La Fabrique du regard
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Description

Comment pouvons-nous croire les images quand, d'évidence, elles ne sont pas les choses ? Et pourtant que seraient la biologie, la géographie, l'astronomie, la médecine, sans images ? Qu'est-ce alors que voir ? Et que savoir ? Des gravures de Vésale aux clichés duXIXe siècle, des photographies calculées de trous noirs aux images issues de la sonde spatiale Pathfinder et aux échographies désormais courantes, voici l'histoire de l'imagerie dans les sciences. Où l'on découvre comment la technique a modifié notre vue sur le monde : nos images ne se contentent pas d'affiner notre regard ; elles le fabriquent littéralement, nous donnant accès à un réel inaccessible à l'œil humain. Chercheur au CNRS, Monique Sicard a notamment publié L'Année 1895, l'image écartelée entre voir et savoir et Chercheurs ou Artistes ? Entre art et science, ils rêvent le monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 1998
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738161215
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

« Le champ médiologique » collection dirigée par Régis Debray
Nos habitudes de pensée et les cloisonnements disciplinaires du savoir ont élevé insensiblement un mur entre l’univers « noble » des idées, des savoirs, des valeurs et le monde « prosaïque », des outillages, des supports, des moyens de diffusion. C’est à abattre ce mur que s’emploiera « Le champ médiologique ».
Par quels réseaux, par quelles méthodes d’organisation s’est constitué, jadis, tel ou tel héritage symbolique ? Qu’est-ce que l’innovation technique modifie aujourd’hui à telle ou telle institution ? Comment le neuf transforme-t-il le vieux ?
Cette collection accueillera, sans a priori doctrinal, les études précises et documentées permettant de comprendre les interactions, toujours plus déterminantes, entre notre culture et nos machines. Entre nos fins et nos moyens. Entre nos symboles et nos outils.
Régis D EBRAY
Ouvrages déjà parus :
Régis Debray, Transmettre , 1997.
Maurice Sachot, L’Invention du Christ , 1998.
Jean-Michel Frodon, La Projection nationale , 1998.
Du même auteur
Images d’un autre monde. Photographie scientifique , Paris, Centre national de la photographie, 1990.
Chercheurs ou artistes. Entre art et science ils rêvent le monde , Paris, Autrement, 1995 (sous la direction de Monique Sicard).
L’Année 1895. L’image écartelée entre voir et savoir, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 1995.
© ODILE JACOB, NOVEMBRE  1998 15 , RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6121-5
ISSN : 1281-5683
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Remerciements

Régis Debray pour les stimulations intellectuelles dont il a nourri ce projet, Isabelle Claude, pour son aide enthousiaste, mes amis et collègues du Département des sciences humaines de l’ENST, Jean-Pierre Tübach, Yves Jeanneret, mes amis et collègues du Laboratoire communication et politique du CNRS, André Gunthert et la Société française de photographie, Brigitte Berg, Michèle Ballinger, Sylvie Balester, Béatrice Boffety, Christine Demeulenaere, Adrien Douady, Yves Elie, Maryam Manni, Catherine Mathon, Jean-Alain Marck, Patrice Müller, Evelyne Rogniat pour les remarques pertinentes qu’ils m’ont apportées au cours de débats enrichissants.
Préambule

