Dom Juan
59 pages
Français

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Description

Dom Juan est un grand séducteur qui multiplie les conquêtes amoureuses. Ce comportement suscite de plus en plus l’agacement de ses conquêtes malheureuses et de ses proches. Finira-t-il par le payer, comme on le lui prédit ?
Dom Juan est une pièce à part dans le répertoire de Molière. Les rires provoqués par les supercheries de Dom Juan se mêlent à l’ambiance pesante qu’inspire ce personnage fascinant…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2013
Nombre de lectures 286
EAN13 9791022100229
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ACTE I
SCÈNE I. Gusman, Sganarelle
Sganarelle,tenant une tabatière Quoi que puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est rien d'égal au tabac: c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu'on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d'en donner à droit et à gauche, partout où l'on se trouve? On n'attend pas même qu'on en demande, et l'on court au-devant du souhait des gens: tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent. Mais c'est assez de cette matière. Reprenons un peu notre discours. Si bien donc, cher Gusman, que Dona Elvire, ta maîtresse, surprise de notre départ, s'est mise en campagne après nous, et son cœur, que mon maître a su toucher trop fortement, n'a pu vivre, dis-tu, sans le venir chercher ici. Veux-tu qu'entre nous je te dise ma pensée? J'ai peur qu'elle ne soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville produise peu de fruit, et que vous eussiez autant gagné à ne bouger de là.
Gusman Et la raison encore? Dis-moi, je te prie, Sganarelle, qui peut t'inspirer une peur d'un si mauvais augure? Ton maître t'a-t-il ouvert son cœur là-dessus, et t'a-t-il dit qu'il eût pour nous quelque froideur qui l'ait obligé à partir?
Sganarelle Non pas mais, à vue de pays, je connais à peu près le train des choses et sans qu'il m'ait encore rien dit, je gagerais presque que l'affaire va là. Je pourrais peut-être me tromper mais enfin, sur de tels sujets, l'expérience m'a pu donner quelques lumières.
Gusman Quoi? Ce départ si peu prévu serait une infidélité de Dom Juan? Il pourrait faire cette injure aux chastes feux de Dona Elvire?
Sganarelle Non, c'est qu'il est jeune encore, et qu'il n'a pas le courage...
Gusman Un homme de sa qualité ferait une action si lâche?
Sganarelle Eh oui, sa qualité! La raison en est belle, et c'est par là qu'il s'empêcherait des choses.
Gusman Mais les saints nœuds du mariage le tiennent engagé.
Sganarelle Eh! Mon pauvre Gusman, mon ami, tu ne sais pas encore, crois-moi, quel homme est Dom Juan.
Gusman Je ne sais pas, de vrai, quel homme il peut être, s'il faut qu'il nous ait fait cette perfidie et je ne comprends point comme après tant d'amour et tant d'impatience témoignée, tant d'hommages pressants, de vœux, de soupirs et de larmes, tant de lettres passionnées, de protestations ardentes et de serments réitérés, tant de transports enfin et tant d'emportements qu'il a fait paraître, jusqu'à forcer, dans sa passion, l'obstacle sacré d'un couvent, pour mettre Dona Elvire en sa puissance, je ne comprends pas, dis-je, comme, après tout cela, il aurait le cœur de pouvoir manquer à sa parole.
Sganarelle Je n'ai pas grande peine à le comprendre, moi et si tu connaissais le pèlerin, tu trouverais la chose assez facile pour lui. Je ne dis pas qu'il ait changé de sentiments pour Dona Elvire, je n'en ai point de certitude encore: tu sais que, par son ordre, je partis avant lui, et depuis son arrivée il ne m'a point entretenu mais, par précaution, je t'apprends, inter nos, que tu vois en Dom Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni Enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, un pourceau d'Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l'oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons. Tu me dis qu'il a épousé ta maîtresse: crois qu'il aurait plus fait pour sa passion, et qu'avec elle il aurait encore épousé toi, son chien et son chat. Un mariage ne lui coûte rien à contracter il ne se sert point d'autres pièges pour attraper les belles, et c'est un épouseur à toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui et si je te disais le nom de toutes celles qu'il a épousées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer jusques au soir. Tu demeures surpris et changes de couleur à ce discours ce n'est là qu'une ébauche du personnage, et pour en achever le portrait, il faudrait bien d'autres coups de pinceau. Suffit qu'il faut que le courroux du Ciel l'accable quelque jour qu'il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où. Mais un grand seigneur méchant homme est une terrible chose il faut que je lui sois fidèle, en dépit que j'en aie: la crainte en moi fait l'office du zèle, bride mes sentiments, et me réduit d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste. Le voilà qui vient se promener dans ce palais: séparons-nous. Écoute au moins: je t'ai fait cette confidence avec franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche mais s'il fallait qu'il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti.
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