À la recherche de l’autre temps , livre ebook

Odile Jacob - Daniel Sibony

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

178 pages

Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

A propos
Informations
Extrait

Description

Le temps : quoi de plus familier ? quoi de plus insaisissable ? Daniel Sibony en donne dans ce livre des aperçus pénétrants. Il est question du temps complexe et rationalisé de la physique ou de la métaphysique, abordées sans lourdeur, mais non sans payer son tribut au mystère. Il est question aussi du temps de la mémoire et de la nostalgie, cet « effort pour remonter le désir épuisé vers les lieux d’autrefois où il était plein de lui-même ; comme des poissons remontent le flux vers des lieux où se reproduire ». Au fil des pages, Daniel Sibony dit la place qu’occupe le temps dans nos vies : chacun est concerné, entre le désir de « prendre son temps », la crainte d’être « pris » par le temps et l’angoisse de vieillir. Le propos est riche des multiples ressources de l’auteur : mathématicien, physicien, théologien, psychanalyste exposant des cas très parlants. Avec un art consommé du verbe, il exploite en virtuose la façon propre qu’a le langage d’ensemencer et d’éclairer la réflexion. Rien d’étonnant si, dans sa préface, le grand mathématicien Alain Connes invite à lui prêter « la plus grande attention ». Daniel Sibony est psychanalyste et écrivain. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont, aux éditions Odile Jacob, Don de soi ou partage de soi ?, Lectures bibliques, De l’identité à l’existence et, plus récemment Le Grand Malentendu. Islam, Israël, Occident.

Sujets

Philosophy

Philosophie et théologie

Essays

Informations

Publié par	Odile Jacob
Date de parution	12 novembre 2020
Nombre de lectures	0
EAN13	9782738152831
Langue	Français
Poids de l'ouvrage	1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE 2020
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5283-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Avant-propos

On est toujours à la recherche de l’autre temps, non seulement sous la forme simple et massive d’une nostalgie des passés, ou d’un rêve de futures délivrances, mais sous une forme plus concrète et immédiate : pendant que nous vivons les instants, il y a dans notre tête et comme au-dessus de nous des « fibres » et des « feuilletages », c’est-à-dire des paquets d’objets et de liens associés à cet instant, qui ondulent dans un autre temps mais qui restent indexés par ce présent que nous vivons ; et, dans leurs mouvements étranges, ces fibres et feuilletages semblent nous garder disponible un autre accès au temps que l’actuel. Cet autre temps peut être inconscient, c’est alors comme du temps mis en réserve, qui pourra se libérer quand on ira le solliciter, quand il sera frôlé par des trajets temporels concernant ce qui nous arrive effectivement.
La valeur de cet autre temps, conscient ou non, est essentielle : nous ne pouvons vivre notre histoire qu’arc-boutés sur le temps actuel et le temps du possible infini, qu’il soit réel ou virtuel ; sans ce couplage, cet entre-deux, on voit le temps glisser, on le remplit comme on peut, sans en être réellement partie prenante, sans être dans le jeu du temps. On comprend que cette altérité du temps préoccupe les poètes, les écrivains, les artistes, les rêveurs ; les physiciens aussi y sont menés par la relativité qui pour le moins altère le temps, et par des théories quantiques où parfois le temps disparaît mais se retrouve, s’il le faut, sous des formes tout autres.
Certes, aucun temps ne nous est disponible, le présent moins que tout autre puisqu’il vient juste de passer, pendant que le futur n’est toujours pas et que le passé a disparu. Mais quelque chose s’impose qui est notre présence : c’est elle qui porte ce présent autour de nous, c’est par elle qu’agissent notre moi, conscient ou pas, et notre corps où s’expriment nos accrochages avec l’objet désiré. C’est notre présence corporelle et psychique qui nous enjoint de chercher l’autre temps, même si on retombe sur le temps commun.
De fait, notre vécu du temps est une recherche de l’autre temps en un sens très simple : on est toujours non pas entre le présent et le passé ou le présent et le futur, mais entre le temps perçu comme actuel et le temps possible, qui relève d’un autre « espace », et c’est le lien entre les deux qui sera vécu temporellement. Après tout, vivre une durée, c’est s’accrocher à une chose et se mettre à « compter », à tous les sens du terme (penser, écrire, s’affirmer, jouir). On confie le comptage banal à la montre ou au tiers et, quand c’est fini, on prend acte du temps vécu avec cette chose ou en sa compagnie. La vie se passe à chercher la chose ou l’être qui mérite qu’on s’y accroche pour compter de façon intéressante. Et nous avons le fantasme d’une chose qui serait définitive, mais un tel idéal serait terrible ; heureusement, cette chose n’existe pas : après en avoir fini avec une ou pendant que l’on compte avec elle, qu’on est aux prises avec elle, on s’accroche à une autre et on ouvre un autre compte. Avec le temps, l’essentiel c’est le compte, jamais total et toujours en formation, le compte dans la durée, la prise en compte de l’événement qui l’interrompt et la transforme. Le plus souvent ce sont d’autres qui nous accrochent et nous engagent dans un compte qui est le leur ou qu’ils nous ont concocté, un travail, un programme. Dans ce cas, on ne sent plus le temps, tellement on sent la même chose ou à peu près. Mais c’est l’autre approche du temps qui se met à compter, c’est l’événement, la rencontre avec « la chose », le fait de la percuter, et si l’événement se prolonge, comme un instant très long, c’est une tout autre durée qui s’y produit. Si par exemple cet instant est celui d’une révolution, déclenchée par un acte fort et surdéterminé, ou une rencontre amoureuse qui compte, l’ instant « magique » se prolonge avec cette durée tout autre, elle instaure un compte nouveau avec cette chose ou avec d’autres qui s’y accrochent.
Autrement dit, ce qui fait sentir le temps, c’est la façon de s’arc-bouter entre une origine et une durée qui s’ensuit, quand l’origine elle-même est comme une gerbe dont les brins ont convergé dans ce point. Pour se sentir « vivre », pour sentir des intensités temporelles, beaucoup se contentent des changements d’activité qui en eux-mêmes n’ont rien à voir avec le temps, ils y trouvent surtout un accrochage initial puis un déroulement du compte, de la durée, cela leur transmet l’idée de temps. D’autres, plus exigeants, ne peuvent se contenter d’un accrochage ponctuel, d’une origine délimitée, fût-elle appelée identité, ils ont besoin de fibrations plus foisonnantes pour faire de cette chose un objet porteur de temps, ou ce que j’appelle un « objet-temps » ; de sorte qu’en un sens, ce qui compte vraiment c’est la recherche des objets-temps.
Ce qui justifie ce livre et son titre, c’est de mener cette recherche de l’autre temps à travers un dialogue entre temps physique, temps psychique, temps clinique et temps d’être, temps vécu par le cosmos et par nous-même en mode conscient ou inconscient. L’homme est rivé à la physique comme à une donnée radicale de sa présence, comme physique de son être au monde. Et c’est par ce dialogue que se confirme mon idée sur les « objets-temps » : une situation quantique se révèle être un objet-temps au même titre qu’une œuvre d’art mais avec une rigueur autre. Mon autre idée c’est la « fibration temporelle », selon laquelle les instants portent des paquets de relations qui leur sont associés, qu’on appellera des fibres : un rêve est un espace ainsi fibré, le cours temporel d’une pensée l’est aussi, nous y viendrons. Ces deux concepts (objets-temps et fibrations) décrivent aussi à leur manière une quête de l’autre temps, ou une enquête toujours ouverte. Il suffit de penser au temps de l’écriture, qui semble aussi linéaire que le fil des mots, mais qui en chaque point qui compte comporte une fibre où explosent et se déploient les idées qui hantent l’auteur en ce point-là, à ce moment du travail. Une fibre qui l’interpelle en tant qu’il est, lui, porteur d’histoires et de temps hétérogènes.
Rien d’étonnant si au passage, des croisements se produisent avec la clinique, la physique, l’enfantement et l’œuvre d’art, avec le hasard et la variabilité, avec ce couple étonnant que forment la répétition et l’irrépétable, avec aussi ce que j’appelle les « prises de temps » puisque, après tout, la vraie question touche à l’acte de prendre le temps et d’en donner, et au désir de temps dans l’infini des possibles.
Préface d’Alain Connes 1

