Nauetakuan
306 pages
Français

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Description

Un roman comme un voyage. Où l’on quitte le Montréal festif des étudiant·e·s pour gagner les forêts, les lacs et les rivières de Nitassinan, en passant par Vancouver, Mexico et Pessamit. Où l’art révèle, à chaque étape, la beauté millénaire des cultures autochtones et leur souveraine indocilité. Un roman comme une initiation. Où le rêve est une dimension du réel, et le territoire une matrice. Où, avec l’aide des esprits, on trace sa voie. Un roman comme une réparation. Où l’on affronte un passé qui ne passe pas. Où la fille peut être la mère de sa mère, et aussi une jeune femme apaisée et amoureuse et puissante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mai 2023
Nombre de lectures 1
EAN13 9782902039456
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Éditeur Amaury Levillayer, PhD
Réalisation éditoriale Joël Faucilhon — numérisation Marie-Laure Jouanno — conception graphique ; réalisation et du cahier de couverture © Olivier Mazoué — réalisation du cahier de couverture et logotypes © Sabryna Phœnix — Illustrations originales du cahier de couverture
© Éditions Dépaysage, 2023
ISBN (papier) : 978-2-902039-44-9 ISBN (epub) : 978-2-902039-45-6
Première édition publiée sous le titre Nauetakuan, un silence pour un bruit , par Natasha Kanapé Fontaine © 2021, Les Éditions XYZ pour l’édition en langue française © 2023, Éditions Dépaysage pour l’édition en langue française en Europe, en partenariat avec 2 Seas Literary Agency
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1 er  juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.


NAUETAKUAN
Un roman de Natasha Kanapé Fontaine
-



À la lectrice, au lecteur
Le texte que vous vous apprêtez à lire a été écrit en français du Québec. Il n’a fait l’objet d’aucune adaptation à destination d’un lectorat francophone de France. Seuls quelques termes et expressions font l’objet, dans un lexique final organisé par chapitre, d’une note explicative.
Les dialogues sont fréquemment ponctués d’interjections exprimant le rire, l’ironie ou la moquerie. Il est utile de rappeler que, chez les Innuat, le rire n’est pas qu’un trait de la personnalité, c’est aussi un marqueur culturel.
Suivant la volonté de l’autrice, les graphies des noms des nations et communautés utilisées sont celles généralement privilégiées par les groupes en question ; il en va de même pour les adjectifs qui en sont dérivés. C’est ainsi qu’on retrouvera les noms Innu au singulier et Innuat au pluriel, tandis que l’adjectif innu est ici considéré comme invariable.
— L’éditeur


 
Je dédie ce livre aux descendantes et descendants des survivantes et survivants des pensionnats. Parce que surmonter l’histoire empreinte dans nos os est un immense travail. C’est un défi de tous les jours. Par ce livre, je veux contribuer à ce qu’on puisse trouver notre voie, retrouver notre voix, au travers des traumatismes qui ont pu souvent nous empêcher d’avancer, d’être soi, d’être totalement nous-mêmes. Nous surmontons la souffrance imposée et nous surmontons tous les orages. Nous marchons les rues et nous parlons à nouveau nos langues. Nous chantons à nouveau nos chants. Nous apprenons à nouveau nos légendes et nous reprenons notre souveraineté narrative. Cette époque est à nous.


 
À Andrew À Suzanna


Nititeniten nin mishta-apatan tshetshi mishta- kutshipanitaiat tshetshi nanatua- patamat kie tshetshi kanuenita- mat nitinniu- inniunnan kie nitinnu-aimunnan. Nin nititenitamun, [...] [e] inniuiat takuanipan nitinnu-inniunnan kie nitinnu-aimunnan tshetshi ashineuatsheiat. — An Antane Kapesh
Je crois que nous devons tout tenter pour retrouver et nous réapproprier notre vie innu et notre langue innu. C’est ce que je pense, [...] nous avions de quoi être fiers de notre façon de vivre et de notre langue, nous, les Innuat. — Traduction libre dans les mots de Natasha Kanapé Fontaine


Nauetakuan (n ́ auetakuan) : le bruit s’entend de très loin.
Prononciation de Pessamit : [ laːweːtaːkwən ].


