LA DÉFAITE HISTORIQUE DU SEXE FÉMININ - SUITE ET FIN DU PATRIARCAT
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L’échec de l’espèce humaine à gérer et à épanouir avec équité, dans la paix et la justice, son patrimoine terrestre, correspond sans doute aucun à la tournure patriarcale prise par l’Histoire, avec son aboutissement de surexploitation et de profit, l’idéologie de sa société de classes née après la fin des civilisations matriarcales; d’où la fameuse « défaite historique du sexe féminin » citée par Engels dans «L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État » publié en 1884. Mais on s’aperçoit que la défaite de la femme est non seulement religieuse, sociale, économique et politique mais s’accompagne également d’une véritable défaite de la nature.

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Publié le 12 février 2016
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LA DÉFAITE HISTORIQUE DU SEXE FÉMININ SUITE ET FIN DU PATRIARCAT
Claude Paquet
Chapitre 1 : La défaite historique du sexe féminin Chapitre 2 : La défaite de la nature Chapitre 3 : L’Utopie finale du patriarcat
Introduction
L’échec de l’espèce humaine à gérer et à épanouir avec équité, dans la paix et la justice, son patrimoine terrestre, correspond sans doute aucun à la tournure patriarcale prise par l’Histoire, avec son aboutissement de surexploitation et de profit, l’idéologie de sa société de classes née après la fin des civilisations matriarcales; d’où la fameuse « défaite historique du sexe féminin » citée par Engels dans «L’Origine de la famille , de la propriété privée et de l’État » publié en 1884. Mais on s’aperçoit que la défaite de la femme est non seulement religieuse, sociale, économique et politique mais s’accompagne également d’une véritable défaite de la nature.
Le but de ce livre n’est pas répondre à des questions comme d’où l’on vient et où l’on va mais bien, avec toutes les sommes de connaissances acquises depuis des centaines de millénaires, de se demander : pourquoi en sommes-nous rendus là en ce début du 21e siècle, du 3e millénaire? Je suis convaincu que l’homme actuel s’est placé en toute liberté et par sa seule raison, dans un bourbier obscur et incommensurable et qu’il faut remonter à la nuit des Temps de la préhistoire, refaire le parcours des origines à nos jours pour essayer de comprendre que «notre raison a des limites» que nous avons allègrement franchies. Par contre, ce n’est pas les faits qui comptent vraiment mais plutôt leur consubstantialité, c’est-à-dire que l’action humaine poursuit un dessein, une sorte d’unité de la conscience et de l’inconscience dans l’action qui fait l’Histoire. Il y a histoire que parce qu’il y a des hommes. Cependant une évolution strictement féminine à l’inverse du patriarcat n’aurait pas été souhaitable. Nous croyons fermement que seule la co-gestion égalitaire des deux sexes peut répondre aux désirs, capacités et potentialités de l’espèce humaine tout entière.
Or, il est surprenant de constater, d’un point de vue rationaliste, que
le processus historique de l’Humanité, depuis la nuit des Temps Anciens jusqu’à notre siècle, s’actualise dans une quête constante de puissance par la maîtrise de la nature et de ses forces, telle une ligne de faîte venue du passé qui porte intrinsèquement les germes du futur.
Il ne s’agit pas de découvrir un modèle unique clé en main (un seul dessein), il en existe des centaines de par le monde sur tous les continents, mais plutôt de saisir pourquoi le modèle occidental de recherche de puissance, dans sa constance rationaliste, capitaliste, et patriarcale, règne sur le monde; pourquoi sa boulimie maladive, névrotique, comme un ogre, avale tout sur son passage et quelles en seront les conséquences dans notre futur immédiat. A regarder les statistiques des Nations unies sur les disparités nord-sud, sur les espérances de vie, sur les maladies endémiques sur la précarité économiques des ¾ de l’humanité, sur les injustices et les iniquités, on devine qu’un jour tout va péter, éclater en mille morceaux, tout ce que l’on espère c’est que cela ne nous pète pas dans la face de notre vivant. L’Occident vit une fuite en avant généralisée dont on ne peut être fier.
Toutes les grandes civilisations ont toujours reposé sur une représen-tation de l’homme qui le magnifiait. Soudainement au XXe siècle, à coup de dadaïsme, de cubisme; à coup de performances sadiques contre le corps, de sculptures organiques à partir de viande et de chair en putréfaction, d’expositions de déchets et de détritus, l’artiste prit résolument le parti de la haine du biologique au point d’en souhaiter la disparition dans le posthumanisme actuel où, pour la pre-mière fois dans l’histoire de l’humanité, l’artiste et le scientifique pro-posent une vision de l’homme qui implique sa disparition physique, sa sortie du biologique vers le cyberespace inorganique, l’Éden arti-ficiel, le Nirvanet comme seul libération possible. Ont-ils raison ? That’s the question.
La défaite historique du sexe féminin.
Au commencement était l’errance; errance de l’Australopithèque primordial de 7 à 2 millions d’années. Pendant des millénaires, l’Australopithèque fut essentiellement végétarien et vivra une errance de la cueillette, se déplaçant d’un endroit à l’autre à la recherche de la nourriture nécessaire. Cette activité était essentiellement individualiste, chacun étant responsable de sa survie. Nous pouvons
parler ici d’une relative coexistence pacifique entre les groupes hominidés dans un monde totalement cruel.
L’agressivité était essentiellement de nature défensive. (Chatwin) Il s’agit de s’imaginer notre ancêtre arboricole vivant dans un environnement de prédateurs carnivores, pour comprendre qu’il soit régulièrement attaqué et que toute son agressivité de végétarien soit pointée vers la défense pour sa survie. On pense aussi à l’agressivité défensive de la mère protégeant sa progéniture. C’est l’ère du matriarcat centré autour de la femelle, car non seulement, elle donne la vie mais surtout, elle la protège, elle est la garantie de l’évolution de l’espèce. Cette ère matriarcale durera près de 5 millions d’années, durée plusieurs fois supérieure à celle du patriarcat qui date lui d’environ 2 millions d’années jusqu’à nos jours. Le régime alimentaire matriarcal était essentiellement basé sur le végétarisme (la cueillette) tandis que celui du patriarcat était axé principalement sur la viande (la chasse). La femelle sera de tout temps associée au monde végétal, à la terre nourricière, à l’agriculture, à la fécondité de la vie.
