La lecture à portée de main
271
pages
Français
Ebooks
2023
Écrit par
Florence Bergeaud-Blackler
Publié par
Odile Jacob
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Publié par
Date de parution
25 janvier 2023
Nombre de lectures
86
EAN13
9782415003562
Langue
Français
Publié par
Date de parution
25 janvier 2023
Nombre de lectures
86
EAN13
9782415003562
Langue
Français
© O DILE J ACOB , JANVIER 2023
3, rue Auguste-Comte, 75006 Paris
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-4150-0356-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
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Sommaire
Préface − Le frérisme d'atmosphère
Préambule
Introduction
Chapitre I - La confrérie des Frères musulmans
La confrérie, premier mouvement « décolonial »
Le frérisme VIP de l'islamisme : Vision, Identité, Plan
Les Frères musulmans à l'œuvre
Le tournant des années 1980 : l'internationalisation du frérisme
Chapitre II - Naissance du frérisme : la transnationalisation de l'islamisme
Le frérisme : définition et caractéristiques
Le frérisme : naissance et développement hors du territoire de l'islam (Dar al-Islam)
L'institutionnalisation des Frères en Europe
L'implantation planifiée de l'Union des organisations islamiques en France
Chapitre III - Yûsuf al-Qarâdâwi, le théoricien du frérisme
Ne renoncer à rien, tout englober : l'islam total
Le plan et les priorités du « mouvement islamique »
L'empire du « juste milieu »
L'Europe « terre de contrat »
Chapitre IV - L'euro-islam des Frères : les structures
L'euro-islam
Quelques-unes des principales institutions fréristes européennes
Chapitre V - « Islamiser la connaissance »
L'islamisation de la connaissance
Réinterpréter la « science occidentale »
Tariq Ramadan, un produit dérivé de l'IOK
Chapitre VI - Requalifier la violence du présent en légitime défense historique : soft law et soft power
Soft law : l'OCI et « la Déclaration des droits de l'homme en islam »
Soft power : la lutte contre « l'islamophobie »
Chapitre VII - Fréristes de gauche et de droite
Vers la gauche, Tariq Ramadan et ses partisans
Le fréro-salafisme
Chapitre VIII - Le frérisme et ses alliés
Le frérisme et le mouvement décolonial
Le frérisme et la gauche
Le frérisme et ses alliés en sciences sociales
Le frérisme et l'anthropologie asadienne
Chapitre IX - Sœurs musulmanes
Des groupes de discussion pour parler de « halal »
Responsabilité collective
Le rappel ou la « mise en garde » ou l'apprentissage de la da'wah
Le rapport à la norme religieuse
L'imputation de l'intention bonne : qui ne dit mot consent
L'économie du salut personnel et collectif : faire de sa vie et de celle des autres une action pieuse
L'action quotidienne s'insère dans la pratique religieuse et non l'inverse
Vivre dans le halal
Les thèmes d'endoctrinement
Chapitre X - Les petits muslims
Savoir lire
Rééduquer les parents : se méfier des mécréants
L'effacement des visages
Le guidage automatisé
Le Jugement dernier comme objectif au quotidien
Chapitre XI - Conclusion
Les causes du frérisme
Reconnaître le frérisme
Contrer l'influence du frérisme
Notes
Bibliographie
Préface
Le frérisme d’atmosphère
Au moment où paraît l’ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler, les procès de la terreur jihadiste qui a ravagé l’Hexagone entre 2015 et 2020 se succèdent dans l’immense salle spéciale du Palais de justice de Paris. On y élucide patiemment comment a fonctionné la nébuleuse de Daesh, comment elle a su recruter des milliers de jeunes issus de l’immigration ou fraîchement convertis à l’islam pour les envoyer en Syrie et en Irak, les convaincre de tuer leur prochain « infidèle » ou « apostat » au Shâm comme en France, sous le prétexte d’une interprétation littérale des Écritures saintes.
Mais une nouvelle vague terroriste est désormais née des tréfonds mêmes de notre société, sans lien avec une quelconque « organisation » structurée. Ce phénomène a commencé à poindre après l’épuisement du modèle Daesh : les attentats commis en France à l’automne 2020 ainsi qu’au printemps 2021, à Paris, Conflans, Nice, puis Rambouillet, n’ont pas été effectués sur l’instruction expresse d’un donneur d’ordres appartenant à une hiérarchie, ni préparés méticuleusement par celle-ci. Les assassins ont été d’abord motivés par ce qui est parvenu jusqu’à eux au croisement de l’univers virtuel et de leur socialisation personnelle, et qui constitue « l’atmosphère » dans laquelle le jihadisme de dernière génération se propage, de manière virale.
