Littérature Française (Première Année) par Eugène Aubert

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Littérature Française (Première Année) par Eugène Aubert
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08 décembre 2010

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Project Gutenberg's Littérature Française (Première Année), by E. Aubert
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Title: Littérature Française (Première Année)  Moyen-Âge, Renaissance, Dix-Septième Siècle
Author: E. Aubert
Release Date: September 24, 2007 [EBook #22751]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LITTÉRATURE FRANÇAISE ***
Produced by Charles Aldarondo, Christine P. Travers and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
Transcriber's note: Obvious printer's errors have been corrected and accentuation has been made consistent. All other inconsistencies are as in the original. The author's spelling has been maintained.
NORMAL SÉRIES
LITTÉRATUREFRANÇAISE
PREMIÈRE ANNÉE
MOYEN-ÂGE, RENAISSANCE, DIX-SEPTIÈME SIÈCLE
PAR E. AUBERT
Normal College, New York, auteur des Échos et Reflets, du Colloquial French Drill, et des Élans et Tristesses.
NEW YORK HENRY HOLT AND COMPANY
Copyright, 1885, by HENRYHO LT& CO.
PREFACE.
This volume contains in substance the first part of the course on French Literature given in the Normal College.
Though adapted to the requirements of a special programme and to certain conditions of space and time, it can with advantage be used wherever an interest is taken or instruction given in French Literature. It recommends itself particularly to American teachers and students as a book, not imported into, but grown out of, the class-room.
The biographical and critical notices are short, co mprehensive, in the clearest and simplest possible style. There is nothing elaborate in them, nothing superfluous. Each of them is followed by a criticism on the writer under consideration, by some one whose judgment is of some account in the world of letters. It is both interesting and instructive to know what good critics think of good writers.
The texts from the latter have been selected withgreat care. Theyare not extracts more or
less curtailed, which give an idea of a literary work about as exactly as a stone offers the image of the monument from which it is taken. Whenever it has been practicable, a whole work is reviewed. The parts that are not indispensa ble are summarily delineated or analyzed; the passages best calculated to illustrate the author's manner and originality are given in full. Thus the reader will find the whole plot of Corneille's tragedy "Horace," of Molière's comedy "Les Femmes savantes," etc.
Following these texts will be found a collection of the author's sententious and popular sayings. They afford a harvest of beautiful quotati ons, which every one can turn to account.
Footnotes have been added only to explain what will not be found in an ordinary dictionary.
It will be noticed that some of the text is printed with the lines well apart, and some with them close together. The former portion is for reci tation and colloquial exercise, the portion in close print is for reading and explaining. The selections are of sufficient variety and excellence to commend themselves to all lovers of fine literature. E. A.
MOYEN-ÂGE.
TABLE DES MATIÈRES.
GEO FFRO YDEVILLEHARDO UIN, JO INVILLE, JEHANFRO ISSART, PHILIPPEDECO MINES, Poésie, THIBAUTDECHAMPAG NE, CHARLESD'ORLÉANS, VILLO N, Les Dames du temps jadis,
RENAISSANCE.
RABELAIS, MO NTAIG NE, De l'Institution des Enfants, CALVIN, AMYO T, MARO T, RO NSARD, REG NIER, RO NSARD:—Ode—Sonnet, REG NIER:—philosophes rêveurs, Pensées détachées,
MALHERBE, Élégie à Du Périer, Paraphrase du Psaume CXLV, Vers populaires de Malherbe,
DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.