(Aparté)Nous devons notre existence à notre perception des couleurs. Elle fait partie intégrante des fonctions mises en marche par l’évolution pour garantir notre survie. Notre champ de vision se situe entre 400-800 nanomètres depuis des millions d’années, depuis l’ère de nos ancêtres australopithèques arboricoles. Pourquoi voyons-nous les couleurs spécifiques à ce champ ? En effet certains animaux voient les infrarouges, au delà de 800 nanomètres, d’autres les ultraviolets, en deçà de 400, pas nous. Les insectes, principalement les papillons, reconnaissent une large gamme de couleurs tandis les animaux nocturnes dont une grande partie des mammifères et les herbivores diurnes distinguent une gamme restreinte. Seuls les primates et les hominidés font exceptions, ils sont frugivores et, comme les papillons, doivent percevoir une gamme élargie de couleurs et de formes qui correspondent aux fruits qu’ils ont besoin de consommer pour vivre et à ceux qu’ils doivent rejeter car dangereux ou toxiques pour leur santé. Nous percevons donc les couleurs et les formes en fonction de notre stratégie d’exploitation des ressources naturelles qui assure notre survie. De plus, nous «colorons» les autres animaux et végétaux de la création en fonction de leur utilité ou non, de leur dangerosité ou non, sans parler de l’utilisation des parures éclatantes entre animaux de la même espèce à des fins de reproduction. Les couleurs perçues par les hominidés ont une signification cruciale pour leur existence
propre : nous percevons des intensités lumineuses que nous organisons en signes utiles pour notre survie. Les couleurs se manifestent grâce à nos organes de perception conçues en fonction des nécessités de l’évolution. Chez tous les animaux, le spectre visible s’étend du bleu au rouge. La chlorophylle que nous voyons verte, absorbe les rayonnements bleus et rouges. Cela veut dire que la photosynthèse à la base de toute vie sur terre se situe dans une fenêtre qui correspond exactement à celle des possibilités visuelles des animaux. La couleur est essentiellement une lumière organisée qui n’est perceptible que par des êtres organisés.
C’est une bande d’individus qui pratiquent la coopération et le partage, ce qui est possible étant donné leur nombre relativement restreint. Mais les périodes de surpopulation dans les groupes d’Australopithèques végétariens enclenchaient des mécanismes de régularisation dont le principal était l’exclusion sociale des jeûnes mâles, par le mâle alpha, classés comme surnuméraires et poussés à vivre aux limites du territoire revendiqué par le groupe. Ces «superflus» n’ont pas accès aux ressources alimentaires du groupe, ni accès aux femelles pour l’accouplement. Non-reproducteurs, les superflus, souvent solitaires, privés de la protection du groupe, subissent cruellement les menaces du monde extérieur et sont plus exposés à devenir la proie de féroces prédateurs carnassiers. Exclus également des territoires nourriciers où abondent les ressources, ils font face souvent à la disette si bien qu’ils doivent régulièrement parcourir de longue distance pour satisfaire leur besoin.
«Le chemin se fait en cheminant»
Puisqu’ils ne peuvent plus compter sur le groupe pour les aider et les soutenir, ils sont condamnés à reformer avec les autres exclus une nouvelle communauté susceptible de pourvoir à leur besoin. Parce que jeunes, ces superflus sont plus aptes à expérimenter de nouveaux comportements et ont souvent le loisir d’observer le comportement des prédateurs afin de mieux se protéger contre eux.
Dans l’ensemble, ils découvrent ainsi non seulement des nouveaux comportements mais aussi de nouveaux aliments. En période de famine, ils n’hésitent pas à aller goûter aux carcasses d’animaux délaissés par les carnassiers. D’abord accidentels, ces comportements deviennent progressivement habituels : piller le nid des oiseaux pour y dérober les oeufs ou dévorer les oisillons, manger
le placenta et les fœtus avortés naturellement, consommer de jeûnes animaux naissants. Ainsi se met en place un régime alimentaire de remplacement qui deviendra rapidement complémentaire au végétarisme initial.
Lorsque des changements climatiques importants comme les glaciations se pointent à l’horizon, surviennent alors avec eux des perturbations qui bouleversent tout l’écosystème de la flore et de la faune : les stricts carnassiers meurent de la rareté des animaux, les stricts végétariens meurent de la pénurie des plantes et fruits, seuls les superflus, à la fois carnivores et végétariens, ont su s’adapter aux nouvelles conditions environnementales. Les exclus sont devenus les dominants d’un nouveau paradigme existentiel, ils forment des communautés «du futur» et adoptent des comportements tels que l’action directe de prédation en groupe, ancêtre de la chasse. Ainsi, tout s’est passé comme si les mécanismes d’exclusion avaient «programmés» les mécanismes transformateurs qui ont permis la naissance des hominiens. En somme, les marginaux ont sauvé notre espèce de l’extinction naturelle en lui offrant un meilleur équilibre écologique qui a accru notre autonomie vis-à-vis le milieu naturel ambiant. (Moscovici, 1994)
Des différentes familles d’Australopithèques, seule la lignée de l’Australopithèque africanus et ses descendants comme Homo habilis, Homo erectus, Homme de Neandertal et finalement Homo sapiens appelé aussi Cro-Magnon intègrent la viande à leur menu; devenant ainsi omnivores. L’intégration de la viande dans leur régime alimentaire est d’une importance capitale dans l’histoire de l’évolution et marque les débuts de la chasse après une longue période de charognerie dont le cannibalisme. En effet, seule la lignée de l’Australopithèque omnivore (Homo habilis) survivra; les végétariens stricts disparaîtront, incapables de compenser les effets néfastes des périodes de glaciation sur les plantes qui les nourrissaient; affaiblis, ils deviennent des proies faciles pour les carnivores. Homo habilis doit sa survie aussi à un changement anatomique majeur : l’allongement des jambes qui lui permet d’atteindre éventuellement la station debout, libérant ainsi les mains vers d’autres occupations. Son seul code de “conduite” est la nature, il est le langage de la nature où tout se joue au niveau des instincts et des comportements innés. De végétarien à omnivore donc aussi carnivore, il adapte son comportement à son nouveau régime alimentaire et adopte la chasse comme autre moyen de subsistance. Avec la chasse, le cerveau de
l’Australopithèque double de volume, non pas du jour au lendemain, mais répartie sur quelques centaines de milliers, voire millions d’années. (À cette époque, on prenait le temps nécessaire pour bien faire les choses).
Patiemment, l’Australopithèque désavantagé par la nature, créera, à partir d’os (couteaux, massue) et de branches (sagaie), les armes nécessaires à sa survie. Sans les armes, il est fort à parier que nous n’existerions pas. Car les hordes de la préhistoire vivent dans un monde de terreur et de cruauté sans merci où la mort était non-pensée, elle arrivait tout à coup, «tuer pour vivre» point final. L’Australopithèque avait peur, oui ! par instinct mais la peur de mourir n’existait pas.