Prologue
D es vies passent. Des noms de gens, des paroles d’amoureux, des cris d’enfants, des hurlements de peur, des vrombissements de moteurs. Des voitures défilent. Partout dans les rues de Montréal, partout dans les autres villes, les ruelles, les rangs de campagne, le Nitassinan. Les trains à toute vitesse, les mains sur les claviers d’ordinateurs. Les coups de pagaie dans les rivières sinueuses. Partout sur la planète. Les milliers de satellites, avec leurs interférences. Chaque seconde est pleine de l’éclat de leurs vibrations.
Les avions passent dans le corridor aérien au-dessus de nos têtes. On peut parfois reconnaître les symboles des pays d’où ils proviennent. Ils sont si loin au-dessus de nous, et pourtant je peux percevoir le ronronnement de leur moteur jusque dans les murs de mon appartement.
Plus près, chaque jour, le boulevard Pie-IX se remplit aux heures de pointe. Des vagues ou des dérives d’automobiles. La semaine dernière, les voisins d’à côté, à gauche, ont coupé plusieurs arbres dans la cour. Certains de ceux encore debout ont déjà perdu leurs feuilles.
Me vient parfois l’idée de m’enfermer dans cet appartement, d’en boire les ombres. Le son du frigo habite nos demeures depuis si longtemps. Plus personne ne l’entend. Je le confonds avec le silence. Mais tout ce qui passe dehors, autour, finit par s’infiltrer à l’intérieur. Réside dans nos corps. La trame sonore d’une vie qu’on cherche à remplir.
Toute vie est remplie d’elle-même, et pourtant l’être humain a cette habileté à en faire abstraction. À se dérober à son sens. Trouble de la perception ? Comme un problème de vue, peut-être. Trouble de sensibilité ? Comme le fait de ne pas savoir ressentir qu’un autre être partage la même pièce que soi, le temps d’une présence au temps. C’est le chat.
Derrière tout ça, un son sourd perdure. Échappe à la cons­cience lucide. On dit que la vibration de la planète Terre est de 7,8 hertz, et qu’elle change selon les phénomènes naturels, les éclairs par exemple. On ne peut ni la nommer, ni la toucher. Comment interpréter une chose qu’on perçoit, mais ne voit pas ? Un sapin centenaire qui chute au milieu d’une forêt, lors d’un incendie.
C’est la réflexion que je me fais, sur moi, sur ma vie maintenant, à savoir qu’elle n’est habitée par rien. Vide. Rien ne fait battre mon cœur, ne me passionne. Et tout est habité par un bruit.

Et chaque jour, sur le boulevard, les voitures klaxonnent, les camions grognent, les remorques grondent comme les orages d’août, et même les enfants dans les poussettes sur les trottoirs hurlent pour en avoir plus.


I. Montréal
Les applaudissements retentissent, et l’écho répand une atmosphère joyeuse dans cette grande salle du Musée d’art contemporain. Dans la clameur, la commissaire de l’exposition invite les convives à se servir des bouchées offertes, pour achever le vernissage. Monica se déplace vers la table des amuse-gueules, amorçant son mouvement juste quelques secondes avant que d’autres affamés se rendent au même endroit. S’étant emparée de raisins et de morceaux de fromage, elle glisse derrière la masse qui s’agglutine maintenant autour des plateaux, se dirige vers les coupes de vin et en cueille une avant de s’éloigner. Elle se déplace lentement entre les invités tout en sirotant ses premières gorgées, quand soudain elle lève les yeux vers une œuvre au fond de la pièce, dépassant un peu en hauteur le rassemblement de visiteurs enthousiastes se trouvant juste devant. L’image montre une femme allongée sur le côté, dos à l’objectif. Ses cheveux noirs sont parcourus de mèches platine, un drap blanc recouvre ses hanches, et son dos est traversé d’une cicatrice immense, de laquelle pendent des fils portant des perles de verre rouges. Quelques fils blancs se dégagent également de ce qui ressemble à des points de suture, et cette vue est aussi troublante que fascinante.
Monica s’en approche, contournant la poignée de convives. Les secondes passent, alors que ses yeux parcourent le dos de cette femme étendue sur une surface qui évoque un lit d’hôpital immaculé, sans barreaux de métal. Fringe . C’est le titre de cette œuvre, une grande photo rétroéclairée. Monica sent quelque chose bouger à l’intérieur de sa poitrine. Pas le temps. Trop subtil pour être analysé. Juste assez pour pouvoir le nier. Elle tente, au creux de ses pensées en désordre, un parallèle incertain entre ces lignes de perles rouges et sa propre vie.
Ces lignes qui, si l’on voyage sur la sphère qu’est la Terre, en viennent à former des cercles. Si seulement il y avait une direction à leur trajectoire, si seulement la gravité n’était pas l’unique force qui leur imprime un mouvement.
Monica s’approche d’une autre œuvre de l’artiste anishinaabe à qui est consacrée l’exposition, dont le travail en entier aborde les injustices vécues par les Premiers Peuples au Canada. Rebecca Belmore : c’est le nom qui figure à proximité de chacune des installations, toiles, photographies…
Monica en est encore à apprendre tout ça au moment où elle se retrouve au vernissage de la rétrospective de cette artiste. Jusque-là, elle connaissait à peine son nom. Plus tôt cette semaine-là, ses collègues au journal étudiant à l’UQAM lui ont proposé de couvrir le lancement de cette expo dont le Musée d’art contemporain semblait si fier de faire la promotion. Monica a dit oui sans trop creuser, parce qu’elle avait envie de voir les œuvres originales, s’était-elle dit, au lieu de faire défiler des photos et des critiques pâlottes sur son écran et de ne pas en sentir l’effet.
L’œuvre qui se déploie maintenant devant elle la happe d’un coup : au sol, le dos de ce qui ressemble à une jeune ado portant un hoodie, le capuchon sur la tête ; s’échappant de sous ce tissu, ses cheveux noirs s’allongent et s’allongent. Jusqu’aux pieds de Monica. Ça lui dit quelque chose.
Monica se déplace vers une autre installation. Cette fois, elle s’arrête devant deux grands murs blancs qui se font face, sur lesquels deux vidéos sont projetées en simultané. Une femme à la peau brune et aux cheveux noirs emmêlés, ne portant qu’une veste rouge en tissu léger, trop mince pour la forêt, la neige et le froid dans lesquels elle se trouve, court, essoufflée, sur un sentier à peine esquissé dans l’hiver blanc. Elle est suivie d’un homme qui paraît aussi pa

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