Le Noyé de l anse Cluny
170 pages
Français

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Le Noyé de l'anse Cluny , livre ebook

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Description

Le corps d’un jeune garçon retrouvé sans vie sur une plage ; un voyou assassiné quelques semaines plus tard dans une anse déserte ; un scandale financier qui menace des personnalités politiques locales. Tels sont les ingrédients de l’enquête confiée à Vincent Delaunay, inspecteur métropolitain fraîchement débarqué aux Antilles. Interrogeant les protagonistes de cette sombre histoire, il découvre peu à peu la réalité complexe de ce « confetti de l’empire », où l’insolente beauté des paysages côtoie la rudesse des relations sociales. Des criques oubliées aux quartiers populaires de Pointe-à-Pitre en passant par les chantiers abandonnés de Saint-Martin, Vincent recherche une vérité qui se dérobe, apprenant sans doute autant sur lui-même que sur cette société issue du plus honteux des trafics.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 juillet 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414249688
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-24966-4

© Edilivre, 2018
Avertissement
Ce texte est une œuvre de pure fiction. Pourtant le point de départ du roman est un fait divers qui a ému toute la Guadeloupe : la noyade d’un jeune homme sur une plage de Sainte-Rose dix ans après celle de son frère. L’auteur espère que les parents d’Emmanuel lui pardonneront d’avoir emprunté quelques bribes à leur histoire tragique. L’arrière-fond politique et social de ce roman est aussi très librement inspiré d’événements qui ont agité l’île à la fin des années 1990. L’auteur n’a eu en la circonstance aucun souci de vérité historique, mais simplement de crédibilité pour une histoire qui aurait pu se passer en d’autres lieux et à une autre époque. Toute ressemblance entre un des personnages de ce roman et une personne ayant réellement existé ne peut donc être que fortuite…
Chapitre 1
L’institut médico-légal occupe une aile du bâtiment de traumatologie du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre, sur un grand morne qui domine le port. Vincent préfère éviter l’entrée principale – souvent obstruée par les ambulances et les véhicules du personnel – et passer par derrière. Pour cela il faut emprunter une rue en pente qui part de la place de la Victoire, longer le collège catholique de Massabielle et stationner à proximité de l’Institut Pasteur. Un portail rouillé que personne ne se donne la peine de garder permet de gagner directement la morgue. Le soleil darde encore ses rayons incandescents sur l’allée poudreuse bordée d’hibiscus et de lauriers roses, et les alizés, qui en cette saison apportent un peu d’air frais, semblent en panne. Vincent transpire abondamment. Aussi est-il presque soulagé de se retrouver avec Froissard, le médecin légiste, dans la chambre froide. Celui-ci soulève la couverture qui dissimule le corps du jeune homme. Une simple plaque en métal accrochée autour du cou indique son nom et son prénom.
– À coup sûr, il vivait encore quand il est tombé dans l’eau. Ses poumons sont plein d’eau. En revanche il porte de nombreuses ecchymoses sur le corps… Difficile de déterminer si elles sont liées à une altercation ou à la chute contre les rochers… Le gamin a été retrouvé une bonne heure après le décès !
Vincent ne peut détacher son regard du visage du noyé. La peau est grise et terne, le blanc de l’œil apparaît entre les paupières entr’ouvertes, de longues mèches bouclées sont collées sur le front. Pourtant il reste quelque chose de l’élégance qui naît souvent du métissage : la finesse des traits, la sensualité des lèvres, l’empreinte volontaire du menton. Vincent a du mal à se persuader que toute vie a reflué de ce corps bien proportionné, de ces longues mains de pianiste et de ces bras musclés. Le gamin devait avoir une pratique sportive régulière : natation, football, tennis… Il était sûrement un peu cossard au lycée, il plaisait aux filles, il aimait la musique rap et t echno . C’est en tout cas ce qu’imagine Vincent, dont le fils aîné n’a que quelques années de moins que la victime.
Que s’est-il donc passé sur cette plage de Cluny, au cours de ce mercredi après-midi réservé aux jeux et à la baignade ? Un groupe de jeunes qui rit aux éclats, les garçons qui jouent avec les vagues, quelques couples qui s’égayent dans la végétation qui borde le sable, protégés du soleil et des regards par les larges feuilles des catalpas. Et puis l’adolescent qui s’éloigne, au-delà du champ de vision de ses camarades. Doit-il satisfaire un besoin naturel ? Cherche-t-il trouver un peu de solitude ? Qu’est-ce qui l’attire sur cette pointe rocheuse sommairement aménagée, d’où l’on aperçoit le petit port de Sainte-Rose, les îlets au large et la fine ligne de la mangrove qui barre l’horizon ? Peut-être un secret, une douleur, une blessure intime… Il ne faut jamais croire à l’insouciance de la jeunesse, et encore moins à celle des îles. Ou bien un chagrin d’amour, une moquerie, une allusion à son sang mêlé ? A moins que ce ne soit une mauvaise rencontre, une vieille querelle entre bandes rivales ou un acte gratuit. C’est à lui – Vincent Delaunay – de découvrir la vérité, s’il y en a une…
