L ECOSSE …
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L’Écosse en 1840Frédéric MerceyRevue des Deux Mondes4ème série, tome 26, 1841L’Écosse en 1840L’Écossais Chambers, ce patient et ingénieux érudit, qui a consacré sa plume àdécrire son pays, emploie une image singulière pour donner une idée de laconfiguration physique de l’Écosse : « Elle n’offre, dit-il [1], ni la forme hexagone del’Espagne, ni le profil rectangulaire de la France ; elle ne ressemble pas à une bottecomme l’Italie, à une pomme de terre comme l’Irlande, à un tronçon de serpentcomme la Suède, ni enfin, comme la Russie, à une baleine dont la gueule béantemenacerait l’Europe, et la queue la Chine et l’Amérique. Elle a l’apparence assezgrotesque d’une vieille femme accroupie qui se chaufferait devant un bon feu. LeSutherland pourrait figer son visage, Ross sa guimpe, dont Cromarty seraitl’agrafe ; Caithness représenterait sa toque, à laquelle l’archipel des Orcades .etdes Shetland s’attacherait comme un panache flottant. L’île de Skye fermerait samain droite et l’île de Mull sa main gauche, étendues toutes deux vers les Hébridesoccidentales comme vers la flamme du foyer ; Perth, Argyle, Inverness, Angus et lesautres comtés des Highlands composeraient le corps monstrueux de la géante,que termineraient les comtés des Lowlands, représentant ses jambes et sesgenoux ployés.» Laissons le lecteur juger du plus ou moins d’exactitude de cette étrangecomparaison, nous envisagerons l’Ecosse sous un point de vue plus sérieux. Si sesnoirs rivages se profilent bizarrement sur la nappe bleue de l’Océan, cette contréeseptentrionale n’en a pas moins une sorte d’austère magnificence qui lui est tout-à-fait propre. Ses montagnes incultes, couvertes de marécages et de vastesbruyères, revêtues çà et là de forêts de sapins, se colorent d’un azur sombre etviolâtre ; à leurs pieds, dans l’intérieur du pays, des baies profondes et des lacscouleur d’ardoise prennent la place des vallées ; un ciel lourd et d’un gris plombépèse sur leurs sommets arrondis ; une mer orageuse semée d’îles noires, et quelabourent les vents puissans de l’Atlantique, les enveloppe d’une ceinture d’écumeet ronge incessamment leurs bases décharnées. Cette nature sauvage est pleinede tristesse et de majesté. La nudité de ces montagnes, le petit nombre d’habitansqui vivent sur leurs pentes abruptes ou dans leurs vallons retirés, ce ciel même sirarement égayé par un beau jour, tout concourt à donner aux solitudes, desHighlands cette mélancolique grandeur qui manque aux paysages de contrées plusfavorisées de la nature ; c’est le calme et la sublimité du désert, c’est la solennitéde la mort.Tel est l’aspect des cantons montagneux du centre et du nord de l’Écosse lesplaines entrecoupées de collines qui s’étendent des montagnes bleues auxCheviot-Hills et au golfe de Solway, frontières du pays vers le sud, ont unephysionomie moins tranchée ; si la population des campagnes était plusconsidérable, l’étranger qui les parcourt pourrait se croire encore en Angleterre ;mais ces districts méridionaux de l’Écosse, non plus que le reste du pays, ne sontpas peuplés en raison de leur étendue. L’Écosse, dont la superficie égale la moitiéde celle de l’Angleterre, a sept fois moins d’habitans ; des dix-neuf millions d’acresde terre que renferment ses limites, quatre millions à peine sont cultivés.Depuis le commencement du siècle, mais particulièrement depuis la granderévolution littéraire préparée par les critiques écossais et accomplie par WalterScott, révolution qui a jeté tant d’éclat sur cette petite contrée, on s’est beaucoupoccupé de l’Écosse ; on a parcouru ses montagnes, on s’est arrêté dans ses villes,on a étudie les moeurs des habitans. Les Écossais eux-mêmes ont reporté un oeilcurieux sur leur pays ; ils ont consulté les traditions de leurs ancêtres, interrogé leursusages, fouillé leurs archives, étudié leurs penchans. Ils se sont jugés, et, comme onl’imagine aisément, ce jugement n’a pu qu’infirmer celui que l’Angleterre avaittémérairement porté contre des voisins qu’elle n’aimait pas. On les avait tropdépréciés pour que beaucoup d’exagération ne se mêlât pas à cette réhabilitationqu’ils faisaient d’eux-mêmes. Ils se sont bien donné de garde surtout de contredireles étrangers que la curiosité avait conduits chez eux, et qui, obéissant la plupartaux impérieuses exigences de la mode, exaltaient peut-être outre mesure unpeuple dont l’existence littéraire et philosophique venait de leur être révélée deschefs-d’œuvre. Pendant les trente premières années du siècle, un singulier
