Celle qui ne pardonnait pas
272 pages
Français

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Celle qui ne pardonnait pas , livre ebook

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Description

« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. » Victor Hugo  (La Légende des siècles) Note préliminaire : Les gendarmes ont pour habitude de s’exprimer par acronymes, habitude à laquelle je me suis conformé pour écrire cette histoire. J’ai pris le soin d’accompagner la première apparition de chaque acronyme d’une note de bas de page, mais aussi d’en rappeler la liste complète dans le glossaire figurant à la fin de cet ouvrage. Prologue Elle s’appelle Cassandre. Dans la mythologie grecque, il est dit que sa beauté égale celle d’Aphrodite. À ses yeux, la Cassandre qui se cache derrière cette porte est encore plus belle que la déesse de l’amour. Ils ont le même âge ; Cassandre est son aînée d’un mois précisément – elle est née un 23 juin, il est né le 23 juillet. Hors du collège, elle ne se montre pratiquement jamais. Elle passe son temps enfermée dans sa chambre, à faire Dieu sait quoi – toutes ces choses que font les filles de son âge, imagine-t-il : surfer sur le Net, écouter de la musique, textoter, écrire quelques lignes dans son journal intime. Il rêve qu’elle y inscrit son prénom et dessine un cœur juste à côté, mais sait-elle même comment il s’appelle ? Ils ne se sont jamais parlé – si, se souvient-il subitement, une fois, au réfectoire. Il était allé remplir une carafe à la fontaine à eau et il l’avait trouvée là, juste devant lui, à se débattre avec son propre broc d’eau.

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Informations

Publié par
Date de parution 10 juin 2021
Nombre de lectures 6
EAN13 9782819506560
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. »
Victor Hugo  (La Légende des siècles)
Note préliminaire :

Les gendarmes ont pour habitude de s’exprimer par acronymes, habitude à laquelle je me suis conformé pour écrire cette histoire. J’ai pris le soin d’accompagner la première apparition de chaque acronyme d’une note de bas de page, mais aussi d’en rappeler la liste complète dans le glossaire figurant à la fin de cet ouvrage.
Prologue

