Le Bonheur par le travail , livre ebook

Odile Jacob - Marc Mousli , Michel Godet

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139 pages

Français

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Description

Qu’y a-t-il de commun entre une sociologue féministe, un agriculteur passé à la fonction publique, un militant ouvrier du 9-3, un promoteur de l’entrepreneuriat ou un général qui n’a pas la langue dans sa poche ? Tous ont fait le choix, à l’âge de la retraite, de rester actifs et ils s’en portent plutôt bien ! Anonymes ou médiatiques, dix-sept personnalités témoignent ici de l’importance que le travail occupe toujours dans leur vie. Chacun a trouvé sa voie : les plus intellectuels continuent de réfléchir et d’écrire à un rythme soutenu ; d’autres se sont reconvertis dans le conseil en entreprise, les travaux ruraux ou l’animation culturelle. Aucun ne compte ses heures. Ils sont heureux de faire profiter les autres – leur village, la France, voire une communauté plus large – de leur expérience. 17 histoires qui sont autant de leçons de vie. Un livre qui est un hymne au travail. Michel Godet, économiste, est vice-président de la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et membre de l’Académie des technologies. Il a publié notamment Bonnes Nouvelles des Conspirateurs du futur, La France des bonnes nouvelles et Libérez l’emploi Marc Mousli, économiste, collabore régulièrement au magazine Alternatives économiques et anime le Café de la prospective dont il est cofondateur. Administrateur d’une Scop et de diverses associations, il a dirigé une PME et des services commerciaux et RH dans une grande entreprise.

Sujets

Business

Economics

Informations

Publié par	Odile Jacob
Date de parution	10 mai 2017
Nombre de lectures	5
EAN13	9782738135841
Langue	Français
Poids de l'ouvrage	1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Michel Godet et Marc Mousli
Le bonheur par le travail
Dix-sept histoires de longévité heureuse
© O DILE J ACOB , MAI 2017 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3584-1
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3°a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le bonheur des retraités se trouve dans le travail

En 1960, André Gorz, jeune intellectuel de 36 ans, prenait conscience pour la première fois de sa vie qu’« il avait un âge. Il n’en avait pas toujours eu ». Il découvrait le vieillissement : « C’est l’expérience qu’on n’est plus de ceux qui ont tout l’avenir et le temps pour eux 1 . » Quarante-cinq ans plus tard, il revenait dessus, avec le regard toujours vif d’un philosophe de quatre-vingts ans : « Nous sommes moins vieux qu’il y a vingt ans, individuellement et socialement. Beaucoup d’adultes […] commencent à l’âge de la retraite une deuxième vie et une deuxième jeunesse 2 . »
Cette réflexion recoupe les phénomènes démographiques que nous avons connus depuis la seconde moitié du XX e siècle et qui se poursuivront jusqu’au milieu du XXI e . En France métropolitaine, en 2030, le nombre des plus de 65 ans aura dépassé celui des jeunes de moins de 20 ans, et il y aura 37 millions de personnes en âge de travailler – de 20 à 65 ans – à comparer aux 32 millions d’inactifs (jeunes et retraités).
Par rapport à l’année 1970, on entre plus tard sur le marché du travail, on en sort plus tôt, restant presque sept ans de moins dans l’emploi. Par ailleurs, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de dix ans, passant de 72 ans à 82 ans. Arithmétiquement, l’espérance de vie en retraite s’est donc accrue du même temps.
Les retraités ne sont plus des « économiquement faibles 3 » : leur niveau de vie médian (pensions + revenus du patrimoine) est inférieur de 4 % à celui des actifs, mais supérieur de près de 3 % à celui de l’ensemble de la population. Une certaine aisance qu’il faut relativiser : elle est surtout due au patrimoine accumulé par les seniors et au fait qu’ils ont évidemment beaucoup moins d’enfants à charge. Leur pension nette moyenne ne représente en effet que 55 % du salaire net moyen des actifs. Et sauf redressement – peu probable à court terme – de notre économie, les revenus des retraités, affectés par la baisse des rendements des placements financiers et par le quasi-blocage des pensions, progresseront beaucoup moins que ceux des actifs. La situation des seniors se dégradera donc dans les prochaines années, sauf pour ceux qui sauront garder des activités rémunératrices. Une pluriactivité qui pourrait se généraliser.
À vrai dire, les dix-sept retraités que nous avons interviewés pour ce livre se soucient assez peu de leurs finances. Nous avons été surpris qu’aucun d’eux ne nous parle d’argent. L’un, de condition modeste, a évoqué avec un léger regret le fait de ne pouvoir voyager plus souvent pour des raisons économiques, et un intellectuel de premier plan questionné sur son départ en retraite nous a déclaré sur le ton de la plaisanterie se souvenir vaguement que son salaire (bien modeste par rapport à sa notoriété) avait diminué. Aucun ne s’est plaint, et chacun fait de son mieux avec ce qu’il perçoit.
Les nouveaux retraités cessent leur activité de plus en plus tard. En 2014, ils sont partis, en moyenne, à 61,4 ans : 60,4 ans pour le secteur public et 62,3 ans pour le régime général. Cette cessation d’activité à plus de 62 ans dans le secteur privé est actuellement un leurre : à peine la moitié des salariés passe directement de l’emploi à la retraite. L’autre moitié vit des mois, voire des années, difficiles : ayant perdu leur emploi, ne parvenant pas à en retrouver un, ces salariés sont souvent contraints d’attendre pour prétendre à une pension. La transition est habituellement assurée par Pôle Emploi.
Que vont faire ces jeunes retraités ? Comme leurs aînés, ils vont fort probablement continuer à s’activer plus que jamais dans la société. Tous ne peuvent prétendre trouver le bonheur dans un nouveau travail salarié traditionnel ; c’est en fait une autre aventure qui commence, celle de l’activité bénévole ou non, où ils vont chercher à trouver les mêmes plaisirs que dans le travail, c’est-à-dire du lien social, de la reconnaissance, de l’épanouissement de soi et pour beaucoup des revenus complémentaires plus ou moins importants, en espèces sonnantes et trébuchantes ou en nature, sous des formes variées de troc, d’échanges, de don et de contre-don. Ces revenus seront d’autant plus recherchés que le pouvoir d’achat des retraités s’érodera. Les possibilités de cumul d’une pension de retraite avec un salaire ont été opportunément assouplies, et les statuts des travailleurs non salariés se sont multipliés avec la création de celui d’autoentrepreneur en 2009 (devenu microentrepreneur en 2014), et l’explosion des possibilités offertes par l’économie dite collaborative : ayant commencé timidement à s’aventurer sur eBay il y a quinze ans, ils se sont, ces dix dernières années, faits brocanteurs en ligne avec Le Bon Coin, et ils accueillent volontiers des voyageurs grâce à Airbnb.

