PARIS À LA LOUPE
192 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

PARIS À LA LOUPE , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
192 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Je m’étonnais de la quantité de baisers donnés chaque jour. Le Parisien se cherche un passage. Chaque coeur lui pose un problème qu’il veut résoudre. C’est pourquoi il donnera des baisers sur le front sur les yeux, sur la nuque, sur les joues, dans les cheveux, et enfin, lorsque les murs sont tombés, vient le baiser sur la bouche, le baiser du vainqueur, le seul qui ait vraiment de la saveur et du prix aux yeux de ce combattant infatigable qu’est le Parisien. La cour aboutit toujours à ce dernier baiser. Mais la cour aboutissait-elle à autre chose qu’à une impasse, à un cul-de-sac, même au moyen-âge où le mot désignait une ruelle ne menant nulle part? Il existe du reste dans ce pays, un traité du baiser comme il existe un manuel de l’artilleur. C’est que la femme est certainement le fort le plus difficile à prendre...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 64
EAN13 9782372231459
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

BERNARD B. DADIÉ
PARISÀ LA LOUPE
CIV 3145
Paris à la loupe
PARIS À LA LOUPE
Quelques mots en guise de présentation.
Ils pourraient se résumer à une question et à deux appré-ciations sur le texte : celle d’une lectrice-écrivaine et celle de l’auteur lui-même.
La question comporte deux interrogations liées : pourquoi la maison d’édition Présence africaine qui a reçu le ma-nuscrit ne l’a-t-elle pas édité ? Pourquoi cet ouvrage écrit et terminé en septembre 1956 à Paris est-il resté inédit ?
Rappelons que l’unique roman de Dadié, intitulé Climbié, publié chez Seghers, terminé le 18 avril 1953 (jour de l’ac-quittement définitif des Huit de Bassam), est achevé d’im-1 primer le 31 janvier 1956 et que sa chronique:
1 Un genre littéraire dans lequel Dadié a su exprimer toute l’originalité de son regard sur le monde tel qu’il va. Les sens en éveil, la main, le nez, la vue, l’écoute, ce promeneur de plusieurs continents s’est forgé une écriture tout en glissando, en associations, en juxtapositions souvent surprenantes, laissant sa part au hasard, au« nez en l’air » du promeneur non prévenu. Mais ce promeneur ne « badaude » jamais, il scrute, voire il espionne, derrière les apparences ou dans les apparences, les maux du passé, du présent. Des maux qui, si l’on n’y porte remède, risquent d’être ceux du futur. Au-delà de ce qui est dit, il y a ce qui est suggéré. Au-dessous du texte, il y a sa partie immergée que le lecteur éprouvé, l’amateur de littérature, l’Africain rompu à l’usage subtil et laconique de la parole, entrevoit dans les ellipses du texte. «En Afrique, nous, on parle par ellipses», aime-t-il conïer à ses interlocuteurs (Cf. Entretien avec Lucie-Mami Noor Nkake, ibidem) (Il faudra bien un jour se pencher sur les points de suspension, les silences si révélateurs des textes de Dadié. Non, son écriture n’est pas lisse).
5
Paris à la loupe
Un Nègre à Paris, publiée par Présence africaine et censée avoir été écrite entre le 14 juillet et le 2 août 1956 à Paris, est achevée d’imprimer le 1er septembre 1959. Trois ans d’at-tente avant publication, alors qu’il n’en a fallu qu’un pour sa chronique de New York : Patron de New York, ouvrage terminé le 18 mars 1963 et achevé d’imprimer le deuxième trimestre 64. En revanche, la chronique qui met en scène Rome : La Ville où nul ne meurt, écrite, et terminée tou-jours selon les indications portées en fin d’ouvrage, le 24 mars au 3 avril 1959, ne sera imprimée qu’en 1968, toujours par Présence africaine.
Une première constatation s’impose : après le recueil de poèmes :Afrique debout! (Paris, Seghers, 1950) puis un recueil de contes et légendes intitulé simplement :Lé-gendes africaines (Paris, Seghers, 1954), suivi par un autre ouvrage de contes : Le Pagne noir(Présence africaine, 1955) et un autre recueil de poèmes :La Ronde des Jours (Paris, Seghers, 1956), on ne peut qu’admirer une telle fé-condité en l’espace d’une seule décennie.
Certes, l’écrivain avait accumulé du grain pendant toute la décennie antérieure. Il avait « beaucoup lu » et beaucoup écrit. A sa sortie de la prison politique (1949-1950) où le régime colonial alors en vigueur en Côte d’Ivoire avait cru pouvoir étouffer son talent et casser sa plume, ses tiroirs sont remplis de brouillons d’œuvres qui ne demandent qu’à être achevées, comme il le dit lui-même. Aujourd’hui,
6
Paris à la loupe
2 le reste de sa bibliothèque en instance d’être ouverte aux chercheurs est aussi riche en ouvrages littéraires très di-3 vers qu’en ouvrages d’histoire, d’anthropologie et de po-litique. Sa curiosité encyclopédique y est à tout moment palpable quand on trouve, au hasard de ses textes manus-crits, feuillets ou cahiers, les listes bibliographiques qu’il dresse et un très grand nombre de notes de lectures.
L’acuité du regard, l’alacrité de l’écriture et la rapidité de la rédaction des trois chroniques sur Paris, Rome et New York, les villes-phares d’un « vieux » et d’un « nouveau » continents qu’il ne découvre qu’entre quarante et cin-quante ans, s’expliquent en partie par l’agilité constam-ment travaillée de sa pensée et de sa plume. Il nous faut ajouter aux carnets et feuillets sur lesquels, au hasard, il jette des notes et des pages « à faire », comme à l’énorme capacité culturelle à garder en mémoire toute chose vue et vécue partagée par beaucoup des hommes et femmes de sa génération deux qualités qui, entre d’autres, lui sont toutes personnelles et relèvent de la discipline d’écrivain qu’il s’est imposée : celle de pouvoir saisir en un instant l’essentiel d’un geste, d’un propos, d’une attitude, et celle de savoir confier à ses seules cellules grises la composi-tion, la rédaction et la conservation de ses œuvres futures.C’est ce qu’il appelle « être enceint ». Il confiait volontiers être en mesure de se délivrer de cet enfant de papier en quelques jours et quelques nuits (non sans avoir, au préa-2 Nous l’espérons pour bientôt. 3 Tous les quarante ouvrages de La comédie humainede Balzac y ïgurent, mais aussi tout le théâtre de Tchécov…
7
Paris à la loupe
lable, placé sur sa table… une bonne bouteille de vin). Des pages manuscrites sans ratures confirment, semble-t-il, cette assertion.
Le fait que par deux fois les papiers de l’écrivain aient été saisis par les polices, coloniale puis nationale, en 49 et 4 en 63 , alors qu’il était en long séjour à l’étranger (USA), ne plaidait certes pas en faveur de la multiplication des brouillons.
Ces mêmes événements d’ailleurs peuvent nous per-mettre de répondre en partie à la question : pourquoiPrésence africaine éditions n’a-t-elle pas édité Paris à la loupe?
L’enjeu était de taille. Au retour de Bernard Dadié des USA, ne fallait-il pas le protéger des aléas de la politique en son pays par l’écho d’une publication de large ampleur ? Non seulement par la taille de l’ouvrage (311 pages) mais aussi par son propos qui déconstruit le toujours puissant mythe américain. Déconstruire le mythe qui tourne souvent à la mystification d’une terre promise et messianique dont New York serait la quintessence alors qu’en Harlem, au cœur même de la cité, se joue la tragédie du paraître et de l’être et qu’en ses avant-postes, la Liberté qui accueille l’étranger y est étroitement normée.
4 Période dite des «Faux complots ».
8
Paris à la loupe
N’oublions pas que la question était à l’ordre du jour : à la fois parce que Paris était en ces années-là terre d’asilepour beaucoup de musiciens, d’artistes et d’écrivains nord-améri-cains (pas seulement Noirs) et que le chef de l’Etat français, de Gaulle, prenait ses distances avec l’allié d’Outre-Atlan-tique. Aussi, a supposer qu’il fallût choisir entre les chro-niques, il était de bonne politique d’édition, après le succès d’Un Nègre à Paris, de choisir l’œuvre la plus percutante pour des lecteurs français.
Mais pourquoi ne pas avoir édité, même plus tard, Paris à la loupe?