Comment pouvons-nous — encore — croire les images ? Comment pouvons-nous faire d’elles des témoins absolus quand d’évidence, l’image n’est pas la chose, la carte n’est pas le territoire ?
Voir ! Porter l’invisible au visible ! La connaissance se construit dans une large mesure par les images ; nombreux sont les objets, les processus, les phénomènes, les lieux, les visages auxquels, seules, elles permettent l’accès. Argentiques, électroniques, taches d’aquarelle ou mine de plomb, garantes et outils d’une raison scientifique, elles fondent des disciplines entières. Que seraient la biologie, la géographie, l’astronomie, la médecine, sans leurs photographies et leurs imageries ? L’affaire est importante : que nous le reconnaissions ou non, nos univers mentaux grouillent de représentations nées des productions scientifiques.
Les images savantes nous convient à penser leur renvoi au « réel » ou à ce qui en tient lieu, à nous intéresser à l’externalité de toutes les images qu’elles soient scientifiques, artistiques, médiatiques, industrielles ou même, sans statut. Or, les correspondances entre une image et son hors cadre ont rarement été pensées par les épistémologies. Comme si les représentations n’avaient que faire des dispositifs techniques de production. Comme si les gravures, photographies, imageries, n’étaient que regards à l’intérieur de nous-mêmes. Comme si, surtout, elles n’étaient pas destinées à être vues . Les gravures d’anatomie, les photographies de champs de bataille, les imageries spatiales taisent au grand public leurs fabrications, leurs organisations techniques ou instituées, revendiquant une belle transparence. Rigueur garantie ! La traversée d’une image sans matière serait la condition nécessaire d’une connaissance absolue qui pénétrerait son objet sans en laisser rien d’obscur ni de confus. Étrangement, la raison scientifique semble s’accommoder de ces branchements directs sur le monde.
Rendre aux médiations la place qui leur revient conduit à défendre une image qui est le fruit d’une série d’actions, n’acquiert sa vérité que par ses acteurs, se construit sous l’effet d’appareils techniques et institutionnels. Rendre aux images l’opacité d’un corps, prendre en compte ce qu’elles font et ce qui en est dit pour comprendre ce qu’elles sont , afin de substituer une lecture de type iconique à une lecture purement documentaire. À ce prix s’établiront les connexions entre les appareils de vision et leurs effets de connaissance. À ce prix, nous nous verrons peut-être — enfin ! — en train d’observer.
Qu’est-ce que voir ? Qu’est-ce que comprendre, quand la construction des savoirs passe par des images, des optiques, des machines qui voient ce que l’œil humain ne verra jamais ? Nous ne cherchons jamais qu’au sein de la tache de lumière. Nous ne voyons que par le bec de gaz qui décide de l’ombre et de la clarté. Nous ne comprenons qu’à travers des appareils de vision techniques ou institués, affrontant un milieu — le notre — structuré comme un clair-obscur. De quelle manière ces appareils de vision orientent-ils la construction des regards et donc, celle des idées ?
Rabattre ainsi la connaissance sur les tuyaux, la réception sensible sur les machines, a de quoi faire fuir tant les artistes que les scientifiques. Sans parler des académies philosophiques. Faire d’une image un objet technique est une provocation pour les amoureux des formes, de la couleur, les penseurs de l’imaginaire, les promoteurs d’une histoire de la sensibilité ou des idées, les amis de l’immatérialité. Force est de constater que la technique est mal aimée. De tous. Sauf, peut-être, des techniciens. Nous proposons de prendre le contre-pied des idées reçues. La technique n’est ni une servilité obéissant à la connaissance, ni un sous-produit de la science. Ni son application : les machines à vapeur ont vu le jour bien avant le second principe de la thermodynamique. À la fois artefact et matière façonnée, art et métier, savoir-faire et fabrication, elle ne s’oppose pas à la culture : elle est culture. Avant d’être un visage ou un paysage, une photographie est reçue comme photographie. Avant d’être une excroissance osseuse, une radiographie est reconnue comme élément du fait radiographique. Avant d’être sphère bleutée ou rayon rouge, une image de synthèse est reconnue comme élément du fait numérique. S’intéresser à l’image comme objet technique invite ainsi à se placer résolument du côté de la réception et de la lecture.
Il n’est pas dans l’objet de cet ouvrage de décerner des bons points ; de trier ce qui, de l’oiseau ou du poisson, fut bien observé ou mal reproduit. Mais de comprendre comment se fabrique un regard collectif, une culture visuelle : par quels effets, sous l’emprise de quelles images, de quels appareils, à l’aide de quels mécanismes de légitimation.
Car les industries du savoir s’enchevêtrent intimement avec celles du croire et leur corollaire : celles du faire croire. Plus s’affirme — au premier étage — la méconnaissance des dispositifs de vision, mieux s’exerce — au deuxième — la fonction politique des images. C’est en affichant leur neutralité qu’elles transmettent le mieux des points de vue délibérés ; en installant des faits qu’elles fonctionnent comme fictions. En clamant leur indépendance qu’elles soudent et parlent culture. Documents et enchantements : les images savantes réussissent ce tour de passe-passe de certifier et d’émouvoir à la fois.
Sont interrogés ici, successivement, le gravé, le photographié, l’imagé. Non seulement la gravure, la photographie, l’imagerie scientifique, mais aussi les appareils qui accompagnent leur production et leur diffusion.
Aux XV e et XVI e  siècles la gravure invite à une observation aiguë du monde. Le regard direct qui s’installe se renforce plus tard des regards outillés de la microscopie ou de l’astronomie, des nouveaux dispositifs de vision de la médecine, de nouvelles prises en charge du lecteur.
Au cœur du XIX e  siècle, la photographie modifie profondément les fondements de la preuve, la manière de voir et de comprendre. Les grandes installations photographiques des champs de course californiens de Lelan Stanford, les expériences d’électrisation du visage de Duchenne de Boulogne, les mises en scène de corps blancs sur fond noir d’Étienne Jules Marey, transforment matériellement la réalité en vue d’un rendu photographique. Loin de se comporter en enregistreuse passive, la photographie crée des objets spécifiques.
Née à l’extrême fin du XIX e  siècle, l’imagerie (médicale, satellitaire, numérique…) oblige à de nouvelles confiances. Désormais, nous devons croire à des formes dont nous ne connaissons que des images, intimement héritières des machines de vision. Le regard direct de l’œil nu, le regard optique, le regard photographique, s’enrichissent là d’un regard hautement outillé qui ne comprend le monde qu’en analysant ses images. Ces imageries sont parfois reçues comme des empreintes photographiques. Comme si quelque chose avait effectivement eu lieu, qui fut visible par l’homme, et dont

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