Le bijoutier de Berlin
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Le bijoutier de Berlin , livre ebook

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Description

La fameuse bayadère hindoue, Vania-Thé, en tournée en Allemagne, est au centre de toutes les attentions du baron von Sirtos qui a jeté son dévolu sur elle.


Et s’il est fier de voir la danseuse répondre favorablement à sa cour, c’est qu’il ignore qu’elle fait partie du Deuxième Bureau et qu’elle est chargée de récupérer un document important en possession du noble.


Pour l’aider dans sa mission, elle peut compter sur la présence de Michel VAUDREUIL qui gravite autour d’elle sous les apparences d’un inoffensif joaillier.


Mais, Rauchnitz, l’homme de main de von Sirtos, se méfie de la belle artiste et décide de la surveiller étroitement, ainsi que cet étrange bijoutier de Berlin...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 mai 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782385011628
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MICHEL VAUDREUIL
- 6 -
LE BIJOUTIER DE BERLIN
Récit d'espionnage
Claude ASCAIN
CHAPITRE PREMIER
VANIA-THÉ, DANSEUSE HINDOUE

Il semblait que la salle dût crouler sous les bravos. Sept rappels, et les applaudissements crépitaient encore.
La fameuse bayadère hindoue, Vania-Thé, venait d'achever son numéro et, de sa loge qu'elle avait regagnée, elle entendait une rumeur lointaine comme celle de l'océan.
Des bouquets de fleurs étaient apportés par sa camériste, la fidèle Yvonne. La danseuse en respirait l'arôme et, après avoir déchiffré la carte de visite qui, à chaque fois, se trouvait parmi les fleurs, déposait le bristol dans une coupe d'albâtre, sur un petit guéridon.
Elle sourit à son image dans le miroir et les bras en amphore au-dessus de la tête, s'étira longuement. Un succès de plus. Elle ne les comptait plus.
Partout où elle passait, c'était le triomphe. Sa plastique parfaite, la grâce voluptueuse de ses mouvements, l'art qui se dégageait des pas et des mouvements dont elle avait elle-même étudié la technique d'après des documents anciens ravissaient les foules.
L'attrait de ses exhibitions était corsé de la présence de Chang, un énorme serpent de six mètres de long qui était dressé mieux qu'un chien. Vania-Thé l'avait recueilli alors qu'il était tout petit et, chose difficile à croire, mais cependant réelle, s'était attaché la bête à force de patience, de douceur, de persévérance.
Chang éprouvait une véritable affection pour sa maîtresse. Lorsque celle-ci évoluait sur scène, il savait s'enrouler autour des épaules, se couler jusqu'à la taille, remonter le long des bras et, finalement, noué au cou, sa tête dressée juste au-dessus de celle de l'artiste, il lui composait une étrange et fascinante parure.
Maintenant, le reptile était enroulé sur lui-même au fond de la petite valise spécialement fabriquée pour lui et qui permettait une parfaite aération par un jeu habile de soufflets invisibles.
On pouvait transporter cette mallette sans que personne ne se doutât de son redoutable contenu. Chang n'était pas venimeux. Il appartenait à l'espèce des pythons et sa caractéristique était une force terrible dans ses anneaux.
Ses anneaux qui étaient douceur et caresse quand ils encerclaient la danseuse...
Vania-Thé continuait à déchiffrer les cartes de visite. Elle eut un sourire de satisfaction.
— Enfin... murmura-t-elle.
Et elle relut deux fois celle qu'elle tenait entre ses doigts fuselés.
Celle du baron von Sirtos...
L'artiste semblait attacher une importance toute particulière à l'envoi de fleurs de ce personnage qui tenait une place prépondérante dans les milieux sociaux de la capitale allemande.
— Yvonne... Mets ce bouquet à part, dans un grand vase... Les autres peuvent être groupés en une seule gerbe... Tu auras soin de disposer les fleurs du baron sur la sellette, bien en vue.
L'habilleuse prit les roses rouges, qui exhalaient un parfum enivrant, et les plaça au meilleur endroit de la loge. Vania-Thé commença de se démaquiller, après avoir jeté un ample kimono de soie sur ses épaules.
On frappa à la porte. Yvonne annonça, à voix basse, après avoir lu sans façon la carte de visite qui lui avait été passée :
— Madame... c'est lui... c'est le baron...
— Qu'il entre... Et laisse la porte de l'antichambre entrebâillée, comme je te l'ai expliqué...
— Oui, Madame, articula Yvonne avec un sourire furtif.
Le baron von Sirtos s'assit dans le fauteuil de la petite pièce qui faisait face à la porte de la loge proprement dite. Ainsi que l'avait recommandé Vania-Thé, la camériste avait astucieusement laissé le battant entrouvert, de sorte que le visiteur pouvait voir passer et repasser l'artiste, cette dernière feignant évidemment de ne s'apercevoir de rien.
Von Sirtos eut la très flatteuse vision de Vania-Thé s'arrêtant auprès du bouquet de fleurs rouges et respirant avec des délices savamment gradués le parfum qui s'en dégageait.
Un instant plus tard, il était cassé en deux devant la jeune femme dont il portait le bout des doigts à ses lèvres.
— Chère amie... Vous avez été divine, ce soir...
— Baron... vous me flattez...
— Non, non... Ce n'est que la faible expression de la vérité. Et je sollicite l'immense honneur de vous avoir à ma table à souper...
Elle le regarda coquettement du coin de l'œil, dans le miroir placé au-dessus de la table de maquillage.
— Votre table, baron ?... Vous avez de nombreux invités ?
— Non... Et... hem... serait-ce trop osé que d'avoir conçu ce tête-à-tête ?... ajouta-t-il.
Elle sourit avec séduction et se mit à rire en cascades.
— Non, cher ami... Je préfère, au contraire, n'être que deux... Loin du bruit... loin des curieux... J'ai soif d'un peu de tranquillité.
Le visage soigneusement rasé de von Sirtos s'empourpra de plaisir. L'homme avait la cinquantaine et portait beau encore. Ses cheveux devenaient rares, mais ils étaient si adroitement arrangés par un coiffeur habile, qu'à première vue, on pouvait être leurré et croire à une seconde jeunesse.
Vania-Thé se trouvait en représentations depuis un mois à Berlin. Le grand établissement qui l'avait engagée pour quinze jours ne s'était montré que trop heureux de prolonger le contrat.
Le baron von Sirtos assistait immanquablement à chaque exhibition, dissimulé dans le fond d'une loge. Était-ce timidité ? Ou plutôt la crainte obscure de voir repousser ses hommages ? Il n'avait jamais manifesté son enthousiasme que par l'envoi de fleurs anonymes.
Vania-Thé savait que les roses rouges de chaque soir provenaient de von Sirtos. Elle avait, par ailleurs, fait la connaissance du baron au cours d'une fête de bienfaisance à laquelle elle avait prêté son concours bénévole.
Le quinquagénaire, qui faisait partie du comité d'organisation, l'avait remerciée en des termes fort élogieux. Mais c'était tout.
Or, la bayadère désirait beaucoup entrer plus avant dans ses relations avec von Sirtos.
Parce que telles étaient les directives qu'elle s'était imposées depuis son départ de Paris.
Vania-Thé appartenait au Deuxième Bureau français. Sa présence à Berlin n'était pas le fait d'un hasard, mais le résultat méthodiquement amené d'un calcul qui, tout en laissant la parfaite illusion que le Gross-Theater avait réclamé la danseuse, permettait à l'artiste de se trouver dans la capitale germanique à l'époque où elle y tenait essentiellement.
Il n'y avait aucune menace de guerre entre les deux pays. Au contraire, jamais les relations n'avaient été aussi cordiales. Et c'était une situation dont chacun se félicitait, de chaque côté du Rhin.
Mais il est une catégorie de gens pour qui la guerre ne commence ni ne cesse jamais. Elle est un état latent. On ne pourrait dire qu'elle existe ou non, car tout ce qui entoure leurs faits et gestes est à cheval sur les conceptions ordinaires.
Les services de renseignements, dans tous les pays du monde, sont toujours en effervescence.
Observez une fourmilière... Les petites bêtes noires courent du matin au soir, se croisent, vont, viennent, escaladent des buttes qui sont des montagnes, disparaissent dans des trous pour surgir d'un autre côté.
Où vont-elles ? Pourquoi cette fièvre ?... Questions que l'on pourrait poser aux services secrets de chaque pays du monde.
Que ce soit le Deuxième Bureau français, l'Intelligence Service britannique, le Nachrichtendienst allemand, etc., la même animation, le même dévouement, les mêmes triomphes et aussi les mêmes échecs existent et la lutte se poursuit...
Le souper eut lieu en cabinet particulier.
La bayadère, avec une remarquable subtilité d'esprit, avait déjà compris l'exacte manière de se comporter avec von Sirtos. Quand il accompagna Vania-Thé jusqu'à son hôtel, dans la Friedrichstrasse, après cette soirée – dont la caractéristique avait été plus sentimentale qu'on ne l'eût imaginé : le baron révélait une âme de collégien – von Sirtos avait obtenu la promesse d'une promenade en voiture dans les environs de la ville.
Et Vania-Thé, qui avait suggéré Potsdam, au hasard, comprit que l'unique souci de von Sirtos était d'aller n'importe où avec elle, pourvu qu'il pût passer son bras sous le sien et lui déclamer des vers de Goethe.