Pour la première fois, une activité (la chasse) requiert l’association des membres du groupe en vue d’un objectif précis et la coopération dans le partage du gibier abattu. Ainsi naîtra la notion de groupe, de tribu ou si l’on préfère de la sociabilité nécessaire à l’attaque (la chasse) mais aussi à la défense contre les autres prédateurs. L’arrivée de la viande dans le régime alimentaire introduit dans le comportement l’agressivité offensive nécessaire à l’attaque du gibier (prédation) qui vient compléter l’agressivité défensive des arboricoles végétariens. Dorénavant, le développement de l’agressivité chez l’Australopithèque suivra les règles de la chasse. On assiste ainsi pour la première fois à un partage des tâches : l’agressivité maternelle défensive servira principalement à protéger le camp et les nouveaux-nés et cueillir les baies, les noix, les tubercules et les fruits pendant que le mâle prédateur chassera; bien que la femelle puisse participer parfois à l’effort de prédation par la chasse aux petits gibiers aux alentours du camp de base. (Ici point de sexisme, l’agressivité de la femelle étant identique à celle du mâle en intensité du moins)
L’anthropologue économiste Marshall Sahlins (1972) estime que «le chasseur-cueilleur pouvait amasser ce qui était requis pour vivre (nourriture, abri, plantes médicinales, outils) après quinze heures d’effort par semaine; ainsi le reste de son temps il l’utilisait librement pour le jeu et le repos. Telle était lasociété d’abondance originelle. » Notre ancêtre avait donc le temps de jouer mais aussi de se concentrer et de réfléchir sur sa condition et surtout d’expérimenter. (Rasmussen, 2004)
«Avec l’Australopithèque (Homo Habilis), entre 3 millions et 1 million d’années, les premiers outils apparaissent, traces d’un comporte- Le chasseur archaïque, comme un têtard devient grenouille, acquiert, ment technique, extérieure à l’anatomie. La reproduction des mêmes assimile, découvre les exigences de sa nouvelle condition de gestes organisés en séquences logiques et efficaces prouve l’exis- guerrier; les techniques de fabrication d’objets nouveaux feront faire tence des premiers concepts. La manipulation et l’usage de ces out- un bond prodigieux à l’humanité. Cette période du Paléolithique ils formaient un moteur à l’enchaînement des idées. On retrouve des supérieur est la période évolutive la plus brillante, la plus riche et la restes de chasse et de ramassage montrant l’observation et la prévi- plus complexe de la préhistoire vue sous l’angle du développement sion du comportement animal. En particulier des abris aménagés humain de la conscience et de la société. Un véritable coup indiquent l’existence d’un lieu de retrouvailles, d’un endroit protégé d’accélérateur. Des armatures, des manches, des leviers viennent où les jeunes pouvaient être éduqués et les femmes nourries par les meubler la quincaillerie des outils domestiques. Des objets décoratifs chasseurs, Ceci implique l’existence de processus d’apprentissage autres que “religieux” apparaissent. L’espace se structure, camp de prolongé par rapport aux autres primates donc d’un mode éducatif base, camp saisonnier, l’habitat est mieux organisé, délimité par des permettant la transmission d’un comportement social acquis. Les élé- parois. La chasse se spécialise : chasseurs de gros gibiers ments aux origines des premières expériences métaphysiques (mammouths, rhinocéros), chasseurs d’animaux de troupeaux étaient donc présents : l’émergence de la conscience entraînant la (chevaux, rennes); chaque spécialité possédant des techniques, des création (la révélation) de son équivalent dans le domaine sacré armes appropriés et des rituels qui lui sont propres. (inconscient) inaccessible par la raison». (Bernard G. Campbell ed., Humankind emerging, 4e ed., Boston-Toronto, 1983, p. 228) « Le chaman prépare le rite de l’outlickan meskina, cérémonie des Pistes de l’os de l’épaule ou Lecture de l’omoplate. Ce rituel est d’une Au moins depuis l’homme de Neandertal, nous savons que des grande importance symbolique et spirituelle pour la communauté rituels sacrés étaient institués pour célébrer un animal fétiche, le plus innue du Canada. Une fois, l’omoplate retiré de la carcasse du cari-connu étant l’ours ces cavernes, le plus craint car le plus puissant . bou, celui-ci est exposé aux charbons ardents. La chaleur du feu fait Périodiquement, l’ours des cavernes était chassé, tué, décapité et craquer l’os de tous les côtés. Ces fêlures donnent la connaissance mangé lors de ces cérémonies. Régulièrement, Dieu, en l’occurrence de choses qui touchent à la chasse et autres présages. Ainsi, une l’ours, était sacrifié pour que l’homme puisse en retirer la puissance. longue fêlure en ligne droite d’une extrémité à l’autre signifie mort ou Tel est le sens encore de nos jours de l’eucharistie : le désir de déité, famine, une courte en zigzag sans ramifications veut dire misère. Les la volonté d’acquérir la puissance de Dieu par la communion. À noter fêlures en forme de rameaux avec de petites taches brûlées sur les que l’homme s’appropria la caverne de l’ours à son usage bords indiquent l’abondance. Quand ces taches se trouvent près du domestique ou rituel. pied de l’os, c’est signe que le gibier est tout près. Plus elles s’en éloignent, plus grande sera la distance parcourue pour le rejoindre. Intimement relié au monde psychique de l’inconscient, la mort de Enfin, la plus grande tache de brûlé indique toujours le camp de la l’animal-dieu se ritualise en actes mythiques afin d’apaiser les tribu à partir duquel les Innus peuvent s’orienter dans leur chasse ». angoisses liées à la mort. Parmi ces actes mythiques, le repas rituel (Comeau, p. 142-143, p.248-249) (la Cène), où la chair et le sang de l’animal totémique (Eucharistie) sont partagés, permet à Homo érectus de participer à la nature Si bien que l’outil est indissociable du sacré. Non seulement, il assure “divine” de l’Ours, de canaliser la pulsion de l’agressivité mortifère la survie et le développement de l’espèce mais il produit tout un vers la vie : eux-aussi devaient mourir, mais en sublimant l’Ours-univers de relations mythico-religieuses, ne serais-ce que la maîtrise totem, ils étaient associés à sa vie et en mangeant la chair, en buvant de la distance par le lancé de la sagaie, qui nourrit autant le sang de l’animal défunt, l’Ours mythique pouvait ainsi renaître, l’imagination créatrice que le corps. résussiter dans une vie nouvelle et immortelle par la répétition éternelle du rituel. Le rituel devient culte : « la conviction qu’une Cette capacité manuelle maintenant bien adaptée de la fabrication nouvelle vie ne surgit qu’à travers la mort sacrificielle » (M. Eliade, d’objets fait un bond conceptuel majeur. À nouveau les archétypes se Histoire des croyances et des idées religieuses, Payot, 1978, p. 327).
visualisent par l’image mythique mais cette fois-ci, elle est artificielle, créée par l’homme, c’est la naissance de l’art.