DESCARTES, Discours de la Méthode,
CO RNEILLE, Horace—Tragédie, Vers détachés, sentencieux et populaires,
PASCAL, De l'Art de Persuader, Connaissance générale de l'Homme, Vanité de l'Homme, Faiblesse de l'Homme. Incertitude des connaissances,> Misère de l'Homme, Pensées diverses,
MO LIÈRE, Les Femmes savantes—Comédie, Vers sentencieux et populaires,
LAFO NTAINE, La Mort et le Bûcheron, Le Chêne et le Roseau, Le Lion et le Rat, Le Renard et le Bouc, Le Chameau et les Bâtons flottants, Le Renard et le Buste, Parole de Socrate, L'Alouette et ses Petits, Le Laboureur et ses Enfants, La Poule aux Œufs d'or, Le Serpent et la Lime, L'Âne vêtu de la Peau du Lion, Le Mulet se vantant de sa Généalogie, Le Lièvre et la Tortue, Le Cheval et l'Âne, Les Animaux malades de la Peste, Le Chat, la Belette et le petit Lapin, L'Avantage de la Science, Les deux Pigeons, Le Vieillard et les trois jeunes Hommes, Vers sentencieux et populaires,
BO ILEAU, Épître V., à Monsieur Guilleragues, Épître VI., à Monsieur Lamoignon,
Art Poétique. Chant premier, Vers sentencieux et populaires,
RACINE, Esther—Tragédie, Vers sentencieux et populaires,
BO SSUET, Oraison funèbre de Henriette d'Angleterre,
FÉNELO N, De l'Importance de l'Éducation des Filles, Remarques sur plusieurs Défauts des Filles, La Vanité de la Beauté et des Ajustements, Instructions des Femmes sur leurs devoirs, Lettre sur les Occupations de l'Académie,
LABRUYÈRE, Des Ouvrages de l'Esprit, Corneille et Racine, Du Mérite personnel, Des Femmes, Du Cœur, De la Société et de la Conversation, Des Biens de la Fortune, De la Cour, Du Souverain, De l'Homme, Des Jugements, De la Mode, De quelques Usages, Des Esprits forts,
ÉCRIVAINS SECONDAIRES.
MADAMEDESÉVIG NÉ, MADAMEDELAFAYETTE, MADAMEDEMAINTENO N, MADAMEDEMO TTEVILLE, LEDUCDELARO CHEFO UCAULD, LECARDINALDERETZ, L'ABBÉDESAINTRÉAL, JEANBAPTISTERO USSEAU, REG NARD, MADAMEDESHO ULIÈRES, BO URDALO UE, MASSILLO N, ARNAUD, NICO LE,
LIVRES À LIRE ET À RECOMMANDER,
LITTÉRATURE FRANÇAISE.
Dans son acception ordinaire le mot littérature dés igne ce qui a été écrit d'après certaines règles d'art et de bon goût, ce qui se recommande par des qualités sérieuses de pensée et de style, et vaut la peine d'être lu. Ce sont les œuvres bien écrites et marquées du sceau de l'esprit français qui constituent, en ce sens, la littérature française. e Le XVII siècle en a fourni un contingent remarquable; il fait époque dans l'histoire, c'est l'âge classique. On dit le dix-septième siècle, ou le siècle de Louis XIV, comme on dit le siècle de Périclès, le siècle d'Auguste. Ce qui précède appartient, à proprement parler, à l'histoire de la langue, des origines intellectuelles.
Si l'on procédait à l'étude de la littérature française par division en périodes, on pourrait en faire cinq bien caractérisées:
1º LALITTÉRATUREDUMO YENÂG E. 2º L'ÉPO Q UEDELARENAISSANCE. e 3º LEXVII SIÈCLE,O USIÈCLEDELO UISXIV, ÉPO Q UECLASSIQ UE. e 4º LEXVIII SIÈCLE,Q UELQ UEFO ISAPPELÉSIÈCLEDEVO LTAIRE, ÉPO Q UEPHILO SO PHIQ UE. e 5º LEXIX SIÈCLE,O ULITTÉRATURECO NTEMPO RAINE, ÉPO Q UEHISTO RIQ UEETCRITIQ UE.
MOYEN ÂGE.
I.
À l'époque où la France prit rang par sa littérature, la plupart des autres pays avaient déjà la leur.