Tous les hommes veulent être heureux

« Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. […] La volonté [ne] fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes. Jusqu’à ceux qui vont se pendre. »
Blaise P ASCAL (1670).
Pascal est catégorique : le bonheur est « le motif de toutes les actions de tous les hommes ». Et de préciser : « Jusqu’à ceux qui vont se pendre. » Ceux qui vont se pendre ont une vie très malheureuse. Et comme chercher le bonheur, c’est avant tout échapper au malheur, ils font une ultime démarche vers le bonheur : échapper à une vie douloureuse.
Cette définition du bonheur comme absence de malheur est très ancienne : pour Épicure le bonheur c’était la tranquillité d’esprit, l’absence de douleur et de trouble. L’épicurien parvient au bonheur par la sobriété, le mépris des biens inutiles et la répression des désirs excessifs. Pour lui, la richesse, le pouvoir, la gloire, les honneurs, la crainte des dieux et celle de la mort sont des obstacles au bonheur.
Le monde du travail est disciple d’Épicure. Pour améliorer le bien-être des travailleurs, la première idée est de repérer les nuisances, les causes d’inconfort et de douleur, et de chercher à y remédier. Et au premier rang des causes d’inconfort, voire d’anxiété, figure le risque de perdre son emploi. Le retraité est débarrassé de ces nuisances : il n’a plus à conduire sur des routes encombrées ou à s’entasser dans des transports publics surchargés, ni à supporter les remarques de chefs jamais satisfaits, et surtout il est libéré de la crainte du chômage. Il bénéficie de ce fait d’une grande liberté, dont il sait le plus souvent bien profiter. Il doit donc être très heureux, selon Épicure ! Et il est vrai que nous sommes entourés de seniors actifs, toujours entre deux rendez-vous, deux réunions, deux projets, et visiblement heureux.
Ce bonheur est palpable dans les entretiens que nous avons menés, même s’il peut sembler en contradiction avec ce que nous lisons et entendons sur les pressions subies par les plus anciens dans les entreprises. Les rubriques sociales des médias regorgent de ces histoires de quinquagénaires poussés en douceur, fermement ou brutalement vers la retraite ou la préretraite, et l’on a vu se multiplier les cas de rupture conventionnelle, cette formule magique du licenciement par consentement mutuel qui fait un tabac dans les PME depuis son invention en 2008 4 . Toutes ces manœuvres pour éliminer les plus anciens devraient laisser des traces, et les sexagénaires être moins fringants, plus abattus. Dans les faits, ils se remettent vite de leur changement d’état et retrouvent rapidement leur sérénité. Paradoxalement, ce qui touche le plus est d’une autre nature. Le senior qui n’a pas été victime des manœuvres perverses d’une direction soucieuse de rajeunir ses cadres va être terrassé de façon inattendue par le regard de ses pairs. Un ancien DRH parti de son entreprise à l’âge normal et sans être poussé vers la porte raconte : « J’étais au bureau, ce matin-là. Je travaillais tranquillement. Vers 10 h 30, j’ai levé le nez de mon dossier. Je ressentais une vague angoisse, l’impression qu’il se passait quelque chose d’anormal. Mais quoi ? J’étais seul dans le bureau silencieux, je n’attendais personne et l’affaire sur laquelle je travaillais depuis deux heures touchait à des questions de formation sans grand enjeu. Rien d’inquiétant, rien de bizarre en apparence.
« D’un seul coup, j’ai compris : arrivé comme d’habitude vers 8 heures, j’étais au bureau depuis deux heures et demie et je n’avais pas reçu un seul coup de téléphone. Ce qui m’angoissait, c’était le silence tangible, pesant. Un DRH a quotidiennement des dizaines d’avis, de conseils, d’accords à donner. Les sollicitations sont incessantes. Mes collègues et amis, dirigeants d’unités, appelaient de préférence tôt le matin, avant d’être pris dans le tourbillon des rendez-vous et des réunions. Et ce jour-là, rien.
« L’explication était simple : trois semaines plus tard je partais en retraite, et les collègues avaient tourné la page. »
La rupture, c’est avant tout ce pincement au