L Atout
72 pages
Français

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Description

Ada, dépressive, suit une analyse psychologique. Avec humour, tendresse, soif de vivre et un regard parfois caustique, l'héroïne décrit son parcours et guide le lecteur à travers les méandres de ses relations humaines. Inscrite sans enthousiasme à un groupe de paroles, elle y redécouvre les « autres » et peut-être beaucoup plus...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 septembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414280117
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-28012-4

© Edilivre, 2018
Remerciements
Un grand merci à tous ceux qui ont pris part à la publication de cette nouvelle.
Merci à Mauricette Boutin pour ses conseils, son enthousiasme et son soutien indéfectible.
Merci également à Philippe Laplace, auteur et ami pour son aide bienveillante.
Exergue

« Pour qu’Amour ailé d’un éventail
M’y peigne flûte aux doigts
endormant ce bercail,
Prince, nommez nous
berger de vos sourires ».
Stéphane Mallarmé
1
Les infélicités de la vie ne m’ont guère épargnée et se sont même un peu acharnées sur moi, comme elles savent si bien le faire parfois. N’ayant pas non plus écouté les signaux d’alerte que mon esprit et mon corps m’envoyaient, j’ai sombré dans une dépression. Je trouve que le mot est assez mal choisi somme toute et que l’on devrait appeler cela une « suppression » momentanée, mais oppressante. Ce n’est pas un orage qui crève sur vos épaules, mais plutôt une mise en parenthèse de ce que l’on est vraiment avec, en supplément, une langueur constante qui vous poigne le cœur et l’âme jusqu’à vous laisser exsangue.
Je suis donc orientée par mon médecin traitant vers un centre psychiatrique pour y recevoir les soins idoines.
Nous sommes en décembre. Je vais très mal. On a coutume d’attribuer au temps qu’il fait la paternité de nos états d’âme. Cependant, nous aurions bien pu être sous un radieux soleil de juillet, j’aurais tout autant souffert. Le temps qu’il fait n’explique pas tout.
Donc, une fois par semaine, toujours avec la même lourdeur, je me traîne jusque chez mon infirmière psychiatrique, la semaine suivante, chez la psychologue qui me suit et enfin la semaine d’après chez la psychiatre.
Dans une répétition qui semble sans fin, comme Sisyphe repoussant inexorablement son rocher, je vais de rendez-vous en rendez-vous. Entre chaque convocation, je cesse de vivre pour économiser l’énergie nécessaire à cette traversée de l’Atlantique sans voile – mais avec rames – que sont les sept kilomètres qui séparent mon domicile du centre de soins.
Là, tassée avec d’autres malheureux dans une salle d’attente qui est déjà une incitation au suicide, j’attends mon tour. Je ne sais pas si vous avez remarqué la pauvreté de certaines salles d’attente en ce qui concerne les lectures qui sont mises à votre disposition. Celle-ci ne faisait pas exception. Entre les « VOICI » vieux de cinq ans et les « FEMMES ACTUELLES » qui ne le sont plus vraiment et dont on a retiré les recettes de cuisine, seuls articles dans ces journaux qui ne soit pas indigestes… Rien… À croire que le personnel hospitalier est lui-même convaincu que la dépression est une suppression de cerveau !
Enfin je m’adapte.
Faute de lecture convenable, mon regard erre sur des affiches ultras périmées, comme un vieux yaourt oublié au fond du réfrigérateur à une abominable reproduction monochrome – moi qui aime tant la couleur – de Don Quichotte sur sa Rossinante, au côté desquels se dessine l’ombre d’un Sancho Panza famélique, le tout signé Picasso. Comme quoi même les grands maîtres ont leur mauvais jour, eux aussi.
L’attente est quelques fois ponctuée d’un passage furtif d’infirmière, happant au passage sa patiente jusqu’à son bureau.
–  Ada Nells !
Ça y est. C’est mon tour enfin… L’infirmière me pilote jusqu’à son bureau où je déverse en hoquetant un torrent de larmes qui doit bien participer pour moitié, au remplissage hivernal des nappes phréatiques de ma région. Je ressors les yeux rougis et le nez mouillés. Hagarde, je dégringole les marches abruptes qui me guident vers l’extérieur.
Une fois la porte franchie, la panique s’empare de moi. Je plonge les deux mains au fond de mes poches, je tâtonne frénétiquement pour vérifier la présence, d’un côté de mes clefs de voiture, de l’autre, de mon téléphone.
Une grande majorité des gens ne savent pas exactement en quoi consiste une dépression. Certains même, pensent qu’il ne s’agit que d’un état de paresse fâcheux et passager ou pire, une invention purement psychiatrique. Peu comprenne combien il est douloureux. À l’impression d’avoir été lobotomisée s’ajoute un profond désarroi qui confine parfois à la peur panique, irrationnelle, mais consciente.
