Les déboussolés anonymes
179 pages
Français

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Les déboussolés anonymes , livre ebook

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179 pages
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Description

À ma petite sœur Jaël, La raison d’être (qui s’ignorait) de cette histoire. Je t’aime. CHAPITRE 1 Fichues larmes Il est deux heures du matin et je n’arrive toujours pas à trouver le sommeil. J’ai lu, j’ai fait des pompes – j’ai essayé en tout cas –, j’ai vidé les cartons en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller les voisins, j’ai vérifié vingt-sept fois l’itinéraire pour me rendre à pied au salon de thé où je commence demain à neuf heures, j’ai déjà préparé ma tenue, mais le sommeil me fuit inlassablement. Je relis mes messages, histoire de trouver un peu de réconfort. Mon frère me dit que je lui manque déjà, ma mère me souhaite de trouver ce qui me rendra heureuse, mon père espère que je ne vais pas me transformer en glaçon à Grenoble, et Vince me dit qu’il pense à moi. Vince, mon meilleur ami. Enfin… mon ex-meilleur ami. Je viens d’apprendre que ça existe, oui. C’est quand l’amitié se transforme au fil des années et que l’un des deux commence à voir l’autre autrement. Moi, je n’ai rien vu. Lui, de ce que j’ai compris, m’a attendue, longtemps, croyant que j’allais remarquer ses yeux briller autrement et comprendre ses gestes comme ceux d’un homme dont le monde tourne autour d’une seule femme : moi. Ce sont ses mots. Alors j’ai pleuré. Comme je sais si bien le faire. Et c’est lui qui m’a consolée. Ironique, je sais ! Je ne veux pas lui faire de mal. Je ne peux rien lui donner de plus et le pire, c’est qu’il s’en contenterait. Alors je suis partie.

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Informations

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Date de parution 18 mars 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782819506287
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À ma petite sœur Jaël, La raison d’être (qui s’ignorait) de cette histoire. Je t’aime.
CHAPITRE 1
Fichues larmes

Il est deux heures du matin et je n’arrive toujours pas à trouver le sommeil. J’ai lu, j’ai fait des pompes – j’ai essayé en tout cas –, j’ai vidé les cartons en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller les voisins, j’ai vérifié vingt-sept fois l’itinéraire pour me rendre à pied au salon de thé où je commence demain à neuf heures, j’ai déjà préparé ma tenue, mais le sommeil me fuit inlassablement.
Je relis mes messages, histoire de trouver un peu de réconfort. Mon frère me dit que je lui manque déjà, ma mère me souhaite de trouver ce qui me rendra heureuse, mon père espère que je ne vais pas me transformer en glaçon à Grenoble, et Vince me dit qu’il pense à moi.
Vince, mon meilleur ami. Enfin… mon ex-meilleur ami. Je viens d’apprendre que ça existe, oui. C’est quand l’amitié se transforme au fil des années et que l’un des deux commence à voir l’autre autrement. Moi, je n’ai rien vu. Lui, de ce que j’ai compris, m’a attendue, longtemps, croyant que j’allais remarquer ses yeux briller autrement et comprendre ses gestes comme ceux d’un homme dont le monde tourne autour d’une seule femme : moi. Ce sont ses mots. Alors j’ai pleuré. Comme je sais si bien le faire. Et c’est lui qui m’a consolée. Ironique, je sais !
Je ne veux pas lui faire de mal. Je ne peux rien lui donner de plus et le pire, c’est qu’il s’en contenterait. Alors je suis partie. Pour qu’il envisage d’aimer quelqu’un d’autre. Ou peut-être parce que je suis lâche et que je n’étais plus capable de le regarder dans les yeux. Il le fallait. Pour lui et pour moi. Pour que je comprenne qui je suis, ce que je veux vraiment et trouver un sens à ma vie. Sans lui. Et qu’il trouve un nouveau sens à la sienne. Sans moi.
 
