Fille de chouans , livre ebook

icon

218

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2023

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

218

pages

icon

Français

icon

Ebook

2023

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Delly (1875-1947) (1876-1949)



"Le ronflement de la faucheuse rompait presque seul le silence qui régnait sur les champs maintenant à peu près complètement dépouillés. Les travailleurs, las d’une journée de chaleur orageuse extrêmement pénible, échangeaient à peine, de temps à autre, quelques interpellations sans entrain. Ils se hâtaient, car, vers l’ouest, de lourds nuages sombres, ourlés d’une teinte cuivrée, annonçaient un orage prochain.


– Allons, les garçons, ça avance ! Encore une demi-heure, et tout sera fini !


Ces mots étaient prononcés par un grand vieillard maigre, dont la physionomie bienveillante et noble s’encadrait d’une large barbe blanche. Il était vêtu simplement, en propriétaire campagnard. Il y avait en lui un singulier mélange de rusticité et de distinction... Et c’était celle-ci qui l’emportait un peu sur l’autre.


– Une demi-heure, monsieur Bordès ?... Croyez-vous que l’orage va attendre jusque-là ? dit un des moissonneurs.


Le vieillard leva les yeux vers l’ouest et fronça un peu ses épais sourcils blancs.


– Hum !... Enfin, travaillez ferme, mes gars, peut-être ça se tirera-t-il jusque-là ! Et puis, on vous prépare un bon repas là-bas, pour le dernier jour de la moisson. N’avez-vous pas vu mon petit-fils par ici ?


– M. Laurent était là il y a dix minutes. Il est allé faire un tour aux vignes, qu’il m’a dit, répondit celui qui dirigeait l’équipe des travailleurs."



Sacrilège pour la famille Bordès, famille baignant dans la religion : Alexandre, l'un des fils, monté à Paris pour devenir médecin, va se marier avec la fille d'un député anticlérical ; autant dire qu'il passe dans le camp ennemi...Puis c'est l'assassinat d'une voisine... Ninon Bordès soupçonne Didier, l'ami d'enfance dont elle est amoureuse, d'être le meurtrier...

Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

03 mai 2023

Nombre de lectures

0

EAN13

9782384422241

Langue

Français

Fille de chouans


Delly


Mai 2023
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-224-1
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1222
Première partie
I