«L’art et la religion sont des jumeaux siamois nés dans la même caverne»
Depuis la préhistoire, l’art et le sacré sont intimement relié par le même cordon ombilical, le premier cherchant la représentation du second. La caractéristique principale de la préhistoire est la transformation, la métamorphose. Comme la vie en générale (de l’unicellulaire à la variété du monde animale et végétale), plus l’homme évolue, plus son monde se complexifie, se divise par l’acquisition de nouvelles connaissances. Les mythes fondamentaux les «universaux», se manifestent quant à eux à la conscience comme langage codé de signes, pour nous rappeler que parallèlement aux idées rationnelles, existent les hiéroglyphes, les images de l’inconscient, principalement révélées dans l’art de la préhistoire.
« Toute religion comme toute autre forme comportementale dérive de la préhistoire. (...) A chaque étape du développement de la connaissance, de l’emprise de la conscience sur le monde, se met en action le fonctionnement mythologique approprié ( E. Cassirier, 1972).
En effet tout change de signification quand l’art s’introduit dans la technique de fabrication d’objet. Des coquillages, des pierres incrustées dans le bois ciselé des manches de couteaux apparaissent; à l’objet utilitaire, l’Australopithèque pense à le rendre agréable à l’œil.
« Un saut conceptuel est ainsi accompli : de l’image sélectionnée (par exemple un fossile) à celle fabriquée par l’homme incorporant dès lors, sous une forme figée, leur valeur et leur sens. Maîtrisées par la volonté humaine, ces expressions symboliques se substituent au naturel prolongeant l’emprise humaine, analogue à celle d’un Créateur. Contrôle de la nature par l’esprit, l’image offre à l’homme une extension de son pouvoir ». (M. Otte, 1993, p. 63)
C’est ainsi qu’au niveau du sacré apparaissent les “images fabriquées” de main d’homme : la sculpture. L’art a alors comme fonction de révéler l’homme à lui-même. C’est par la médiation de l’objet créé que l’humain apprendra à se connaître; à cette époque
l’art est essentiellement pédagogique :
«N’en doutons pas : tout ce que l’homme rajoute au besoin sans aucune satisfaction supplémentaire, ce qu’on appelle l’art, n’a qu’un seul mobile : se manifester à lui-même qu’il n’est pas qu’un vivant; qu’il n’est pas seulement un être qui mange, qui boit, qui dort, qui combat, qui se déplace mais un sujet spirituel qui sait si bien s’élever au-dessus des exigences de l’organisme...» (Gobry, 2002, p.25)
Dans le midi de la France et en Espagne, l’image fabriquée subit une profonde mutation irréversible : de la statuette à trois dimensions, on passe à la bi-dimensionnalité du relief sur paroi fixe; l’«image plate», le dessin (peinture, écriture hiéroglyphique) est né. Puisque la surface (la paroi) le permet, nous assistons à l’apparition de l’art “monumental” qui sera réservé comme il se doit à la représentation de la notion d’un être supérieur dans des animaux gigantesques, art et sacré forment un tout. De nombreuses créatures hybrides, silhouettes vaguement humaines agrémentées d’attributs animaux, (déguisement du chasseur et du chaman) y apparaissent comme une sorte de mise en scène figurative de l’incarnation. L’opération chamaniste viendra révéler à l’homme son essence spirituelle en lui faisant prendre conscience de sa capacité démiurgique. Alors que le groupe est tout concentré sur l’objet extérieur, le chaman lui renvoie l’image de l’intériorité comme un miroir.
Art et religion ont donc une vocation publique et communautaire qui solidarise le clan et la caverne. Ces parois immenses, (espace intime propice au recueillement, au mystère) deviendront le lieu choisi, préfiguration déjà du temple, la cathédrale. Art et religion sont donc les courroies de transmissions des valeurs du clan, de ses connaissances techniques et permettent l’éducation des générations futures; fondement de la culture.
La culture marque définitivement la rupture du temps circulaire, cycliques des saisons. L’œuvre d’art devient témoin du temps linéaire, le contenu de l’œuvre figé dans le temps «impose l’idée du présent différent du passé, ses promesses la tournent vers l’avenir. » De plus en plus l’homme se saisit différent du modèle naturel. L’œuvre d’art auréolé de mystère devient objet d’envie, de possession, de pouvoir, donc de conflit : homme/culture versus femme/nature.
Peu représentée symboliquement dans le dessin pariétal (art des cavernes), la femme en est également exclue physiquement. Chassée, l’expression de l’anima trouvera refuge dans l’espace domestique (reine du foyer) dans un lieu aménagé (décoration) à cette fin et la statuette (poupée) sera son mode de représentation.
« elles (statuettes) proviennent des niveaux d’habitation, par conséquent semblent être en rapport avec la religion domestique. (...) C’est le mérite de Leroi-Gourhan d’avoir mis en lumière la fonction centrale de la polarité masculin/féminin dans l’art paléolithique, i.e. peintures et reliefs rupestres/statuettes et plaquette de pierre ». (Eliade, 1973, p. 31)
Qui dit fécondité, dit maternité, plusieurs statuettes en effet idéalisent les rondeurs maternelles : le culte de la mère-génitrice est fort répandu et bien établi par les statuettes sacrées...à la maison, au foyer.
Par contre, plusieurs autres pourvues de seins volumineux, de vulve, de hanches et fesses proéminentes représentent, à bien des égards, le fond obscure du monde sexuel et marquent l’obsession de l’homme pour les attributs féminins au point de les difformer énormément. Cette difformité des seins et de la vulve est d’autant plus remarquée que les traits du visage sont absents des Vénus préhistoriques. Qu’il s’agissent de la Vénus de Willendorf, de la Vénus de Lespugue, de la Vénus de Laussel et enfin de la Vénus de Montpazier à la vulve particulièrement développée, nous remarquons que le «visage est une surface uniforme, sans yeux, sans bouche et sans oreilles»; tout le regard est centré sur les organes génitaux et rien d’autre. Ces Vénus sont les vestiges érotiques de la jeune et discrète pornographie primitive.
