La Latitude des Chevaux
90 pages
Français

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La Latitude des Chevaux , livre ebook

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Description

Pierrot et ses amis de longue date se retrouvent quotidiennement au café du quartier. Ils y partagent des dîners et des parties de cartes très animées. La plupart du temps, la légèreté et l’insouciance prennent le dessus sur leur quotidien. Claude, un nouveau venu, se joint à eux. Il est différent. Une profonde amitié se noue avec Pierrot, jusqu’au jour où un événement inattendu vient tout faire basculer, laissant Pierrot seul face à une situation qu’il n’accepte pas. Il essaye de comprendre ce qui est arrivé et remet tout en question.
Qui est ce mystérieux Claude ? Que veut-il vraiment ? Et si tout ceci n’était qu’une manipulation ?

La Latitude des Chevaux est une histoire puissante sur le passage du temps, la force de l’amitié, la folie du mensonge et le désir, parfois, de tout recommencer.


« Une galerie de personnages attachants. Un style simple, un ton pudique. » Page Magazine


« Une rare justesse. » Le Pèlerin Magazine


« Un beau roman sensible sur l'amitié et le temps qui passe. » Bibliothèque pour tous



Romancière et parolière, Sylvie Argondico est l’auteur de plusieurs œuvres dont J’étais enfant à Nantes dans les années 60 et Le Toubab de Saint-Louis, pour lequel elle a obtenu le prix européen de l’ADELF. Initialement paru aux éditions Anne Carrière en 2003, La Latitude des Chevaux a obtenu le prix du Lions Club de l’Ouest et a été sélectionné pour plusieurs autres prix nationaux. Il est ici republié dans une nouvelle version revue par son auteur. Pour suivre son actualité : https://sylvieargondico.wordpress.com/

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mars 2023
Nombre de lectures 2
EAN13 9782385330071
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

collection littérature contemporaine
 
 
Crédits photographiques : Midjourney
Composition du livre : Valentine Flork / Agence A&L
 
Distribution papier / numérique : SODIS & Immatériel
 
ISBN papier : 9782385330064
ISBN numérique : 9782385330071
 
2ème édition
 
Dépôt légal : mars 2023
 
Éditeur : Les éditions d’Avallon
342 rue du Boulidou
34980 Saint-Clément-de-Rivière
 
© 2022 Les éditions d’Avallon
 
La Latitude des Chevaux
Du même auteur
ROMANS
 
Le Toubab de Saint-Louis , Prix littéraire européen 1998 de l’ADELF (Association des Écrivains de Langue Française) Éditions Présence Africaine, 1997
J’étais enfant à Nantes dans les années 60 , Éditions Siloë, 2007
 
 
REVUES ET CATALOGUES
 
Hommage à Aimé Césaire , Revue Présence Africaine n°178, 2009
Réparations , Catalogue d’exposition Réparations, 2018
 
 
RECUEILS
 
 
Comme vous… , Recueil de textes pour l’album Sentiment Océanique de Marie So, 2021
 
Plus d’informations sur l’auteur :
http://sylvieargondico.wordpress.com
Sylvie Argondico
 
La Latitude des Chevaux
ROMAN
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
À mes parents,
À Guy,
Et à Éliane bien sûr…
 
 
 
Parfois j’ai l’impression d’être un ethnologue.
Comme lui, j’observe, j’étudie et je récolte des informations sur une culture dont les mœurs et les coutumes me sont étrangères.
Pourtant, je n’ai pas choisi comme sujet d’étude une ethnie lointaine, avec un mode de vie aux antipodes du mien. Nous parlons le même langage, même si nous ne le manions pas de la même façon. Nous sommes issus du même pays, à défaut du même milieu. C’est pour cela qu’il est difficile de trouver la bonne distance. Je ne peux me comporter comme un simple observateur se refusant à la moindre incursion dans les échanges du groupe. Cette attitude me rendrait immédiatement suspect et stopperait net les échanges en ma présence. Mais je ne peux non plus m’immerger entièrement, au risque de perdre le recul nécessaire à toute étude digne de ce nom.
À mon crédit, je dois inscrire le fait que le temps joue en ma faveur : cela fait longtemps déjà qu’ils ne me considèrent plus comme un intrus. Peu à peu, je m’intègre aux conversations, m’imprègne de leur façon de penser et d’agir, me fonds progressivement dans le décor.
Je ne peux présager de ce qu’un ethnologue ressent au beau milieu de sa mission. Pour ma part, j’éprouve une sorte d’enivrement, la fierté d’un bel ouvrage, et — pourquoi le taire ? — une délectation certaine à l’idée de contempler, dans le plus grand secret, l’étrange petite vie des autres, en me tenant au-dessus d’eux, un microscope à portée de mains.
 
Chapitre 1
Ça m’a fait un coup, ce matin, devant ma glace. Ça m’arrive de temps en temps. J’oublie, je me lève, j’enchaîne les gestes de tous les jours, tout fonctionne, et puis soudain le miroir me rappelle à la réalité : je suis vieux. C’est comme une anomalie, une inadvertance, un trou noir de quelque trente années.
En général, je ne laisse pas ce genre de pensées m’envahir trop longtemps. Je les chasse d’un revers de main et parfois même, je rigole. Mais ce matin, je n’y arrivais pas. Je scrutais ces rides qui me descendaient jusqu’au milieu des joues, ce regard qui devenait humide, comme tous ceux des gars de mon âge, et je cherchais mon visage d’avant, aux contours nets, aux yeux vifs. C’est à peine si je parvenais à m’en souvenir.
J’avais celui-là, maintenant, un visage de soixante-neuf ans, ni plus ni moins. Rien de bien dramatique en somme. Mais pas de quoi se réjouir non plus. J’ai senti que c’était une journée en pente, glissant tout droit vers la morosité et les idées grises.

Le mieux, dans ces cas-là, c’est encore de sortir au plus vite. Rien n’est plus efficace pour dissiper les brumes d’un mauvais réveil et pour se remettre les idées en place.
Je me suis attardé sur le seuil, et je me suis dit que si j’avais eu un chien, ç’aurait été le temps idéal pour aller le promener. Il ne faisait pas encore trop froid, l’air était juste un peu frais et humide, gorgé des senteurs de la terre mouillée. Nous aurions marché, nez et truffe au vent, en plissant les yeux à cause du soleil d’automne.
Mais personne chez moi ne répond au nom de Mirza. Alors je suis sorti seul, une laisse imaginaire au bout du bras.


Au carrefour, j’ai aperçu René. Il me tournait le dos, mais j’ai reconnu immédiatement sa silhouette massive, ses épaules de lutteur, sa façon très particulière de tourner la tête en entraînant tout le corps, comme s’il était constitué d’une seule pièce.
Il était en train de distribuer des prospectus orangés à tous ceux qui allaient ou revenaient du marché. Il en donnait aussi aux rares automobilistes qui daignaient baisser leurs vitres. Je lui ai tapé sur l’épaule :
— Qu’est-ce que tu fous ? Tu racoles sur la voie publique, maintenant ?
Il s’est retourné en me jetant le type de regard que le militant réserve à l’anarchiste, ou que le pêcheur à la ligne adresse au badaud qui lui demande stupidement si ça mord.
— Je me bats pour que ta retraite soit revalorisée, bougre d’andouille !
— Et tu crois que tu vas y arriver ? ai-je demandé, candide.
— J’espère bien, en tout cas. Je ne suis pas tout seul, figure-toi.