L'Italie possédait le Dante, l'Espagne Cervantes, l'Angleterre Shakspeare.
La France était restée en arrière. Il y avait eu dans ce pays de plus fréquentes périodes de guerres qu'ailleurs; le travail de fusion entre les éléments qui constituent la nationalité avait demandé du temps, et le latin y avait été tenu en honneur comme langue savante: tout cela retarda l'évolution de l'idiome populaire, et il ne peut y avoir de littérature que le jour où il y a une langue formée et fixée.
Pendant quelque temps il y eut même deux langues en France, l'une au midi, LA LANGUE D'OC,[1]l'autre au nord, LA LANGUE D'OÏL.[2]
e La langue d'oc fleurit la première. Au 13 siècle elle possédait une littérature brillante, la littérature provençale. Les troubadours en étaient les gracieux poètes; mais elle ne dura guère, elle périt dans la croisade des Albigeois.
Le français du nord ou français wallon devint la langue nationale. Elle acquitpeu àpeu
ces qualités de clarté, de force, d'élégance et de politesse, qui en firent la langue des cours et de la bonne société. Quelques écrivains on t eu l'honneur d'associer en particulier leurs noms à l'histoire de ses premiers progrès. Ce sont:
e e Au 13 siècle, GEO FFRO YDEVILLEHARDO UINet JO INVILLEsiècle, J; au 14 EHANFRO ISSART; et au e 15 , PHILIPPEDECO MINES.
II.
GEO FFRO YDEVILLEHARDO UIN. Né vers 1156 et mort vers 1213.
Geoffroy de Villehardouin fut un des héros de ce qu'on appelle la quatrième croisade, et c'est le récit de cette étrange expédition qu'il raconte dans ses MÉMO IRES.
Ils sont curieux pour l'histoire des faits et pour l'histoire de la langue. Ce qui y frappe surtout c'est la simplicité du style et la modestie de l'écrivain. Il ne parle jamais de lui. Il raconte ce qu'il a vu, et l'on sent dans sa parole sans prétention une parfaite loyauté.
Les phrases sont brèves, nerveuses, et vont droit au but. Il n'y a ni apprêt ni art.
Sa langue est primitive; l'orthographe en est singulière. Des débris de mots latins s'y rencontrent fréquemment, et le nombre des monosyllabes est considérable.
C'est une langue de soldat, rude et roide, mais elle suffit à la sobriété de son esprit, et a une harmonie naturelle qui ne manque pas de charme.
"Villehardouin est bien un homme de son temps, non pas supérieur à son époque, mais y embrassant tous les horizons; preux, loyal, croyant, crédule même, mais sans petitesse; des plus capables d'ailleurs de s'entremettre aux grandes affaires; homme de conciliation, de prudence et même d'expédients; visant avec suite à son but, éloquent à bonne fin, non pas de ceux qui mènent, mais de première qualité dans le second rang, et sachant au besoin faire tête dans les intervalles; attaché féalement, avec reconnaissance, mais sans partialité, à ses princes et seigneurs, et gardant sous son armure de fer, et du haut de ses châteaux de Macédoine ou de Thrace des mouvements de cœur et des attaches pour son pays de Champagne.
"Il a des larmes sous sa visière, mais il n'en abuse pas; il sait s'agenouiller à deux genoux, et se relever aussitôt sans faiblesse: il a l'équité et le bon sens qu'on peut demander aux situations où il se trouve; jusqu'à la fin sur la brèche, il porte intrépidement l'épée, il tient simplement la plume; c'est assez pour offrir à jamais, dans la série des historiens hommes d'action où il est placé, un des types les plus honorables et les plus complets de son temps."
III.
SAINTE-BEUVE.
JO INVILLE(le sire de).
Né vers 1223 et mort vers 1319.