Inavouable, tant elle vous taraude.
En cela, la dépression est un piège terrible puisqu’il est pratiquement impossible de les verbaliser tant qu’elles vous hantent. Du moins dans un premier temps.
Je traîne ainsi de semaine en semaine, jusqu’au mois de février, mon ombre de corps vers cette salle d’attente, où à chaque fois, je patiente de longues minutes avant que l’on veuille bien prononcer mon nom. Apostrophe oh combien libératrice !
Là, dans ce réduit surpeuplé ou désert, ce qui est pire, car cela présage peut-être qu’aucun de mes compagnons d’infortune n’a survécu, je m’abandonne à mes souffrances. Je feuillette sans les lire un des antiques « FEMMES ACTUELLES », car de toute façon, je ne peux plus me concentrer suffisamment. J’aurais aimé y trouver de superbes images de notre monde ou de notre beau pays. Cela au moins m’aurait redonné un semblant de sourire.
Un ange passe. Il a les yeux noisette, les cheveux châtains. On le sent compatissant et respectueux, jusque dans sa façon de se mouvoir. Il glisse. Ses pieds ne heurtent pas le sol, pour ne pas nous sortir de notre torpeur. Au coin de ses yeux, les sourires de sa vie se lisent en filigrane. Il chuchote à sa patiente de le suivre et entre avec elle dans un bureau contigu à la salle d’attente.
Pendant un bref instant, une étincelle comme celles qui sont faites pour éclairer le monde a illuminé ma vie. Dans le calice de douleur dans lequel je suis, je sais parfaitement que je ne suis pour lui qu’une patiente anonyme parmi les autres. Comment pourrait-il en être autrement ? La dépression vous défigure plus que les affres du temps. Les années vous donnent de belles marques de sagesse. Mais la maladie vous fait un masque de souffrance qui ne laisse plus rien voir de votre vrai visage.
Intérieurement, je pleure.
Les semaines, les mois passent mollement. À force de bienveillance et d’écoute, je renais peu à peu.
Oh ! Doucement. Très doucement.
Chaque bruit me fait sursauter. Chaque surprise me poigne le cœur. Chaque coup de téléphone me met dans un état proche de l’évanouissement. Je lutte contre moi-même pour m’acquitter des tâches ménagères et des soins dont mes enfants ont besoin. Chaque quart d’heure d’activité, je le paie d’une fatigue intense qui m’oblige à m’allonger sur le canapé du salon. Parfois le désarroi est tel, que je dois me blottir au fond de mon lit, la tête sous les couvertures en position fœtale. Je tremble de tous mes membres en claquant des dents avec une violence qui me fait peur.
Cependant, jusque dans mes plus grands moments de détresse, je reste lucide comme si finalement j’étais spectatrice impuissante de cette descente aux enfers. Cela contribue à ma souffrance. J’aurais aimé ne plus avoir conscience de mon état.
Parfois, j’aperçois l’ange, un sourire bienveillant aux coins des lèvres. Ce sont des instants de bonheur comme lorsque l’on regarde le spectacle inouï et miraculeux de la nature. Un mirage dans la traversée du désert, une oasis, une gorgée d’eau fraîche qui étanche la soif après une longue course.
L’équipe qui me suit fait preuve de beaucoup de patience. Il en faut pour sortir quelqu’un de cet état de profonde détresse qu’est la dépression. La psychiatre modifie mon traitement et déjà, avec quelques calmants en moins, je me sens un peu mieux.
Les médicaments sont encore ma porte de secours quand je n’en peux plus. J’en avale deux et peu à peu la panique m’abandonne. Je sais qu’elle reviendra. Elle part juste vaquer ailleurs pour me permettre de reprendre quelques forces. Elle sait bien, la garce, qu’elle ne doit pas tout consommer de moi, elle doit en garder pour les autres jours. Elle connaît ma volonté. Elle sait que si elle me laisse en paix quelques heures, je récupérerai assez pour qu’elle ait à nouveau de quoi se repaître. Elle m’économise en somme.
Combien de fois ai-je espéré ne plus avoir la force de repartir ? Combien de fois ai-je voulu que les choses enfin s’arrêtent… mais rien à faire. Mon instinct de survie est trop fort. La résilience est aussi mon bourreau en ces moments d’intenses souffrances.
Une semaine sur trois, je vois la psychologue qui me suit. C’est une charmante petite brune dont la bonté et le souci des autres irradient de tout son être. Elle me sonde, me jauge. Qui a-t-elle devant ses yeux ? Qui est cette femme ravagée par la douleur qui tremble comme une feuille et se déconnecte parfois du monde ?
D’abord, je suis rétive. Puis, peu à peu, j’apprends à lui faire confiance. Je lui livre mes blessures. Je lui offre cette part de moi.
Je me répète souvent. Les coups, les humiliations, la détresse de mes jeunes années. Je les rabâche comme pour me...

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