Marie-Antoinette
272 pages
Français

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Marie-Antoinette , livre ebook

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Description

Stefan Zweig, en écrivain génial, raconte la vie de Marie-Antoinette comme un roman. Une héroïne au destin tragique, forcément. Aimée ou détestée, loin des rêves de princesse que font les petites filles, la vie de cette femme hors du commun est racontée avec beaucoup de talent par Zweig. Un chef-d’œuvre de biographie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 avril 2015
Nombre de lectures 335
EAN13 9782374533964
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie-Antoinette
Stefan Zweig
Les classiques du 38
Chapitre premier ON MARIE UNE ENFANT
Pendant des siècles, sur d’innombrables champs de bataille allemands, italiens et flamands, les Habsbourgs et les Bourbons se sont disputé jusqu’à épuisement l’hégémonie de l’Europe. Enfin, les vieux rivaux reconnaissent que leur jalousie insatiable n’a fait que frayer la voie à d’autres maisons régnantes ; déjà, de l’île anglaise, un peuple hérétique tend la main vers l’empire du monde ; déjà la marche protestante de Brandebourg devient un puissant royaume ; déjà la Russie à demi païenne s’apprête à étendre sa sphère à l’infini : ne vaudrait-il pas mieux faire la paix, finissent par se demander – trop tard, comme toujours – les souverains et leurs diplomates, que de renouveler sans cesse le jeu fatal de la guerre, pour le grand profit de mécréants et de parvenus ? Choiseul, ministre de Louis XV, Kaunitz, conseiller de Marie-Thérèse, concluent une alliance ; et afin qu’elle s’avère durable et ne soit pas un simple temps d’arrêt entre deux guerres, ils proposent d’unir, par les liens du sang, la dynastie des Bourbons à celle des Habsbourgs. La maison de Habsbourg n’a jamais manqué de princesses à marier ; et en ce moment, précisément, elles sont nombreuses et de tous les âges. Les ministres envisagent d’abord d’unir Louis XV, bien qu’il soit grand-père, et en dépit de ses mœurs plus que douteuses, à une princesse habsbourgeoise ; mais le roi très chrétien se réfugie vivement du lit de la Pompadour dans celui de la du Barry. D’autre part, l’empereur Joseph, deux fois veuf, ne manifeste guère le désir de se laisser marier à l’une des trois filles de Louis XV qui ne sont plus toutes jeunes. Il reste donc une troisième combinaison, la plus naturelle, l’union du dauphin adolescent, petit-fils de Louis XV et futur héritier de la couronne de France, à une fille de Marie-Thérèse. En 1766, Marie-Antoinette, âgée alors de onze ans, peut déjà faire l’objet d’un projet sérieux ; le 24 mai de cette année-là, l’ambassadeur d’Autriche mande expressément à l’impératrice : « Le roi s’est expliqué de façon que votre majesté peut regarder le projet comme décidé et assuré. » Mais les diplomates ne seraient pas diplomates s’ils ne mettaient pas leur point d’honneur à rendre difficiles les choses simples, et surtout à retarder savamment toute affaire importante. Des intrigues de cour sont menées des deux côtés, une année passe, une deuxième, une troisième, et Marie-Thérèse, méfiante, non sans raison, craint que pour finir son incommode voisin, Frédéric de Prusse, « le monstre » comme elle l’appelle dans sa franche indignation, n’entrave aussi ce plan, si décisif pour la puissance de l’Autriche, par un de ses artifices machiavéliques ; elle met donc en jeu toute son amabilité, sa passion et sa ruse pour que la cour de France ne puisse pas retirer la promesse à demi donnée. Avec l’obstination inlassable d’une entremetteuse professionnelle, la patience tenace et inflexible dont elle a seule le secret, elle ne cesse pas de faire valoir à Paris les qualités de la princesse ; elle inonde les ambassadeurs de civilités et de présents pour qu’ils rapportent enfin de Versailles une demande en mariage définitive ; plus impératrice que mère, songeant davantage à accroître la puissance de sa maison qu’au bonheur de son enfant, son ambassadeur a beau l’informer que « la nature semble avoir refusé tous dons à Monsieur le Dauphin, que par sa contenance et ses propos ce prince n’annonce qu’un sens très borné, beaucoup de disgrâce et nulle sensibilité », rien ne peut la retenir. D’ailleurs une archiduchesse a-t-elle besoin d’être heureuse, ne suffit-il pas qu’elle devienne reine ? Mais plus Marie-Thérèse met d’ardeur à obtenir un engagement formel, plus Louis XV, en bon psychologue, se réserve ; pendant trois ans il se fait envoyer des portraits et des rapports sur la petite archiduchesse et se déclare en principe favorable au projet de mariage ; mais il ne fait pas la demande tant attendue et ne s’engage pas.
