La vierge jurée - Gagnant prix du suspense psychologique 2021
164 pages
Français

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La vierge jurée - Gagnant prix du suspense psychologique 2021 , livre ebook

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Description

Jean-Christophe Boccou La vierge jurée GAGNANT PRIX DU SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE 2021 Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com Copyright © PRISMA MÉDIA / 2021 Tous droits réservés ISBN : 9782819506485 Pour mes filles, Margaux et Raphaëlle. Première partie Une plage sur la Lune 1. Nord de l’Albanie – 2002 Une volée de corbeaux baratte le ciel en larges cercles au-dessus d’un lac aux reflets anthracite. Les deux fillettes marchent d’un pas hésitant. Autour d’elles, le petit village de pêcheurs dort encore, nimbé d’une brume épaisse qui descend des montagnes. — Aide-moi à porter le bâton, il est trop lourd. Eva observe sa sœur, Irina, et voit en miroir son propre visage. Cette jumelle plus jeune de quelques minutes à peine, mais qui a toujours été la plus déterminée. La plus courageuse aussi. Leurs yeux vert émeraude, leur longue chevelure couleur de miel, leur être tout entier qui semble ne former qu’une seule entité, au point que même leurs parents ont parfois du mal à les distinguer l’une de l’autre quand elles s’amusent à échanger leurs vêtements. Eva a toujours été plus réservée, plus craintive que sa sœur. Elle s’arrête un instant sur le bord du chemin et hèle Irina qui poursuit sa route en tra î nant derrière elle le gourdin qu’elle a fabriqué toute seule.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 mars 2021
Nombre de lectures 5
EAN13 9782819506485
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Christophe Boccou
La vierge jurée
GAGNANT PRIX DU SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE 2021
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.editions-prisma.com

Copyright © PRISMA MÉDIA / 2021
Tous droits réservés
ISBN : 9782819506485
Pour mes filles, Margaux et Raphaëlle.
Première partie
Une plage sur la Lune
1.
Nord de l’Albanie – 2002