Le ronflement de la faucheuse rompait presque seul le silence qui régnait sur les champs maintenant à peu près complètement dépouillés. Les travailleurs, las d’une journée de chaleur orageuse extrêmement pénible, échangeaient à peine, de temps à autre, quelques interpellations sans entrain. Ils se hâtaient, car, vers l’ouest, de lourds nuages sombres, ourlés d’une teinte cuivrée, annonçaient un orage prochain.
– Allons, les garçons, ça avance ! Encore une demi-heure, et tout sera fini !
Ces mots étaient prononcés par un grand vieillard maigre, dont la physionomie bienveillante et noble s’encadrait d’une large barbe blanche. Il était vêtu simplement, en propriétaire campagnard. Il y avait en lui un singulier mélange de rusticité et de distinction... Et c’était celle-ci qui l’emportait un peu sur l’autre.
– Une demi-heure, monsieur Bordès ?... Croyez-vous que l’orage va attendre jusque-là ? dit un des moissonneurs.
Le vieillard leva les yeux vers l’ouest et fronça un peu ses épais sourcils blancs.
– Hum !... Enfin, travaillez ferme, mes gars, peut-être ça se tirera-t-il jusque-là ! Et puis, on vous prépare un bon repas là-bas, pour le dernier jour de la moisson. N’avez-vous pas vu mon petit-fils par ici ?
– M. Laurent était là il y a dix minutes. Il est allé faire un tour aux vignes, qu’il m’a dit, répondit celui qui dirigeait l’équipe des travailleurs.
– Bon, merci, Michel.
D’un pas alerte, le vieillard se dirigea, en coupant à travers les sillons, vers le sentier qui longeait d’un côté les champs et de l’autre une haie de noisetiers, que couvraient d’ombre de jeunes chênes en pleine ardeur de sève. Le vieillard s’arrêta une seconde, en jetant un coup d’œil vers un coteau garni de vignes, qui se dressait mollement, là-bas, au-delà des champs. Puis, levant les épaules, il continua sa route en murmurant :
– Il n’y est peut-être plus. Ce n’est pas la peine que je m’attarde à le chercher, par un temps pareil surtout. L’air devient absolument irrespirable !
De fait, il semblait que l’atmosphère fût devenue une fournaise. Le vieillard prêta l’oreille, croyant entendre le grondement de l’orage.
– Non, ce n’est pas cela. Mais il ne tardera guère... Eh ! qui vient donc là-bas ?... Mais c’est Ninon ! et Tom !
Un chien accourait en aboyant joyeusement. Il précédait une jeune fille – une très jeune fille, car ses cheveux, d’un blond cendré, tombaient en une longue natte sur ses épaules. Elle était petite, toute mignonne, avec un fin visage rosé où riaient de grands yeux bruns. En apercevant le vieillard, elle s’était mise à courir, et, légère comme une biche, se trouva en quelques instants près de lui.
– Ont-ils bientôt fini, grand-père ?
– Bientôt, oui, Ninette. Mais que viens-tu faire ici ? Vois un peu, si l’orage éclate, comme tu seras bien avec ceci !
Et, entre deux doigts, il prenait un morceau de la manche du léger corsage rose qui habillait la jeune fille.
– Oh ! nous serons rentrés avant ! Tout était prêt, à la maison, il m’a pris l’envie de venir au-devant de vous, grand-père.
Et, d’un geste câlin, elle glissait sa main sous le bras du vieillard.
M. Bordès l’enveloppa d’un regard doux et tendre.
– C’est très gentil, mais je ne voudrais pas que ma Ninon fût trempée par une pluie d’orage. Marchons vite, nous arriverons peut-être à temps.
– Bien sûr, grand-père !... Et Laurent, l’avez-vous vu ?
– Non, il était du côté des vignes. Mais comme les hommes vont avoir fini, il ne tardera pas à rentrer.
– Il arrivera en même temps qu’Alexandre. Ce sera une surprise pour lui, car vraiment nous ne pensions pas du tout avoir ce plaisir !
– En effet, il ne nous gâte pas avec ses visites. Un séjour de deux ou trois jours chaque année. Il faut qu’il ait quelque importante communication à nous faire pour revenir maintenant, après être venu à Pâques. Un mariage pour lui, peut-être.
– Tiens, c’est une idée, grand-père !... Oui, ce doit être cela ! Oh ! je serais bien contente d’avoir une belle-sœur.
– C’est selon quelle belle-sœur, Ninon.
– Ah ! Alexandre ne peut choisir que quelqu’un de bien !
M. Bordès ne répliqua rien, mais eut un mouvement des lèvres qui signifiait : « Peut-on savoir ! »
Devant eux, le sentier s’allongeait, très ombreux. Mais l’atmosphère était, ici comme ailleurs, d’une lourdeur intolérable.
– Ça prend à la tête ! dit Ninon en portant la main à son front blanc parcouru de légers frissons. Peut-être fera-t-il meilleur près de la rivière.
Elle apparaissait maintenant, la rivière, la jolie Divette aux eaux transparentes à travers lesquelles flottaient de longues herbes pâles. Sous le ciel lourd d’un noir violacé, elle semblait toute sombre et dégageait une mélancolie intense.
Un grondement se fit entendre tout à coup et se répercuta longuement.
– Pressons, petite ! dit M. Bordès.
Ils traversèrent la rivière sur un petit pont de pierre et s’engagèrent dans un large chemin vicinal, bordé de fort beaux peupliers. À droite, une clôture basse couverte de lierre et de feuillage grimpant fermait une sorte de petit parc, très frais et bien entretenu. À travers les arbres apparaissait une grande maison faite de briques roses, d’apparence confortable et sans prétention.
Tout en continuant à marcher d’un pas hâtif, M. Bordès étendit la main dans cette direction.
– As-tu eu des nouvelles de M. Larmy, aujourd’hui, Ninon ?
– Oui, grand-père, il va mieux. Didier est venu cet après-midi pour savoir si c’était décidément samedi que nous faisions la grande pêche à l’étang de Sorine.
– Est-ce que Gratien est encore à la Mirille ?
– Oui, jusqu’à dimanche.
– Je ne sais pas trop ce que ce garçon-là fait à Paris. Son droit !... Son droit ! Il a toujours été paresseux comme une carpe, et s’il arrive jamais un jour à être avocat, on pourra bien dire que les recommandations n’ont pas dû lui manquer, car...
– Chut ! Le voici, grand-père !
D’un sentier transversal débouchait un jeune homme de petite taille, vêtu avec recherche. Il semblait marcher péniblement, traînant la jambe, et s’essuyant fréquemment le front. À la vue de M. Bordès et de Ninon, il se découvrit, tandis que son visage mince et pâle grimaçait comme s’il éprouvait une violente douleur.
– Eh bien ! qu’est-ce que tu as, mon garçon, interrogea M. Bordès.
– Une crise de rhumatisme articulaire qui me reprend, monsieur. Je n’en avais pas eu depuis l’année dernière. C’est tout juste si je vais pouvoir arriver jusqu’à la maison. Et j’en aurai pour plusieurs jours sans bouger bras et jambes !
– Veux-tu que je t’aide à rentrer chez toi !
– Par exemple, monsieur Bordès !
– Mais si, mais si, appuie-toi donc sur moi !
Et M. Bordès, s’approchant du jeune homme, lui prenait le bras et le passait sous le sien.
– Ça ira mieux comme ça... Ne crains pas de t’appuyer, je suis fort encore.
– Grand-père est un colosse ! ajouta Ninon avec un sourire qui découvrit de toutes petites dents.
– Comme tous les Bordès, Ninon. Vos frères sont des hommes superbes, et vigoureux comme les chênes de notre pays.
Une petite flamme d’orgueil passa dans les yeux du vieillard.
– Oui, Alexandre et Laurent sont de beaux hommes. Mais l’aîné, devenu citadin, se conservera moins bien que Laurent.
Le jeune homme eut un petit rire légèrement ironique, tout en continuant à avancer au bras de M. Bordès.
– Ah ! Ah ! Il y a toujours une rancune là, monsieur ! Vous ne pardonnez pas à Alexandre d’avoir abandonné la campagne ?
– Je n’ai pas à pardonner, Gratien. Alexandre m’a dit un jour qu’il avait la vocation de la médecine. J’ai commencé à l’éprouver, en l’obligeant à s’occuper de la ferme. Puis, quand j’ai vu qu’il n’y mordait pas, j’ai cédé... à contrecœur, c’est vrai, car les citadins ne manquent pas, tandis qu’on déserte la terre, notre belle et bonne terre...
Son regard triste et grave se posa, une seconde, à travers les troncs sveltes des peupliers, sur les prés qui s’étendaient là-bas, sur les champs dépouillés maintenant de leurs épis nourriciers.
– Puis, c’était rompre la tradition. Jusqu’à ce jour, tous les Bordès avaient été cultivateurs ou prêtres. Alexandre, le premier, s’est séparé de la terre. Qu’il ne s’en repente pas, c’est tout ce que je peux lui souhaiter.
– À propos, il arrive ce soir, Alexandre ! dit Ninon qui marchait un peu en arrière des deux hommes, avec Tom sur ses talons. Nous avons reçu la dépêche tout à l’heure.
– Il revient pour participer au grand dîner des moissonneurs ?
– Ce n’est pas probable. Il n’est pas très fort pour nos coutumes patriarcales, dit M. Bordès dont le front se plissa un instant. Il se dit pourtant très républicain, ce qui n’est pas non plus dans nos traditions. Mais enfin, j’admets que chacun ait ses idées. Seulement, il faut mettre ses actes d’accord avec elles. Un démocrate sorti du peuple lui-même ne doit pas trouver déplacée la coutume de prendre nos repas avec nos serviteurs. C’est là de la vraie fraternité, me semble-t-il ?
Les lèvres de Gratien eurent un singulier rictus, qui se confondit avec une grimace de douleur.
– Aïe ! Quelle crise épouvantable je vais avoir !
– Te voilà presque arrivé... Va ouvrir la barrière, Ninon.
La jeune fille s’élança et souleva le loquet de fer qui fermait la large barrière en bois brun au-delà de laquelle commençait l’allée d’ormes menant à la maison de briques roses.
– Je vais te conduire jusque là-bas, dit M. Bordès.
– Certes, non ! protesta Gratien. Vous vous êtes déjà retardés à cause de moi. D’ailleurs, j’aperçois là-bas le jardinier ; je vais lui faire signe de venir m’aider. Rentrez vite, voilà la pluie qui commence !
De fait, Ninon venait de recevoir une large goutte sur son petit nez.
– Eh bien ! bonsoir ! lança-t-elle avec un petit geste d’adieu. Mille choses à Mélite et à Valentine !
– Mon bon souvenir à ton père. J’ai été content de savoir qu’il allait mieux. J’irai

Voir icon more
Alternate Text