Elle s’appelle Cassandre.
Dans la mythologie grecque, il est dit que sa beauté égale celle d’Aphrodite.
À ses yeux, la Cassandre qui se cache derrière cette porte est encore plus belle que la déesse de l’amour.
Ils ont le même âge ; Cassandre est son aînée d’un mois précisément – elle est née un 23 juin, il est né le 23 juillet. Hors du collège, elle ne se montre pratiquement jamais. Elle passe son temps enfermée dans sa chambre, à faire Dieu sait quoi – toutes ces choses que font les filles de son âge, imagine-t-il : surfer sur le Net, écouter de la musique, textoter, écrire quelques lignes dans son journal intime. Il rêve qu’elle y inscrit son prénom et dessine un cœur juste à côté, mais sait-elle même comment il s’appelle ? Ils ne se sont jamais parlé – si, se souvient-il subitement, une fois, au réfectoire. Il était allé remplir une carafe à la fontaine à eau et il l’avait trouvée là, juste devant lui, à se débattre avec son propre broc d’eau. La première chose qu’il avait regardée, c’étaient ses cheveux, savamment coiffés, avec une tresse qui lui ceignait le haut de la tête et quelques mèches blondes qui retombaient avec légèreté le long de ses tempes. Puis son regard avait glissé sur sa jupe, puis sur ses jambes et ses mollets enfermés dans une paire de spartiates dorées. Elle s’était retournée en faisant la moue et en haussant ses frêles épaules : « Laisse tomber, le truc est tombé en carafe, ça marche pas. » Sur le coup, il n’avait même pas saisi la blague – il soupçonnait qu’elle ne l’avait pas fait exprès – et il était resté comme un imbécile à la regarder s’éloigner dans sa jupe blanche – deux jambes longues et fines comme montées sur ressorts. Tout en les suivant du regard, il repensait à cette moue qu’elle lui avait adressée en se retournant vers lui, une mimique ingénue qu’elle n’avait même pas pris la peine de travailler, le genre à faire fondre n’importe quel garçon, même ceux qui passent tous leurs week-ends devant leur console et que le mot « sexe » fait grimacer de dégoût.
Il réalise qu’au seul souvenir de leur unique rencontre, son cœur se met à battre un peu plus fort. Il tend une main et pose deux doigts sur le grand « C » mauve qui orne la porte. Il y a un sticker en tissu juste en dessous, un papillon coloré comme il en voit quelquefois dans le jardin juste derrière la maison. Il suit un instant la courbe du « C » puis se fige. Il pourrait frapper à la porte – il n’entend aucun bruit, mais il sait qu’elle est là – quelques centimètres seulement séparent la jointure de ses doigts du battant et une furieuse envie de la voir vient de s’emparer de lui. Il ne sait pas ce qu’il lui dirait si par le plus grand des miracles elle décidait d’ouvrir la porte, mais il trouverait quelque chose, n’importe quoi – il pourrait prétexter qu’il voulait réviser un cours, mais qu’il a oublié son bouquin, qu’il s’est trompé de porte, qu’il cherchait les toilettes et qu’en voyant le « C », il s’est dit que c’étaient les cabinets…
Non, ça, c’est vraiment trop nul ! Typiquement le genre de blagues qui fera jamais rire une telle fille !
Mais il aimerait tant la voir… Il imagine que la porte s’ouvre, que son visage d’ange apparaît, qu’elle refait cette petite moue qui a fait stopper net son cœur ce jour-là au réfectoire…
– Jeff !
Il sursaute. Le cri vient du rez-de-chaussée. Il a reconnu la voix : c’est « la grenouille » qui hurle après lui. Son prénom, c’est Florian, mais personne dans la bande ne l’appelle ainsi (tout comme lui ne se fait jamais appeler par son prénom, qu’il a en horreur). C’est le chef qui l’a affublé de ce surnom, en raison de ses jambes maigres et de sa tête qui rappelle celle du batracien.
– Ramène-toi, y a le khal qui veut te voir !
Le khal … Le chef adore cette distinction venue tout droit de la série Game of Thrones . Une espèce de titre de guerre qu’il s’est octroyé pour effrayer les ennemis et imposer le respect à ses alliés.
Jeff pose une dernière fois les yeux sur le panneau de bois qui le sépare de sa bien-aimée, puis se tourne et dévale les escaliers. Sur le seuil de la porte de la maison, il voit la grenouille qui l’attend, raide comme un piquet.
– Le khal t’attend, lui dit-il.
– Pourquoi ?
– Je sais pas, il m’a pas dit.
– Il est où ?
– Dans la cabane.
Jeff fait le tour de la maison et suit l’allée qui traverse les petits carrés de terre dont le père de Cassandre prend le plus grand soin.
Ce n’est pas un jardin, c’est bien plus que ça. Il y a d’abord la parcelle cultivée à proprement parler – potager, fleurs ornementales, quelques arbres fruitiers – puis soudain, sans qu’on s’y attende, apparaît derrière une haie de cyprès une vaste pente couverte de fleurs au bout de laquelle est posée une cabane en bois, autrefois utilisée pour entreposer les outils de jardin et le bois pour la cheminée, aujourd’hui réquisitionnée par la bande qui en a fait son repère. Jeff fait une pause après avoir franchi les cyprès. La vue est extraordinaire : une mer multicolore de fleurs – marguerites, coquelicots, cosmos, mauves, bourraches – qui s’agitent sous l’effet d’une légère brise dont il sent le souffle chaud sur son visage. Le temps est magnifique : un ciel bleu sans nuages figé par la chaleur d’un mois de juillet caniculaire. Il s’avance et se fraie un chemin à travers la végétation qui bruisse doucement sur son passage. Il caresse les fleurs de la paume de ses mains – ce sont les cosmos qu’il préfère, il aime leurs couleurs, leurs fins pétales dentelés. Un papillon s’envole sur son passage, réplique vivante de celui qui est plaqué sur la porte de Cassandre. Le visage de la jeune fille lui vient immédiatement à l’esprit. Il rêve qu’un jour elle glissera à ses côtés dans cet océan de fleurs, qu’ils traverseront sans un mot ce petit paradis en se tenant par la main. Il ferme les yeux et imagine. Ils avancent côte à côte sans un mot, les doigts délicatement entremêlés ; il tourne la tête au moment même où elle tourne la sienne, il lui adresse un sourire et un grand vide se fait dans sa poitrine, qui le fait suffoquer de bonheur. Puis ils franchissent la porte de la cabane pour disparaître aux yeux du monde et se blottir l’un contre l’autre. Peut-être même trouve-t-il le courage de poser ses lèvres sur les siennes…
Ce jour viendra, il y croit dur comme fer. Il n’envisage pas l’avenir sans elle, il l’aime éperdument, il n’y aura personne d’autre. Il fera tout pour se faire aimer d’elle, il la couvrira de toutes les attentions, il lui parlera avec tendresse et honnêteté, il ne lui criera jamais dessus, il sera toujours à son écoute et saura toujours la consoler.
Conquérir le cœur de Cassandre, voilà le but de sa vie.
Il pense encore à elle quand il pousse la porte de la cabane. Lorsqu’il lève la tête, il croise le regard du khal qui s’est assis sur la table, les mains sur les genoux. Jeff referme la porte. Il fait peut-être encore plus chaud à l’intérieur et le rideau est tiré sur l’unique fenêtre qui éclaire la pièce.
Le khal sourit et saute à terre. Il a deux ans de plus que lui, il est vraiment grand, pas très costaud, mais son charisme est indéniable, ce qui explique en partie pourquoi ils ont fait de lui leur chef (ou plutôt est-ce lui qui s’est habilement imposé à eux). Il a du bagout, une assurance extraordinaire. Jeff éprouve pour lui un mélange d’admiration et de méfiance. Il a tendance à les entraîner dans des coups un peu foireux et surtout, il semble ne pas très bien s’entendre avec sa sœur, Cassandre.
Et ça, Jeff a du mal à l’accepter.
– Aujourd’hui est un grand jour, Jeff, s’exclame le khal avec emphase.
Il passe dans son dos et glisse la clef, dont il détient l’unique exemplaire, dans la serrure. Le pouls de Jeff s’accélère de façon inexplicable lorsqu’il entend le pêne glisser dans son logement. Le khal lui donne une tape amicale sur l’épaule et reprend position sur la table. Il ne s’est pas départi de son sourire depuis que Jeff est entré, ce sourire qu’il arbore quand il a une idée saugrenue à l’esprit.
– Ça te plaît d’être dans la bande ? lui demande-t-il de but en blanc.
Jeff, quelque peu déstabilisé, se compose un air assuré.
– Oui, évidemment.
– Tu trouves ça cool ?
Cool… Cool, en effet, et plutôt valorisant car le khal inspire une certaine crainte auprès de ceux de son âge et évoluer dans son sillage est l’assurance de capter un peu de ce parfum férin.
– Ben ouais.
– T’aimerais pas en être éjecté, je suppose ?
Jeff sent un frisson remonter le long de son échine.
– Pourquoi j’en serais éjecté ? J’ai fait quelque chose de mal ?
– Non, t’inquiète, il n’est pas question de te virer. Seulement, pour rester dans la bande, il y a…
Le sourire du khal s’élargit tandis qu’il écarte les bras d’un geste théâtral.
– … L’épreuve !
Jeff fronce les sourcils.
– Tous les autres ont passé l’épreuve, poursuit le khal , c’est pour ça qu’ils sont encore là. Tu es le dernier à avoir intégré la bande ; c’est à ton tour, à présent.
– Et c’est quoi cette épreuve ?
– C’est un truc super simple, mais seuls les plus forts réussissent.
L’orateur redescend de son perchoir et s’approche. La pomme d’Adam de Jeff fait un rapide va-et-vient le long de son cou. Il n’aime pas le regard de son camarade, il y a au fond de ses yeux comme une lueur… malsaine.
– L’épreuve consiste en deux parties.
Il brandit l’index de sa main gauche sous le nez de Jeff, qui ressent une légère fraîcheur au niveau des tempes, là où s’est formée une fine pellicule de sueur froide.
– La première, c’est le test.
Le majeur se dresse à son tour deva

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