L’analyse comme la prévention de ce phénomène posent des problèmes inédits : en effet, la contamination touche d’abord ceux qui ont subi un endoctrinement, tant en ligne qu’au sein de leur milieu, lequel facilitera le passage à l’acte. Or, cette propagande islamiste en elle-même n’est pas nécessairement de type criminel, et ne relève pas des services contre-terroristes policiers comme judiciaires performants du « haut du spectre ». Elle promeut sous des formes diverses ce que le discours des Mureaux du président de la République, le 2 octobre 2020 (deux semaines avant la décapitation de Samuel Paty par Abdullah Anzorov), avait caractérisé comme « séparatisme islamiste ». Cette expression a suscité une levée de boucliers chez les porte-paroles et activistes de l’islam politique, à l’étranger, de M. Erdoğan jusqu’aux partis islamistes du Pakistan au Maghreb, en France et en Europe, dans une nébuleuse qui va des Frères musulmans aux salafistes, et qui a su s’agréger les « décoloniaux », « intersectionnels », woke ainsi qu’une partie de la gauche radicale. Tous l’ont dénoncée comme « islamophobe ».
L’ouvrage de Mme Florence Bergeaud-Blackler vient très à propos pour fournir un matériau inédit permettant de comprendre comment une « atmosphère » de rupture culturelle a été patiemment mise en place par une mouvance qu’elle nomme le « frérisme » – un terme adapté de l’arabe Ikhwani . Celui-ci englobe, par-delà l’organisation stricto sensu des Frères musulmans, créée en Égypte en 1928 par Hassan el-Banna et présente aujourd’hui avec force en Europe, l’ensemble des milieux, réseaux, associations, prédicateurs, think tanks divers et variés qui se sont désormais imprégnés en totalité ou en partie de son idéologie. Ils présentent celle-ci comme l’expression par excellence de la foi de l’ensemble des musulmans et de sa traduction légitime, incontestable, dans l’espace public, afin d’en promouvoir leur conception rigoriste de la charia, la loi tirée des Écritures saintes, qui se substituerait graduellement au droit positif. Cette doctrine vise à conforter la constitution d’enclaves territoriales comme mentales, symboliques comme numériques, où les « musulmans » ou considérés tels seraient préservés des législations des États européens. Ces règles sont, selon leur conception, illégitimes dans leur fondement, car basées sur le raisonnement humain – donc faillible – et non sur l’inspiration divine, infaillible par définition. Ces enclaves ont vocation à s’étendre au fur et à mesure de l’expansion démographique des populations concernées et de leur soumission à l’autorité frériste ainsi qu’aux normes de comportement et de pensée que celle-ci propage très activement.
Pour bien situer analyse et propos de ce livre, il est bon de se remémorer le contexte dans lequel sont nés les Frères musulmans il y a cent ans, et leur capacité à adapter ces circonstances aux défis de la migration puis de la sédentarisation massive de populations musulmanes en Europe à partir du dernier quart du XX e siècle. La confrérie a été créée sur les bords du canal de Suez lors de cette période de crise existentielle pour l’islam global que fut la fin du califat ottoman, aboli en 1924 par Atatürk, au nom de la laïcité de l’État dans la nouvelle république de Turquie. Le calife représentait l’autorité spirituelle de référence pour l’ensemble des croyants sunnites (environ 80 % de l’ensemble des musulmans, pour 15 % de chiites) de la planète, mais il avait également l’autorité de prononcer le « jihad » ou « guerre sainte dans la voie d’Allah ». C’est ce qu’il fit au déclenchement de la Première Guerre mondiale, en tant que membre de la Triple Alliance avec les empereurs d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, en appelant les musulmans colonisés par les États membres de la Triple Entente – Royaume-Uni, France, Russie notamment – à se soulever militairement contre les « infidèles » qui avaient conquis leurs territoires.
Cet appel fut sans conséquence sur le plan militaire, mais il marqua que – par-delà la disparition du califat – les musulmans du début du XX e siècle étaient fondés à combattre au nom du jihad pour se libérer d’une domination politique par des kuffar . Ainsi, le combat anticolonial pour l’indépendance à partir des années 1920 comprendrait une dimension islamique récurrente, en parallèle avec les courants marxistes ou nationalistes, qu’elle finirait par dominer. La création des Frères musulmans s’inscrit dans cette filiation : en tant qu’organisation politico-religieuse, ils reprennent le flambeau du calife en se faisant les champions d’une indépendance qui permettrait l’avènement d’un État islamique indépendant sur les ruines de la colonisation. En 1952, les Frères égyptiens soutiennent les « Officiers libres » pour renverser la monarchie liée aux Anglais, mais seront brutalement réprimés par Nasser qui voit en eux des concurrents redoutables.
Certains d’entre eux, dont le gendre de Banna, Saïd Ramadan, futur père de Hani et Tariq Ramadan, s’installent en Europe pour fuir la répression durant cette décennie. La sédentarisation des travailleurs immigrés, issus pour une large part du monde musulman et des anciennes colonie