* * *

Vania-Thé pouvait, sans risquer de susciter l'étonnement, continuer à prolonger son séjour dans la capitale allemande.
Son engagement était terminé, certes, mais chacun n'a-t-il pas le droit de s'accorder quelques vacances ? Les charmes de Berlin pouvaient avoir séduit la danseuse au point de la faire rester en tant que touriste. Il y a beaucoup de choses intéressantes à voir en cette ville. Et plus particulièrement pour une personne qui, à la manière de l'artiste, s'intéressait à certains détails précis.
Von Sirtos lui fit visiter maints endroits agréables. Un jour, une surprise fut réservée à la jeune femme. Comme ils se trouvaient dans un grand parc public, ils virent soudain des agents de police faisant circuler la foule vers les sorties. Ce n'était pas l'heure de la fermeture, pourtant.
Le baron s'approcha de l'un des hommes en uniforme et déclina son nom, ses qualités. L'autre claqua des talons et porta la main à sa casquette.
Vania-Thé ne manqua pas d'enregistrer la scène dans sa mémoire.
« Von Sirtos, se dit-elle, est donc bien officier dans l'armée, malgré qu'il prétende avoir pris sa retraite. »
Le baron avait annoncé un titre militaire en activité, parlant à mi-voix. Mais il avait été tout de même entendu par la danseuse, malgré sa prononciation rapide.
Le colloque qui suivit dura quelques secondes. Puis von Sirtos revint vers la jeune femme, s'excusa de l'avoir abandonnée, même pour si peu de temps, et donna la clef de la situation :
— L'autorité militaire se livre à certaines expériences dans le parc... Il est indispensable que l'endroit soit évacué...
— Des expériences secrètes ? dit-elle avec un petit rire et battant des mains, comme une femme frivole. Que j'aimerais voir cela !
Il lui jeta un regard bref.
Vania-Thé, parfaite comédienne, donnait bien l'impression de ne pas se

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