Shakespeare 2037
143 pages
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Shakespeare 2037 , livre ebook

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Description

SHAKESPEARE 2037


2037. La France est au bord de la faillite. Le gouvernement est contraint d’instaurer des lois anti-récession, afin d’éviter au pays la banqueroute. Elles entraînent une violente contestation sociale qui met le pays à feu et à sang.


Antoine Viramart, un apporteur d’affaires aux abois, solitaire et sans histoire, se laisse convaincre de vendre un livre mythique de William Shakespeare de provenance douteuse pour un groupuscule révolutionnaire. Il se trouvera mêlé malgré lui à cette France en pleine explosion. C’est le début d’une descente aux enfers qui le transformera à jamais.


Entre espoir d’un monde meilleur et manipulations, la question de l’engagement - qu’il soit intime ou collectif - est au cœur de ce récit à rebondissements qui interroge le lecteur sur les bouleversements de notre société et la possibilité d’une utopie politique.


Thomas Hermann anime depuis une quinzaine d’années un cercle évènementiel de réflexion, de débats et de découvertes artistiques. Avant cela, il s’est frotté au journalisme et à l’édition. Depuis un soir d’ennui où, adolescent, il a ouvert par hasard Je suis d’ailleurs de H.P. Lovecraft, la littérature tient une place importante dans sa vie.Après des années de lectures boulimiques, il a eu envie de raconter à son tour des histoires. Shakespeare 2037 en est la première illustration.






Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9789782382115
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

SHAKESPEARE 2037
Thomas HERMANN
SHAKESPEARE 2037
M+ ÉDITIONS 5, place Puvis de Chavannes 69006 Lyon mpluseditions.fr
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
 
 
 
© M+ éditions
Composition Marc DUTEIL
ISBN 978-2-38211-105-5
Pour Jo, ma compagne, mon amour et nos deux enfants, Théodore et Suzanne.
PARTIE 1
 
1
Paris, 2037.
 
Des bourrasques déversaient des rafales de pluie glacée sur la dalle ruisselante. Antoine la traversa au pas de course, capuche sur la tête, mains dans les poches, menton dans l’écharpe. Il rejoignit l’auvent jouxtant la grande horloge et prit son tour dans une queue qui se formait devant la gare. Le serpent humain auquel il s’intégrait, recevait sur son flanc gauche des gifles d’eau réfrigérées. Les corps immobiles et trempés restaient pourtant stoïques, patientant avant de se soumettre à un contrôle de sécurité.
Tandis que les caprices du ciel lui glaçaient les chairs, Antoine maugréa et ne put s’empêcher de faire une analogie entre cette attente imposée et son quotidien depuis des mois : quelque chose de lent, d’inconfortable et de déprimant.
Après plus d’une dizaine de minutes à supporter en serrant les dents les jeux de la pluie et du vent, il tendit sa carte d’identité et son pass vaccinal à un policiobot qui les scanna, puis le dirigea vers un portique de sécurité. Antoine n’aimait pas ces robots assistant les forces de l’ordre qui singeaient l’homme. Leur voix métallique, leur visage blanc impersonnel sans bouche ni nez, leur torse installé sur un long socle à roulettes, leurs caméras dissimulées derrière des orbites noires le mettaient mal à l’aise. Bien que seulement âgé de 43 ans, Antoine avait connu un monde où ces bestioles mécaniques n’existaient pas, où les hommes assuraient eux-mêmes leur sécurité, servaient eux-mêmes leurs semblables, géraient eux-mêmes leurs déchets… Un monde que, quelque part, il regrettait. En tout cas, il faisait partie de ceux qui ne s'enthousiasmaient pas de la multiplication de ces androïdes. Depuis leur apparition, le chômage ne faisait qu’exploser, la misère grossir comme un cancer. Chaque nouvelle unité prenait le travail d’un humain, chaque nouveau progrès de l’intelligence artificielle et de la robotique éradiquait une profession. Même si leur aspect avait été pensé pour rassurer, même s’ils restaient parfaitement inoffensifs, avec pour but de servir, d’informer, de surveiller, de nettoyer, Antoine, comme beaucoup de ses compatriotes, ne pouvait s’empêcher de les trouver anxiogènes.
Il vida ses poches, se débarrassa de sa ceinture puis passa sous le portique de sécurité. Ses effets personnels filèrent sur un tapis roulant. Il les récupéra et pénétra dans l’espace de la gare. Il s’ébroua, tentant de chasser l’eau de ses vêtements trempés et zigzagua à travers une cohue d’hommes et de valises. Il percuta des corps arrivant avec empressement en sens inverse de sa marche. Il sentit des bagages cogner et rouler sur ses pieds.
Les vacances scolaires battaient leur plein. La gare avalait et vomissait sans discontinuer des milliers de gens. Les médias multipliaient les reportages sur les taux de remplissage catastrophiques des stations de sports d’hiver et la chute vertigineuse des déplacements dans l’Hexagone, mais il n’en paraissait rien ici. On se bousculait pour accéder ou quitter des voitures bondées, en charriant valises et sacs dans un mouvement perpétuel rythmé par les arrivées et départs des locomotives.
Au milieu de cette faune, le regard en alerte et l’arme au poing, déambulaient des dizaines de militaires et policiers. Accompagnés de leurs assistants high-tech sur roulettes, ils scannaient au hasard les passants. Bien qu’un contrôle s’opérât à l’entrée en gare, les autorités ne le jugeaient pas suffisant. Il fallait sécuriser la cohue et assurer qu’aucun désordre ne perturbât les allées et venues des voyageurs. Une manifestation à haut risque se préparait le lendemain place de la République. La vigilance était de mise. Après les évènements des dernières semaines, le plan Vigipirate avait atteint le niveau rouge écarlate et l’inquiétude se lisait sur le visage de chacun.
 