Je sens mes yeux qui commencent à piquer. Et ce n’est pas la fatigue. Fichues larmes. Elles ne me demandent jamais la permission. Si les larmes étaient monnayables, je serais riche. Ma fabrique intérieure est sûrement la plus grosse du monde. Et c’est plus que pénible. Je pleure quand je suis joyeuse, quand quelque chose me touche, quand j’ai de la peine, quand je suis fatiguée, quand je suis triste, quand les autres sont tristes. Je me demande même si je ne pleure pas quand je m’ennuie. Il faudrait que je vérifie, tiens…
« Sam, arrête de chouiner. » C’est la phrase préférée de mon frère. Mais il ne le dit jamais avec moquerie, juste un peu de malice et beaucoup de tendresse. Et je pleure à chaque fois un peu plus parce que je sais qu’il m’aime. Après Vince, Seb est mon deuxième allié dans la vie. Il me dit toujours ce qu’il pense et il me pousse à sortir de mon cocon. Sans Seb, je n’aurais pas déménagé aussi loin. Toulouse-Grenoble, il faut dire que c’est radical comme changement de vie.
 
Je ne voulais pas fuir, mais j’étais encore plus perdue que d’habitude. Alors Seb m’a aidée à trouver un autre travail, à envisager tout cela comme un nouveau départ, hors de ma zone de confort. Mon frère est mon moteur depuis des années.
C’est lui qui m’a boostée pour que je termine mon CAP service-restauration malgré un chef qui n’était pas très juste et qui ne me payait aucune heure sup. C’est lui qui m’a encouragée à partir six mois comme jeune fille au pair à Manchester pour perfectionner mon anglais. C’est encore lui qui m’a déniché ce nouveau travail et qui m’a certifié que j’étais capable de partir.
Ma seule petite fierté, c’est d’avoir trouvé mon studio sans lui. Il faut que j’apprenne à vivre sans Seb. Vivre sans Seb et sans Vince, pour de bon, c’est comme si je me retrouvais toute nue. C’est dire à quel point il était temps que je m’en sorte seule.
À 28 ans…
Je trouvais l’idée plutôt bonne : partir, un nouveau boulot, un nouveau cadre de vie, de nouvelles connaissances… Mais la réalité est pire que la boule de neige que mon frangin réussit toujours à me glisser dans le cou, hiver après hiver. Parce que là, il n’y a personne sur qui me défouler passé le moment de surprise. Personne pour transformer ce moment glacial en bataille de rires, Vince et moi contre l’affreux Seb. Personne pour nous coller une tasse de thé brûlante dans les mains en râlant qu’on est de vrais gamins. Personne.
Vince est dans chacun de mes souvenirs. Vince était un membre adopté de notre famille. Et pour me défaire de lui, de son amour qui me fait culpabiliser, j’ai dû laisser les liens du sang en arrière. Et maintenant, je dois tout recommencer. Sauf que je ne sais plus faire. Comment devient-on amis ?
 
Après l’excitation et la sensation d’être capable de tout, je me sens misérable, incompétente et inapte à la vie en solo. Entre la nervosité, l’angoisse et le stress, je suis une boule de nerfs à vif. Je peux faire une croix sur les quelques heures de sommeil que j’espérais grappiller. Il est temps de trouver un plan B. Le studio est rangé. Les quelques cartons que j’ai bourlingués en voiture jusqu’ici sont vides et entassés devant la porte d’entrée. Si je les sors maintenant, je vais réveiller tout l’immeuble. Je peux les déchiqueter en petits morceaux, ça rentrera dans deux sacs-poubelle. Il faut dire que dans vingt mètres carrés, le moindre truc qui traîne encombre la vue et l’espace. Donc. Ciseaux. Sacs-poubelle. Et on n’en parle plus.
Ensuite, ménage. Sans bruit. Je n’ai pas d’aspirateur. Je fais tout avec Enjo. J’ai découvert ça en Angleterre, dans la famille chez qui j’étais au pair. Pas d’aspirateur, pas de balai, pas de liquide vaisselle, pas de produits ménagers. Juste des fibres et de l’eau. Donc me voilà à nettoyer mon studio, sans bruit. Mes voisins peuvent me dire merci. Et ça brille. J’adore. Une chose au moins reste sous contrôle dans ma vie : mon intérieur est propre, rangé. C’est un bon début.
 
