Glucides : La consommation des glucides chez l’enfant et l’adolescent

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26 octobre 2006

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Français

La
consommation
Consumption
Archives de pédiatrie 13 (2006) 10951097
Éditorial
des glucides chez lenfant
et
http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/
ladolescent
of carbohydrates by children and adolescents
Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie1*
Reçu le 16 janvier 2006 ; accepté le 22 mai 2006 Disponible sur internet le 30 juin 2006
Mots clés :Glucides ; Obésité ; Sodas ; Recommandations nutritionnelles
Keywords:Food policy; Dietary carbohydrates; Energy intake; Obesity; Child; Adolescents
LAgence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a chargé un groupe dexperts danalyser les rapports entre glucides et santé. Les objectifs étaient de faire un état des lieux, une évaluation et des recommandations. Les résultats de ce travail ont été publiés en octobre 2004 et sont disponibles sur le site de lagence (www.afssa.fr)[1]. Cet éditorial analyse les principaux éléments qui concernent lenfant et ladolescent.
1. La classification des glucides
Les glucides ou hydrates de carbone font lobjet de plu-sieurs classifications qui ne se superposent que de façon par-tielle. La classification retenue est la suivante : les glucides simples désignent les mono- (glucose, galactose, fructose, taga-tose) et disaccharides (saccharose, lactose, maltose, isomaltu-lose, tréhalose) et les glucides complexes désignent les oligo-saccharides et polysaccharides. Lutilisation de ces termes nest en aucun cas liée à une notion de biodisponibilité puisque cer-tains glucides simples ne sont pas du tout digérés dans lintes-tin grêle (lactulose, tagatose), alors que dautres le sont com-plètement. Les polyols utilisés dans certaines friandises constituent un groupe particulier obtenu dans lindustrie par fermentation ou hydrogénation catalytique. Ils ont une faible
1M.-L. Frelut, A. Bocquet, J.-L. Bresson, A. Briend, J.-P. Chouraqui, D. Darmaun, C. Dupont, J. Ghisolfi, J.-P. Girardet, O. Goulet, G. Putet, D. Rieu, J. Rigo, D. Turck (coordonnateur), M. Vidailhet.* Auteur correspon-dant. M.-L. Frelut, Hôpital Saint-Vincent de Paul, 7484, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.Adresse e-mail: mfrelut@ctpmargency.com (M.-L. Frelut).
0929-693X/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2006.05.004
cariogénicité, ne sont pas insulinogènes, et sont pour la plupart moins énergétiques que les glucides dont ils sont issus. Le terme « sucres » (au pluriel) est, par convention, utilisé pour décrire les mono- et les disaccharides. Le « sucre » (au singu-lier) désigne le seul saccharose pur (sucrose en anglais). La mention « Sans sucres ajoutés », ou toute autre alléga-tion pouvant avoir le même sens pour le consommateur, ne peut figurer que si le produit ne contient pas de monosaccha-ride, disaccharide ou tout autre aliment utilisé pour ses proprié-tés édulcorantes. Seuls les sucres ajoutés sont visés et non ceux présents naturellement dans le produit. L« allègement » a éga-lement une définition réglementaire : le terme « à teneur réduite » signifie que la réduction du nutriment en cause est drapport au produit de référence. « Exemptau moins 25 % par de sucre » signifie que le produit contient une quantité infé-rieure ou égale à 0,5 g/100 g (aliment solide) ou inférieure ou égale à 0,5 g/100 ml (aliment liquide) de saccharose. Le rapport préconise de ne plus employer la notion de glu-cides (ou de sucres) lents et rapides. En effet, cette classifica-tion a longtemps été estimée superposable aux classifications fondées sur le degré de polymérisation et/ou le goût plus ou moins sucré des aliments. Mais ces notions sont fausses : les aliments contenant comme principale source de glucides lami-don (baguette de pain, pomme de terre cuite à leau) sont digé-rés très rapidement. En revanche, les fruits, qui contiennent du saccharose et du fructose, sont moins hyperglycémiants que la plupart des aliments amylacés. Mais, certains aliments amyla-cés sont quant à eux peu hyperglycémiants : les légumes secs, les pâtesLa notion dindex glycémique, quil sagisse de celui dun aliment ou dun repas, est discutée. Lindex glycé-mique est défini comme laire sous la courbe de réponse gly-
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cémique (aire au-dessus de la ligne de base représentée par la glycémie à jeun) à une portion daliment apportant 50 g de glucides, exprimée en pourcentage de la réponse à une portion dun aliment de référence, apportant la même quantité de glu-cides, pris par un même sujet.
2. Les données de consommation dans la population générale
Les données de consommation montrent quen proportion des apports énergétiques totaux, les apports de sucre sont plus élevés chez les enfants (17 à 23 %) que chez les adultes. La part des sodas augmente nettement avec lâge jusquà ladoles-cence et les produits de type « fast-food » augmentent aussi, surtout chez les plus faibles consommateurs de glucides com-plexes. La comparaison, avec un recul de 30 ans, entre la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis fait ressortir les différences, la consommation de boissons sucrées étant nette-ment plus élevée dans les pays anglo-saxons. Chez les enfants de moins de 30 mois, la part importante des glucides dans lap-port énergétique (48 à 56 %) tient, en particulier, au lactose. Les sources utilisées sont mentionnées en référence dans le rapport de lAfssa. Les principales sont, pour la France, les données des enquêtes nationales de consommation alimentaire ASPCC (association sucre produits sucrés consommation com-munication) et INCA1(enquête individuelle nationale de consommation alimentaire) réalisées respectivement en 19931994 et 1999. Aux États-Unis, les données de létude de Boga-lusa (19701980) et en Grande-Bretagne, celles de la National Dietary and Nutrition Survey (NDNS) de 1997 ont été retenues car les méthodologies le permettaient. Ont été aussi prises en compte les données publiées par lAcadémie américaine de pédiatrie en 2004 : il savère que la consommation de sodas a été multipliée par 3 en 20 ans et mène à un excès de 200 à 700 kcal/jour chez les enfants et adolescents. En France, une bouteille de 1,5 l des sodas classiques contient 150 g de saccharose, soit léquivalent de 30 morceaux de sucre de 5 g (600 kcal). Une canette de 33 cl apporte donc là 8 morceaux de sucre (130 kcal). Léquivalent de 7 utilisa-tion de fructose dans ces boissons, répandue aux États-Unis, pourrait avoir des inconvénients métaboliques spécifiques. Lapport en fructose, glucose et saccharose des purs jus de fruits est variable en proportion et en quantité et se situe entre 80 g (agrumes) et 150 g (raisin) par litre. Les briquettes de 20 cl apportent 20 g de sucres (80 kcal). Les nectars sont, en général, parmi les plus sucrées des boissons à base de fruits.
3. Le lien avec la santé
Les données analysées proviennent de 5 pays : France, États-Unis, Espagne, Italie, Grande-Bretagne. En dehors du risque bien établi de caries dentaires, lobésité est la principale pathologie corrélée à la consommation de glucides chez len-fant et lRappelons que la prévalence de surpoids etadolescent. dobésité est, chez les enfants de 7 à 10 ans, de 18 % en France, 27 % en Grande-Bretagne, 34 % en Espagne, 36 %
en Italie, selon les critères et les données actualisées de lInter-national Obesity Task Force[2]. Aux États-Unis, 1 enfant sur 3 est en surpoids ou obèse. Laugmentation continue de lexcès de poids est la règle dans la plupart des pays, où certaines populations connaissent un risque encore plus élevé. Par ail-leurs, les complications somatiques connues chez ladulte com-mencent à apparaître de façon significative chez les enfants et les adolescents, notamment les hypopnées et apnées obstructi-ves au cours du sommeil et les composantes du syndrome métabolique (insulinorésistance, diabète de type 2, élévation de la pression artérielle de repos, stéatose hépatique)[3]. Chez ladulte, un lien se dégage entre la consommation dune alimentation à charge glucidique ou index glycémique élevé et un risque accru dans les populations à risque métabo-lique (diabétiques, sujets en surpoids, atteintes métaboliques). Dans la population générale, en revanche, aucun lien na été retrouvé. Les études disponibles en pédiatrie sont de 3 types : études transversales comparant les consommations de glucides des enfants de poids normal et des enfants obèses, études longitu-dinales observant leffet de la consommation des glucides sur la santé ou essais dintervention. En France, comme aux États-Unis, les comportements à risque sont associés : sédentarité, temps de télévision et consommation daliments gras et sucrés ou salés, de sodas. Aux États-Unis, lépidémie dobésité sest accompagnée, dès les années 19701980, dune consommation accrue de glucides simples entre 1 et 4 ans, sous forme de sodas et confiseries, et dune réduction de la consommation de glucides provenant des fruits et légumes. La démonstration du rôle spécifique des bois-sons sucrées est établie aux États-Unis et en Grande-Bretagne : le suivi longitudinal dune cohorte dadolescents a permis dentre le nombre de sodas consommésétablir une corrélation et la prise de poids ; la diminution de leur consommation a permis de stabiliser la prévalence du surpoids et de lobésité en Grande-Bretagne. En effet, dans ce pays, un programme de prévention de lobésité par une action éducative dispensée pendant 1 an a été mis en place à lécole chez des enfants âgés de 7 à 10 ans. Dans une première étude, les enfants ont reçu une formation très générale à la nutrition, qui est restée sans effet. Dans une seconde étude, calquée sur le même modèle, la formation a été ciblée sur les seules boissons sucrées et les jus de fruits. Les enfants ont appris à repérer les situations de consommation de ces boissons, se sont vus conseiller de les diluer au tiers dans de leau et ont été encouragés à boire de leau pure. La prévalence de lobésité a été stabilisée dans les écoles appliquant ce programme tandis quelle continuait à augmenter (+7 %) dans les écoles témoins. Ces 2 études ont donc eu recours à 2 stratégies divergentes sur un point clé : le message nutritionnel. Dans le premier cas, une information complète mais sans application pratique na pas eu deffet. Dans le second cas, un objectif en apparence plus modeste, mais pertinent, simple, mis enœuvre à lécole, a convaincu les enfants qui non seulement ont accepté de participer mais ont, en outre, incité leurs familles à modifier leurs habitudes.
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Les données récentes, publiées après le rapport de lAfssa, sont convergentes : une équipe de Harvard a montré[4]que dans une population denfants représentative de la population nationale du même âge (4 à 19 ans), un tiers mange dans un fast-food et consomme ce jour-là, en moyenne, un surplus de 187 kcal (IC 95 % : 109265). La consommation additionnelle de soda les jours de fast-food est de 228 g (IC 95 % : 184272), tandis que la consommation de fruits et de légumes dimi-nue de 45 g (IC 95 % : 58,631,4). De même, létude prospec-tive de plus de 10 000 enfants et adolescents, âgés de 9 à 14 ans (US Growing Up Today Study) a conclu que laugmen-tation de la consommation de boissons sucrées saccompagne dune plus grande prise de poids et que cet effet est lié à léner -gie ainsi consommée[5]. La surveillance pendant 10 ans den-fants de poids initial normal (Massachusetts Institute of Tech-nology Growth and Development Study) a montré que lévolution de lindice de masse corporelle est corrélée à la consommation de sodas, et celle des aliments riches en énergie au temps passé devant la télévision[6]. On estime que la part des aliments non essentiels et des boissons sucrées représente en Australie plus de 40 % des apports énergétiques des enfants et des adolescents (contre environ 25 % chez les adultes de 26 à 39 ans, 13 % entre 40 et 64 ans et 8 % au-delà)[7]. Analy-sant les pratiques du marketing des boissons sucrées pour la population scolarisée, une équipe de luniversité de Washing-ton[8]a relevé dans la revue « Beverage Industry » la phrase suivante : « influencer les écoles élémentaires est très impor-tantcar [les enfants] sont encore en train de construire leurs goûts et leurs habitudes ». Qui plus est, une étude anglaise a mis en évidence une sensibilité accrue des enfants obèses aux messages publicitaires télévisés : ils en reconnaissent davan-tage et mangent davantage des produits présentés[9]. Le rapport a donc conclu qu« une consommation excessive de glucides simples, notamment sous forme de boissons, appa-raît bien en cause dans le développement du surpoids et de lobésité des enfants et des adolescents dans les pays industria-lisés ». Les données récentes confirment que cette alarme est justifiée.
4. Les propositions
Le rôle des lipides et de la sédentarité nest bien sûr pas ignoré des experts. Lénorme pression commerciale à la consommation, sous forme de publicité, en particulier à la télé-vision, et la présence jusque dans les établissements scolaires de produits riches en sucres, ont mené aux propositions que lon peut résumer ainsi : dans le cadre dune approche nutri-tionnelle globale, sont recommandés :
le développement dune communication de lautorité publique, performante et indépendante, à destination des
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consommateurs mais aussi des enseignants et professionnels de santé ; un étiquetage des denrées alimentaires clair et compréhen-sible. Ces modalités, encore à létude à ce jour, pourraient inclure la notion de densité nutritionnelle et guider le consommateur sur la base de fréquence de consommation souhaitable. La densité nutritionnelle dun aliment exprime le contenu en micronutriments indispensables par rapport au contenu énergétique. Lorsque le contenu en énergie est élevé et la concentration en micronutriments basse, un ali-ment sera dit à densité nutritionnelle faible pour ces micro-nutriments ; la protection des enfants en milieu scolaire : la circulaire du 25 juin 2001 sur la qualité des repas servis en restauration scolaire doit être effectivement appliquée ; la collation du milieu de matinée à lécole doit être effectivement suppri-mée, comme le sont aujourdhui les distributeurs de produits manufacturés riches en sucres et/ou graisses et/ou sel. Leau est la seule boisson recommandée ; la publicité, en particulier à la télévision, sur lalimentation des enfants, doit être supprimée aux heures découte des enfants.
Sans méconnaître le rôle hédonique du sucre et des friandi-ses dans lalimentation des enfants, il importe den connaître les limites et daider les familles à garder des repères de consommation raisonnable. Les pédiatres ont bien sûr un rôle essentiel à jouer dans ce domaine.
Références
[1] Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Rapport gluci-des et santé. État des lieux, évaluation et recommandations. 2004 ; dispo-nible sur le site www.afssa.fr. [2] Lobstein T, Baur L, Uauy R, IASO International Obesity Task Force. Obesity in children and young people: a crisis in public health. Report to the World Health Organization. Obes Rev 2004;5(Suppl 1):4104. [3] Weiss R, Dziura J, Burgert TS, et al. Obesity and the metabolic syndrome in children and adolescents. N Engl J Med 2004;350:236274. [4] Bowman SA, Gortmaker SL, Ebbeling CB, et al. Effects of fast-food consumption on energy intake and diet quality among children in a natio-nal household survey. Pediatrics 2004;113:1128.
[5] Berkey CS, Rockett HR, Field AE, et al. Sugar added beverages and ado-lescent weight change. Obes Res 2004;12:77888. [6] Phillips SM, Bandini LG, Naumova EN, et al. Energy-dense snack food intake in adolescence: longitudinal relationship to weight and fatness. Obes Res 2004;12:46172. [7] Bell AC, Kremer PJ, Magarey AM, et al. Contribution ofnoncorefoods and beverages to the energy intake and weight status of Australian chil-dren. Eur J Clin Nutr 2005;59:63945. [8] Wiehe S, Lynch H, Park K. Sugar high: the marketing of soft drinks to Americas schoolchildren. Arch Pediatr Adolesc Med 2004;158:20911. [9] Halford JC, Gillespie J, Brown V, et al. Effect of television advertisements for foods on food consumption in children. Appetite 2004;42:2215.
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