La Grande Rupture
124 pages
Français

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Description

L’ambition de ce livre est d’apporter des réponses aux questions qui hantent aujourd’hui les démocraties occidentales. Faut-il augmenter les salaires ? Comment faire de l’innovation une source de nouveaux emplois ? Faut-il favoriser les investissements d’expansion pour lutter contre le changement climatique ? Comment éviter que la jeunesse soit une génération sacrifiée ? Faut-il parier sur la qualification des emplois ? Enfin, ne faut-il pas investir davantage dans le social ? C’est à partir de six nouvelles répartitions des revenus, du travail, des qualifications, des innovations, au sein de la société et de ses différentes générations, que peut s’établir une croissance durable, inclusive et partagée par tous. Ce livre marque un tournant majeur dans la réflexion économique. Il se fonde sur la réconciliation entre ces deux grands économistes : Keynes, l’homme de la demande et du rôle de l’État, et Schumpeter, celui de l’innovation et de l’entrepreneur. Seule cette audace permet de penser le paradigme sur lequel devrait se construire l’économie de sociétés enfin apaisées. Jean-Hervé Lorenzi est professeur émérite de l’université Paris-Dauphine, président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, président de la chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques ». Alain Villemeur est ingénieur de l’École centrale de Paris, docteur ès sciences économiques, directeur scientifique de la chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques ». 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 juin 2021
Nombre de lectures 15
EAN13 9782738156495
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JUIN  2021
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5649-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
«  To determine the laws which regulate this distribution is the principal problem of Political Economy . »
David R ICARDO , On the Principles of Political Economy and Taxation.

« En acceptant sans se plaindre de la réalité de la société, l’homme trouve un courage indomptable et la force de supprimer toute injustice susceptible d’être supprimée et toute atteinte à la liberté. »
Karl P OLANYI , La Grande Transformation.
Introduction

La grande rupture ! De très nombreux économistes pensent que la croissance ne reviendra plus comme avant, et envisagent une stagnation séculaire. Ce livre défend une opinion radicalement différente. La croissance n’est pas morte, mais les conditions dans lesquelles elle peut se développer de manière soutenable et pérenne sont très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. Pour comprendre cette évolution, il faut réconcilier Keynes et Schumpeter. Ce livre chemine de l’interminable querelle autour de l’offre et de la demande à l’explosion des inégalités, écarte la menace de la stagnation séculaire pour déboucher sur un nouveau modèle de croissance porté par six nouvelles répartitions des revenus, du travail et des richesses au sein de la société et de ses différentes générations.
La croissance, mot si courant, fait aujourd’hui l’objet d’un débat aussi central que passionné, qui déborde le domaine des économistes pour s’inviter dans le milieu des sciences sociales, du politique, de l’entreprise, de tous ceux qui, dans cette période difficile, s’interrogent sur l’avenir. Chacun sait qu’elle devra évoluer, se soucier des contraintes environnementales comme des évolutions radicales du travail… Mais la question qu’elle pose aujourd’hui est celle de son lien avec le progrès, synonyme de bien-être individuel et collectif, de gouvernance mondiale et, peut-être plus encore, de paix. Le récent questionnement d’éminents intellectuels sur la légitimité même de la croissance est loin d’être une nouveauté. Or, et c’est là le propos de cet essai, n’est-elle pas indispensable à la survie de l’humanité ? À condition de reprendre la réflexion à son sujet, de l’humaniser, de l’arrimer à la diversité des situations et des sociétés, bref à ce qui relève du politique et de la démocratie.
La croissance mondiale, il y a quelques années 1 , était déjà hypothéquée par ces lames de fond qu’étaient les chocs démographiques, l’explosion des inégalités, le réchauffement climatique, le développement exponentiel de technologies sans vrai impact sur la productivité, donc sur la croissance. La crise sanitaire du Covid-19 n’a fait qu’amplifier ces chocs au point de rendre tout à fait audibles les discours contestant l’idée même de croissance. Déjà, au XIX e  siècle, de grands économistes classiques, David Ricardo ou John Stuart Mill, avançaient cette notion neuve d’état stationnaire. Ce thème, repris par Alvin Hansen en 1938, rebaptisé « stagnation séculaire », a retrouvé récemment un nouvel éclat sous la plume d’économistes américains, Gordon Brown ou Larry Summers pour ne citer que les plus notoires. Suivent désormais de nombreux intellectuels, sociologues, historiens, économistes qui, tour à tour et de manière très différente, s’en prennent à la croissance pour ses conséquences sociales, économiques, environnementales, voire politiques.
Sans doute faut-il admettre avec Daniel Cohen que « la croissance est la religion du monde moderne » ou écouter à nouveau les propos de la philosophe Simone Weil : « Ainsi à tous égards, le progrès se transforme aujourd’hui, d’une manière à proprement parler mathématique, en régression 2 . » Pour redonner un sens à cette croissance prise dans une sorte de tempête idéologique, peut-être mieux vaut-il en revenir à la définition neutre proposée par François Perroux : « La croissance d’une économie est l’augmentation durable de la dimension d’une unité économique, simple ou complexe, réalisée dans des changements de structures et éventuellement de systèmes et accompagnée de progrès économique variable 3 . » Quant au progrès, il est coutumier de penser qu’il œuvre à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, qu’il augmente ainsi le bien-être individuel et collectif.
Défendre ici la croissance repose sur une démarche d’économiste assez traditionnelle. Or l’une des caractéristiques de cette discipline est d’être quelque peu obsessionnelle, focalisée sur certaines approches à l’exclusion de toutes autres. C’est le cas, depuis que cette science existe, de ceux qui privilégient la question de l’offre, les conditions dans lesquelles les biens et les services sont disponibles, et ceux qui jugent prioritaire celle de la demande ou comment celle-ci se forme à travers la rémunération des différents acteurs économiques. L’enjeu est là de réconcilier l’offre et la demande, une tentative vieille d’un siècle, dans une démarche propre à une nouvelle répartition des richesses, gage d’une croissance équilibrée au XXI e  siècle. Sans elle, et comme l’avaient si bien vu les classiques, il y a fort à croire que l’idée d’une vraie dynamique de l’économie mondiale doive être abandonnée, un enjeu soulevé par l’école post-keynésienne depuis une trentaine d’années.
S’écarter du fatalisme est une première étape. Stuart Mill qui considère déjà que cette fatalité est aussi redoutable que le jour du jugement dernier ne fait que reprendre la logique infernale susceptible d’exister entre croissance démographique et croissance économique. Il suit là l’idée assez simple, à la Ricardo, que le tout se stabilise suivant une répartition opposée à toute évolution des sociétés occidentales. En réalité, il se fait ainsi l’écho de cette vision très partagée d’un XIX e  siècle où le progrès est absent. Les économistes ont tous été habités par cette rêverie perpétuelle que reprendront leurs successeurs, tels des Sisyphe à venir, c’est-à-dire fonder à nouveau et construire l’état stationnaire.
Si les perspectives des uns et des autres, tout comme les idéologies et les représentations qui les portent, s’opposent sur le fond, il n’en demeure pas moins que l’histoire, sauf peut-être chez Marx, brille par son absence. Le progrès, quant à lui, s’installe peu à peu, que ce soit dans les techniques utilisées, dans les biens consommés ou dans les régulations mises en place. Cette version, si éloignée de celle du XX e  siècle, est utile pour aborder les questions de répartition, non pour questionner la croissance. Des périodes dites d’immobilisme ont une part importante dans l’histoire économique des pays occidentaux, mais les Trente Glorieuses, avec leur croissance soutenue, ont rompu ce contrat de lecture. Le fordisme comme mode d’articulation entre l’offre et la demande, encadré par des transferts publics et privés importants, s’est imposé dans la plupart des grandes puissances occidentales. Et ce, jusqu’à faire penser, bien naïvement, que le monde allait s’unifier définitivement sous la houlette d’une seule forme de capitalisme après la chute du mur de Berlin et que, partant, la démocratie occidentale allait s’imposer sur le globe, par la violence s’il le fallait.
Qu’en est-il aujourd’hui ? La stagnation séculaire est défendue par des économistes de renom qui s’appuient sur deux réalités incontestables, la faiblesse de la demande et celle des gains de productivité. Mais peut-on parler de stagnation séculaire comme s’il était possible d’imaginer le monde dans un siècle ? Si ces économistes analysent avec talent la situation actuelle, ils sont muets sur une nouvelle répartition des revenus et des richesses et son impact, capables de renouer avec la croissance et de redonner une dynamique à l’économie mondiale. Enfin, la critique la plus profonde, structurelle, vient dans les années 1970, des rédacteurs du rapport Meadows, The Limits to Growth 4 , ou d’Ivan Illich, qui dénoncent les dangers mortifères de cette religion de la croissance, pour la planète comme pour la civilisation humaine. Et ils sont nombreux de Jacques Ellul à Cornelius Castoriadis et tant d’autres… Comme l’évoque Paul Ariès 5 , il n’est pas là question d’un retour en arrière, mais d’un pas de côté ou d’une décroissance, comme le développent des économistes aussi différents que Nicholas Georgescu-Roegen ou Serge Latouche.
Cette dénonciation prend d’autant plus de force qu’elle s’appuie sur bien d’autres refus, à commencer par celui du rôle central du travail dans les sociétés. Les tenants de cette approche sont plus que brillants, mais appartiennent à des courants de pensée très différents comme parfois Bruno Latour ou Jared Diamond qui inspirent souvent les tenants de ce biais désormais reconnu, la collapsologie. Mais la réflexion en France est menée, en particulier, par la sociologue très remarquée Dominique Méda 6 qui, après avoir annoncé la fin de la valeur travail, fait de même avec la croissance en invitant à plus de sobriété. La question fondamentale reste néanmoins : comment faire vivre dans les décennies à venir une population qui ne peut cesser de croître et trouver les moyens, comme on le constate aujourd’hui, de chercher du travail sans être arraché à son lieu de vie.
La croissance, et c’est l’objet de ce livre, s’insc

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