Sur ce texte, deux jugements nous semblent intéressants à rappeler. En premier, en cette année 1960, où l’œuvre est proposée en lecture, celui de la lectrice-écrivaine pour Pré-5 sence africaine : Andrée Clair . Voici des extraits de sa lettre, conservée par l’auteur, datée du 11 mai 1960 : «Je viens de finir votre tapuscrit : Paris à la loupe. A la page 13, j’avais déjà éclaté de rire deux fois, ce que dans ma grande simplicité, j’ai trouvé remarquable et m’a fort bien disposée pour le reste […] Faites-moi grâce des louanges. J’aime tout ce que vous écrivez. Là encore, très souvent, comme dans Un Nègre à Pa-ris, j’ai souvent doucement ri5 Andrée Clair (1916-1998), écrivaine, essayiste, journaliste ; auteur deMoudaïna, ou deux enfants au cœur de l’Afrique, Prix Jeunesse, 1952. Rappelons quelques éléments biographiques qui la concernent en les relevant dans la même lettre qu’elle adresse à Dadié, le 11 mai 1960 : «Nous sommes nés la même année. J’ai ïni mes études primaires supérieures en 1936. J’ai travaillé au Musée de l’Homme (section Afrique Noire). J’ai été assistante d’ethnologie à Brazzaville, professeur dans un lycée africain au Tchad. […] et en 48 je me suis fait expulser […] d’AEF[…] Vous êtes vraiment un vieux frère…»
9
Paris à la loupe
Le deuxième jugement n’est autre que celui de l’écrivain lui-même, dans un entretien accordé à Paris, le 18 avril 1998, à Lucie-Mami Noor Nkaké et approuvé par le comité de Rédaction de la Revue Présence-Africaine qui devait le publier. En voici quelques extraits :
«Paris à la loupe? J’ai fait ce livre […] en 1958. […] Paris à la loupe analysait les faits que j’ai constatés dans Un Nègre à Paris. […] J’ai parlé des rues, de certaines rues de Paris. Et un des lecteurs – une dame - de Présence africaine a fait rejeter mon livre parce qu’il croyait que je faisais l’éloge de certaines choses qui se passaient dans certaines rues. Ce livrea été censuré par nous-mêmes».
A la suite, l’auteur regrette la pudibonderie ou encore la timidité critique, qui aurait fait obstacle à l’édition de l’ou-vrage et, d’une certaine manière, à la liberté de dire de l’écrivain.
Dadié n’en estime pas moins, en 1998, que «depuis 1958», son livre est dépassé. Le lecteur appréciera…
Les discussions qu’il y soulève, sur les relations entre ex-colonisateurs et ex-colonisés supposaient, un jour, dit-il : «les indépendanceshélas « », ficelé[es] » par nos «patrons». Aujourd’hui, précise-t-il, ce n’est pas à partir de Paris qu’il faut agir mais il faut «avoir les pieds bien plantés dans [ton] sol pour être sûr que tu existes, que tu peux exister. »
10
Paris à la loupe
Il ajoute avec une force de conviction et de franchise rare : «On ne peut pas vivre comme ça, assujettis, non. On ne peut pas continuer à traverser les siècles avec tous les problèmes de « transatlantique et de transsaharienne ». Tout ça a joué et joue encore sur nous, sur la mentalité. Donc il faut que les Africains remontent l’histoire, re-trouvent les sources de tous leurs maux. Les maux ne sont pas seulement superficiels. C’est […] comme lorsqu’il y a du pus dans un furoncle. Tant que tu n’as pas enlevé la ra-cine, le germe, la plaie continue de produire du pus et dès que tu touches, ça gicle. Ce continent est sur une jambe de 6 bois pour cette raison. »
Dadié avait répondu, avec la mansuétude et l’égalité d’hu-meur qu’on lui connaît, à la lectrice qui se vantait d’avoir fait rejeter son livre : «Tant pis, il sera un jour publié…»
La Bibliothèque-Archives de Bernard Binlin Dadié est heu-7 reuse qu’il le soit aujourd’hui, tel quel , dans son pays, la Côte d’Ivoire, et par un éditeur de son pays.
Nicole Vincileoni
6 Mots graves, mots lourds de sens, dont nous savons gré à Lucie-Mami Noor Nkake d’avoir su les recueillir et les transcrire en laissant à l’entretien « délibérément » le ton de la « conversation ». Bernard Dadié a gardé soigneusement cette transcription sans apprêts et le courrier que Lucie-Mami Noor Nkake lui adressait en date du 15/09/98. 7 « Brut de décoffrage », pourrait-on dire, puisque rien n’a été changé au Texte proposé en lecture à Présence africaine.
11
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents