Louis de Dardel (1899–1963)
272 pages
Français

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Louis de Dardel (1899–1963) , livre ebook

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Description

Les archives de Louis de Dardel (1899-1963), sauvées de l’oubli dans un grenier de Neuchâtel, comprennent quelque 3 000 lettres et un grand nombre de notes que ce grand épistolier rédigea tout au long de sa vie. Dans l’une d’elles, datée du 6 février 1954, il se souvient de l’emprise, certes toute aimante, mais fort pesante qu’exerçait sur lui son père, Otto de Dardel, journaliste et député, « vu [...] comme un géant et ses souliers comme des bottes de 7 lieues ».
En 1914, alors que Louis de Dardel, âgé de quinze ans, se montre porté à la rêverie, au romanesque, voire au mysticisme, ce père, préoccupé, lui conseille de faire quelque chose d’utile de sa vie. Interprétant cette recommandation comme une injonction, le jeune Louis abandonne la section littéraire pour la scientifique, alors voie royale pour entreprendre une carrière qui lui permettra des réalisations concrètes, utiles pour ses contemporains. Lorsqu’il s’aperçoit qu’il fait fausse route, il n’ose affronter son père et ses « bottes de 7 lieues ». Mais à quelque chose malheur est bon, dit le dicton. Cette erreur d’aiguillage est à l’origine d’une métamorphose, car la voie scientifique dans laquelle il persévère envers et contre tout va transformer ce passionné des arts et des lettres en un homme complet, un humaniste fort rare au XXe siècle, qui réussit à concilier dans sa vie quotidienne art et science.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889305681
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil, 2023
Rue du Tertre 10
2000 Neuchâtel
Suisse
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
ISBN : 978-2-88930-472-1
ISBN epub : 978-2-88930-568-1
ISBN pdf : 978-2-88930-569-8
 
Ce livre a été publié avec le soutien de la Commission du 3 février-Société d’émulation et de promotion de Saint-Blaise.


 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
L’illustration de la couverture Louis de Dardel en train de consulter une carte et celles du dossier photographique proviennent toutes des archives privées de la famille de Dardel.
 
Responsable d’édition : Sandra Lena


À Anne-Françoise Touraine,
de la quatorzième génération des Dardel,
qui nous a aimablement ouvert
les archives de son père.


Prolo gue
U ne vie est-elle jamais banale ? Assurément non, tant chaque destin est unique. Peut-on pour autant s’intéresser au quotidien de chacun ? Entre les aventures d’Indiana Jones et les silences de la dentellière, le film de nos existences se nourrit d’images d’inégal attrait. Faute d’éclat ou de notoriété, la biographie de la plupart, lorsqu’elle s’écrit tout de même, se résume d’habitude à quelques lignes ou paragraphes plutôt insipides. Pourtant, derrière la grisaille de l’ordinaire, combien de passions intimes et secrètes viennent iriser les jours des émotifs et des sensibles ! Telle la lumière avivant les vitraux des cathédrales, la vie intérieure, lorsqu’elle perce au jour et se révèle, chante des symphonies là où l’on ne percevait que des chantonnements monotones.
En abordant les caissons de lettres et de notes manuscrites d’un ingénieur peu reconnu, épistolier et autobiographe compulsif, François Zosso a embrassé la finalité de l’Association pour la conservation des Archives de la vie ordinaire : la mise en valeur des écrits personnels de plumes neuchâteloises plus ou moins obscures. Mais il a vite compris la densité des archives de Louis de Dardel, enrichies par une personnalité expressive, souvent fougueuse, toujours entière, idéaliste, aussi entreprenante qu’elle pouvait être introvertie, parfois tournant à vide et torturée. C’est le mérite de l’auteur que d’avoir su donner un sens, une consistance et un relief à ces écrits pléthoriques mais désordonnés. Et c’est avec finesse et élégance qu’il est parvenu à comprendre le personnage, à le suivre dans ses tempêtes intérieures, à le situer dans son contexte familial, professionnel et international. Ainsi, le chaos a trouvé son maître : le parcours de Louis de Dardel s’éclaire de repères. La valeur de l’âme de cet homme, comme celle de ses pensées, s’affirme et le lecteur se surprend à entrer en connivence avec le héros de cette biographie légère.
Aucune grandiloquence dans le propos. La chronique colle au quotidien, au banal, même. Mais elle en extrait la sève et le sucre, l’acide aussi. Excellemment rédigé, mis en histoire, le récit alterne les dimensions dans lesquelles se meut le personnage : souvent, la narration s’étend sur des notes et anecdotes personnelles et familiales de moindre intérêt, qui donnent corps cependant à la normalité de Louis dans son environnement. Puis, voici qu’une succession d’histoires d’amour compliquées ou de passions somme toute courantes donne un profil particulièrement séduisant à l’amoureux enflammé. Toujours transparaît au fil du récit un esprit torturé, angoissé, en proie à des démons intérieurs, à de roides certitudes et sans doute, entrelardant des manières raffinées, à une véhémence qui détonne. Mais le plus intéressant, pour le lecteur contemporain, c’est la fresque d’une époque, de plusieurs époques successives, qui s’affirme en arrière-plan.
L’auteur nous offre un éclairage tamisé sur des pensées, des croyances, des évaluations et des avis qui n’ont souvent plus cours mais qui ont représenté bien des moteurs de l’évolution de nos sociétés. Mis en contexte, les penchants et les convictions de Louis dessinent l’humaniste libéral qu’il était. Mais là, gare à la lecture superficielle secrétée par notre époque surmédiatisée, tout aussi marquée par le prêt-à-penser que par la nouvelle bienséance intolérante des réseaux asociaux ! La fougue féministe de Louis nous paraîtra bienvenue mais banale de nos jours, alors qu’elle était rare et admirablement en avance sur son temps. En revanche, des attitudes racistes puisées dans l’acceptation générale de la supériorité des uns sur d’autres nous sembleront aujourd’hui pendables et plus qu’éculées. Comprenons-nous bien en notre temps combien fut efficace la propagande fasciste des deux décennies noires ? Si l’on sait aujourd’hui le degré criminel de supercherie véhiculé par Les protocoles des Sages de Sion , il en allait bien autrement à l’époque où, depuis la Russie tsariste puis soviétique, jusqu’au génocide nazi, ce pur fake truth infectait tous les esprits. C’est alors dans l’attitude finalement fraternelle et bienveillante, exprimée malgré les préjugés, que nous devons chercher l’humanisme et le cœur des protagonistes de ces jours révolus.
Louis de Dardel, un homme de son temps dans son temps : pour le lecteur contemporain, un sentiment d’éloignement le dispute à l’impression de proximité. Éloignement, car la première moitié du XX e  siècle nous apparaît comme déjà très distante et dépassée, presque incompréhensible parfois. Proximité néanmoins, car les réflexions et les émotions de Louis, son ressenti, ses angoisses, ses combats et ses aspirations sont intemporels et, pour beaucoup, partagés par tout un chacun, d’une manière ou d’une autre. Cadet rebelle, aristocrate impécunieux, jeune homme aussi beau et courtisé qu’il fut éconduit, rêveur, littéraire et ingénieur talentueux, protestant convaincu et droit, affable et exubérant, porté sur l’amour et mari fidèle, père aimant et attentif mais si souvent absent, politicien engagé, cofondateur de parti, élu actif, incompris, jalousé et rejeté, personnage aussi intègre que tourmenté, Louis est un kaléidoscope dans le lavis du quotidien.
Au fil des pages se révèle une figure en ronde-bosse particulièrement attachante, un honnête homme fait de sensibilité, de modestie, d’élévation et d’aspirations, toutes synthétisées par son indéfectible chaleur humaine. Alors, avec François Zosso qui nous dit les liens très forts qui se sont créés entre lui et son sujet d’étude, je prédis à toute lectrice et à tout lecteur de cette œuvre historiographique des émotions vivifiantes. Plus qu’un récit de vie ordinaire, il lui sera donné de découvrir un ajout engageant à la tradition littéraire suisse du journal intime. Et je gage que, comme moi, il se remémorera, en filigrane de sa lecture, les vies passées de bien des siens, en pressentant avec plus d’empathie que jamais les cahots et les rebondissements des destinées qui ont façonné la nôtre.
Jean-Jacques de Dardel, ancien ambassadeur de Suisse


