Raoul de Clermont - un pionnier de la protection de la nature , livre ebook

publibook - Yamina Larabi-Godinot Et Philippe Anglade

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174 pages

Français

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Extrait

Description

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les usines et les cités industrielles se multiplient rapidement dans le territoire européen. Leur implantation bouleverse les paysages des villes et des villages. Cette intense activité industrielle entraîne des pollutions importantes de l'air, des cours d'eau, de l'environnement visuel et sonore. Ces nuisances provoquent une réaction vigoureuse de la part d'une multitude de personnalités aussi diverses que des naturalistes, des écrivains, des artistes, ou des hommes politiques. Parmi eux, un Franc-Comtois, Raoul de Clermont, issu d'une famille ayant contribué à la révolution scientifique et industrielle, va jouer un rôle de premier plan. Ingénieur agronome, devenu avocat, il s'engage d'abord dans la protection internationale des œuvres littéraires et artistiques, puis se consacre avec détermination à la protection de la nature et de l'environnement, au niveau national et international... À travers le portrait richement documenté d'un précurseur de l'écologie (1863-1942), initiateur du Premier Congrès international pour la protection des sites et des monuments naturels, Yamina Larabi-Godinot et Philippe Anglade explorent une époque où naquit une véritable prise de conscience des menaces qui pèsent sur la nature.

Sujets

Philosophie et théologie

Environment

Écologie

Protection

Nature

Environnement

Informations

Publié par	publibook
Date de parution	25 avril 2018
Nombre de lectures	0
EAN13	9782342160789
Langue	Français
Poids de l'ouvrage	1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Raoul de Clermont - un pionnier de la protection de la nature
Yamina Larabi-Godinot et Philippe Anglade
Publibook

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Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Raoul de Clermont - un pionnier de la protection de la nature

Chapitre 1. La vocation d’un grand précurseur de l’écologie
Raoul de Clermont et ses origines
Raoul de Clermont est né le 1 er avril 1863, à Valentigney dans le Doubs. Il est le fils de Philippe de Clermont et de Clémentine Peugeot 1-3 . Dans le milieu familial de Raoul, des dons très variés se sont épanouis au fil des générations. Les arbres généalogiques de la famille (fig. 1 et 2) révèlent des diplomates, des industriels, des historiens, et des artistes 4 . Sa mère est elle-même apparentée au grand paléontologue Georges Cuvier 4-5 .
La famille de Clermont est originaire d’Allemagne. À la fin du xvii e siècle, Johann Adam Klermond, le fils d’un drapier renommé, se marie avec Catharina Barbara von der Weyden. Ils s’installent dans les faubourgs d’Aix-la-Chapelle, à la frontière entre l’Allemagne et le Limbourg hollandais. Dans ce lieu, Adam dirige, avec son frère Carl, une draperie réputée dans toute l’Europe. Les frères Klermond sont ainsi fournisseurs de l’entourage des empereurs d’Autriche et de Russie. Adam achète la seigneurie de Neuenburg en 1716. [Raoul de Clermont fera le dessin des armoiries de la famille (fig. 3)]. L’année suivante, le tsar de Russie Pierre le Grand visite l’Europe et séjourne avec sa suite dans la maison du drapier. Selon une tradition de la famille de Clermont, Pierre le Grand, rentré en Russie, fait parvenir à Adam un tableau le représentant avec sa femme Catharina. En 1752, les enfants de leur fils Esaïas Klermond(t) 6 sont anoblis par la chancellerie d’Autriche et prennent le nom de von Clermont. À partir de 1761, Johann Arnold von Clermont transfère la draperie à Vaals, un village du Limbourg hollandais voisin d’Aix-la-Chapelle. Il y fait construire une usine avec le logis familial, le château de Blumenthal et la résidence de campagne de Vaalsbroek (fig. 4 et 5). Mais la prospérité de la draperie ne résistera pas aux conséquences de la Révolution française et des guerres napoléoniennes. Les von Clermont quittent la région d’Aix. Une branche de la famille s’installe à Londres et deux autres iront en France. C’est ainsi qu’Auguste, le grand-père de Raoul, vient habiter Paris après son mariage avec Wilhelmine Hessler à Francfort-sur-le Main, en 1826. Le couple aura deux enfants, Philippe, l’aîné, et Willy, son frère cadet, qui mourra à trente-six ans après avoir commencé une carrière de diplomate 4 .
Philippe, le père de Raoul, est donc né à Paris le 18 janvier 1831, de l’union d’Auguste de Clermont (1797-1841) et de Wilhelmine Hessler (1801-1882). Il obtient le baccalauréat en lettres à la Sorbonne en 1848. Il se tourne alors vers les sciences et se spécialise en chimie. Il entre dans le laboratoire d’un des chefs de file de la chimie française, Adolphe Wurtz. Il fait alors de nombreux séjours d’études en Angleterre et en Allemagne. En 1870, Philippe soutient, à la Sorbonne, une thèse sur des « recherches sur les composés octyliques » effectuées dans le laboratoire de Wurtz, à la faculté de médecine de Paris. Sa thèse est au cœur de la querelle sur la théorie atomiste qui divise le monde de la chimie au xix e siècle. À cette époque, l’atome restait une hypothèse déduite de certaines expériences, mais encore invérifiable. Ainsi, certains chimistes (les « équivalentistes ») refusaient d’intégrer l’hypothèse atomiste dans leur base de travail, sous le prétexte qu’elle n’était pas encore vérifiable par l’expérience positive 7 . Philippe de Clermont est amené à utiliser la notation C 8 H 16 pour l’octylène (aujourd’hui reconnu comme un composé moléculaire à huit atomes de carbone et seize atomes d’hydrogène, appelé oct-1-ène). Mais il le fait prudemment car les examinateurs de sa thèse sont des opposants à la théorie atomiste 8 ! Au moment de sa soutenance de thèse, il était déjà entré dans le laboratoire de chimie de l’École pratique des hautes études d’Henri Sainte-Claire Deville, à la Sorbonne, dont il deviendra le sous-directeur. Il est longtemps professeur de chimie à la faculté des sciences de Paris.
Sa maîtrise des langues anglaise et allemande et sa personnalité sociable et courtoise lui permettent de lier des relations avec des scientifiques anglais et allemands de premier plan et de les réunir, à l’occasion, avec leurs collègues français. Il put ainsi traduire et recenser de nombreuses publications étrangères. Il était membre de l’Association française pour l’avancement des sciences dans la section chimie, qu’il présida jusqu’à sa retraite en 1900. Il était aussi un des fondateurs de la Société chimique de Paris, devenue Société chimique de France en 1907. Philippe de Clermont mourut le 12 janvier 1921, à la veille de l’hommage que voulait lui rendre la Société de chimie. Il allait avoir quatre-vingt-dix ans 8 . Son caractère bienveillant et intègre, sa grande culture, son aptitude à réunir les personnes, son zèle à encourager le meilleur chez les autres (Philippe fut un des fondateurs de l’École alsacienne), tout cela, son fils Raoul le développera d’une autre façon.

Clémentine Peugeot est née le 5 août 1839 à Beaucourt (Territoire de Belfort, rattaché au département du Haut-Rhin à cette époque). Elle est la fille de Constant Peugeot (1809-1877) et de Caroline Japy (1818-1896). Le père de Clémentine est un industriel protestant de la famille Peugeot, qui va marquer la vie économique et sociale du pays de Montbéliard. Alors que ses cousins se lanceront dans l’industrie du cycle et de l’automobile, Constant est le fondateur de l’usine métallurgique du site de Valentigney-sous-Roches 9 (commune d’Audincourt, dans le Doubs) (fig. 6). C’est là que Clémentine Peugeot épouse Philippe de Clermont, le 30 janvier 1860, à l’église luthérienne du lieu car ils sont tous les deux de la confession d’Augsbourg. Leurs deux premiers enfants naîtront à Valentigney : Raoul (1 er avril 1863 – 1 er mai 1942) et Philibert (5 août 1864 – 20 mars 1938). Leur troisième enfant, Marguerite (24 février 1868 – 7 octobre 1931), est née à Paris. La famille habite à Paris, près du jardin du Luxembourg (fig. 7). Alors que Raoul sera agronome et avocat, Philibert exercera le métier de bibliothécaire (fig. 8). Marguerite épousera Georges Franc de Ferrière, un officier de Marine, beau-frère de l’écrivain Pierre Loti 4 .
Les ancêtres de Raoul de Clermont ont dû subir les conséquences des guerres de religion. Les partisans de la Réforme, souvent établis près des frontières, cherchaient à fuir les moments de tension avec les autorités. Les membres de la famille de Raoul ne semblent pas avoir échappé à la règle. Ainsi, au début du xviii e siècle, Adam Klermond, fervent luthérien, eut de mémorables démêlés avec la supérieure de l’abbaye voisine de l’église où il se rendait pour le culte. Les choses se calmèrent lorsque les fidèles protestants et catholiques acceptèrent de se partager l’église 4 . Mais, au xix e siècle, après la Révolution et la période napoléonienne, la situation a changé. Les querelles de religion cessent d’être cause de division politique des populations européennes. Les protestants peuvent enfin s’établir durablement en France et exercer dans ce pays leurs métiers et leur savoir-faire qu’ils ont chèrement acquis ailleurs. Ils apportent alors un dynamisme qui contribue à façonner le paysage économique et social du xix e siècle dans une France en pleine mutation.
On ne peut pas comprendre certains traits de la personnalité de Raoul de Clermont si l’on ne se replonge pas dans l’univers de ce xix e siècle, à la fois si proche et si lointain de l’époque actuelle. Les progrès scientifiques et industriels changent profondément la société, et de nouvelles branches de la physique et de la chimie se développent, comme la thermodynamique, la chimie organique et l’électricité. L’application courante de la machine à vapeur renouvelle les moyens de transport et l’industrie. Dans les usines, les machines-outils permettent à des ouvriers non qualifiés d’assurer une production toujours plus grande de produits finis. Ces employés et leur famille sont regroupés dans des cités situées à proximité des usines. Ces complexes industriels forment alors de véritables villes nées de cette rationalisation du travail. Cette révolution va à la fois augmenter le niveau de vie de la population et provoquer une dramatique dépendance des ouvriers aux conditions de travail imposées par les machines.
Ces changements rapides bouleversent la société dans laquelle émergent de nouvelles idées politiques, le libéralisme et le socialisme. Et ce sont souvent des écrivains que l’on trouve à l’avant-garde du débat public. La famille de Raoul de Clermont va participer de façon active à ces mutations.
De leur côté, les sciences de la nature bénéficient des découvertes des expéditions lointaines lancées à travers tous les continents. Des idées nouvelles, en particulier le transformisme (ou l’évolutionnisme), sont émises sur l’origine de l’homme, des espèces animales et végétales, et sur la formation du monde. Ces thèses semblent contredire l’interprétation courante de la Bible et donnent lieu à des débats passionnés. Les milieux religieux dispensent souvent un enseignement anémié par des siècles de compromission avec le pouvoir social et politique. Ils sont sur la défensive face au scientisme qui voit dans le pouvoir absolu des sc