Cent années séparent Joinville de Villehardouin. Il se fit, dans cet espace de temps, un progrès manifeste dans la langue. Il est facile de s'en rendre compte en comparant l'histoire de la quatrième croisade à laVIEDE LO UIS IX. Comme Villehardouin, Joinville raconte ce qu'il a vu, mais avec un enjouement, une délicatesse d'esprit et une grâce que n'avait pas l'historien de la quatrième croisade.
Il avait été élevé à la cour élégante de Thibaut, comte de Champagne. Il y apprit les belles manières et le beau parler en honneur parmi les troubadours. Louis IX l'emmena à sa première croisade. Elle fut désastreuse.
Joinville eut sa bonne part de souffrances. Quand il revint en France, il jura bien de ne plus s'embarquer dans de pareilles expéditions. Le roi fut moins sage, et vingt ans plus tard il paya de sa vie l'imprudence de sa dernière croisade. C'est de cette vie que Joinville a fait le récit. Il est plein de candeur et de charme, et révèle dans une langue naïve, abondante et gracieuse des qualités d'écrivain inconnues avant lui.
Le livre de Joinville est à la fois une bonne action et un écrit admirable. C'est peut-être le premier monument de génie en langue française, dit M. Villemain. "J'entends par génie un degré d'originalité dans le langage, une physionomie particulière et expressive, quelque chose enfin qui a été fait par un homme et qui n'aurait pas été fait par un autre." Joinville décrit délicieusement. Son ignorance en histoire, en géographie, est grande, mais il est curieux. Il s'informe, il aime à apprendre. Il raconte comme il se souvient, il répète même ce qu'il a dit sans se mettre en peine de la méthode. Au milieu d'un désordre apparent et d'une raillerie enjouée règne toujours un charme inexprimable, une sensibilité qui ne s'altère pas dans les périls et les larmes. Joinville a la conception nette, l'image ressemblante, la comparaison naturelle e t poétique; il a la naïveté, la simplicité, et un brin de rêverie qui tempère agréablement la vivacité pétulante de son esprit.... Sa bonne foi n'a pas de détours; elle parie par sa bouche de l'abondance du cœur, elle est chez lui comme une espèce de verve, d'inspiration poétique qui lui fait rencontrer l'expression la plus vraie, la plus pittoresque. Il est incapable de mentir. L'amour de soi, la haine d'autrui, l'esprit de jalousie qui pénètre si souvent les Mémoires ne se rencontre pas dans les siens. Il dit rarement du mal de quelqu'un. Il n'a pas l'humeur chagrine des vieillards; il possède les couleurs et la simplicité de la jeunesse. Rien de si animé, de si vif, de si jeune que son style. Le langage naïf d'alors donne sans doute de l'intérêt au récit, mais il reçoit un charme nouveau de son esprit et de son caractère.
IV.
.....
JEHANFRO ISSART. Né à Valenciennes en 1337, mort à Chimai en 1410.
Le progrès de la langue continue d'une manière visible de Joinville à Froissart.
D'importants événements eurent lieu.
Froissart en fut le chroniqueur. Il parcourut avec une curiosité infatigable les pays de l'Europe où il pouvait apprendre quelque chose, et réunit ainsi de quoi écrire une espèce e d'histoire générale de l'Europe au XIV siècle, avec l'Angleterre et la France au premier plan, LESGRANDESCHRO NIQ UES.
Sa méthode n'est pas très philosophique. L'histoire pour lui n'est pas matière à études, réflexions et leçons morales; il n'y voit qu'un sujet de tableaux, et tout ce qu'il cherche c'est de les peindre avec éclat. Aussi réussit-il surtout dans le récit, dans les descriptions: il n'y en a pas de plus belles que ses descriptions de batailles.
Son héros favori est le Prince Noir. L'Angleterre s'en souvient: nul écrivain français n'y est plus populaire.
Comme chroniqueur il est clair, méthodique, suffisamment impartial; comme écrivain il est net, animé et brillant. Le Moyen Âge chevaleresque n'a pas eu de meilleur peintre que lui, et jamais peut-être la langue n'a fait plus de progrès que de Joinville à Froissart.