Introduction
3 000 missives…
Louis Axel Otto de Dardel appartient à cette dernière génération d’hommes et de femmes qui aimaient passionnément tremper leurs plumes dans un encrier et s’épancher longuement dans des lettres qu’ils envoyaient à tout vent, telle la semeuse de notre bon vieux Larousse. Or cette merveilleuse race d’épistoliers est en voie d’extinction depuis le développement fulgurant des télécommunications au XX e  siècle.
Écrivains anonymes pour la plupart, leurs lettres, trop souvent, ont disparu, éparpillées, brûlées, jetées à la poubelle au gré des déménagements, des héritages, des partages, des démolitions et rénovations des immeubles, des vide-greniers, mais aussi en raison du désintérêt de beaucoup pour les « choses du passé », pour les « vieilleries dont on ne sait que faire ». Et c’est miracle lorsque, au hasard d’un farfouillement dans un galetas, comme se nomment chez nous les greniers, on retrouve leurs écrits soigneusement empaquetés et ficelés dans quelques vieilles malles, attendant sagement, à l’exemple de la Belle au bois dormant, qu’un prince charmant vienne les réveiller et les exposer en pleine lumière pour le plus grand bonheur des passionnés des histoires de vie (pas toujours) ordinaire de gens (pas toujours) ordinaires.
C’est le miracle qui est advenu en 2017 à la correspondance de Louis de Dardel que la poussière de l’oubli menaçait de recouvrir peu à peu dans un grenier de la rue de la Promenade-Noire à Neuchâtel. Sa famille, consciente de l’urgence de la sauver, s’approcha de l’Association des Archives de la vie ordinaire (AVO) du canton 1 , laquelle nous suggéra de jouer les princes charmants. Rôle certes passionnant et gratifiant, mais combien difficile à assumer dans ce cas précis ! Non seulement nous avons dû déchiffrer le graphisme quelque peu torturé de l’écriture de Louis de Dardel, reflet de son caractère (?), mais encore et surtout celui de ses nombreux correspondants. De plus, l’encre de plusieurs lettres avait déjà blanchi, menaçant à tout jamais de disparition les interventions de leurs auteurs, ou pour d’autres, leur dégradation physique fort avancée les rendait quasi illisibles.
Mais une fois ces difficultés surmontées, quel trésor dans ces cartons d’archivage ! Nous y avons découvert quelque 3 000 missives dont près de 2 000 étaient adressées à Louis de Dardel, et près de 1 000 autres, qu’il avait recopiées avant de les envoyer ou récupérées auprès des siens, portaient sa signature. Il semble que, peu avant sa mort en 1963, il rassembla, tria et classa toutes ces lettres selon leurs auteurs, et… les ficela en liasses, non pas avec des rubans, mais avec de la ficelle on ne peut plus ordinaire, espérant secrètement – c’est notre hypothèse –, qu’un jour quelqu’un s’intéresserait à sa correspondance.
Ces cartons contiennent encore de très nombreux écrits et papiers sur les sujets les plus divers, témoin

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