullition.
La mémoire douloureuse, il tenta de se raccrocher à cette amnésie avec laquelle il vivait depuis longtemps. Il essaya de se raisonner. Après tout, se disait-il, qu’est-ce que cela change ? L’existence de Kupfer n’était que virtuelle, vingt ans de silence peuvent tenir lieu de mort. En vain. La mort de Kupfer agissait comme un antidote, effaçant lentement Anton Drajick, tandis qu’apparaissait, dans une brume, à peine esquissé, le visage de Maxime Hobart.
Il ferma les yeux, espérant le sommeil, usant de toutes les ruses de l’esprit pour échapper aux sollicitations entêtantes de sa mémoire. Il se remémora ce qu’il avait retenu d’une nouvelle de Borges dans laquelle un homme à la suite d’un accident se découvre une mémoire absolue, totale, qui lui permet de revivre son passé dans les détails les plus infimes. En définitive, une mémoire atroce.
Anton avait éprouvé la malédiction du souvenir. Il avait été ce personnage de Borges pendant de nombreuses nuits. Lorsque sa mémoire ne se perdait pas dans les brumes du temps il avait tenté d’en laisser une trace écrite, poussé par une impérieuse nécessité, comme l’on rédige un testament au seuil d’une mort annoncée. Chaque ligne fut une épreuve. Il lui avait semblé qu’un poison s’écoulait de lui, passait d’un récipient à un autre, jusqu’à la dernière goutte, jusqu’au bout de cette mémoire qui ne devait plus lui appartenir pour être un autre. Pour être Anton Drajick. Ainsi mourut Maxime Hobart entre Anvers et Valparaiso.
Ce manuscrit, qu’il n’avait jamais relu, vieillissait, oublié parmi des bibelots invendables, dans un recoin de la boutique du rez-de-chaussée. La simple évocation de l’étagère sur laquelle il se souvenait l’avoir rangé déclencha une inquiétude fébrile, une peur confuse, sans substance, comme s’il avait négligé de faire disparaître une trace compromettante… Un mort prêt à ressusciter… Il se retourna plusieurs fois nerveusement, enfin il prit à tâtons une boîte de bêtabloquants sur la table de nuit, et sans rouvrir les yeux, avala un comprimé. À chaque fois qu’il s’abandonnait au sommeil, un kaléidoscope de visages et de paysages, qu’il ne reconnaissait pas, lui vrillait l’esprit, s’imposait à lui dans un désordre vertigineux. Les souvenirs, comme autant de coups de boutoirs, se frayaient douloureusement un chemin à travers son oubli.
Il éprouva brutalement une lassitude profonde, comme un anéantissement total de sa volonté. Il ne pouvait plus lutter. La mort de Kupfer avait ressuscité Maxime Hobart.
Il se leva, retira d’un geste brusque le drap qui recouvrait une psyché au pied du lit et resta immobile devant le miroir. Il semblait interroger l’image d’un vieil homme, maigre, torse nu, aux muscles fatigués et aux longs cheveux blancs jusqu’aux épaules, un vieux Christ dont le regard gris, comme le tain fané du miroir, lui renvoyait ses propres questions.
Il redéposa le drap sur la psyché et s’approcha des persiennes entrouvertes. Le soleil déjà haut tentait d’entrer par effraction dans la pièce à travers les claires-voies des volets.
Il descendit lentement l’escalier métallique qui finissait sa course dans l’arrière-boutique, il s’arrêta longuement devant une étagère. Il prit le manuscrit d’une main incertaine et laissa tomber dans un sac de toile les centaines de feuillets simplement reliés par une pince de bois. Il quitta la boutique par l’arrière, sembla hésiter un instant, puis il traversa une cour pavée et rejoignit le bord de mer. La grande plage de Ranaca n’était pas très loin. Il marcha jusqu’à l’extrémité nord de la baie et, quand il fut tout à fait seul, s’adossa à une vieille barque renversée sur le sable.
Le manuscrit était daté du mois de janvier 1986. Après en avoir lu la première page, il le reposa. Ces quelques lignes lui avaient serré la gorge, le cœur dans un étau, il semblait sourire amèrement à quelque chose, loin sur l’horizon. Le premier jour de mon naufrage, se disait-il, pourtant n’était-ce pas aussi le premier jour du bonheur le plus grand et le plus éphémère que la vie lui avait donné ? Il en avait payé le prix. Un prix exorbitant. Inhumain.
Il resta ainsi de longues minutes, le regard perdu sur la ligne d’horizon. Insensiblement, ses souvenirs épousaient le rythme calme du faible ressac sur le rivage, comme le pendule apaisant d’un hypnotiseur, chaque vague apportait une image, un visage, et chaque reflux semblait le murmure d’une voix. Il se récita la première ligne : « Après vingt ans passés à la brigade criminelle de Paris… » Puis il reprit le manuscrit.
I
Paris.
Janvier 1986.
 
Après vingt ans passés à la brigade criminelle de Paris, je moisissais depuis dix mois au ministère de l’Intérieur où j’avais été détaché en tant que « Commissaire chargé de missions ». Ce titre ne recouvrait aucune réalité et n’était que l’élégante traduction d’une mise au placard à la suite d’une affaire qui m’avait indirectement conduit à la femme d’un haut personnage de l’État. De l’interpellation musclée d’un braqueur de banque à la femme d’un ministre, il y a loin. Mais quand, aidé par un flic obstiné, le hasard s’en mêle… Les conséquences ne sont pas toujours celles que l’on attend. Ce n’était pas la première fois que ma curiosité me conduisait dans des « sens interdits ». Cette ultime récidive, qui n’avait suscité que l’embarras modéré de mes supérieurs directs, avait déclenché les foudres du ministère de l’Intérieur et plus parti

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents