Un chemin de rocailles , livre ebook

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Au début du XXe siècle, Sophie, petite fille espiègle et volontiers casse-cou, vit entre une mère un peu trop autoritaire et une grand-mère qui déborde d'affection. Un jour, un inconnu qui se prétend son père débarque dans la maisonnée et bouleverse l'existence tranquille de la jeune Sophie.
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Nombre de lectures

149

EAN13

9782812916496

Langue

Français

La notoriété deMarie de Palets’est développée à l’heure de la retraite, lorsqu’elle a abandonné son stylo rouge d’institutrice pour sa plume d’écrivain. Lozérienne de racines et de cœur, elle met en scène sa province d’origine dans ses livres, dans lesquels elle dévoile sa connaissance intime du monde paysan d’autrefois. Un succès mérité jamais démenti.
UN CHEMIN DE ROCAILLES
Du même auteur Aux éditions De Borée
Amandine, collection Romans, De Borée, 2007 ; collection Terre de poche, De Borée, 2010. Le Village retrouvé, collection Romans, De Borée, 2010. Sidonie des Bastides, collection Romans, De Borée, 2009. Retour à la terre, collection Romans, De Borée, 2004 ; collection Terre de poche, De Borée, 2009. Céline, une vie toute simple, collection Romans, De Borée 2008. Mademoiselle Fine, collection Romans, De Borée, 2006. Le Sentier aride, collection Romans, De Borée, 1999 ; collection Terre de poche, De Borée, 2006. Tistou, collection Romans, De Borée, 2005. L’Enfant oublié, collection Romans, De Borée, 2001 ; collection Terre de poche, De Borée, 2004. La Demoiselle, collection Romans, De Borée, 2003. La Tondue, collection Romans, De Borée, 2000 ; collection Terre de poche, De Borée, 2002. Les Terres bleues, collection Romans, De Borée, 2002.
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. © , 2011
MARIE DEPALET
UN CHEMIN
DE ROCAILLES
I
Une enfance heureuse
GUÉNOUS EST GELÉ ! Aguénous est gelé ! - A D’une voix fluette à une petite oreille, l’information avait circulé dans le village et, après le repas de midi, ils s’étaient r etrouvés, garçons et filles, autour du ruisseau que la glace recouvrait d’une chape épa isse. Ce n’était pas tous les hivers que pareille aubaine survenait. Même s’il fa isait très froid, Aguénous était lent à « prendre croûte », comme disaient les vieux . Le torrent descendait de Balduc. Il commençait à se lancer comme un fou, sur le versant de la vallée, puis s’assagissait en arrivant dans les champs moins pen tus pour reprendre un peu de vitesse avant de rejoindre la Nize où il s’englo utissait dans une dernière colère. Cette année-là, aux avents, la neige était tombée e n abondance et avait isolé le village pendant de longs jours. Même le dimanche , personne n’avait pu se rendre à l’église malgré la témérité d’un groupe de jeunes se faisant fort de braver les éléments pour arriver jusqu’au village v oisin. Ils avaient dû abandonner sous le regard narquois des vieux qui n’ avaient pas voulu ajouter à leur dépit en leur disant : « On vous l’avait bien dit ! » On avait tracé des chemins de maison à maison, de l a fontaine au four et des étables aux granges, et on avait vécu une semaine d ans la chaleur protectrice des foyers, en attendant que toute cette couche bla nche soit emportée par la pluie ou le soleil. Mais la pluie n’était pas venue et le soleil se hâtait de raser l’horizon, faisant fondre la neige aux endroits les mieux exposés. La température glaciale de la nuit réduisait ses efforts à néant, transformant en glace tout ce qui était devenu eau dans la journée. Le froid glacial avait duré, duré ; et, aujourd’hui , il avait même réussi à geler le ruisseau d’Aguénous. La nouvelle avait circulé dans la gent enfantine, et, du plus petit au plus grand, filles ou garçons, ils arrivai ent de tous les coins du village et prenaient le rang pour de mémorables glissades. Quelques malins réussissaient bien à se faufiler en jouant des coudes et parvenaient à passer avant leur tour en bousculant la file d’attente. Quelques cris fusaient alors, mais tout se passait plus ou moins bien. Les plus entraînés ou les plus téméraires s’en alla ient prendre le ruisseau, très haut, à l’endroit où le terrain penchait beaucoup, au risque de se rompre le cou. Les plus petits ou les plus peureux se contentaient de glisser en plein milieu, là où le ru s’assagissait et où la glace était la plus épaisse. Sophie, elle, n’avait pas froid aux yeux. Elle n’av ait que huit ans, mais elle partait le plus haut possible, là où la glace avait du mal à se former car l’eau courait trop vite. Elle était vive et légère, mais elle avait, quelquefois, entendu des craquements sinistres qui lui avaient donné des frissons dans le dos et la faisait se pencher en avant, de toutes ses forces, sur ses sabots lisses, pour échapper, au plus vite, à la catastrophe. Car, il a rrivait que le ruisseau cède sous le poids des gamins, et alors c’était le plongeon d ans une eau glaciale et le départ, au pas de course, vers la maison où attenda ient quelques taloches, une jupe ou un pantalon sec, et une séance au coin du f eu avec interdiction de sortir
! Mais ces punitions ne pouvaient assombrir les mer veilleuses joies de la glissade et la sensation de courir sans bouger qui saisissait tous les enfants comme leurs parents avant eux et cela depuis des gé nérations. C’étaient les plaisirs de l’hiver qu’aucun enfant n’aurait voulu manquer et qui faisaient sourire les anciens qui avaient aussi connu de telles joies en leur temps. Aujourd’hui, Sophie était ravie. Sa mère était sévè re et ne lui permettait que rarement de telles escapades. Elle trouvait toujour s un prétexte pour la retenir à la maison et la priver de ces bonheurs simples dont la fillette raffolait. – Laisse-la donc s’amuser, disait sa mère, la vieil le Apolonie, celle qui racontait des histoires merveilleuses et pouvait, a vec un mouchoir, faire une petite souris ou fabriquer un pont avec trois fourc hettes. La fillette l’admirait sans retenue, éblouie, chaqu e fois, du savoir de la vieille femme. Apolonie riait de bon cœur de l’étonnement d e Sophie et, même, en tirait une certaine fierté. Marianne, la mère, au contraire, haussait les épaul es en regardant sa mère et sa fille se passionner en commun pour des passe-tem ps inutiles. – Il vaudrait mieux lui apprendre à travailler, gro mmelait-elle, ça lui sera plus utile, plus tard ! Comme prise en faute, la vieille femme arrêtait bru squement ces enfantillages, au grand désespoir de l’enfant qui en voulait à sa mère pour cette phrase qui gâchait sa joie. Il est vrai que, pour Marianne, co uturière de son métier, rien d’autre ne comptait que le travail. Sophie la voyai t toujours étaler des patrons sur la table de la salle commune, tailler, coudre, ajus ter du matin au soir et du soir au matin… Quand elle se levait, le matin, sa mère se trouvait sous la lampe en hiver ou devant la fenêtre, en été. Un tissu sur les genoux, elle cousait à petits points serrés. Apolonie s’occupait de la cuisine et du jar din, Marianne ne quittait sa chaise que pour manger en vitesse et elle retournai t à sa chaise. Elle cousait, cousait et cousait encore… Après le repas du soir et la prière dite à genoux, face au crucifix, Marianne reprenait ses ciseaux, son fil et ses aiguilles et recommençait à coudre. Sophie, dont les yeux avaient du mal à rester ouver ts malgré tous ses efforts, partait au lit en cours de soirée. Après un rapide bonsoir, escortée de sa grand-mère, elle gagnait la chambre qu’elle partageait av ec sa mère et tombait tout de suite dans un sommeil profond. Quand elle se réveil lait, le lendemain matin, le lit de sa mère était vide, toujours bien bordé. Elle av ait longtemps pensé que sa mère ne se couchait jamais… Maintenant, elle avait huit ans et savait que Maria nne veillait tard et se levait tôt pour faire vivre toute la maisonnée. Son père, elle ne l’avait jamais connu. On lui avait dit qu’il était mort quand elle avait deu x ans, dans le midi, du côté de Béziers, d’une mauvaise fièvre, disait sa mère qui n’aimait pas évoquer cet épisode. Demeurée seule dans la vie, avec un bébé, Marianne n’avait pas eu le choix. Elle était venue rejoindre sa mère Apolonie, dans l e petit village de Blachères où elle était née. Les quelques champs que possédait l a grand-mère permettaient la culture de pommes de terre. En saison, le jardin fo urnissait les légumes, et le travail de la jeune femme suffisait à peine à leur assurer le pain quotidien. C’était une vie très dure. Sophie devait, elle auss i, mettre la main à la pâte. Elle était chargée de rechercher du bois mort pour compléter leur maigre