Déjà cinq heures du matin. Je me glisse sous le jet d’eau brûlant de ma douche pour ressortir rouge comme une écrevisse. J’efface la buée du miroir et m’approche plus près. Ici ou ailleurs, mes gestes sont toujours les mêmes. J’écarquille mes grands yeux noisette : ils brillent malgré la fatigue et attirent plus le regard que mes cernes. Je tapote mes joues pour me redonner des couleurs puis je brosse rapidement mes longs cheveux bruns en une queue-de-cheval banale, mais pratique. Et voilà.
Je fais rentrer l’air frais dans mon appartement, venant tout droit de l’Isère et des montagnes autour tout en sirotant mon thé vert. En bas, la rue commence à s’animer. J’ouvre ma boîte mail pour vérifier que je n’ai aucun message non lu. Je ne sais pas, une carte virtuelle de ma mère pour me souhaiter bonne chance, par exemple. Elle les programme pour toutes les grandes occasions. C’en est une, à l’évidence ! Sûrement la plus grande de toute ma vie.
Mais non. Rien. Il est temps de me mettre en route. À pied, j’en ai pour moins d’un quart d’heure, mais je déteste être en retard et on ne sait jamais ce qui peut arriver.
 
Me voilà dehors à 8 h 15. Il commence à pleuvoir et je n’ai pas de parapluie. Merci Grenoble ! J’adore ta manière de me souhaiter la bienvenue.
CHAPITRE 2
Le salon de thé

Je marche vite et, bien évidemment, je trouve le salon de thé avec trente minutes d’avance. Je ne peux même pas découvrir le quartier, il pleut vraiment trop fort. Note à moi-même : il faut absolument que je m’achète un parapluie ce soir, en rentrant. Et un livre. Il me faut un livre joyeux, un livre qui dit que tout ira bien.
C’est ma bouée de secours. Quand je perds pied, je commence un nouveau livre. Dans l’immédiat, je n’ai pas le temps d’aller m’inscrire à la bibliothèque. Le mieux est de m’en acheter un. Ce sera mon premier livre ici, à Grenoble. Il a intérêt à être assez exceptionnel pour me donner envie de rester !
Je m’abrite sous un porche, je dégaine mon téléphone et je tape « librairie ». Mon téléphone est intelligent. Il me géolocalise – ce que je serais bien incapable de faire – et m’indique toutes les librairies autour de moi, avec la distance à pied ainsi que le nombre d’étoiles laissées par les clients. Tiens, d’ailleurs, ça me fait penser : je n’ai pas cherché à savoir si le salon de thé dans lequel je vais travailler est bien noté ou pas.
Mon ventre se met à couiner, comme à chaque fois que je suis un peu tendue. Je sais au fond de moi que si le salon de thé est mal noté, c’est très mauvais signe ! Cela voudrait dire qu’il peut fermer dans pas longtemps faute de chiffre d’affaires, ou que la gérante n’est pas agréable et que ça pourrait mal se passer. Potentiellement bien sûr. Ou les deux à la fois. Ou alors, elle m’a engagée pour remettre le bateau à flot, et là, on est mal barrées. Je me noie déjà dans ma propre vie alors sauver un salon de thé… la pression !
Mais s’il a plein d’étoiles, c’est tout aussi affreux. Cela voudrait dire qu’il ne faut surtout pas que je fasse de boulette pour que la réputation du lieu reste intacte. Encore plus de pression ! En fait, je ne suis pas sûre de vouloir savoir combien d’étoiles a mon nouveau lieu de travail.
J’appuie sur la touche de mon téléphone qui me permet de revenir en arrière. Ouf ! Je n’ai rien vu ! Politique de l’autruche ? Mais non, c’est juste pour… laisser un peu de suspense. Il paraît que je veux tout contrôler. Eh bien là, je lâche prise. Seb serait content s’il me voyait.
Mais revenons-en à ma recherche de librairie-jolie. Je veux du cinq-étoiles en avis clients et du pas loin. Bingo ! La Boussole . C’est joli ça, comme nom. Moi, déboussolée, échevelée, trempée, ça me donne envie d’y mettre les pieds. D’après Google, c’est… en face ? Avec la pluie, j’ai tracé ma route, je n’ai prêté aucune attention aux devantures dans la rue.
Je relève enfin la tête et découvre en face de moi un immeuble. Sur la droite un magasin de chaussures, et sur la gauche, La Boussole . En face de la librairie il y a un fleuriste et à ma droite, le salon de thé. Je ne crois pas aux signes. Je crois à ce que je ressens. Et là, je souris. Bêtement. Sous la pluie. Finalement, cette

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