La chronique de Froissart est le livre d'or de la noblesse féodale: c'est une illustration en grand de la chevalerie. Ce que celle-ci produisit de plus fameux, ce qu'il y avait de plus brillant dans la vie d'alors, fêtes, tournois, batailles, Froissart l'a peint dans un cadre magnifique. Il ne s'est guère occupé de ce qui ne brille pas.... Il n'est pas de ces historiens graves qui s'ensevelissent sous des paperasses, au fond d'un cabinet, qui recherchent, et compulsent, et commentent, et comparent, et discutent, et raisonnent, et expliquent.... Son grand soin est de bien relater ce qu'il a appris, d'écrire avec verve et coloris, de faire un livre intéressant, animé, populaire, et cela il l'a fait.... On lui a reproché d'avoir été peu patriotique. Cela est vrai si l'on mesure la patrie par degrés de latitude, si on la resserre dans les étroites bornes d'une géographie nationale. Mais il ne comptait pas ainsi, le grand voyageur. Sa patrie à lui c'est l'Europe chevaleresque. Il est compatriote de tout ce qui est noble et brave, il aime toute fleur de chevalerie et a de belles paroles pour tous ceux qui font vaillamment.
.....
Froissart a des qualités de l'historien; il arrive à la grandeur par l'exactitude, et aussi par l'imagination, mais presque jamais parle jugement, par cette faculté qui compare les faits et prononce sur leur légitimité, faculté que possédait à un degré assez éminent le florentin Villani contemporain de notre chroniqueur.
V.
DUQUESNEL.
PHILIPPEDECO MINES. Né près de Menin en Flandre en 1445, mort en 1509.
Philippe de Comines est le premier écrivain françai s qui ait traité l'histoire comme elle doit être traitée. Il ne se contente pas de raconter, de peindre, il explique; il dégage de l'étude des événements et des caractères des vérités utiles, un enseignement.
Il a écritL'HISTO IREDURO ILO UISXI.
C'était un roi d'une grande finesse politique, habi le et rusé. Un de ses bons tours d'habileté fut l'acquisition même de Comines. Il l' enleva à son ennemi le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire. Comines se laissa enlever sans croire qu'il manquait à ses devoirs. Il avait peu de goût pour le duc de Bourgogne; le roi de France lui plaisait mieux. Il était de ces hommes qui apprécient les choses en raison de leur utilité et les hommes en proportion de leur habileté à profiter des choses. Sa nature était droite, sa morale peu élevée.
Son histoire se compose de deux parties. Les six premiers livres traitent de Louis XI, les deux derniers de l'expédition de Charles VIII en Italie. Son style a de la vigueur et de la précision. Il a la force de la réflexion, la puissance de la logique. La langue de Froissart est la langue des faits. Comines a parlé la langue des idées: c'est celle-ci surtout qu'il y a du profit à écouter.
Philippe de Comines est, en date, le premier écrivain vraiment moderne. Les lecteurs même qui ne voudraient pas remonter bien haut, ni se jeter dans la curiosité érudite, ceux qui ne voudraient se composer qu'une petite bibliothèque française toute moderne ne sauraient se dispenser d'y admettre Montaigne et Comines.
Ce sont des hommes qui ont nos idées et qui les ont dans la mesure et dans le sens où il nous serait bon de les avoir, qui entendent le monde, la société, particulièrement l'art d'y vivre et de s'y conduire, comme nous serions trop heureux de l'entendre aujourd'hui; des têtes saines, judicieuses, munies d'un sens fin et sûr, riches d'une expérience moins amère que profitable, et consolante, et comme savoureuse. Ce sont des conseillers et des causeurs bons à écouter après trois ou quatre siècles comme au premier jour: Montaigne sur tous les sujets et à toutes les heures, Comines sur les affaires d'État, sur le ressort et le secret des grandes choses, sur ce qu'on nommerait dès lors les intérêts politiques modernes, sur tant de mobiles qui menaient les hommes de son temps et qui n'ont pas cessé de mener ceux du nôtre.