réserve. Elle devait en plus s’occuper des lapins e t des poules. Pour les lapins, c’était facile : ils étaient toujours contents et m angeaient en bougeant leur nez rose, ce qui amusait beaucoup la petite fille. Mais les poules étaient capricieuses, indépendantes et stupides. Elles s’amusaient à aller aux endroits que Sophie leur in terdisait. Elles pondaient n’importe où et en des lieux les plus inattendus, e t elles vous regardaient d’un œil rond totalement dépourvu d’intelligence dont el les tiraient fierté. Ne parlons pas des coqs, ces bêtes malfaisantes tou jours prêtes à sauter sur la fillette si elle n’avait pas été sur ses gardes… Ils la contemplaient bêtement, en avançant le jabot d’une démarche pesante comme s ’ils avaient été les empereurs de la basse-cour ! La petite fille détest ait toute cette engeance gallinacée qui le lui rendait bien et la regardait arriver d’un petit œil obtus et rusé qu’elle ne savait jamais comment interpréter. Malgré cela, Sophie était heureuse. Sa vie s’écoula it doucement entre une grand-mère débonnaire et souriante et une mère trav ailleuse et débordée qui tremblait pour son enfant comme si elle avait peur que le vent ne l’emporte. Si les jeux présentaient le moindre danger, Marianne e mpêchait sa fille de se joindre aux autres ; si le temps était mauvais, ell e exigeait que Sophie s’emmitoufle comme une momie. La fillette détestait ça et les autres la traitait de frileuse. Pour faire voir qu’elle n’était pas une p oule mouillée, elle bravait les interdits et n’hésitait pas à se mêler aux garçons pour accomplir des exploits que tous admiraient mais qui auraient pu se terminer en accident. Une fois, sa mère l’avait surprise, en haut d’un mu r, prête à sauter dans le vide. La hauteur l’avait épouvantée. Elle en avait crié de terreur et évité à sa fille de se rompre les os. Malgré la correction qu’elle a vait reçue, Sophie avait recommencé en prenant soin de le faire loin des yeu x de sa mère et ne prenant plus que des risques calculés : elle avait eu peur, elle aussi… Quoi qu’il en soit, elle passait pour une casse-cou et sa réputation était bien méritée. À l’école, elle comprenait vite mais se faisait gro nder pour son étourderie, son bavardage et ses colères farouches quand elle était victime d’une injustice ou quand on essayait de la piéger. Été comme hiver, el le marchait en sabots comme la plupart de ses amis. Il n’y avait que les filles Berthaux, Julie, Lucile et Anaïs, qui portaient des chaussures en cuir et des jupes longues à godet. Sophie et les autres se contentaient d’une robe taillée da ns une vieille jupe de leur mère qui couvrait à peine les chevilles mais qui leur pe rmettait de courir à l’aise. La mère des trois demoiselles Berthaux qui étaient à peine plus âgées que Sophie apportait à Marianne des coupons de tissu d’ une finesse sans égale. La jeune femme leur confectionnait des toilettes qu’el le essayait sur sa fille et Sophie rêvait, rêvait… Elle se tournait et se retournait, faisant tournoye r la jupe pendant que sa mère piquait des épingles à un endroit ou à l’autre en l ui criant de ne pas bouger. Les filles Berthaux ne se mélangeaient pas aux gami ns du village, de même que leurs frères Amédée et César que l’on voyait pe u. Ils ne fanaient ni ne moissonnaient dans leurs champs comme faisaient tou s les paysans du village. Ils suivaient leur père qui se contentait, le matin , de donner des ordres au chef de travail et revenait voir, le soir, si le chantie r avait été respecté. Ils habitaient une ferme, la plus grosse à des lieu es à la ronde, avec cinq paires de bœufs et un grand troupeau de vaches dont la première portait une
clochette dorée au son cristallin. Une armée de dom estiques et de servantes s’occupait des travaux les plus difficiles ou les p lus ennuyeux. La mère, Adèle, régnait sur la cuisine et le cellier. Les trois dem oiselles Berthaux se devaient de l’aider à préparer beurre et fromage. Elles avaient pour consigne d’apprendre les rudiments de cuisine, de couture et d’économie qu’e lles complèteraient par un séjour au couvent de la ville quand elles seraient plus grandes. En attendant, elles passaient tous leurs jours de congé à la mais on et, de leur fenêtre, suivaient les glissades sur le ruisseau sans jamais pouvoir y participer. Seuls les garçons auraient pu s’y rendre, mais ne profitaient que rarement de la permission. Julie et Lucile avaient jeté un coup d’œil par la f enêtre en entendant les cris des enfants, puis elles étaient retournées dans leu r chambre, occupées à un travail de couture. Anaïs était restée le nez collé à la vitre, regrett ant de ne pouvoir partager les jeux des autres enfants. Elle aurait tout donné pou r pouvoir chausser des sabots, changer sa belle jupe contre celle, informe, des au tres filles et filer vers Aguénous et ses plaisirs de l’hiver. Elle enviait s urtout Sophie avec qui elle s’entendait bien et dont elle distinguait les cris et le rire qui montaient dans l’air froid. Sophie, elle, ne pensait à rien si ce n’était à se laisser glisser sur cette surface transparente qui lui procurait les plus belles émotions de sa jeune vie.
II
L’accident
A SOIRÉE S’AVANÇAIT. Le soleil descendait à une vitesse vertigineuse ve rs L l’horizon. Il allait falloir rentrer et, déjà, les plus timorés ou les moins passionnés de glissade s’en revenaient lentement ve rs le village. Sophie n’avait aucune envie de partir. Elle glissai t en compagnie de Marcelle, la benjamine des Faure, métayers au village. Marcel le admirait Sophie et la suivait comme son ombre. Timide et renfermée, elle se contentait de rester dans l’entourage de sa grande amie. Sophie n’avait pas d ’attirances spéciales pour elle mais elle était gentille avec elle et l’entraî nait souvent dans des aventures dont la petite Marcelle se serait bien passée. Marc elle tremblait de peur mais la suivait docilement, craignant de se dévaloriser aux yeux de son amie. À Aguénous, elle se contentait de se lancer dans la glissade à l’endroit le plus facile et de sortir avant d’atteindre le lit de la rivière. Elle n’avait ni l’habileté ni le savoir-faire de Sophie. Malgré sa prudence, ce jour -là, elle se sentit emportée vers l’endroit dangereux où le ruisseau finissait d ans la rivière. Elle paniqua tout de suite, voulut sortir, se conto rsionna et finit par tomber à la renverse sur la glace. Elle glissa, glissa, et sera it partie dans la rivière si l’un des grands garçons ne l’avait rattrapée, juste à temps ! Il la déposa sur la berge, dans le pré. Marcelle ne bougeait pas et paraissait morte. Ce fu t l’affolement : les enfants ne savaient que faire. L’une des jambes de la petit e fille formait un angle anormal et elle ne revenait toujours pas à la vie. Tous la croyaient morte et quelqu’un suggéra même d’aller chercher le curé. So phie s’agenouilla près de sa camarade et la toucha. Marcelle remua ; l’espoir re vint dans le groupe. Peu à peu, la fillette se réveilla et ouvrit de grands ye ux. Quand elle comprit où elle était, elle voulut se le ver mais poussa un cri de douleur : elle ne pouvait bouger une de ses jambes. Alors, elle se mit à pleurer et, en la voyant, les autres furent encore plus dés emparés. Ce fut Sophie qui, malgré son jeune âge, prit la dé cision d’aller avertir la mère de Marcelle. Garçons et filles la regardèrent parti r sans bouger tandis que Marcelle redoublait de larmes. La famille alertée arriva. Catherine, la mère de Ma rcelle, et Jeannot, son frère. La mère criait et sanglotait, lançant des imprécati ons à la ronde contre les enfants du village, contre sa fille, contre le gel et contre la terre entière sans pouvoir s’arrêter. C’était une femme bien en chair qui avait l’habitude des gros travaux et que les tâches les plus dures ne rebutai ent pas. Elle saisit sa fille à bras-le-corps et voulut l’emporter vers sa maison. Mais la fillette commença par hurler et protester qu’elle avait mal. Sa mère ne l ’écouta pas et continua à la serrer dans ses bras robustes. Tout à coup, Marcell e devint flasque entre ses bras et elle la reposa, la croyant morte. Elle s’as sit près de sa fille et se mit à pleurer. Marcelle ne bougeait pas. Au bout d’un tem ps qui parut très long à tout le monde, la fillette reprit conscience, mais suppl ia sa mère de ne pas la toucher. – Mais, pauvre, on ne va pas te laisser couchée sur la neige ; tu vas attraper la mort !
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