L’agitation et le froid qui régnaient dans la gare provoquèrent chez Antoine une sorte de vertige. Il réprima un haut-le-cœur. Dans le hall principal, la foule se concentrait plus densément encore ; l’anarchie des valises, des tempos et des sens de marche s’en trouvait démultipliée. Antoine s’arrêta à l’un des petits stands qui émaillaient le lieu pour boire un café. Il prit - encore - place dans une queue et leva la tête vers la gigantesque verrière qui le surplombait. Bien que sa contemplation fût polluée par de multiples hologrammes publicitaires multicolores qui flottaient sous le toit de verre et d’acier – des téléphones portables, des bouteilles de soda et des barres chocolatées tournant autour de logos stylisés – il éprouva l’agréable sensation de s’extirper un peu de la bousculade.
Lorsque son tour de passer commande arriva, il dut s’y reprendre à trois reprises pour que le serviobot devant lui le comprenne, tant le bruit se faisait assourdissant. Antoine posa son téléphone portable sur le terminal de paiement incrusté sur le haut du crâne de la bestiole mécanique, qui cracha son breuvage dans ses entrailles. Son ventre s’ouvrit et un bras articulé lui tendit un gobelet fumant. Une voix métallique le remercia et lui souhaita une bonne journée.
Antoine chercha du regard un lieu où il pourrait se poser, un peu à l’écart de cette cohue. Il repéra un espace vide dans un angle, à quelques mètres de là où il se trouvait. Il ne pouvait s’y asseoir, pas plus que s’y protéger du froid, mais au moins quittait-il l’œil du cyclone. Il avala quelques gorgées de café, puis se dirigea dans cette direction. Sa tête tournait, comme tous ces gens et toutes ces valises autour de lui. Une fois qu’il eut atteint son précaire petit havre, il ferma les yeux pour apaiser ses pensées. Il travailla à inspirer et expirer lentement, se focalisant seulement sur sa respiration. Il détestait la foule et le bruit qu’il vivait comme des agressions. L’Homme n’était déjà pas reluisant en lui-même, agglutiner à d’autres, il en devenait carrément hostile.
Ayant gagné en sérénité après cet exercice, il rouvrit les yeux. Son regard tomba sur une affiche collée sur la devanture d’un kiosque à journaux reproduisant la Une de l’hebdomadaire le Nouvel Express. Elle présentait une gigantesque baudruche de fête foraine parodiant un cercueil, qui surmontait un ensemble de personnages en bronze : un garçon, un flambeau à la main chevauchant un lion, un homme musculeux muni d’un marteau et une femme tenant un manteau d’hermine et un sceptre. La Mort de la République   ? questionnait le gros titre l’accompagnant.
Cette image avait fait le tour du pays. Elle illustrait les derniers agissements d’un groupe d’activistes nébuleux dénommé Main Noire. Il avait acquis sa notoriété grâce à des happenings consistant en des «   mises en bière de la République   ». Il s’attaquait en pleine nuit aux statues de Marianne érigées dans les lieux publics et les recouvrait de sarcophages en plastique. Des pierres tombales aux épitaphes révolutionnaires accompagnaient ces installations, qui se multipliaient dans tout le pays depuis le vote des Lois Anti-récession. La plus spectaculaire d’entre toutes illustrait la couverture du magazine : La monumentale statue de Dalou, le Triomphe de la République, érigée place de la Nation, transformée en mausolée.
Le regard d’Antoine dériva vers le tableau des arrivées qui s’animait. Le train en provenance de Bordeaux s’annonçait. Il pensa aux fossettes qui naissaient sur ses joues quand elle souriait. Il avait hâte de la revoir. Près d’une semaine s’était écoulée depuis leur dernière étreinte. Une semaine sans elle, à vivre sans vivre, à exister simplement, sans sentir la moindre émotion forte remplir sa poitrine. Attendre, juste cela, attendre. Continuer sans avancer. À l’heure des retrouvailles, il redécouvrait l’exaltation qu’elle faisait naître en lui, comme un vent fort gonfle les voiles d’un bateau. Pourtant l’angoisse aussi le prenait à la gorge. Chaque séparation remettait en jeu leur histoire et laissait planer un doute sur leurs retrouvailles. Leur improbable aventure s’était-elle métamorphosée durant son absence   ? Déjà, par le passé, après des moments de grâce et d’union où leurs deux êtres étaient entrés en communion, elle était revenue différente et fuyante. L’éloignement continuel la rendait amnésique sur ce qui les unissait et il fallait à chacune de leurs retrouvailles tout recommencer. Non pas reprendre leur histoire où ils l’avaient laissée, mais repartir en amont. Quand elle se méfiait de lui, quand les remords semblaient plus forts que l’envie, quand le devoir prenait le pas sur le désir. Pendant toutes ces heures séparé d’elle, alors qu’un brasier le consumait toujours plus ardemment, sa flamme à elle vacillait. La distance asphyxiait sa combustion.
Allait-il la retrouver telle qu’à son départ   ? L’aimerait-elle toujours ou lui dirait-elle : «   Désolée, c’est lui, pas toi   ». Il savait qu’un jour, il aurait à entendre cette sentence. «   C’est lui, pas toi   ». Quand l’épée de Damoclès s’abattrait-elle sur son crâne   ? À cette descente de train   ? À celle de la semaine prochaine   ? Dans quinze jours   ? Dans quinze mois   ? Arriverait-il seulement à attendre ce moment redouté   ? Combien de prisonniers en fuite s’étaient rendus, jugeant leur cavale plus infernale que la peine à laquelle ils s’étaient soustraits   ? «   C’est lui,

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