Le Cerveau gourmand
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Le Cerveau gourmand , livre ebook

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Description

Danger ! Le goût se déprave et le plaisir s’affaiblit. Les aliments conçus par une industrie qui fait fi de la santé font violence à la sagesse du corps, séduit par l’excès de sucre et de gras. Le surpoids gagne. Manger bien et en tirer plaisir n’est plus aussi simple qu’on voudrait le penser. D’autant que l’accumulation, souvent contradictoire, de recommandations diététiques vient encore compliquer le jeu. Voici donc une plongée dans les saveurs, les odeurs, les arômes, les flaveurs qui excitent nos sens et suscitent notre appétit et notre jouissance alimentaire. Pour retrouver le goût, pour manger mieux dans le monde moderne, comprendre nos vrais besoins et savoir comment notre cerveau et nos sens nous donnent désir et plaisir est plus que jamais nécessaire. Indispensable pour les débats autour du bien manger aujourd’hui !André Holley a été professeur de neurosciences à l’université Claude-Bernard de Lyon. Il a notamment dirigé le Centre européen de sciences du goût, à l’université de Dijon, et publié Éloge de l’odorat.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 février 2006
Nombre de lectures 6
EAN13 9782738188991
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , FÉVRIER  2006
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8899-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Bénédicte
Chapitre I
Introduction : Le goût, à quoi ça sert ?

La menace
Il va être question dans ce livre d’aliments, de saveurs et d’arômes, de faim et de satiété et aussi de plaisir. Nous allons donc parler, d’une certaine façon, de nos expériences les plus familières. Quoi de plus familier que d’apprécier le goût d’un aliment quand on a de l’appétit et d’en tirer du plaisir. Quoi de plus naturel que de refuser de manger quand on n’a pas faim ou que l’aliment n’est pas bon. Ce sont des expériences de tous les jours, sources de menues satisfactions ou de petites déceptions. Ce sont aussi des moments plus rares, ces repas de fête que l’on prépare avec soin, que l’on met en scène, que l’on vit avec exaltation et que l’on commente ensuite en abondance.
Mais voici que cette bienheureuse simplicité est menacée 1 . Décidément, rien ne peut être simple dans ce monde qui n’en finit pas de se transformer. Le goût, dit-on, se déprave, et sans doute la qualité du plaisir s’affaiblit-elle aussi. La merveilleuse variété des saveurs ne se réduit-elle pas de façon dramatique du fait de la standardisation des produits, de la culture intensive, de l’élevage en batterie et de la pernicieuse substitution des plats industriellement préparés à la cuisine traditionnelle, pour ne rien dire des règlements de Bruxelles qui traquent des traces de substances suspectes dans les produits goûteux de nos terroirs ? Nos enfants ne vont-ils pas définitivement se gâter les papilles en cédant très tôt à l’attrait de fausses valeurs culinaires qui se parent de couleurs invraisemblables dans les temples de la grande bouffe ?
Plus grave, le plaisir lui-même, le plaisir que nous voulions croire innocent, ne serait-il pas coupable ? Des aliments trop riches, trop appétissants, conçus par des industries plus soucieuses de leur chiffre d’affaires que de la santé des consommateurs font violence à la sagesse du corps séduit par le mélange de sucre et de corps gras et gonflent la masse adipeuse d’un nombre toujours plus grand de consommateurs. Le surpoids qui était jadis signe d’opulence, car il signifiait l’aisance financière qui donne accès aux bonnes tables, ne devient-il pas une maladie des classes pauvres dans les sociétés riches ?
Manger bien et en tirer un plaisir légitime n’est donc pas aussi simple qu’on voudrait le penser. Nous allons donc en parler. Notre point de vue, cependant, ne sera pas normatif. Nous ne proclamerons pas les commandements de la santé alimentaire. Nous chercherons plutôt à comprendre ce qui se passe et pour cela nous ne prendrons pas le chemin le plus court, ni le plus aisé. Nous développerons un scénario et nous suivrons une idée. Le scénario situera les unes par rapport aux autres, données biologiques à l’appui, des notions telles que celles de saveur, d’arôme, de motivation, de faim, de satiété, et de plaisir. Quant à l’idée, elle aura la forme d’une interrogation sur le sens qu’il faut attribuer aux défaillances que semble connaître de nos jours la régulation biologique de la consommation alimentaire.