«Les caractères paléolithiques de l’image humaine se retrouvent dans les autres arts préhistoriques de la planète et nous aident à mieux comprendre la nature du dédoublement de l’être humain que constitue l’image humaine. La sexualité humaine occupe une place essentielle dans la naissance de la créativité artistique. La représentation féminine graphique ou plastique est traitée différemment de la représentation masculine. (...) Une particularité liée à la précédente est l’absence fréquente de tête (visage), des bras et des pieds dans les représentations féminines, sculptées ou gravées, et cela à toutes les époques du paléolithique supérieur».
(Jean-Pierre Mohen, Arts et Préhistoire, Éditions Pierre Terrail, Paris, 2002, p.186)
Il y aurait donc un sexe spirituel, premier, masculin et un sexe naturel, deuxième, féminin. Ici, l’androcentrisme archaïque mute en sexisme : la maman et la putain.
« Le sexisme peut se dissimuler sous les idéalisations de la femme qui la maintiennent dans un ordre de subordination aussi bien que sous les attitudes de mépris ouvert ». (King, 1989)
Aparté : (androcentrisme : qui acquiert les caractéristiques du mâle, du masculin à ne pas confondre avec anthropocentrisme : qui acquiert les caractéristiques du genre humain, homme et femme)
Encore une fois, l’homme s’approprie une force féminine au point de la dévaloriser complètement : dorénavant les liens du sang entre l’homme et son totem seront transmissibles (rites initiatiques) de génération en génération, du père au fils : les liens du sang. Le long processus de dépossession des attributs physiques et psychiques de la femme poursuit sa route. L’homme ultimement doit posséder toutes les forces de la nature y compris celles que la nature a conférées à la femme.
Une chose est indéniable, la caverne paléolithique est une structure imposée à la nature, reflet du pouvoir de l’esprit. C’est la matrice, où s’exprime la vie spirituelle. Il est curieux que l’art rupestre, l’art qui s’exprime dans la noirceur, soit aussi celui qui permet le passage de la lumière intérieure qui ouvre le passage de l’âme. Elle est lieu de passage de la terre vers le ciel où l’esprit de l’homme rencontre son totem, son Dieu. Au niveau psychologique, c’est le lieu de l’individuation par l’initiation où le Moi s’organise et parvient à la maturité; une nouvelle relation s’établit entre l’individu et sa communauté, l’adulte y acquiert sa personnalité.
Maintenant divisé, le processus d’individuation nouvellement entamé ne peut se réaliser sans la prise de conscience de l’autre (altérité). L’homme et la femme apprendront à se connaître, à découvrir leur place respective dans le grand échiquier de la nature, principalement dans la connaissance de leur sexualité. Des notions comme géniteur, fécondité, se révèlent. En somme, l’unité ancestrale de l’homme et la femme, la fusion des origines, ayant comme modèle biologique
l’unicellulaire qui se complexifie en se divisant (binaire), accomplit le même cheminement complexe, cette fois-ci, par la conscience, la connaissance. Voilà la constante de l’évolution, plus la vie progresse, plus elle se complexifie. L’homme et la femme se découvre des rôles différents mais complémentaires dans la sexualité.
C’est donc des bouleversements majeurs qui s’annoncent au niveau de la spiritualité et de l’expression artistique. Les images humaines se multiplient. En fait, on assiste à une véritable transformation du sacré où les forces surhumaines prennent la forme de l’homme. L’individu tend désormais à maîtriser son destin par des représentations de sa propre image. Toute nature, sauvage et mystique est à la mesure, à la portée de son action; l’homme est libre. L’homme, dès la période mésolithique (10 à 15 mille ans) s’engage résolument à transformer le monde. La terre, symbole féminin, maternel, bascule dans le camp du masculin; les statuettes sacrées de la femme-génitrice ont un nouveau compétiteur qui vient affaiblir davantage la symbolique de la Terre-Mère : la statuette masculine fait son apparition et sera objet d’un nouveau rituel : la cérémonie de sacralisation (messe) de sa propre image. L’homme assume ainsi complètement son rôle moteur dans le déroulement et la transformation du monde mystique et de la nature.
L’art sacré prend une tournure tout aussi révolutionnaire : l’homme commence à vouloir créer Dieu à son image.
« Ils (les crânes surmoulés) portent les restitutions des chairs et des chevelures par du plâtre et de l’argile, le regard étant représenté par des coquillages incrustés aux orbites. (...) L’image sacrée est empruntée au registre humain fondés sur ses propres restes anatomiques et transformés en «oeuvre d’art» par l’adjonction de matériaux » Otte, 1993, p.84)
Si l’essence du Christianisme est l’Incarnation de Dieu en l’homme, on peut penser à rebours que la religion néolithique est celle de l’Incarnation de l’homme en Dieu.
Par contre, puisque cet art sacré était associé au culte des ancêtres, on peut imaginer qu’il s’agissait d’une reconstitution du défunt. Pour la première fois, l’homme cherche à recréer une entité par sa seule adresse ou habileté dans la manipulation «savante» de ses propres restes anatomiques. L’homme commence à goûter aux joies de la
création démiurgique.
Si les Dieux prennent l’image symbolique de l’homme, qu’advient-il de la femme? La découverte de la céréaliculture (graminées) et de la végéculture (tubercules) amène avec elle un bouleversement prodigieux des valeurs spirituelles. Un nouveau mythe sacré prend forme qui exprime la relation intrinsèque entre la femme/nature et la végétation issue d’un acte primitif, presque inné, exécuté par la femme depuis des lustres : l’enfouissement du placenta (eaux des origines) qui devient rite de fertilité de la Terre-Mère. Par ce geste, la femme se substitue à la divinité en possédant une puissance biologique sacrée qui donne naissance aux végétaux, les tubercules enfouis dans le sol. La signification du mythe est évidente : les plantes alimentaires sont sacrées puisqu’elles proviennent du corps de la femme divinisée. En se nourrissant, l’homme mange une substance divine.
Comme on le voit ce nouveau rite vient se juxtaposer à «l’ancien», celui de la moelle des os et du crâne associé au chasseur paléolithique. On peut parler ici d’une crise «existentielle» profonde.
