Meurtres à Loudun , livre ebook
113
pages
Français
Ebooks
2022
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Patrice Davanne
Stephan Piéchaud
Serge Zimmermann
Meutres à Loundun
Le vol des cendres
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.
© 2022 — — 79260 La Crèche
Tous droits réservés pour tous pays
www.gesteditions.com
PRÉAMBULE
Jeudi 14 décembre 1961, 10 heures, rue Gossin, Montrouge, à deux pas du petit bout de périphérique tout juste construit.
Un homme, nerveux et effrayé, la tête rentrée dans les épaules et un cache-col occultant le bas du visage, entre dans le complexe résidentiel d’immeubles en U par la rue Bouzerait. Il traverse la cour où des enfants jouent, libres, c’est jeudi. Il pénètre dans le bâtiment poétiquement nommé « Les Amarys ». Au deuxième à droite, porte 208, il frappe, attend fiévreusement. C’est la première fois qu’il va les rencontrer.
Lundi, il a reçu une lettre ordinaire. Le texte avec plans et ordres ne faisait aucun doute, après ces années au Parti, on faisait de nouveau appel à lui…
Il a fait le voyage en voiture, aucun train ne lui permettant de revenir rapidement chez lui, en province. Il a laissé sa vieille Ford Vedette du côté Montrouge de la Porte d’Orléans, sur l’avenue Aristide Briand.
Après cinq heures au volant, il était vanné. À 40 km/h en agglomération, et sur des routes médiocres, heureusement il n’a pas crevé !
Un homme sombre au regard terne vient lui ouvrir. Il est grand et mince dans un costume croisé brun, de mauvaise coupe. Sur le palier, il se laisse examiner, attend, les bras le long du corps, et malgré le froid hivernal qui envahit les couloirs de l’immeuble, il transpire.
L’homme le regarde scrupuleusement un long moment, puis il s’efface devant lui.
Sa nervosité prenant le dessus, à peine entré il commence :
— Bonjour je suis…
Un autre homme, copie conforme du premier, qui se trouve derrière la table de la salle à manger recouverte d’une toile cirée représentant la Côte d’Azur, lui ordonne fermement de se taire.
— Pas de nom, c’est clair ? Son accent germanique est fort, mais il parle un très bon français. Assieds-toi et écoute-nous camarade, c’est tout ce que tu as à faire ici, nous écouter et ensuite agir.
Sur la table un magnétophone. Il presse une touche et l’appareil ronronne.
— Dans le musée de ta ville, continue l’homme, il y a une urne qui contient les cendres d’un homme brûlé au bûcher, un des « héros » de cette cité... Tu vois de qui je veux parler ? Il se permet un sourire en coin… Il nous faut cette urne pour la semaine prochaine. Tu reviendras nous la rapporter ici même vendredi 22 à la même heure. C’est compris ?
Le visiteur sort un mouchoir à carreaux de sa poche et s’éponge le front, il n’a qu’une envie, c’est de partir.
— Oui j’ai bien compris, bredouille-t-il.
L’homme qui est derrière la table lui tend une enveloppe.
— 5 000 francs…, des nouveaux, précise-t-il. La même chose à la livraison. Le Parti sait prendre soin des camarades. À vendredi prochain.
Déjà le second gars est à la porte, il s’efface laissant partir le visiteur.
I INCROYABLE
Comme tous les matins, Philippe Martais se prépare à ouvrir le Musée Charbonneau-Lassay dont il a la charge depuis deux ans. Sa préparation débute au domicile, par un cérémonial bien rôdé. Il passe d’abord par son bureau pour récupérer les nombreuses clés du musée ainsi qu’une pile de revues qu’il a préparées, puis il sort du garage sa Panhard PL 17 dernier cri, couleur grenat.
Philippe Martais se déplace dans sa bonne ville de Loudun, exclusivement en voiture car il n’aime pas la marche à pied et tous les sports en général. Pour garder la forme de ses quarante-deux ans, il s’adonne à la gymnastique du quotidien avec des exercices au sol, bien plus commodes et qui demandent beaucoup moins d’efforts...
Habituellement, l’activité de Philippe Martais est assez limitée en semaine. Il est le propriétaire du cinéma et de la salle de concert du Rex, où l’on dansait autrefois toutes les fins de semaines avec entrain. Mais depuis les années cinquante, la fréquentation du dancing est en déclin. Les bals musettes des villages alentours lui ont ravi les danseurs des campagnes qui constituaient auparavant l’essentiel de sa clientèle, surtout au bar.
Alors pour compenser son activité plutôt nocturne, Philippe Martais joue les bénévoles auprès des services Culture et Patrimoine de la mairie. C’est ainsi qu’il a passé un accord et il a maintenant la charge et l’entretien courant des quelques monuments à visiter dans la ville, dont le musée Charbonneau-Lassay qui recèle des trésors et reliques du passé de Loudun.
Après avoir lustré brièvement le capot et les parties les plus en vue de sa voiture, Philippe engage sa sortie de garage selon un protocole de conduite qui n’a rien à envier à celui de la reine d’Angleterre, sinon l’absence de public. Seules les vieilles pierres de tuffeau de la rue du Patois où il réside peuvent témoigner des manœuvres délicates et parfaitement maîtrisées du chauffeur.