Il m’a désigné trois ou quatre types, dans nos âges, qui fourguaient des feuilles à tout-va. J’ai hoché la tête, mettant dans ce mouvement tout le scepticisme dont j’étais capable. C’était pratiquement notre unique pomme de discorde, à René et à moi. J’étais du genre résigné, persuadé que le sort des retraités n’intéressait personne et qu’il était donc inutile de dépenser son temps et son énergie à lutter contre les moulins à vent. Cela avait le don de mettre René en rage. Lui, depuis toujours, était engagé dans la lutte syndicale. Aussi loin que je m’en souvienne, je l’avais vu debout derrière les banderoles, combatif, prompt à pourfendre l’injustice et à débusquer les inégalités. De tout temps, mon inertie politique l’avait désespéré. Oh ! bien sûr, je n’avais pas été le dernier à faire grève quand j’étais soudeur à l’atelier G. Bien sûr que non. Mais c’était plus par esprit de camaraderie que par conscience de classe. Je m’en foutais un peu de tout ça. Je savais bien que nous étions exploités. Comme nos pères. Comme les pères de nos pères. Et tous les autres auparavant. Je le savais, mais je ne parvenais pas à trouver en moi la hargne nécessaire à la lutte. J’aurais bien voulu, mais je ne pouvais pas. J’étais un suiveur. Je charriais René, mais quand il m’expliquait en long, en large et en travers, ses motivations et celles des camarades , je l’enviais presque. Il savait où il allait. Il savait dans quel sens et pourquoi. Je l’enviais aussi quand, la voix forte et le geste ample, il s’employait à convaincre les jeunes de l’importance cruciale de leur vote. Vous vous en foutez, les gars, mais n’oubliez pas une chose. Les autres, ils vont y aller. C’est toujours comme ça. C’est pour ça qu’ils gagnent à chaque fois. Parce que les petits gars comme vous s’en foutent. Parce que vous n’y croyez pas. C’est là le talon d’Achille. Il faut vous bouger. Il n’y a pas de fatalité.

Il n’avait pas changé. Cégétiste convaincu, il était persuadé de l’efficacité de son combat. Ce n’était pas son statut de retraité qui pourrait le contraindre à baisser les bras. « Il y a encore plus à faire, disait-il. Ils nous considèrent comme des quantités négligeables qu’il est facile d’arnaquer, puisqu’on ne peut plus se battre, plus faire la grève, et que les médias ne s’intéressent pas à nous. Mais tu verras, Pierrot : ils auront des surprises. Il y a belle lurette que les retraités ne sont plus des croulants. L’espérance de vie augmente ? C’est très bien, mais il va falloir nous donner les moyens d’en profiter. C’est pas avec une retraite au rabais que tu peux te permettre des folies. Alors merde, on a bossé toute notre vie, ce n’est pas pour être traités comme des demi-portions. »
Je n’ai pas insisté. Cela faisait plus de quarante ans que nous retournions le sujet, ce n’était pas aujourd’hui que nous allions nous mettre d’accord. J’ai fourré l’imprimé dans la poche de mon veston et je suis allé prendre mon café chez Willy.

Mariette était déjà là, attablée avec quelques-unes de ses copines. Son panier rempli de provisions attestait qu’elle était déjà passée faire son marché. Je sais qu’elle ne dort pas beaucoup, Mariette. Dès cinq heures, elle est debout, séquelle sans doute de toutes ces années à l’usine, de ces innombrables réveils contre nature. Le corps a la mémoire sacrément têtue.
Je suis allé lui dire bonjour, j’ai échangé quelques mots avec Willy, puis je me suis installé à une table pour éplucher le journal. Dehors, le ciel s’est assombri brusquement et de grosses gouttes ont commencé à tomber. J’ai pensé à René qui ne tarderait pas à être trempé, tout comme ses prospectus. Je ne me suis pas trop inquiété pour lui. Même au beau milieu d’un cyclone, il continuerait à tendre le poing.
C’est à ce moment-là qu’une jeune femme est entrée. Un visage nouveau, dans ce lieu où la plupart des clients se connaissent depuis l’enfance, ça se remarque, forcément. C’était une pauvre fille, ça se voyait tout de suite. Elle a poussé la porte d’un air inquiet, la tête un peu baissée, en serrant son gosse contre elle. Elle s’est appuyée contre le comptoir, tout au bout, comme si elle ne voulait pas qu’on la voie, et elle a commandé un café d’une voix à peine audible. Elle était maigre, mal fagotée, les cheveux raides juste retenus par un élastique. Son gamin a commencé à s’agiter, puis il s’est mis à pleurer. Elle a essayé de le calmer en le berçant, mais dans ses mouvements un peu désordonnés, la lanière de son sac à main a glissé le long de son épaule, jusqu’au creux de son coude. Elle s’est empêtrée, énervée, a essayé de remonter le sac sans cesser d’agiter le petit. J’ai vu venir l’instant où

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