« La femme et la sacralité féminine sont promues au premier rang. Puisque les femmes ont joué un rôle décisif dans la domestication des plantes, elles deviennent les propriétaires des champs cultivés, ce qui rehausse leur position sociale et crée des institutions caractéristiques, comme par exemple, la matrilocation, le mari étant obligé d’habiter la maison de son épouse. La fertilité de la terre est solidaire de la fécondité féminine; par conséquent les femmes deviennent responsables de l’abondance des récoltes, car elles connaissent le «mystère» de la création. Il s’agit d’un mystère religieux, parce qu’il gouverne l’origine de la vie, la nourriture et la mort. (...) Certes la sacralité féminine et maternelle n’était pas ignorée au paléolithique, mais la découverte de l’agriculture en augmente sensiblement la puissance, La sacralité de la sexualité, en premier lieu de la sexualité féminine, se confond avec l’énigme miraculeuse de la création. (...) Un symbolisme complexe, de structure anthropo-cosmique, associe la femme et la sexualité aux rythmes lunaires, à la Terre (assimilée à la matrice) et à ce qu’on doit appeler le « mystère » de la végétation. Mystère qui réclame la «mort» de la semence afin de lui assurer une nouvelle naissance, d’autant plus merveilleuse qu’elle se traduit par une étonnante multiplication. L’assimilation de l’existence humaine à la vie
végétative s’exprime par des images et des métaphores empruntées au drame végétal (la vie comme la fleur des champs, etc.). Cette imagerie a nourri la poésie et la réflexion philosophique pendant des millénaires, et elle reste encore «vraie» pour l’homme contemporain ». (M. Eliade, op., cit. p.51-52).
Aparté : Cette puissante image agraire et matriarcale sera supplantée beaucoup plus tard par l’apparition de la charrue, symbole phallique du mâle qui ensemence la terre.
Le statuaire féminin devient, par le fait même, plus fidèle à son image mais reste toujours associé à la maternité, à la nature. Mais curieusement, c’est à cette époque qu’apparaît la statuette femme/serpent où ce dernier s’incruste au visage féminin. Cette association est tout à fait «logique» lorsque l’on sait que les champs cultivés servent de niches écologiques à plusieurs variétés de serpents qui se nourrissent de petits rongeurs et s’y reproduisent. Dans toutes les civilisations, le serpent est un ancêtre mythique fondateur des sociétés parce qu’associé à la fertilité féminine.
Pour contrebalancer ces forces agraires, les pasteurs nomades édifieront leurs propres symboles principalement axés sur la puissance en adoptant le taureau sauvage comme emblème spirituel. ( À ne pas confondre avec le bœuf domestiqué, symbole agraire). Pour eux, c’est la semence abondante du taureau qui fertilise la terre. Le taureau est bien un animal primordial, que l’on retrouve dans l’art des cavernes du Paléolithique, associé à la force créatrice.
Changement tout aussi révélateur au niveau de l’espace sacré, on passe de l’ombre à la lumière; de la caverne au temple. En effet c’est au Néolithique ancien européen qu’apparaît une aire aux fonctions spécialisées bien délimitée dans l’espace du village. Ce temple confirme que l’autorité religieuse est désormais présente et qu’elle s’inscrit dans une convergence du pouvoir et du sacré. Nous sommes au début de la cité. Les croyances animistes des chasseurs s’estompent pour faire place aux nouvelles religions. Les masques liturgiques, principalement en tête d’oiseaux, accordent l’importance aux yeux, passage du regard, de l’intelligence et de la force mystique. Statuettes et masques sont regroupés sur une sorte d’autel au fond du Temple. Autre effet sur le sacré, l’apparition de fonctions sacerdotales réservées à une élite masculine (prêtrise) qui dorénavant s’occupera à réfléchir aux destinés de la communauté. Et
fait attesté par les découvertes archéologiques récentes, la femme, malgré sa force acquise dans la symbolique du monde agraire, est toujours absente de l’iconographie générale du Temple «européen». (Eliade, 1976). Ce qui n’est pas le cas en Inde, en Asie, en Afrique et en Amérique précolombienne où le matriarcat est plus largement répandue due la prédominance de l’agriculture sur la chasse.
Enfermée dans la sphère privée, la femme est responsable de la charge physique et affective des membres du groupe. Ses tâches domestiques parce que «naturelles» sont non-quantifiées, non-mesurées, non-évaluées donc non-rémunérées. Dépossédée de sa production, elle est donc tenue à l’écart du pouvoir social et politique. Les femmes deviennent les gardiennes dévouées loyales, les courroies de transmission par l’éducation de valeurs culturelles qu’elles ne déterminent pas.
Mais plus encore, cette victoire sur l’anima porte en elle le «vrai péché originel» de l’humanité, le germe de toutes les répressions : la logique de la domination qui va du sexisme au totalitarisme. Affirmation confirmée par les travaux de l’École de Francfort (Adorno, Marcuse, Horkheimer, Benjamin, Habernas) dontDialectique de la raison(1945) où l’on apprend « que la crise de la civilisation moderne ne découle pas d’abord de la domination capitaliste. Notre monde a basculé le jour où l’homme a entrepris de dominer la nature» et moi de rajouter, dominer la nature et la femme.
Car il est important de noter que c’est l’appropriation du domaine sacré donc des rites religieux et aussi de l’art par la confrérie des prêtres et chamans indépendamment d’un dieu masculin ou féminin qui détermine l’idéologie du pouvoir social et politique et le propage de génération en génération. Si bien qu’une société dite matriarcale qui vénère la Grande Déesse véhicule néanmoins l’idéologie masculine des rapports sociaux car les hommes se sont approprié la manifestation du mythe par la célébration, le contrôle des rituels.
Si aux origines du chamanisme, l’homme s’identifiait à l’animal, il en revêtait les attributs par le déguisement, on s’aperçoit très vite que le déguisement du chaman évolue rapidement vers la représentation féminine. Portant des costumes féminins où des seins y étaient dessinés, le chaman s’approprie les attributs de la femme pour mieux l’éliminer des célébrations. La personnification féminine du chaman/travesti permet de mieux communiquer avec les dieux. Ce
n’est pas par hasard, si de tout temps, la femme fut investie du pouvoir de sonder la volonté des dieux et communiquer avec eux, comme la Sybille chez les Grecs (Jung) et «diseuse de la bonne aventure» d’aujourd’hui.
On voit bien que c’est l’institution religieuse contrôlée par l’homme qui a propagé les inégalités entre l’homme et la femme dans tout le tissu social et politique; ce que Montaigne décrit comme « la grossière imposture des religions.» Le clergé forme la société d’homme la plus drastique envers les femmes.
À la fin du Néolithique, tout est maintenant à sa place : la nature est de plus en plus soumise, le culte des morts et de la fertilité sont bien établis, les Dieux et Déesses agraires côtoient les icônes déifiées du chasseur paléolithique et du pasteur nomade, croyances et rituels sont célébrés au Temple décoré par des artistes mâles sous la supervision de «prêtres» masculins avec une cosmologie comportant le symbole du village comme «Centre du Monde» défendu par des guerriers aguerris. (Eliade, 1976). Bref, une «philosophie» générale de la vie, une culture où les pouvoirs spirituel, politique et guerrier sont entre les mains des hommes en recherche de puissance.
