Rapport sur la fiscalité du secteur numérique

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Source de richesse et de croissance, le numérique s'étend à tous les secteurs de l'économie. Le système fiscal appréhende encore difficilement les nouvelles formes d'activités, de consommation et de transactions qui en découlent. Dans son rapport, la mission d'expertise Colin - Collin sur la fiscalité de l'économie numérique appelle à de nouvelles règles fiscales.
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19 janvier 2013

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162

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Langue

Français

Poids de l'ouvrage

6 Mo

 
 
  MINISTERE DE L’ECONOMIE  MINISTERE DU REDRESSEMENT 
  ET DES FINANCES  PRODUCTIF 
 
  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique 
 
 
 
 
 
 
 
Rapport au Ministre de l’économie et des finances, au Ministre du redressement productif, 
au Ministre délégué chargé du budget et à la Ministre déléguée chargée des petites et moyennes 
entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique 
 
 
 
 
établi par 
 
 
 
 
   
PIERRE COLLIN  NICOLAS COLIN 
Conseiller d’État  Inspecteur des finances 
 
 
 
 
   
 
 – JANVIER 2013 – 
 
  
  
 
 
 
 
 
 
1« Nous mettons au point un service Web  qui nous permettra de ne plus recourir 
aux services d’avocats fiscalistes, mais ça ne fonctionne pas encore. » 
2— Jeff BEZOS, président‐directeur général d’Amazon.com, Inc., 2006  
« Je suis très fier de la structure que nous avons mise en place. 
Nous l'avons fait en nous basant sur les incitations que les gouvernements 
nous ont proposées pour établir nos activités. » 
3— Eric SCHMIDT, président exécutif de Google Inc., 2012  
                                                             
1  Un  service  Web  est « un programme informatique permettant la communication et l'échange de données entre 
applications et systèmes hétérogènes dans des environnements distribués » (Wikipedia). Une  plateforme logicielle, 
ou plateforme Web, rassemble plusieurs services Web  accessibles  pour  les  développeurs  extérieurs  par 
l’intermédiaire  d’interfaces  de  programmation  d’applications  (ou  API  –  Application  Programming  Interface). 
http://fr.wikipedia.org/   
2  Cité  par  China  MARTENS, « Bezos offers a look at 'hidden Amazon' », Computer World,  27  septembre  2006. 
http://www.computerworld.com/ 
3 Cité par La Nouvelle République, « Le patron de Google "très fier" de son système d'"optimisation" fiscale », 15 
décembre 2012. http://www.lanouvellerepublique.fr/  
  
 
  
SYNTHÈSE 
La révolution numérique a eu lieu. Elle a donné naissance à une économie numérique 
qui remet en cause notre conception de la création de valeur.  L’économie  numérique 
4repose certes sur des activités traditionnelles de production de biens et de services . Mais de 
plus en plus, des startups en amorçage ou des entreprises globales servant des centaines de 
millions  d’utilisateurs bouleversent les règles du jeu et transforment  radicalement  tous  les 
secteurs de l’économie : par l’intensité de leur recours aux technologies numériques ; par le 
caractère innovant de leurs modèles d’affaires ; par l’abondance du financement auquel elles 
ont  accès,  notamment  grâce  au  capital‐risque ;  par  l’amélioration  en  continu  du  design  de 
leurs  interfaces  et  des  expériences  qu’elles  proposent  à  travers  leurs  applications ;  par  la 
relation  privilégiée  qu’elles  nouent  avec  les  utilisateurs  de  ces applications ; enfin, par le 
levier  qu’elles  font  des  données  issues  de  l’activité  de  ces  utilisateurs.  À  travers  ces 
entreprises,  l’économie  numérique  représente  une  part  croissante de la valeur ajoutée des 
économies des grands États. 
Alors même que l’économie numérique investit l’intimité de milliards d’individus, sa 
valeur ajoutée nous échappe.  La  façon  dont  elle  s’organise, la puissance de ses effets de 
réseau et l’ampleur des externalités induites par ses modèles d’affaires déjouent les règles de 
mesure  de  la  valeur  ajoutée.  Or  le  nombre  de  terminaux  et  objets  connectés  augmente  de 
façon  exponentielle ;  le  temps  passé  à  les  utiliser  connaît  une  croissance  soutenue ;  le 
divertissement,  les  achats,  la  production  ont  désormais  lieu  dans une économie numérique 
qui  investit  le  quotidien  et  même  l’intimité  de  milliards  d’individus  –  consommateurs, 
créateurs,  salariés  ou  travailleurs  indépendants.  L’économie  numérique  est  donc  partout, 
mais l’on ne sait toujours pas bien la mesurer. La réalité est  qu’une  part  significative  de  sa 
valeur ajoutée s’échappe tendanciellement du territoire des grands États vers les comptes de 
sociétés établies dans des paradis fiscaux, non sans de lourdes conséquences économiques et 
surtout  fiscales :  malgré  une  intense  activité  sur  le  territoire  des  États  les  plus  peuplés,  les 
grandes entreprises de l’économie numérique n’y paient quasiment pas d’impôts. 
Les gains de productivité générés par l’économie numérique ne se traduisent donc pas 
par des recettes fiscales supplémentaires pour les grands États. Cette situation est sans 
précédent historique. 
*** 
L’économie  numérique  présente  des  caractéristiques  et  obéit  à  des  logiques 
radicalement différentes de celles des Trente glorieuses : 
l'économie  numérique  accélère  le  rythme  de  l'innovation  et  de  la  diffusion  des 
nouveaux biens et services. Il a fallu trois fois moins de temps pour équiper la majorité 
des français d'Internet que du téléphone fixe. Une application telle que Facebook a 
acquis un milliard d'utilisateurs en moins de huit ans ; 
grâce  au  capital‐risque,  critique  pour  le  financement  de  cycles  courts  d’innovation, 
l’économie numérique mobilise des investissements massifs. Ils s'accompagnent d'une 
forte exigence de rendement pour les quelques entreprises qui rencontrent le succès et 
se développent à une grande échelle ; 
par  de  spectaculaires  effets  de  « traction »,  l’économie  numérique  conduit 
fréquemment à l’acquisition de positions dominantes. Elle met en concurrence, non des 
                                                             
4 Par exemple l’édition logicielle, les services et l’ingénierie  informatique,  les  télécommunications,  la  création 
publicitaire ou la création d’œuvres de l’esprit. 

??? 
entreprises  sur  des  marchés  bien  identifiés,  mais  des  écosystèmes entiers englobant 
sur différents marchés connexes ; 
l’économie  numérique  est  bâtie  sur  un  modèle  de  réinvestissement  de  l'essentiel  des 
bénéfices plutôt que de distribution de dividendes, les actionnaires se rémunérant par 
d'éventuels gains en capital. Dans cette économie, le refus de verser des dividendes est 
considéré comme le signe d’intenses efforts d’innovation ; 
l'économie numérique est en perpétuelle et rapide mutation, dans tous les secteurs, de 
sorte qu’il est difficile d’y identifier des points de stabilité, y compris pour asseoir un 
impôt. Ni les technologies, ni les modèles d’affaires, ni les services rendus ne peuvent 
être considérés comme pérennes ; 
enfin, l’économie numérique découple de façon systématique le lieu d’établissement du 
lieu de la consommation. En conséquence, il est de plus en plus difficile de localiser la 
valeur créée par cette économie et d’y appliquer les règles d’un droit fiscal désormais 
inadapté. 
*** 
Le  point  commun  à  toutes  les  grandes  entreprises  de  l’économie  numérique  est 
l’intensité  de  l’exploitation  des  données issues du suivi  régulier et  systématique de 
l’activité de leurs utilisateurs : 
les  données,  notamment  les  données  personnelles,  sont  la  ressource  essentielle  de 
l’économie numérique. Elles permettent aux entreprises qui les collectent de mesurer 
et d'améliorer les performances d’une application, de personnaliser le service rendu, de 
recommander des achats à leurs clients, de soutenir des efforts d’innovation donnant 
naissance à  d’autres  applications, de prendre des décisions stratégiques.  Les données 
peuvent également être valorisées auprès de tiers concessionnaires de leur utilisation, 
notamment à travers les modèles de plateforme logicielle. D’une manière générale, les 
données sont le levier qui permet aux grandes entreprises du numérique d’atteindre de 
grandes échelles et des niveaux élevés de profitabilité ; 
la  collecte  des  données  révèle  le  phénomène  du  « travail  gratuit ».  Dans  l’économie 
numérique,  tout  laisse  des  traces.  Du  fait  du  suivi  régulier  et  systématique  de  leur 
activité  en  ligne,  les  données  des  utilisateurs  d’applications  sont  collectées  sans 
contrepartie monétaire. Les utilisateurs, bénéficiaires d’un service  rendu,  deviennent 
ainsi  des  quasi‐collaborateurs,  bénévoles,  des  entreprises.  Collectées,  stockées  et 
traitées pour être intégrées en temps réel à la chaîne de production, les données issues 
de  leur  « travail  gratuit »  contribuent  à  brouiller  la  frontière  entre  production  et 
consommation.  Attirés  par  la  qualité des interfaces  et les effets  de  réseau,  les 
utilisateurs deviennent, à travers ces données, des auxiliaires de la production et créent 
une valeur générant des bénéfices sur les différentes faces des modèles d’affaires. 
L’économie numérique est donc une forme de dépassement de la théorie de la firme : il 
y est possible de faire « travailler » les utilisateurs d’une application, comme par le passé on 
faisait  travailler  des  fournisseurs  ou  des  salariés.  L’absence  de  contrepartie  monétaire  à 
l’activité des utilisateurs explique en partie les gains de productivité spectaculaires dans cette 
économie.  Or  la  collaboration  d’utilisateurs  sur  le  territoire  d’un  État  à  la  formation  de 
bénéfices  déclarés  dans  un  autre État inspire une objection de  principe :  il  est  préoccupant 
que les entreprises concernées ne contribuent pas, par des recettes fiscales, à l’effort collectif 
sur  le  territoire  où  leurs  utilisateurs  résident  et  « travaillent »  gratuitement.  L’activité  des 
utilisateurs  d’applications  est  permise  et  même  décuplée  par  des  dépenses  publiques, 
notamment  dans  l’éducation,  la  protection  sociale  ou  le  déploiement  des  réseaux  sur 
l’ensemble du territoire. Le développement de l’économie numérique lui‐même appelle une 
politique  industrielle  volontariste,  qui  nécessite  la  mobilisation  de  ressources  publiques 
supplémentaires. Les grandes entreprises de l’économ

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