Une volée de corbeaux baratte le ciel en larges cercles au-dessus d’un lac aux reflets anthracite. Les deux fillettes marchent d’un pas hésitant. Autour d’elles, le petit village de pêcheurs dort encore, nimbé d’une brume épaisse qui descend des montagnes.
— Aide-moi à porter le bâton, il est trop lourd.
Eva observe sa sœur, Irina, et voit en miroir son propre visage. Cette jumelle plus jeune de quelques minutes à peine, mais qui a toujours été la plus déterminée. La plus courageuse aussi. Leurs yeux vert émeraude, leur longue chevelure couleur de miel, leur être tout entier qui semble ne former qu’une seule entité, au point que même leurs parents ont parfois du mal à les distinguer l’une de l’autre quand elles s’amusent à échanger leurs vêtements.
Eva a toujours été plus réservée, plus craintive que sa sœur. Elle s’arrête un instant sur le bord du chemin et hèle Irina qui poursuit sa route en tra î nant derrière elle le gourdin qu’elle a fabriqué toute seule. Un vieux manche de pioche qu’elle a hérissé de tous les clous rouillés qu’elle a pu trouver dans la remise de leur père.
— On sait même pas s’il sera chez lui. Et puis si on le tue, qu’est-ce qui va se passer ? Il me fait peur. On dirait un ogre, comme dans les contes que nous racontait maman.
Irina s’arrête à son tour et lance un regard noir à sa sœur. Elle sait où veut en venir Eva. Un meurtre en appellera un autre. C’est la loi du Kanun. La reprise du sang.
— Il doit mourir, c’est tout. Et le Kanun dit que la vengeance, c’est que pour les garçons. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, y a plus que nous deux maintenant, siffle Irina.
Eva éclate en sanglots.
— Maman est morte, je veux pas que tu fasses ça. Viens, on rentre à la maison.
— T’étais pas là hier quand on est allées chez ce type. Il lui a crié dessus et elle est sortie de sa maison en pleurant. Et maintenant elle est morte. Et puis c’est pas toi qui l’as trouvée dans la salle de bains. Alors, t’arrêtes de pleurer et tu m’aides à porter le bâton.
Mais Eva ne peut empêcher les larmes de couler.
— Qu’est-ce que tu veux faire avec juste un bâton ? soupire-t-elle.
Irina sort de la poche de son manteau un long cylindre métallique qu’elle agite triomphalement sous le nez de sa sœur.
— C’est quoi ce truc ?
— Je suis allée piquer des œufs chez le vieux Georges la semaine dernière. J’ai trouvé ça dans sa cave. Ça s’appelle une grenade.
Eva s’approche un peu plus de sa sœur et contemple l’objet de mort d’un œil fasciné.
— Ça a l’air vieux.
— Je sais pas.
— Tu sais comment ça marche ?
Irina désigne de l’index la goupille de l’engin.
— Je pense qu’il faut tirer sur ce truc-là et la balancer le plus loin possible.
— C’est pas un peu dangereux ?
Le visage d’Irina se fend d’un sourire mauvais.
— J’espère bien que c’est dangereux.
Eva sèche ses larmes d’un revers de manche et reprend la route, galvanisée par la frénésie de sa sœur.
— On y va.
Les deux enfants traversent à pas de loup les ruelles embrumées, prenant soin de s’arrêter à tous les coins de rue de peur de se faire repérer par un adulte plus matinal que les autres. Cette brume est une alliée précieuse, tout comme ces ruelles étroites qui quadrillent le village. Elles contournent prudemment la mosquée et rejoignent enfin la plage. Au loin se dessinent les silhouettes éthérées des barques de pêcheurs qui croisent leur sillage sur les eaux sombres du lac.
Les fillettes pressent le pas et ne sont bientôt plus qu’à une centaine de mètres de leur destination. Une petite maison de briques posée au milieu d’un jardin d’oliviers.
— C’est ici, lance Irina.
— T’es sûre ?
— C’est ici que je suis venue hier avec maman. Je sais ce que je dis.
— Bon. Et maintenant on fait quoi ?
— Recule un peu. Ça va faire boum, glapit la fillette.
Elle arrache d’un geste sec la goupille rouillée de la grenade qui s’envole dans les airs et retombe contre la porte d’entrée de la maison.
La force de l’explosion est telle qu’Eva ne peut s’empêcher de fermer les yeux de toutes ses forces, les mains plaquées sur les oreilles. Quand elle les rouvre, Irina s’est déjà précipitée dans le jardin en traînant son gourdin derrière elle. La fillette contemple l’étendue des dégâts. La façade n’est plus qu’un trou béant d’où s’échappe une épaisse fumée noire, mélange de gravats et de poussière. Irina reste immobile quelques secondes. Elle sait qu’elle ne pourra jamais oublier cet instant presque magique. Elle sait qu’elle pourra l’invoquer quand elle le voudra, quand elle en aura besoin. Elle pourra même le ralentir, l’accélérer ou s’arrêter sur certaines images. Comme dans un film. Comme cet instant précis où la grenade est venue percuter la façade de briques et l’a pulvérisée en un million de minuscules fragments projetés à la vitesse du son vers cette silhouette imposante qui gît parmi les gravats et l’observe de son seul œil épargné par le souffle de la déflagration. Le visage de l’homme n’est plus qu’un amas de bulbes sanguinolents, son corps une tunique fumante de chairs et de tissus calcinés.