Cette nouvelle puissance fondamentale s’actualisera dans la répression des forces de l’anima dans la domination du corpus social par le patriarcat qu’il érigera longuement, patiemment en système politique.
« Nous savons (...) que le dimorphisme sexuel (ensembles des caractères non indispensables à la reproduction et qui permettent de distinguer les deux sexes d’une espèce) est enraciné dans les processus de reproduction et de socialisation des primates (...) Au cours de l’évolution de l’humanité, ce “pattern” de base s’est enrichi des comportements complexes développés par la chasse. (...) Les différences sexuelles existantes furent encore accentuées. (...) L’une des conséquences les plus importantes de la chasse comme mode d’existence fut d’accentuer la différence entre les comportements des hommes et ceux des femmes. (...) Si nous nous rappelons qu’à ce stade de la civilisation primitive de la chasse, la taille du cerveau passe du simple au double (...), nous pouvons prendre la mesure des procédés que la sélection a mis alors en oeuvre et qui ont dû être d’une efficacité énorme. L’ancienne structure d’association des primates s’est transformée en une impressionnante structure
nouvelle, celle de la chasse coopérative. (nda- origine de la diplomatie (alliances). De là aussi résulte que la politique est une «affaire d’hommes», avec ses comportements d’intimidation, sa phraséologie, ses réglementations écrites, ses vanités, ses conceptions bizarres de l’honneur: on a peur de paraître faible, on est disposé au combat et à la guerre, on fait étalage de grandeur viril et d’exaltation de soi-même. (...) Ces mécanismes de sélection ont influencé sur le comportement de tous les types masculins et produit ces résultats extravagants mais bien réels qui semblent si chers au Moi des hommes ». (Tiger et Fox, The Imperial animal, p.121-122, 1971.)
« Des travaux récents de l’anthropologie culturelle commeL’un et l’autre sexe, 1975, de Margaret Mead, on ne pouvait que retirer l’impression qu’il n’y a rien que l’on puisse considérer comme une nature spécifique de l’homme et de la femme. Mais si sujette à variation et à divergence que soit la répartition sociale des rôles entre les sexes selon les civilisations, la division multi-millénaire du travail entre eux : chasse d’une part, maternité et éducation des enfants d’autre part, n’en a pas moins conduit à certaines constances que l’on peut définir en les radicalisant, par les oppositions polaires entre tuer et donner la vie, guerre et paix ». (Drewermann, Spirale de la peur, 1982, note 56, p. 367)
D’ailleurs, aucune société dite de nature et/ou matriarcale a survécu à son contact avec l’Occident patriarcal. Que l’on pense aux Amérindiens tant du Nord que du Sud.
Nous avons vu l’importance accordée au sang dans son rapport de filiation (lien du sang) entre dieu et l’homme et de son tabou (sang menstruel) qui exclue la femme du sacré ou plutôt qui relègue le sacré de la femme dans une sous-catégorie qu’est la religion domestique dont le temple est le foyer et les membres, la famille. Ce rapport au sang est à la base de la construction sociale de la différence homme/femme. D’autres pensent que l’incapacité des hommes à procréer justifie leur filiation avec Dieu. Peu importe car c’est justement parce que l’homme occupe la caverne comme lieu sacré qu’il peut se placer en position de domination. Ce qui lui permet de déterminer son idéologie, d’affirmer sa vision comme universelle : celle qui régit et définit le type de société et les rapports entre membres. Si bien, qu’il y a deux sexes naturellement différenciés mais une seule culture androcentrique; la victoire de la raison
(animus) sur la nature (anima).
« On aboutit à une dichotomie quasi-absolue. L’homme, placé au centre de l’édifice social imaginé, est seul du côté de l’universel, du général, du social et du culturel. La femme est définie par rapport à lui et la différence qu’on est contraint de lui reconnaître ne peut être ni sociale, ni culturelle; elle relève du domaine biologique; la femme est du côté de la nature ». (N.C.Mathieu (Veillette), op, cit. p15)
Selon la pensée hindoue, la femme ne peut vouloir par elle-même, c’est l’homme qui décide; la femme est écartée du savoir très jeune pour s’occuper des travaux domestiques. Le taoïsme en Chine, le shintoïsme au Japon lui réserve un sort identique, malgré l’existence de philosophie comme le Yin Yang chinois pour qui le masculin et le féminin sont complémentaires et non affectés par des catégories inférieures et supérieures, malgré l’existence de la déesse Amaterasu et du dieu Susano-o qui assure l’équilibre dans la société japonaise et dans l’Univers, ces sociétés demeurent quand même dominées par l’homme. Selon le bouddhisme, la femme nonne n’a pas le même statut que le moine et sa réincarnation dans un homme est la seule manière pour elle d’échapper à son état d’infériorité.
Dans Homère, les jeunes femmes capturées sont livrées au bon caprice sensuel des vainqueurs; chacun à leur tour, dans l’ordre hiérarchique, les chefs choisissent les plus belles; on sait que toute L’Iliade gravite autour d’une querelle entre Achille et Agamemnon, à propos d’une de ces esclaves. Pour chaque héros homérique de quelque importance, on mentionne la jeune captive avec qui il partage sa tente et son lit. De plus, la Bible désigne la femme comme butin de guerre et exprime les préceptes à suivre pour toute femme extérieure à la communauté hébraïque dont l’interdiction de mariage pendant un mois pour être sûr qu’elle n’est pas déjà enceinte de l’ennemi.
Devant une telle unanimité internationale, Engels en tirera cette conclusion en affirmant que « la victoire de l’humanité » repose sur «la défaite historique du sexe féminin ».
« En effet, le matriarcat, tout comme la maternité, est un état de nature qui a dû être transcendé pour laisser place à la culture. Les femmes n’ont pu effectuer ce passage, faisant elles-mêmes biologiquement partie de la nature. Le rôle de civilisateur revient au
sexe non défini par sa biologie, aux humains dégagés de la nature : aux hommes. Ils ont pu développer la culture, la civilisation en dominant la nature et la partie de l’humanité qui lui est assujettie : les femmes. (...) Si les femmes ont été prédominantes à une certaine époque, c’est parce que leurs qualités intrinsèques étaient indispensables au début de l’humanité. (...) La «défaite historique du sexe féminin» qui doit être comprise comme une «victoire de l’humanité», a donc été une étape nécessaire dans la progression des sociétés. La filiation patrilinéaire a alors remplacé la matrilignage, et la famille monogame l’organisation communautaire clanique, sapant du même coup les bases du «pouvoir» des femmes ». (Françoise Braun, Matriarcat, maternité et pouvoir des femmes, Anthropologie et sociétés, Québec, Université Laval, 1987, vol.11 no.1, p. 47)
La «défaite historique des femmes», telle que formulée par Engels, est inadéquate et incomplète. C’est non seulement le sexe mais aussi le genre féminin qui est en cause : l’anima. Reliée à l’harmonie primordiale, les valeurs de l’anima tendent vers la réalisation de cet «état de nature» et cherchent ainsi à neutraliser, à absorber les élans masculins pulsionnels de l’animus. Cette dualité est la marque de l’évolution, l’un tempérant l’autre. Car l’anima poussé a son extrême c’est l’immobilisme de la niche écologique et la mort. L’extrémisme de l’animus s’exprime par la destruction qui conduit elle-aussi à la mort. Les valeurs masculines (patrilignage) de la chasse venant bousculer les valeurs féminines (matrilignage) de l’Australopithèque végétarien voué à la mort. Par la suite, les sociétés horticoles venant tempérer les ardeurs destructrices des mâles-chasseurs et ainsi de suite.
Mais revenons à Engels quelques instants. La fameuse «défaite historique du sexe féminin» n’est pas définitive encore et le combat fait toujours rage. Car s’il y a recherche de victoire, c’est qu’il y a enjeu. Et quel peut-être cet enjeu si convoité depuis des millénaires que dispute l’homme à la femme, si ce n’est de soustraire à la femme le contrôle de la sexualité et de récupérer par diversions les pouvoirs de la maternité en retirant en sa faveur les mâles du pouvoir maternels.
Tabous sexuels et rites d’initiation seront mis en place à cette fin. Allons donc jeter un coup d’œil pour voir ce qu’il se passe à l’intérieur de la mystérieuse caverne, l’antre des chasseurs.
Le symbole de la caverne est assez évident, c’est la matrice de la deuxième naissance des mâles. Les jeunes initiés y apprennent que deux activités fondamentales assurent la survie du groupe : la chasse qui produit de la nourriture et la copulation qui produit des enfants. La domination du chasseur sur l’animal est lue comme la résultante d’une possession sexuelle; d’où notamment l’équation blessure = vulve dans les représentations symboliques de l’art pariétal du Paléolithique supérieur. Cette possession sexuelle sera transférée vers la femme qui à son tour subira l’interdit de la caverne sous prétexte d’éviter les relations adultères et incestueuses avec l’animal mythique. L’homme ainsi possède à la fois les puissances animales et contrôle les actes de fécondité féminins.
Mais l’enjeu est plus que cela. Le monde de la chasse s’exprime par la puissance, forme des relations de dominant/dominé entre les catégories d’activités et les êtres. Rappelons-nous qu’à l’époque de l’Australopithèque arboricole, les êtres étaient soumis à très peu de contrainte hiérarchique :
«la collecte de nourriture, pour autant que nous le sachions, ne crée pas une division sexuelle du travail, car les deux sexes y procèdent de la même façon.» (Stewart cité in Moscovici, p.291)
Pour déterminer l’ordre hiérarchique, le droit de nature conféré par la chasse parlera à sa place qui «veut que le vainqueur soit le maître et seigneur du vaincu. D’où il s’ensuit que par ce même droit un enfant est sous la domination immédiate de celui qui le premier le tient en puissance. Or l’enfant qui vient de naître est en puissance de sa mère avant tout autre personne, de sorte qu’elle peut l’élever comme bon lui semble et sans que sa responsabilité puisse être en cause.» (T. Hobbes cité dans Moscovici, p.302)
La lutte des pères et des mères pour la possession des enfants, principalement des fils est au cœur des enjeux sociaux. Il serait intéressant d’analyser sous cet angle les demandes de garde d’enfant lors des divorces. Nous ne serions pas surpris de constater que les pères font très peu de demande de garde pour les filles préférant les garçons tandis que les femmes demandent systématiquement la garde des enfants indépendamment du sexe.
Retour au Paléolithique. Les rituels de la caverne servent donc à séparer le fils de la mère. Plusieurs psycho-anthropologues
commencent à se demander si le rituel d’initiation axé sur la séparation et les causes qui l’ont provoqué, ne sont pas eux-mêmes l’origine psychologique du conflit oedipien. Si bien que le complexe d’Oedipe serait autant culturel que naturel et aurait servi à l’homme puisque la prohibition de l’inceste répond à cette double exigence de séparation et hiérarchie de contrôle en soustrayant le mâle du pouvoir sexuel (séduction/fascination) de la mère et des sœurs. Ainsi le mâle aurait converti en avantage culturel exclusif un processus naturel garantissant la bonne santé physiologique et psychique de l’espèce. Comment et pourquoi ?
Les hommes par l’initiation révèlent enfin aux mâles le pouvoir de leur sexe en comparaison de pouvoir négatif et isolant des femmes non seulement en ce qui concerne les relations sexuelles (inceste) mais dans tous les détails de la vie au quotidien (évitement et isolement dus aux menstruations). Devenus les gardiens de leur société, ils auront dorénavant le droit d’imposer aux femmes et aux jeunes une discipline dans le but de brimer toutes tentatives d’autonomie. Tous les rites initiatiques confèrent au mâle l’autorité nécessaire sur la femme en propulsant la supériorité masculine dans l’ordre du sacré.
Pour y arriver, le jeune mâle pubère doit subir des épreuves et des cérémonies. Les épreuves parfois cruelles sont d’ordre physique et moral car il doit faire preuve d’endurance et de virilité. Pour assurer la cohésion et la pérennité du groupe, les adultes lui font sentir leur autorité de diverses façons tout en lui donnant des instructions minutieuses sur son futur rôle. L’adulte révèle au jeune garçon son identité profonde tout en confirmant la défaveur qui frappe le sexe féminin. L’initiation détache le garçon de la mère, parfois il est obligé de quitter sa hutte, sa mère n’a plus le droit de voir son pénis. Il est prêt à se marier, a le droit de s’asseoir et manger avec les hommes, il peut prendre part au procès, y donner son opinion et faire la guerre mais surtout « la filiation selon le droit maternel est celle qu’il fallait renverser tout d’abord, et elle fut renversée.(…) Il suffisait de décider qu’à l’avenir les descendants des membres masculins resteraient dans lagens,et que les descendants des membres féminins en seraient exclus et passeraient dans lagensde leur père. Ainsi, la filiation en ligne féminine et le droit d’héritage maternel étaient abolis, la ligne de filiation masculine et le droit d’héritage paternel étaient instaurés. (…) Le renversement du droit maternel futla grande défaite historique du sexe féminin.Même à la maison, ce fut l’homme qui prit en main le gouvernail; la femme fut dégradée, asservie, elle
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