Il n’y a plus grand-chose à dire ou à faire. Vincent prend congé de Froissard et regagne son véhicule. Le soleil s’apprête à disparaître derrière les montagnes. La masse sombre de la Soufrière se découpe avec netteté dans le ciel rougeoyant, tandis que les alizés tiédissent l’atmosphère. Au-delà de l’Îlet Cosson, des moutons d’écume se forment sur l’eau grise. Vincent devine au sud – après les dernières maisons de Petit-Bourg – la plage de Sainte-Claire, où il lui arrive de faire du catamaran avec son copain, le substitut du procureur. Les conditions seraient idéales pour une sortie. Les gestes du bonheur : traîner son bateau jusqu’à la mer, d’un dernier coup de rein grimper sur la toile, prendre la barre, laisser filer l’embarcation. Et à la première risée se mettre au rappel, les muscles tendus et les yeux fixés sur la pointe du mat… Originaire de la Beauce profonde, Vincent regrette de ne découvrir qu’à trente-cinq ans les joies de la mer !
À ses pieds, les artères de Pointe-à-Pitre s’animent à nouveau : des claquements de portières, des rugissements de moteurs et des coups de klaxons. Sur la darse, la navette de Marie-Galante déverse une foule compacte qui s’engouffre dans les taxis et les bus au milieu des vendeurs de poisson. Vincent reprend son véhicule et s’engage dans les petites rues du quartier Carénage. Un groupe de prostituées dominicaines occupées à se tresser les cheveux lève à peine la tête à son passage ; la sonorisation tonitruante d’un bar crache du zouk à la chaîne ; quelques maquereaux devisent tranquillement, attablées autour d’une bière à même le trottoir. Vincent gagne le carrefour de la Marina, puis la route côtière qui mène vers Sainte-Anne et Saint-François.
Il habite à l’entrée de Gosier, un quartier un peu en retrait que l’on nomme Labrousse. Un lolo au carrefour de la grande route, une impasse qui se perd dans la végétation, un groupe de cases enserrées sous les cocotiers et les manguiers. Deux familles se partagent le lotissement. Quand un enfant s’installe, on défriche et on construit une habitation, toujours un peu plus haut sur le morne. Tout ce petit monde semble vivre en bonne intelligence. Vincent loue une maison mitoyenne à l’entrée du quartier. À cette heure-là un groupe de retraités est installé à la terrasse du lolo et joue aux dominos en vidant une bouteille de rhum. Une femme en 4x4 charge une bouteille de gaz. Et une queue se forme devant la cabine téléphonique. Il doit être le seul métropolitain du quartier, mais cela ne le dérange pas. Il aime son petit bout de jardin où il a planté quelques bananiers. Un avocatier a donné en septembre ses premiers fruits, au bout de sept années infructueuses ; la propriétaire de Vincent en a presque crié au miracle. Et quelques mangues savoureuses de l’arbre du voisin tombent parfois chez lui, par-delà la clôture, et qu’il déguste sans gêne !
La maison est trop grande pour lui : une cuisine américaine et un immense séjour, trois chambres à l’étage. Il l’a prise en conséquence, pensant aux vacances de ses enfants. Cela n’a pas encore pu se faire. Il est retourné en métropole pour Noël, et son ex-femme a prétexté des vacances au ski avec les grands-parents pour annuler le voyage prévu pour Carnaval. Vincent espère qu’ils pourront venir pour Pâques. C’est la période où l’eau est la plus chaude, la période aussi où les Antillais se plaisent à aller à la mer. En attendant, la poussière s’accumule dans les deux chambres inoccupées. Comme il aimerait avoir ses enfants près de lui : nager en leur compagnie sur la grande plage du Souffleur à la sortie du bourg de Port-Louis, faire une course à pied aux chutes du Carbet, naviguer dans le grand cul-de-sac marin au milieu des palétuviers ! C’est d’ailleurs en partie pour eux qu’il a demandé ce poste aux Antilles. Pour rompre avec la triste alternance imposée par le juge aux affaires familiales qui ne lui a confié les enfants qu’un week-end sur deux. Pour échapper aux contraintes de la vie parisienne et à la monotonie des jours : un appartement sans charme dans un immeuble de la banlieue ouest, la grisaille des mois d’hiver et la canicule de la période estivale, la bousculade au bois de Boulogne aux premiers rayons de soleil et les embouteillages du dimanche soir quand ils reviennent d’Orléans. Oui c’est tout cela qu’il a voulu fuir en venant aux Antilles !
Vincent mange sommairement sur sa terrasse en écoutant un disque de Miles Davis à travers la porte-fenêtre. C’est sans doute un des plus beaux disques de l’histoire du jazz, en tout cas un des plus mythiques : « King of blue ». Vincent ne se lasse pas du dernier morceau, « Flamenco sketches », avec un superbe solo de Coltrane. Sur la route, il a acheté un poulet braisé avec des bananes plantain frites. Il a oublié de refermer son portail et Fox, le chien de sa propriétaire, accourt aussitôt. Vincent lui laisse bien volontiers les reliefs de son repas ; il ne sait rien refuser à son brave compagnon. Il arrive d’ailleurs à ce dernier de se laisser enfermer dans le jardin et de passer la nuit sur sa terrasse, en gardien fidèle. Ou de le suivre le dimanche matin, lorsque Vincent descend en courant jusqu’à la Marina. Fox est devenu son confident privilégié.
Vincent lave son assiette et son couvert avant de s’installer dans le salon pour regarder les actualités. D’abord le journal régional, ensuite le journal national retransmis de métropole avec un décalage de six heures. Juste un mot sur la noyade d’un jeune homme à Sainte-Rose. « La justice a été saisie

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