Mais il est toujours en vie.
Il est toujours en vie et le voilà qui se redresse sur un coude et crache aux pieds d’Irina un glaviot gorgé de pourpre.
— Je t’ai déjà vue, toi. T’es la fille de Rosa, c’est ça ? Irina ? Eva ? C’est votre pute de mère qui vous envoie ? grimace-t-il encore sonné par le blast.
La petite soulève son bâton à clous et manque de tomber à la renverse sous le poids de l’engin.
— Notre mère est morte. À cause de toi.
— Que veux-tu que ça me foute ? Tu sais que tu vas payer le prix du sang pour ce que tu t’apprêtes à faire ?
— Je suis une fille, tu ne peux rien contre moi. Je vais te tuer, lâche-t-elle dans un souffle.
Si les traits ravagés de son visage n’étaient pas aussi impossibles à déchiffrer, on pourrait presque croire que l’homme esquisse une sorte de sourire amusé.
— Ne me rate pas, petite. Mais pour l’instant, tu vas te retourner très lentement.
Irina hésite un long moment puis finit par jeter un coup d’œil par-dessus son épaule. Eva lui adresse un sourire un peu triste. Sa petite silhouette semble disparaître à l’ombre des deux colosses qui l’encadrent et la maintiennent fermement par les épaules. Larges moustaches, casquettes, chemises à carreaux et fusils de chasse en bandoulière.
Comme un portrait de leur père.
— Je suis désolée, gémit Eva.
L’un des deux hommes observe les dégâts et se précipite vers son patron défiguré qui se relève péniblement.
— Bon sang, mais qu’est-ce qui s’est passé ? Ton visage, il est…
— Ferme-la Drago et aide-moi à me tenir debout. Aleksi, tu vas chercher le médecin au village et tu me le ramènes ici. Pour le reste, on s’en tient au plan. Départ pour la Belgique dans une heure.
— Et pour les gamines ? questionne Aleksi.
L’homme pointe un index noirci en direction d’Eva.
— Celle-là, tu me l’enfermes dans le coffre de la voiture, on l’embarque avec nous. Quant à toi…
L’œil noir de l’homme vient se planter directement là, tout au fond de la petite âme d’Irina. Il scrute, sonde, fourrage un peu partout à la recherche de la moindre aspérité qui pourrait faire sombrer l’enfant dans la terreur. Mais elle ne montre rien. Aucune crainte. Elle l’observe crânement alors qu’il sort un couteau à cran d’arrêt de la poche de sa veste calcinée.
— Tu t’en es prise à mon visage, petite.
Elle devrait hurler de douleur alors que l’homme l’attrape par les cheveux et lui découpe la joue d’un geste net et précis. Mais, non. Rien. Rien qu’une vague sensation de froid puis de chaud alors qu’un geyser de sang inonde son visage et goutte abondamment sur sa robe et ses souliers. Mais elle ne hurlera pas.
— Je t’avais dit de ne pas me rater.
Elle devrait céder, se rendre à l’évidence. S’écrouler à ses pieds en le suppliant de les laisser vivre, elle et sa sœur. Mais elle ne le fera pas. Pas devant un homme qui a fait mourir leur mère de chagrin. Pas devant un homme qui n’a pas plus de réalité que ces ogres de contes qui font si peur à Eva depuis toujours. C’est comme ça qu’elle choisit de le voir et c’est comme ça qu’elle y repensera quand elle le retrouvera un jour et qu’elle le tuera. Parce qu’elle le retrouvera, à n’importe quel prix.
Et puis, elle ne croit pas aux contes. Et lui non plus qui maintenant la dévisage d’un air presque bienveillant, comme si elle venait de gagner son respect alors que ses grands yeux secs soutiennent toujours le venin de son regard borgne.
— Tu es une fillette courageuse. À présent nous allons partir et emmener ta sœur avec nous. Toi, tu vas suivre Drago dans les montagnes. Je sais que tu n’es pas bien vieille, mais tu dois comprendre que je ne peux pas te laisser vivre. Tu vas grandir et un jour tu décideras de me traquer et de me réclamer le prix du sang pour la mort de ta mère. Je respecte ta soif de vengeance, mais j’ai d’autres projets.
Pas une fois Irina n’a baissé les yeux alors que son visage découpé n’est plus qu’une plaie incandescente. Elle prend une longue inspiration. Elle essaie de parler, mais les sons qui sortent de sa bouche ne sont que des borborygmes incompréhensibles de salive et de sang mêlé. Il faut qu’elle tienne encore un peu. Il faut qu’elle sache.
— Ton nom, c’est quoi ? balbutie-t-elle au bord de l’évanouissement.
L’homme s’approche tout près d’elle et lui murmure à l’oreille :
— Je m’appelle Zoltan Berbec.
2.
Montagnes de Prokletije – Albanie

Denat Hakani se raidit au contact de la lame glacée qui serpentait le long de sa gorge. Le paysage autour de lui était un qu

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