Le gage innocent de cette importante affaire d’État, la petite Toinette, âgée de douze ans, est une gamine délicate, gracieuse, svelte et indéniablement jolie, qui, pendant ce temps, joue et folâtre en compagnie de ses sœurs, frères et amies, dans les salons et les jardins de Schœnbrunn, avec toute l’ardeur de son tempérament ; elle ne songe guère aux études, aux livres et à l’instruction. Grâce à sa gentillesse naturelle et à son entrain primesautier, elle s’y prend si adroitement avec les abbés et les gouvernantes chargés de l’éduquer qu’elle réussit à se soustraire à toutes les heures d’études. Un jour, Marie-Thérèse, à qui les multiples affaires d’État n’ont jamais permis de se soucier sérieusement d’un seul de ses nombreux enfants, s’aperçoit avec effroi que la future reine de France, à l’âge de treize ans, ne sait écrire correctement ni le français ni l’allemand, qu’elle ne possède même pas les connaissances les plus superficielles en Histoire et que son instruction générale laisse entièrement à désirer ; pour la musique il n’en va pas beaucoup mieux, bien qu’elle ait comme professeur de piano Gluck lui-même. Au dernier moment, il faut rattraper le temps perdu, faire de l’espiègle et paresseuse Toinette une personne instruite. Ce qui importe le plus pour une future reine de France c’est de savoir danser convenablement et parler le français avec un bon accent ; dans ce but, Marie-Thérèse engage d’urgence le grand maître de danse Noverre et deux acteurs d’une troupe française en tournée à Vienne, l’un pour la prononciation, l’autre pour le chant. Mais à peine l’ambassadeur de France en a-t-il fait part à la cour des Bourbons, qu’un avertissement indigne arrive de Versailles : une future reine de France ne peut pas avoir des cabotins pour éducateurs ! On engage en hâte de nouvelles négociations diplomatiques, car la cour de Versailles considère déjà l’éducation de la future fiancée du dauphin comme une affaire la concernant ; après de longs pourparlers on délègue à Vienne comme précepteur, sur la recommandation de l’évêque d’Orléans, un certain abbé Vermond ; par lui nous possédons les premiers rapports sérieux sur l’archiduchesse alors âgée de treize ans. Il la trouve délicieuse et sympathique :
« Elle a, écrit-il, une figure charmante, elle réunit toutes les grâces du maintien, et si, comme on doit l’espérer, elle grandit un peu, elle aura tous les agréments qu’on peut désirer d’une princesse. Son caractère, son cœur sont excellents. »
Le brave abbé s’exprime beaucoup plus prudemment sur les connaissances réelles et sur l’application de son élève. Espiègle, inattentive, pétulante et vive, la petite Marie-Antoinette, en dépit de sa grande facilité de compréhension, n’a jamais manifesté le moindre désir de s’occuper d’une chose sérieuse.
« Elle a, dit-il, plus d’esprit qu’on ne lui en a cru pendant longtemps. Malheureusement, cet esprit n’a été accoutumé à aucune contention jusqu’à douze ans. Un peu de paresse et beaucoup de légèreté m’ont rendu son instruction plus difficile. J’ai commencé pendant six semaines par des principes de belles-lettres. Elle m’entendait bien lorsque je lui présentais des idées toutes éclaircies ; son jugement était presque toujours juste, mais je ne pouvais l’accoutumer à approfondir un objet quoique je sentisse qu’elle en était capable. J’ai cru qu’on ne pouvait appliquer son esprit qu’en l’amusant. »
C’est à peu près dans les mêmes termes que tous les hommes d’État, dix et vingt ans plus tard, se plaindront de cette paresse de la pensée malgré une grande intelligence, de cette fuite ennuyée devant tout entretien sérieux ; déjà chez l’adolescente de treize ans se manifeste clairement le défaut d’une nature qui pourrait tout et ne veut vraiment rien. Mais à la cour de France, depuis le règne des maîtresses, la tenue d’une femme est plus appréciée que sa valeur réelle ; Marie-Antoinette est jolie, décorative, elle a bon caractère, cela suffit. Enfin, en 1769, Louis XV adresse à Marie-Thérèse la missive qu’elle attend fiévreusement depuis si longtemps ; le roi y demande solennellement la main de la jeune princesse pour son petit-fils, le futur Louis XVI, et propose comme date du mariage les fêtes de Pâques de l’année suivante. Marie-Thérèse accepte, comblée ; après de longues années de soucis, cette femme, tragique et résignée, peut vivre encore de belles heures. La paix de l’empire, et en même temps de l’Europe, lui paraît désormais assurée ; aussitôt des courriers et des estafettes annoncent officiellement à toutes les cours que, d’ennemis, Habsbourgs et Bourbons sont à jamais devenus alliés par le sang. Bella gerant alii, tu, felix Austria, nube ; une fois de plus, la vieille devise des Habsbourgs se trouve confirmée.
La tâche des diplomates est heureusement achevée. Mais on s’aperçoit à présent que c’était là la partie la plus facile de la besogne. Persuader les Habsbourgs et les Bourbons de la nécessité d’une entente, réconcilier Louis XV et Marie-Thérèse, quel jeu d’enfants à côté des difficultés insoupçonnées que l’on va rencontrer pour mettre d’accord, à l’occasion d’une solennité aussi représentative, le cérémonial des cours et des maisons de France et d’Autriche ! Il est vrai que des deux côtés les maîtres de cérémonies et autres représentants du formalisme disposent d’une année entière pour rédiger toutes les clauses du protocole, terriblement important, des solennités nuptiales ; mais qu’est-ce que douze mois pour ces chinois de l’étiquette ! Un héritier du trône de France épouse une archiduchesse autrichienne : quelles questions bouleversantes de préséance soulève cette affaire ! Avec quelle attention il faut en examiner tous les détails, que d’irrémédiables faux-pas il s’agit d’éviter en se livrant à l’étude de documents séculaires ! Jour et nuit, à Schœnbrunn et à Versailles, les gardiens sacrés des us et coutumes méditent, enfiévrés ; jour et nuit les ambassadeurs discutent de chaque invitation, des cour

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