Deux idées me sont chères concernant le « temps », la première a trait au temps individuel, la seconde au temps de la physique. Nos récentes discussions avec Daniel m’ont permis de mesurer à quel point il a profondément réfléchi au même sujet mais avec des instruments que je n’ai point : la philosophie et la psychanalyse, dans un réel désir de les faire dialoguer avec la physique, dialogue qui fait l’originalité de ce livre. J’admire son intelligence, sa capacité à pénétrer en profondeur dans tant de domaines et son talent pour écrire. En ouverture de ce livre je ne résiste pas à la tentation d’essayer d’exprimer très brièvement ce que j’ai stabilisé dans mon esprit sur le temps individuel et celui de la physique : de mon point de vue la répétition de nos vies, et les habitudes en particulier font que le malheureux temps linéaire des calendriers s’enroule comme une droite irrationnelle dans un espace de dimension plus grande qui n’appartient qu’à nous, que nous créons au cours de notre existence et dont certains d’entre nous font une merveille, comme Proust ou Grothendieck en se retirant du monde des futilités pour retravailler l’histoire de leur passé qui n’est autre que cet ouvrage. Écrire une autobiographie fait partie de cet exercice de structuration de notre « temps » et en cas de réussite devrait donner une vue d’ensemble de cet « espace temporel » qui nous est propre et que seuls nous pouvons connaître et édifier. De ce point de vue, nous avons une chance d’échapper aux échéances du calendrier en nous réfugiant à plaisir dans notre espace temporel. Quant au temps de la physique, ce que j’ai découvert c’est que ce n’est pas le « passage du temps » qui est la vraie origine de la « toute variabilité » des choses, mais une raison bien plus fascinante que j’appellerai « aléa du quantique ». L’impossibilité, aussi bien théorique qu’expérimentale, de prédire ou de reproduire le résultat pourtant toujours univoque d’une expérience quantique qui reste gouvernée par le principe d’incertitude de Heisenberg et donne au quantique cette variabilité fondamentale.
L’interprétation de la mécanique quantique se heurte à un phénomène appelé « réduction du paquet d’ondes » qui n’obéit pas à l’équation de Schrödinger. Il nous faut comprendre que la variabilité quantique est plus fondamentale que le passage du temps, et réaliser en quel sens l’intrication quantique donne à l’aléa du quantique une cohérence cachée.
Daniel Sibony, par sa réflexion en profondeur sur le temps, nous ouvre grandes les po