Après un détour par le centre-ville, Philippe se gare devant le bar l’Univers. Il commande un petit noir au patron, qui d’emblée lui commente la radio du matin et en particulier les derniers rebondissements de l’affaire Marie Besnard, qui ont joué en sa faveur.
Mais Philippe n’est pas très ouvert à ces bavardages sur l’affaire de la « bonne dame de Loudun ». Il sait combien les médisances et les rumeurs extravagantes peuvent être dangereuses. Son père, hélas disparu, a connu dans le passé de semblables tourments. Typographe de son métier, il était surtout connu dans les milieux anarchistes. Son épouse Bérengère n’appréciait guère les positions de son mari ; néanmoins elle l’écoutait avec compassion, ce qui n’était pas le cas des « bonnes gens » de Loudun qui l’affublaient d’une mauvaise réputation.
Philippe porte toujours les stigmates de ces années où son père et lui « rasaient les murs » pour ne pas être vus des Loudunais bien-pensants. Sa défiance exagérée envers les détenteurs de la morale le fait fuir depuis ce temps-là…, alors que les ténébreux, voire les occultes attisent davantage sa curiosité.
Mais il est bientôt onze heures et c’est le moment d’aller ouvrir le musée pour le préparer aux visites de l’après-midi. La Panhard franchit en trois minutes le kilomètre et demi qui sépare le bar l’Univers de la rue du Château, où se trouve le musée. Philippe se gare consciencieusement comme tous les samedis sur un dégagement qui amorce la rue des Paviers, là où trois cents ans plus tôt habitait le jeune et séduisant Urbain Grandier qui fut brûlé vif pour sorcellerie...
La journée du 16 décembre 1961 s’annonce belle et ensoleillée, ce qui ravit Philippe.
Le musée Charbonneau-Lassay est installé dans un ancien hôtel particulier du xviii e siècle, propriété d’une riche et vieille famille rurale. Pendant la dernière guerre, c’était une maison d’accueil pour les réfugiés lorrains qui disposaient dans ces lieux de services sociaux et même d’une maternité. Puis l’ensemble des collections et legs de l’historien-archéologue Louis Charbonneau-Lassay y trouva refuge en 1947.
Son lourd trousseau de clés en main et sa pile de revues sous le bras, Philippe s’apprête à franchir le seuil de l’entrée du musée. Tout de suite, son regard est attiré par un énorme éclat de bois sur le montant de la porte, au niveau de la serrure. Pas d’erreur, l’huisserie est bel et bien fracturée, le dormant endommagé laisse entrevoir le hall d’entrée.
Il demeure stoïque mais il est cependant très choqué : un bâtiment de la communauté vandalisé…, ça ne s’est jamais vu à Loudun !
Philippe pénètre à l’intérieur, perplexe, il essaie de comprendre le but de cette visite indésirable. D’abord l’inventaire des objets et des œuvres exposés : il déambule salle après salle, quand tout à coup le choc et l’incompréhension le saisissent lorsqu’il découvre avec effroi que la vitrine des « Illustres » Loudunais est brisée. Au premier abord Philippe ne recense aucune disparition dans cette vitrine. Mais en regardant plus attentivement entre les collections, les bibelots et les objets d’art… Non, impensable ! L’urne de verre contenant les cendres d’Urbain Grandier a disparu.
Philippe prend tout à coup conscience de l’étrangeté de cette disparition. Les restes d’un personnage historique local ! Mais qui peut s’intéresser aux cendres d’un pauvre curé condamné au bûcher pour sorcellerie ? Pendant qu’il poursuit cette réflexion, il ressort discrètement et le plus délicatement possible pour ne pas polluer la scène.
Il se dirige d’un pas rapide et décidé vers sa voiture pour aller déposer plainte au plus vite à la gendarmerie de Loudun. Il pressent que ce ne sera pas suffisant et décide de prévenir ensuite ses deux amis Christophe et Roscoe pour lui prêter main forte.
La gendarmerie de Loudun est située au milieu de l’avenue de la Gare, c’est un quartier tranquille.
Bien que le bel immeuble xix e de la caserne de gendarmerie renferme toutes les commodités, nos représentants de la loi préfèrent le contact direct avec les Loudunais, notamment dans les cafés de l’avenue où chacun sait les trouver en cas de besoin...
Philippe stationne la Panhard sur la place de la Gare, puis il se dirige à grandes enjambées vers le café le plus emblématique et le plus apprécié de nos gendarmes : le Café du Midi.
L’adjudant Balant est bien là, campé devant le zinc, un verre de blanc à la main. Il écoute les cloches sonner l’heure de midi et c’est important, car c’est aussi le moment de passer au pastis.
Philippe sait que ce n’est pas l’instant idéal pour déclarer un sinistre ; l’adjudant ne sera pas très réceptif et son acuité sera certainement un peu défaillante.
Il se hasarde quand même à lui raconter brièvement les faits et lui suggère de se retrouver au musée après le déjeuner, vers deux heures, pour établir sur place le procès-