Cette 10e édition du Choc des générations a été mise à jour et achevée en pleine pandémie de COVID-19, un événement qui a ravivé toute la pertinence de cet ouvrage sur les générations.
La crise sanitaire du printemps 2020 a ébranlé des certitudes, fragilisé des structures et restreint des libertés. Elle a mis en lumière des forces, en plus d’interpeller les consciences. Ses répercussions sur les générations actuelles, tout comme sur les aspects économiques, technologiques, sociaux, politiques, culturels se dessinent déjà clairement, nous enjoignant à revoir et à changer nos façons de faire afin de mieux se préparer à l’après-coronavirus.
À travers cette passionnante enquête sociologique, Carol Allain convie à une profonde et nécessaire réflexion sur les relations entre les générations. Il partage ses questionnements, cerne les écueils et les obstacles, explore des pistes de solution, en s’adressant au citoyen, à l’enseignant, à l’employé, au dirigeant, de tous âges et de tous milieux confondus.
Dans un monde où le temps s’accélère, où l’individualisme et l’instantanéité priment, où les rapports sociaux se « virtualisent », l’auteur rappelle l’importance de préserver nos valeurs humanistes. Plus que jamais, il est nécessaire de rapprocher les générations, d’unir le passé au présent pour progresser vers le futur. Le défi est complexe, certes, mais l’auteur entretient l’espoir de le relever, pourvu que toutes les générations prennent conscience du rôle essentiel qu’elles ont à jouer : entretenir la bienveillance et le respect entre elles. Il en va de notre avenir individuel et collectif.
Lorsque j’ai terminé la mise à jour de cet essai en février 2020, la COVID-19 n’était qu’une épidémie lointaine qui soulevait à peine la curiosité. Le président de l’un des plus grands États du monde avait même affirmé que le coronavirus disparaîtrait avec le printemps. Puis la menace s’est amplifiée de jour en jour pour devenir une sombre et funeste réalité : le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé déclarait l’état de pandémie de la COVID-19. Un infime virus parti de la ville de Wuhan en Chine s’était bel et bien répandu sur la planète. Pour freiner cet ennemi invisible, le confinement de milliards d’individus a été imposé. Les pertes d’emplois se sont succédé, mettant en péril l’économie mondiale. En l’absence de remède et de vaccin, la grande faucheuse a fait son œuvre, touchant plus particulièrement certains pays comme l’Italie, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Dans les démocraties libérales, les citoyens ont été soumis pour la première fois de leur vie à des mesures d’isolement et de distanciation sociale restreignant les libertés individuelles que personne n’au- rait cru imaginables il y a peu de temps encore.
Même si cette crise sanitaire n’est pas terminée, je ne pouvais publier cet ouvrage sans réfléchir aux conséquences de la pandémie sur les générations. Certes, elles n’ont pas été touchées et n’ont pas toutes réagi de la même façon, mais la majorité des êtres humains, sans distinction d’âge, de culture, de sexe ou de classe sociale, sera marquée à jamais par cet événement dramatique.
Ignorant les consignes quant à la distanciation physique, les membres de la génération Z profitaient des vacances d’hiver en montagne ou à la mer. Les images de hordes d’étudiants américains sur les plages de la Floride pour le Spring Break resteront gravées dans les mémoires. La gravité de la situation les a finalement alertés. Les écoles, les bars, les commerces ont soudainement fermé leurs portes. Alors que cette jeunesse commençait à prendre son envol, ce fut le retour chez les parents, la perte d’un premier boulot, un parcours scolaire compromis, des séjours à l’étranger annulés. « Ce que vit une personne à l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte tend à structurer sa vision du monde pour le reste de sa vie », a affirmé Corey Seemiller, professeure à l’université d’État Wright et spécialiste de la génération Z citée par l’Agence France-Presse. Cette génération étant « déjà très préoccupée par les questions d’argent et plutôt réticente au risque », a-t-elle ajouté, cette crise sanitaire mondiale va encore renforcer ses peurs. Certains experts pensent que cette génération deviendra super économe et que son combat pour l’environnement va s’intensifier. Dans cette lutte, elle bénéficiera probablement de l’appui des Alphas qui leur emboîteront le pas. Dans leur cas, on parle même d’une génération coronavirus, tant les moins de 10 ans ont modifié leurs habitudes de vie et adopté de nouveaux rituels liés à la crise sanitaire.
La pandémie a fortement ébranlé la génération Y. Adepte des nouvelles technologies, elle a adopté sans problème le télétravail, les visioconférences et les outils de gestion numériques. Elle n’en demeure pas moins affectée par la baisse ou la perte de ses revenus et le chamboulement de la vie familiale. La garde partagée a semé la zizanie dans plusieurs couples. Bien des projets ont dû être reportés : achat ou vente de maison, mariage.
