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L'écho

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Écho du bonheur (L’) Armand Silvestre (Contes pantagruéliques et galants) 1884
Et, comme il me regardait d’un air fort satisfait de soi-même, en humant voluptueusement son ample vermouth : - Mon ami Roubichou, lui dis-je, votre conte est tout simplement un des plus cochonnets que j’ai jamais ouïs, même à Toulouse, et en me disant que vous me l’offriez pour en égayer mes lecteurs ordinaires, vous êtes tout simplement accouché d’une impertinence. N’avez-vous donc pas remarqué, je vous prie, que nous sommes devenus gens sérieux et préoccupés de grave langage ? Moi-même, qui ne suis pas cependant un docteur, c’est tout au plus si j’ose, de temps en temps, glisser une gauloiserie entre une histoire héroïque de mon maître Banville, quelque récit ensoleillé de mon ami Paul Arène et une page de belle prose de notre sage Nestor, voir même quelque nouvelle audacieusement philosophique de Maufrigneuse. Heü ! Frustrá pius ! Ah ! voilà le cas qu’on fait de ma conversion et le retentissement qu’elle a eu dans le monde où l’on s’abuse… sur la nécessité du sérieux dans la vie ! Ah ! j’aurai fourré mon doux Rabelais dans ma poche et c’est le gré que vous m’avez de ce sacrifice ! Je la conterai votre histoire, Roubichou, je la conterai, ne fût-ce que pour prouver au monde - urbi et orbi - comme on dit, que, quand cela me plaît, je suis tout aussi mal élevé que vous ! La voilà donc, l’histoire de Placide Roubichou, - mais je le laisse parler lui-même. - Le premier jour où je la rencontrai, m’avait-il dit, je m’aperçus bien vite que je l’aimerais toute ma vie. En elle, en effet, se résument toutes les beautés qui me charment particulièrement. Elle est brune, elle a le regard triomphant, la bouche un peu charnue, un menton à la grecque, une gorge marmoréenne, des hanches énormes et un mari qui joue au jaquet fort convenablement : un beau parti pour un célibataire. Il ne me fallut pas grand temps non plus pour comprendre que je plaisais aussi. Sans être beau, je suis bien vu des femmes qui savent estimer ceux qui les aiment. Comme aucune renommée fâcheuse de bégueulerie ne planait autour de son nom, je me dis que mon bonheur était chose assuré et je me frottai les mains à engendrer des ampoules, occupation absolument inutile à une époque où l’on ne sacre plus les rois de France. Quand je me déclarai, elle eut le bon sens de ne pas faire l’étonnée. Non ! c’est qu’il y a des femmes qui ont toujours l’air de ne pas bien savoir ce qu’on leur demande. Ces façons-là me font enrager. « Sacredié, madame, ai-je toujours envie de m’écrier, mais vous le savez peut-être mieux que moi ! » Mais elle n’était pas de celles-là. Je vis qu’elle était fixée sur mes intentions ; car elle me répondit avec infiniment de politesse et une pointe de mélancolie : - Je suis extrêmement flattée, monsieur Roubichou, mais je ne puis être à vous ! - Qué sa co ! répliquai-je ? - Parce que vous me mépriseriez après. -Allons donc ! vous ne me connaissez pas, marquise. Je suis très indulgent pour les femmes et ne méprise absolument que celles qui ne veulent pas de moi ! - Je vous dis que vous rirez de moi ensuite ! - Vous méconnaissez, madame, le sérieux de mon caractère, et le bonheur, en particulier, me rend grave comme un baudet étrillé par un évêque. Je ne suis ni un jeune coq ni un moine fornicant gratis pour échapper au vieil adage qui nous prescrit une tenue convenable après les ivresses passagères de l’amour. - Et moi, je vous dis que vous vous moqueriez de moi ! Et elle avait des larmes dans le larynx, - ce qui est un fort mauvais endroit, - en prononçant ces paroles. Inutile de vous dire, continua Roubichou, que j’eus raison, avec le temps, de sa folle résistance. Je devins de plus en plus pressant, bien qu’elle me répétât toujours la même chose, ce qui devenait rasant. Une crasse de son mari qui lui avait refusé une ombrelle et un petit air de turlututu qu’un jeune pâtre exhalait sur la montagne voisine, dans la solitude étoilée d’une belle nuit d’été, firent le reste. Je fus heureux… ou plutôt je ne le fus qu’à demi. Car, à ma grande surprise et malgré les témoignages positifs de ma conscience, j’eus lieu de douter que mon bonheur eût
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