engouement pour tout ce qui touchait de l’Écosse succéda en France àl’anglomanie du siècle précédent. On ne prononçait plus qu’avec enthousiasme lesnoms de Burns, de Walter Scott, de Dugald Stewart, de Reid, ou même du poèteHogg. Abbotsford, la vallée d’Ettrick, le lac Lomond et le lac Katrine avaient leursvisiteurs et leurs chroniqueurs quotidiens. Cette ferveur ne tarda pas à se ralentir EnFrance on se passionne aisément, mais en revanche on oublie vite Ce vifenthousiasme qu’avait inspiré la brillante et subite civilisation de l’Athènes du norda fait place à un sentiment d’indifférence très marqué. Walter Scott dans la tombe,notre attention, distraite par les évènemens fort peu littéraires qui se succédaientautour de nous, s’est attachée à d’autres objets.L’Écosse ne méritait ni ce fracas d’enthousiasme ni le dédain qui l’a suivi. Lacivilisation, trop hâtée peut-être dans ses grandes villes, ne s’y est pas subitementarrêtée, comme les Anglais affectent de le dire. Le puritanisme n’y a pas détruittoute poésie, et l’étincelle du génie n’y est pas étouffée à jamais sous leraisonnable et l’utile. Au contraire, ce pays et ses habitans gardent encorel’originalité native qui, à défaut d’autres titres, suffirait seule pour exciter vivement lacuriosité. Des circonstances spéciales nous ont permis de bien étudier cettecontrée, et nous nous efforcerons d’être juste envers elle.On a remarqué avec raison que l’Ecosse est le seul pays de l’Europe où la culturedes arts libéraux ait précédé celle des arts mécaniques. Sous le règne de David II(1370), lorsqu’un ambassadeur français, accompagné d’une suite brillante etnombreuse, se rendit a la cour de ce prince, il fut impossible de loger tantd’étrangers dans la ville d’Edimbourg ; il fallut les cantonner dans les bourgades duvoisinage, où ces Français, fort arriérés eux-mêmes, si nous les comparons auxItaliens de la même époque, furent bien surpris de trouver une populationmisérable, habitant des huttes faites de mottes de terre et de branchagesentrelacés, se nourrissant des produits de la chasse ou de la pèche, comme auxtemps des Romains et d’Agricola, et méprisant comme indigne d’elle l’agricultureet le commerce. Ces hommes à demi sauvages faisaient cuire leurs boeufs et leursmoutons sans les dépouiller, se servant d’écuelles de bois pour toute poterie,connaissant à peine l’argent monnayé, et ne savaient pas tanner le cuir. Déjàcependant ils avaient des poètes qui chantaient les grandes actions de leursguerriers, des savans qui s’occupaient de la culture des lettres sacrées et profanes,et qui recherchaient curieusement les manuscrits antiques Leurs architectes, dès lecommencement du XIIe siècle, avaient construit les magnifiques chapellesd’Holyrood et de Dryburgh, et les abbayes de Melrose et de Roslin, ces prodigesde l’art gothique.Cent années plus tard, le luxe n’avait pas fait de progrès sensibles en Ecosse ; l’oret l’argent étaient à peu près inconnus dans ce pays. On ne se servait de cesmétaux précieux que pour les calices et les ornemens d’église. Vers cette époque,le roi d’Ecosse, Jacques III, fut obligé de faire venir de Londres, à grands frais, pourl’usage de sa maison, huit douzaines de plats et d’assiettes d’étain, cent douzainesde tasses de bois, une selle, une aiguière et un bassin. Ces princes aimaientcependant les lettres. L’un d’eux, Jacques IV, promulguait un décret portant quechaque baron et franc tenancier serait tenu d’envoyer au collège son fils aîné,héritier de son nom, afin d’y apprendre le latin et d’y étudier la jurisprudence et laphilosophie. Ces connaissances mettaient ces jeunes gens à même de remplir lesemplois de juges, de sheriffs, ou de suivre toute autre carrière exigeant unecertaine culture d’esprit.Ces princes étaient pauvres ; ils ne pouvaient donc encourager les arts et les lettresque par des décrets, et bien rarement par des actes de munificence. Les savansécossais se consolaient de ces commodités de la vie, si appréciées plus tard, envivant ; le plus qu’ils pouvaient, dans l’intimité des grands hommes de l’antiquité,Homère, Platon, Virgile, Cicéron, Plutarque. Ils étaient en outre en correspondanceavec les savans de l’Italie, dont plusieurs venaient depuis Pie II, Poggio et Cardan.Ces étrangers applaudissaient à leurs travaux, s’étonnaient de leur savoir ; mais,sourds aux offres séduisantes que leur faisaient les souverains du pays, ilss’empressaient de quitter la contrée sauvage où ces hommes supérieurs, perdusau milieu de peuples à demi barbares, habitaient des huttes enfumées, pareilles àcelles des Lapons d’aujourd’hui, se nourrissaient de gâteaux d’avoine et deviandes grossières, et se chauffaient à des feux de tourbe ou de gazon. .Ces offresséduisantes se réduisaient sans doute à la promesse d’honoraires très modestes ;nous pouvons en avoir une idée d’après le traitement que recevait Boëce, l’ami etle correspondant d’Erasme, et l’un des premiers savans du siècle. Boëce,supérieur de l’université d’Aberdeen, ne touchait qu’un revenu annuel de 40 marcsd’Ecosse (2 livres sterling 4 shellings, ou 55 francs). Cette faible somme étaitcependant proportionnée à ses besoins et, à sa dignité.
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