En guise de menu
Le scénario est simple dans ses grandes lignes, même si son exposé peut nous conduire à des développements plus difficiles. Le voici. Notre corps a besoin de consommer des substances nutritives et de se les assimiler. Pour ce faire, il dispose d’un tube digestif, d’un cerveau, d’organes sensoriels et d’un système moteur. Le cerveau mène le jeu. Il connaît l’état des besoins que lui communiquent le corps en général et le tube digestif en particulier. Ce besoin s’exprime par la motivation de faim qui active le système moteur pour la recherche et l’ingestion des aliments que les organes sensoriels évaluent au passage. Quand les aliments sont conformes à l’attente, les sens parlent un langage de plaisir, l’ingestion va son train. Quand les aliments ne plaisent pas, ou ne plaisent plus parce que le tube digestif envoie des signaux de rassasiement, l’ingestion s’arrête jusqu’au prochain épisode. Plus tard, cela recommence : un nouveau repas. Et ainsi de suite. La consommation doit équilibrer le besoin, en quantité et en qualité. En général, quand tout va bien, cet équilibre est réalisé sur vingt-quatre heures ou en peu de jours, avec une grande précision.
Il va sans dire que ce schéma est simplifié au point de friser la caricature mais nous veillerons à lui donner de la substance. Ce qu’il faut encore souligner, malgré notre souci de faire bref à ce stade, c’est que dans cet ajustement de la consommation au besoin, dans cette recherche de l’ équilibre de l’énergie , comme disent les spécialistes, le goût et le plaisir ne sont pas des acteurs mineurs, des à-côtés facultatifs ou « la cerise sur le gâteau ». Parce qu’ils orientent le choix des mets, stimulent ou inhibent le maniement de la fourchette, ils sont partie prenante dans cette fonction biologique essentielle qu’est la nutrition.
En fait, le plaisir et ses fluctuations en plus ou en moins, c’est le truc que l’Évolution a trouvé pour amener les humains – et sans doute les plus évolués des animaux – à accomplir les actes appropriés à leur survie et à celle de leur espèce, sans les enfermer dans les contraintes draconiennes de l’automatisme strict qui gère la vie des espèces inférieures. Le plaisir s’apparente davantage à l’aimable invitation qu’à l’ordre qui ne se discute pas. Le déplaisir, ce n’est pas l’interdiction mais plutôt le conseil de s’abstenir. À la rigueur, on peut passer outre. Mais bouder le plaisir ou ignorer le déplaisir demande un effort, et même pour certains d’entre nous, un gros effort, et il faut de bonnes raisons pour le faire.

Une idée troublante
Venons-en à l’idée que nous comptons développer. C’est la suivante. Les mécanismes biologiques qui orchestrent des fonctions aussi différentes que le choix de la nourriture, les actes motivés de sa saisie et de son ingestion, l’assimilation de ses constituants et leur transformation en énergie ou en matière vivante, ces mécanismes sont, on s’en doute, d’une très grande complexité. Parce qu’ils nécessitent la prise en compte par l’organisme de nombreuses contraintes, ils ne sont efficaces que parce qu’ils ont été élaborés au cours d’un très long processus d’adaptation de l’organisme à son milieu et à ses conditions d’existence. Ce processus n’a pas débuté avec l’hominisation mais des millions d’années plus tôt. Les poissons possèdent déjà certains des gènes qui, dans notre espèce, commandent la production des récepteurs olfactifs et permettent ainsi la détection des odeurs. La plupart des circuits cérébraux qui forment les supports de la faim et du plaisir étaient en place avant l’apparition des primates. Vinrent ensuite de lentes adaptations qui ont fait du mangeur ce qu’il est aujourd’hui.
Mais voici qu’en quelques décennies – si peu à l’échelle de l’évolution – l’explosion technologique avec ses conséquences économiques et culturelles vient bouleverser radicalement le paysage alimentaire tandis que le mangeur reste, biologiquement parlant, ce qu’il était des centaines de milliers d’années plus tôt. La nourriture qui, depuis des temps immémoriaux, était rare, dure à obtenir pour la plupart des humains et de disponibilité épisodique devient abondante, d’un accès aisé et de disponibilité permanente. De passablement monotone qu’il était par nécessité, le choix alimentaire ne cesse de se diversifier et la richesse calorique des produits ne fait que s’accroître. Et puisque le moteur de cette abondance est le profit, et que pour vendre il faut séduire, des efforts considérables sont déployés pour combler l’attente hédoniste du consommateur. Nous mangeons trop, des nourritures trop riches, nous ne faisons pas assez d’efforts pour les obtenir, et nous souffrons de maladies de surabondance, de maladies de pléthore.
Le domaine de la régulation de la prise alimentaire n’est pas, tant s’en faut, le seul qui trouve les humains désemparés devant les transformations rapides de la société. Ce qui est en cause ici, cependant, est assez particulier, c’est l’adaptation biologique. Or, selon toute vraisemblance, l’adaptation biologique ne nous aidera pas. Elle n’inversera pas sa tendance – qui a été plutôt de gérer le manque – pour protéger de l’abondance une partie de l’humanité que nous pourrions appeler privilégiée si elle ne souffrait pas précisément de cette abondance. Nos gènes ne muteront pas, en tout cas ils ne le feront pas au rythme qui conviendrait, et de toute façon nous ne sommes pas prêts à payer le prix exorbitant que requerrait la sélection naturelle des plus aptes dans ce nouveau contexte.
Une large part des moyens de contrôle de l’organisme sur la prise d’aliments passe par l’usage des sens que l’on appelle chimiques, l’odorat et le goût, qui sont dotés par apprentissage de l’étonnante capacité d’engendrer le plaisir, le déplaisir ou le dégoût. Nous allons évoquer ces sens, et en particulier l’odorat, comme exemple de l’adaptation problématique d’une fonction biologique à ses conditions d’exercice.
À la différence du sens gustatif qui est exclusivement dédié à la connaissance des aliments, le sens olfactif, cette autre composante du goût, a un champ d’applications la

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