Habituée aux bouleversements, la génération X encaisse encore un autre choc. Recourant facilement au système D, elle a l’étoffe pour y faire face. Au fil des récessions et des crises économiques cycliques, elle a su s’adapter. Selon le site CNBC Make it citant le centre de recherche américain Pew Research Center, cette « génération sandwich », qui est responsable de la gestion du ménage et qui s’occupe très souvent des enfants et de parents plus âgés, serait plus encline à accepter l’isolement social.
À l’instar des plus jeunes, plusieurs baby-boomers ont semblé éprouver peu de craintes face à la menace de la COVID-19, poursuivant leur visite quotidienne dans les centres commerciaux ou entreprenant un voyage au soleil. Pourtant, les 60 ans et plus figuraient parmi la population la plus à risque et la plus sujette de tomber gravement malade. Au Canada, un avis des autorités gouvernementales et un ultimatum lancé par les assureurs ont précipité le retour au bercail des snowbirds. Selon un sondage de la société d’analyse des consommateurs STAANCE qui a interrogé plus de 2000 Américains entre le 5 et le 8 mars 2020, les baby-boomers étaient les moins susceptibles de s’inquiéter de contracter le virus, 43 % d’entre eux se disant préoccupés par ce problème, contre 48 % des Z, 53 % des Y et 54 % des X, rapporte le magazine Rolling Stone le 18 mars 2020. Il est à noter que STAANCE n’a pas sondé les personnes plus âgées que les baby-boomers, c’est-à-dire celles nées avant 1945.
Or, touchée de plein fouet par la pandémie, la génération silencieuse paie le plus lourd tribut au coronavirus quant au nombre de décès. Le sort des aînés dans les maisons de retraite ou en centres d’hébergement de soins de longue durée a soulevé l’indignation dans tout l’Occident. Mais qui s’en souciait vraiment au départ ?
Nous avons abandonné et laissé mourir ceux et celles qui ont bâti nos sociétés sans égard à leurs droits fonda- mentaux, et ce, depuis au moins trois décennies. Pour citer l’auteur français Albert Camus (La peste, Gallimard, 1947), « un malade a besoin de douceur, il aime à s’appuyer sur quelque chose, c’est bien naturel, mais l’indifférence des gens et la solitude demandent la bonne santé ».
À quoi ressemblera le monde après la crise de la COVID- 19 ? Personne ne peut le dire. Toutefois, certains faits nous permettent d’amorcer une analyse.
Un nouvel enjeu politique mondial se dessine. En Occident, la crise sanitaire figure désormais parmi les risques majeurs auxquels peuvent être soumises les populations, au même titre que la guerre, le terrorisme ou la famine. Les États devront réapprovisionner et gérer leurs stocks de médicaments et de fournitures médicales en y consacrant des budgets comparables à ceux affectés à l’armement. Ils devront transformer les hôpitaux et les centres de soins pour lutter contre les pandémies et protéger le personnel soignant ainsi que les patients. Des investissements massifs dans la recherche et des campagnes de vaccination seront nécessaires.
La crise de la COVID-19 a montré toute la pertinence de l’État-providence pour affronter les dangers, grâce à la mise en place d’une série de mesures socioéconomiques. La reconversion d’industries nationales appelées à participer à l’effort de guerre est un autre fait remarquable. Cet épisode tragique de la vie des nations indique clairement que la souveraineté et l’indépendance des États doivent être réaffirmées afin de mieux servir les besoins et les intérêts des citoyens.
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS 9
INTRODUCTION 17
PREMIÈRE PARTIE
UN PORTRAIT GÉNÉRATIONNEL 25
1925-1944 La génération silencieuse 31
1945-1963 La génération des baby-boomers 37
1964-1978 La génération X 47
1979-1994 La génération Y 57
1995-2010 La génération Z 69
2011-2025 La génération Alpha 83
DEUXIÈME PARTIE
LE CHOC 97
D’un monde vertical à un monde horizontal 101
Générations en transformation 121
Du matériel à l’immatériel 143
TROISIÈME PARTIE
LES GÉNÉRATIONS SOUS INFLUENCE 149
L’amour au temps de l’hypermodernité 153
La famille, un nouveau paradigme 161
Le travail en mutation 175
L’école, lieu de toutes les attentes 195
QUATRIÈME PARTIE
UN AUTRE REGARD 205
Un héritage à transmettre 209
Une solidarité nécessaire 213
Quelle école pour le xxie siècle ? 217
Concevoir le travail autrement 221
CONCLUSION 235
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