SAINTE-BEUVE.
Pour le sentiment du bon et du mal Comines n'est pas au-dessus de son siècle. Ses idées sur les droits des peuples sont également celles de ses contemporains. Mais pour l'intelligence des événements et des caractères, pour ce mélange de bon sens et de finesse qui démêle si bien la vérité, il est incomparable, c'est là son génie. "Il a autorité et gravité, comme dit Montaigne, et sent partout son homme de bon lieu, élevé aux grandes affaires."
VII.
PO ÉSIE.
VILLEMAIN.
1. Si c'est en prose qu'ont été écrites les œuvres françaises les plus remarquables du
Moyen Âge, la poésie n'a pas manqué. Il y eut des p oètes dans tous les genres et quelques uns de leurs poëmes ont été très populaires.
De ce nombre sont: les poèmes épiques nationaux,Chansons de geste, dont le plus célèbre est laChanson de Roland,les poëmes de la Table Ronde,les poëmes du Saint-Graal,le roman de la Rose (poëme allégorique),et le roman du Renard (poëme satirique). Il y eut ensuite des poëmes d'un ordre moins élevé, mais de plus d'intérêt et de charme: ce sontles fabliauxetles contes.
On appelle ainsi des histoires gaies ou mélancoliqu es, composées sur un rhythme familier et ayant pour sujet les accidents de la vie commune. On y trouve la peinture des mœurs réelles, et les qualités distinctives de l'esprit français, la finesse, la grâce, le don de railler et l'art de conter. Ce qui gâte la plupart de ces poëmes c'est une excessive liberté de langage. Un de ceux qui échappent à ce reproche et un des plus connus est le joli conte deGrisélidis.
2. La poésie dramatique était à l'origine d'un caractère religieux. Les pièces tirées de la légende des saints s'appelaientmiracles; celles qu'on tirait de l'Évangile étaient les mystères. Le plus grand des mystères fut celui de la Passion.
À côté de ce drame grave et édifiant il y eut des pièces légères et amusantes. On les appelaitmoralités,sottises etfarces. Une des plus populaires est la farce de l'avocat e Patelin. Arrangée au 18 siècle pour la scène moderne par Bruéis et Palaprat, elle est encore aujourd'hui un modèle d'esprit et de franche gaieté.
3. La poésie lyrique fut d'abord cultivée avec succès par les troubadours, poëtes du midi. Les Français du nord moins vifs, moins expansifs, ne s'y exercèrent qu'après eux. Ils y déployèrent moins de grâce, moins de sensibilité et de coquetterie, mais plus de force et d'esprit.
Les principaux poëtes qui se distinguèrent dans ce genre sont:LECO MTE THIBAUTDE CHAMPAG NE, contemporain de Louis IX; CHARLESD'ORLÉANS, fait prisonnier à la bataille d'Azincourt et moins illustre comme poëte que comme père du bon roi Louis XII; VILLO N, qui avait en lui l'étoffe d'un vrai poëte, mais qui gâta son talent au contact de la misère et du vice. Une de ses ballades est fort connue et fort jolie:Les Dames du temps jadis. En voici deux stances:
Dictes-moy où, n'en quel pays Est Flora, la belle Romaine; Archipiada, ne Thaïs, Qui fut sa cousine germaine; Écho, parlant, quand bruyt on maine Dessus rivière ou sus estan, Qui beauté eut trop plus qu'humaine?... Mais où sont les neiges d'antan[3]?
La royne Blanche comme un lys, qui chantoit à voix de sereine, Berthe au grand pied, Bietris, Allys; Harembourges, qui tint le Mayne, Et Jehanne, la bonne Lorraine, Qu'Anglois bruslèrent à Rouen; Où sont-ils, Vierge souveraine?...
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