La boite à sucre
80 pages
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La boite à sucre , livre ebook

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Description

Tous les secrets de famille peuvent-ils tenir dans une boîte à sucre ? Pour percer le mystère d’une photographie cachée dans le secrétaire de son arrière-grand-père, Nancy va devoir plonger dans le passé, aussi douloureux que plein d’amour, de ses aïeux... De la région parisienne à la Normandie, dans une France déchirée par la guerre, son enquête nous mène à rencontrer Hélène l’impétueuse, le tendre Cléophast, Gigi l’exubérante et leur protégée, la Môme. Deux époques se répondent en écho pour dénouer le fil d’une même histoire où le courage et l’amitié prédominent. Les erreurs d’autrefois pourront-elles être réparées ? Comme Nancy, partez sur les traces de la Môme pour le découvrir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 juin 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782492126062
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0324€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La boîte à sucre
 
Roman
 
 
 
Mathilde Fraigneau
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
À Paulette, André et Mimi qui ont inspiré ce récit,
et à tous ceux qui s’y reconnaîtront.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Montmartin sur Mer – Normandie.
 
Enfin   ! Voir la maison sur la colline !
Après huit heures de route, dans les embouteillages et sous le soleil du mois d’août, la propriété des Hauts-Vents, dominant la région et la mer du haut de son monticule, sonnait comme une délivrance.
Dans la vieille Renault 21 bleu métallisé qui serpentait dangereusement à travers la campagne normande, Nancy baillait à s’en décrocher la mâchoire malgré les notes suaves des trompettes de salsa qui éclataient bruyamment de son autoradio. Au pied de la butte, le grand portail en fer forgé blanc semblait constituer la dernière étape à franchir pour accéder à la douceur des retrouvailles. Après avoir garé la voiture en contrebas, au bord de la route de gravier rouge, la jeune femme coupa le moteur et rabattit le rétroviseur.
Cette année, elle fêtera ses vingt-six ans.
D’un geste du doigt, elle tapota doucement les cernes qui creusaient ses grands yeux verts. Le voyage avait été long, mais Nancy faisait partie de ces femmes qui aimaient les routes plus encore que les destinations. Elle arrangea ses cheveux avec une pince négligemment posée et enfila une paire de petites créoles en or qui ne la quittait jamais. Pas vraiment satisfaite, elle ôta brusquement les clés du contact et s’extirpa du véhicule, avec une petite moue qui trahissait son manque d’envie.
Les Hauts-Vents étaient la propriété de son arrière-grand-mère que Nancy voyait rarement, du fait de son éloignement géographique et de son travail pour le Routard.
Elle était reporter et voyageait aux quatre coins du monde pour rédiger les guides que son patron lui commandait. Elle, qui n’imaginait pourtant pas la vie sans la famille, trouvait dans son métier une existence différente qui ne lui permettait rien d’autre que des souvenirs amassés et de nombreux albums photos.
Elle rentrait à peine d’un séjour de six mois au Costa Rica. Le guide était complet, rédigé, elle n’avait donc aucun prétexte pour éviter, comme à son accoutumée, la grande réunion qui se profilait.
Elle s’approcha du haut portail, sonna deux fois, comme une vieille habitude que l’on n’oublie pas. Il grinça, s’ouvrit doucement et Nancy s’engagea dans l’allée d’hortensias qui montait jusqu’à la maison. Pour un soir d’été en Normandie, il faisait chaud. En haut des marches, sur le perron de la véranda, Nancy aperçut les sourires de ceux qu’elle aimait et, déjà, les premières boutades sur sa mine affreuse. Ses parents l’accueillirent les premiers dans de grandes embrassades. Eux aussi vivaient dans le sud de la France, mais, depuis qu’elle travaillait autant, les visites s’étaient éloignées les unes des autres. Puis vint le tour de sa grand-mère, son grand-père, les oncles, tantes, cousins et cousines, une farandole de baisers et d’étreintes jusqu’au salon où l’arrière-grand-mère, assise dans son gros fauteuil de velours marron, attendait sagement, un châle sur les jambes, que la foule se dispersât. Ce gros fauteuil, Nancy l’avait toujours connu. Elle l’avait même toujours détesté, comme t out ce qu’il y avait dans cette maison d’ailleurs. Elle embrassa la Mémé et tenta de répondre aux mille questions qui lui parvenaient de toutes parts.
La grosse horloge au fond de la pièce sonna six heures. Son bruit sourd faisait vibrer la pièce. Rien n’avait bougé depuis la dernière fois qu’elle était venue. C’était cinq ans auparavant, lors de ses vacances avec Timothée, un jeune architecte dont la vie l’avait éloigné.
Rien n’avait bougé depuis qu’elle était enfant. Il y avait toujours les mêmes fanfreluches, les mêmes peintures au mur, les mêmes napperons de dentelle, les mêmes odeurs, les mêmes rideaux ; et puis, sur le haut de la cheminée, le portrait douloureux, mais bienveillant du Pépé, une Gitane à moitié fumée au bord des lèvres. Nancy avait, pour cet homme, un amour profond. Quand il mourut pourtant, elle n’avait que douze ans et ne le pleura pas. Elle le gardait, depuis, précieusement avec elle, son mégot au coin de la bouche, sa casquette de marin, son visage buriné et sa moustache jaunie par le tabac. Elle gardait tout, les pêches à la crevette, le jus de raisin à la cave qu’elle picolait en douce quand lui se délectait d’un autre nectar, leurs secrets face à la Mémé, les clapiers à lapins derrière le verger.
Plus les visites aux Hauts-Vents s’éloignaient les unes des autres, plus il lui était difficile d’y revenir. Les souvenirs prenaient peu à peu la forme d’une présence étrange, mais chaleureuse, qui ne la quittait que rarement et, quand elle revenait à Montmartin, elle se heurtait difficilement à la réalité de son absence.
La maison était bercée par les rayons du soleil qui pénétraient par les grandes baies vitrées de la véranda et le poste de télévision braillait les nouvelles du jour.
 
«   Toujours le même ramassis de bêtises   ! grogna la Mémé. Quatre-vingt -dix-sept ans que je vis, et toujours les mêmes horreurs se répètent   ! Je vous le dis, mes enfants, la guerre est une saleté, surtout pour ceux qui la traversent et qui survivent   !   »
Depuis qu’elle était petite, Nancy avait souvent entendu parler des péripéties de la Mémé pendant la Seconde Guerre mondiale , entre deux parties de belote ou à l’heure du thé avec sa vieille copine Gigi.
Les deux femmes s’étaient connues pendant la guerre et ne s’étaient plus quittées. Les années passant, leurs petites contributions à un réseau de Résistance sous l’Occupation s’étaient transformées en exploits, et les exploits en science-fiction, mais Nancy avait toujours aimé écouter ces deux vieilles dames se replongeant dans leurs souvenirs.
Il est impossible de revivre le passé et pourtant pour le comprendre, il n’y a rien de tel. Ces anecdotes représentent bien plus qu’un documentaire télévisé ou un livre d’histoire.
L’émotion prenait le dessus.
Les deux complices passaient tour à tour du rire aux larmes et redevenaient, pour un instant, ces résistantes planquées dans le maquis, oubliant les rhumatismes, les douleurs et l’âge.
Gigi était décédée trois ans auparavant et la Mémé s’était retrouvée seule au beau milieu de ses souvenirs.
Nancy appréciait ce petit bout de femme, maigrichonne et creusée par le tabac. Elle véhiculait joie de vivre et bonne humeur même dans les pires moments. Elle aimait profiter, vivait à cent à l’heure, fumait beaucoup, conduisait de grosses voitures de sport et inondait de sa bienveillance tout son entourage.
Nancy s’était rendu compte, à sa mort, qu’elle n’avait jamais su son véritable prénom.
 
«   Petit cœur, va installer tes affaires à l’étage, tu es dans la chambre jaune avec Lou-Anne, dit Juliette, sa grand-mère, la tirant de sa rêverie.
—  Je vais t’aider à porter tes sacs. Laisse-moi deviner, tu as emporté ton armoire   ? plaisanta son père.
—  J’ai appris à voyager léger   ! Je n’ai pris que trois paires de chaussures.
—  Pour deux jours   ! Fantastique, tu m’épates   ! répondit-il en chargeant les valises sur son dos et en s’engageant vers les escaliers qui menaient à l’étage.
—  On va préparer l’apéritif, si tu as les photos du Costa Rica, c’est le moment de les sortir, Nancy   !   » cria sa mère qui s’affairait dans la cuisine.
 
Il était vrai qu’il y avait toujours de quoi faire chez la Mémé, mais l’apéritif, c’était un peu comme le moment sacré qu’il ne fallait pas manquer, comme le repas d’ailleurs, qui devait être servi, heure tapante, dans la salle à manger.
À l’étage, comme partout ailleurs, rien n’avait bougé. L’appartement était resté intact, depuis ses dernières vacances avec Timothée. C’était le seul endroit de la maison où Nancy se sentait bien, même si la décoration, kitch à souhait, vieillissait affreusement l’ensemble. Les vieux meubles basques se mariaient avec les peaux de vaches au sol et les bibelots en verre de Murano.
Pourtant, on pouvait y contempler la plus belle vue de Montmartin. Les grandes fenêtres de la pièce principale donnaient sur les champs, les prés salés et la mer en contrebas. Quand il faisait beau et que la nuit tombait, on pouvait même voir les lumières de Granville et celle, scintillante et rouge de son phare qui éclairait les vagues pour les marins perdus.
Dans la pièce et dans un angle, un synthé poussiéreux attira le regard de la jeune femme qui s’assit sur le petit tabouret noir et posa machinalement les doigts sur son clavier.
 
«   Tu te souviens, quand j’étais petite tu me jouais tout le temps la Lettre à Élise , dit Lou-Anne doucement en posant sa tête sur l’épaule de sa cousine.
—  Oui, je me souviens… Mais la rejouer, ça me semble beaucoup plus compliqué. Je peux te faire J’ai du bon tabac mais ce sera mon maximum et mon dernier mot   !
—  Parée pour cette petite réunion de famille   ? Viens t’installer, ils nous ont laissé la chambre jaune, tu sais, celle avec le clic-clac rikiki et où le placard fait du bruit la nuit… Brrr   ! Ça non plus je n’ai pas oublié   ! Cette maison fiche la trouille   ! Tom dort dans la petite chambre bleue, c’est assez drôle de le voir dans un lit d’un mètre trente alors qu’il atteint presque les 1,90 m   !
—  Les grandes poupées dont il avait si peur n’y sont plus   ?
—  Tu parles   ! Je les ai enlevées en arrivant   ! » ricana Tom derrière elles.
Tom était le petit frère de Lou-Anne, un grand gaillard au sourire ravageur, timide et drôle, agissant toujours en protecteur avec sa sœur et sa cousine bien qu’il fût plus jeune qu’elles.
«  On va le prendre cet apéro   ? dit le jeune homme en souriant. C’était comment, le Guatemala   ? Beaux mecs et tequila   ?
—  T’es désespérant Tom   ! J’étais au Costa Rica, n’as-tu pas reçu ma carte   ? C’était fantastique, mais ça n’est définitivement pas ma desti

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