Voyage autour de ma chambre
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Description

Ce récit de forme autobiographique raconte les arrêts d’un jeune officier, contraint à rester dans sa chambre pendant quarante-deux jours. Il détourne le genre du récit de voyage, ce qui donne à ce roman une dimension clairement parodique, mais annonce aussi les bouleversements du romantisme, avec l’intérêt constant apporté au moi.

Informations

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Nombre de lectures 40
EAN13 9782824705224
Langue Français

Extrait

Xavier de Maistre
Voyage autour de ma chambre
bibebook
Xavier de Maistre
Voyage autour de ma chambre
Un texte du domaine public. Une édition libre. bibebook www.bibebook.com
Préface
avier de Maistre. Né à Chambéry en 1763, Xavier de Maistre appartenait à une famille de magistrats. LorXieétmarsderffO.semasreicicoeuénqntrarafiaçnuqsnere1leunammE-rotàreuadssbaam,erffèrsno8120VicparomméutnaSni-t Son père était président du Sénat de Savoie et son frère Joseph fut membre de la même assemblée jusqu’à l’invasion du pays par les Français. Xavier choisit le rde, il ne voulut point servir l s. Pétersbourg, Xavier le suivit en Russie et s’engagea dans l’armée du Tsar. Il participa comme officier aux campagnes du Caucase et de Perse, puis il s’établit dans la capitale russe, qu’il ne quitta plus, sinon pour faire un voyage en France, quelques années avant sa mort. C’est à Saint-Pétersbourg en effet, que Xavier mourut, en 1852.
L’œuvre de Xavier de Maistre n’est pas très abondante, mais elle est d’une clarté, d’un esprit essentiellement français. Chacun de ses courts ouvrages :Voyage autour de ma chambre (1794),Le Lépreux de la cité d’Aoste (1811),Les Prisonniers du Caucase etLa Jeune Sibérienne (1825), l’Expédition nocturne autour de ma chambre, sont des petits chefs-d’œuvre de style, de simplicité et de naturel.
Les circonstances dans lesquelles Xavier de Maistre se mit à écrire sont assez curieuses. Officier, en garnison dans la petite ville d’Alexandrie, en Italie, une malencontreuse affaire de duel le fit mettre aux arrêts pendant plusieurs jours. Le jeune officier accepta la punition avec philosophie. Ne pouvant quitter sa chambre, il se plut à passer en revue les objets qui l’entouraient, notant les réflexions que ceux-ci lui inspiraient, les souvenirs que chacun évoquait en son esprit. Il confia le cahier contenant cette série d’impressions à son frère, lequel avait acquis déjà à cette époque une enviable renommée grâce à la publication de ses Lettres d’un royaliste savoisien. Le comte Joseph de Maistre trouva l’essai de son cadet, original et d’une réelle valeur littéraire. A l’insu de son frère, il décida de le faire éditer. Ainsi, Xavier eut la surprise et la grande satisfaction de relire son ouvrage sous la forme d’un volume imprimé !
On ne pourrait donner sur l’œuvre de Xavier de Maistre, une appréciation plus concise et plus juste que celle de MM. Joseph Bédier et Paul Hazard dans leur «Histoire de la littérature française: « Xavier eut en partage, écrivent ces auteurs, l’observation fine et délicate, » l’humour, une sensibilité toujours distinguée : toutes qualités aimables, dont se pare ce charmantVoyage autour de ma chambrea fondé sa réputation. Il savait jouer qui nonchalamment avec les idées et les sentiments et inviter le lecteur à participer lui-même à ce jeu. Il n’était pas très profond, bien qu’il ne manquât pas d’humanité ; mais dans le domaine intermédiaire entre les émotions superficielles et les passions obscures de l’âme, il était roi. » Ne terminons pas ce bref aperçu biographique, sans épingler ce mot charmant de Xavier de Maistre, qui eut toujours une profonde admiration pour son illustre aîné, l’auteur des « Soirées de Saint-Pétersbourg », «du Papeet des « », Considérations sur la France » : « Mon frère et moi, nous étions comme les deux aiguilles d’une montre : il était la grande, j’était la petite ; mais nous marquions la même heure, quoique d’une manière différente ». R. Oppitz
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1 Chapitre
u’il est glorieuxcarrière et de paraître tout à coup dansd’ouvrir une nouvelle le monde savant, un livre de découvertes à la main, comme une comète inattendue étincelle dans l’espace ! Q Non, je ne tiendrai plus mon livre in petto ; le voilà, messieurs, lisez. J’ai entrepris et exécuté un voyage de quarante-deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j’ai faites et le plaisir continuel que j’ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public ; la certitude d’être utile m’y a décidé. Mon cœur éprouve une satisfaction inexprimable lorsque je pense au nombre infini de malheureux auxquels j’offre une ressource assurée contre l’ennui, et un adoucissement aux maux qu’ils endurent. Le plaisir qu’on trouve à voyager dans sa chambre est à l’abri de la jalousie inquiète des hommes ; il est indépendant de la fortune. Est-il en effet d’être assez malheureux, assez abandonné, pour n’avoir pas de réduit où il puisse se retirer et se cacher à tout le monde ? Voilà tous les apprêts du voyage. Je suis sûr que tout homme sensé adoptera mon système, de quelque caractère qu’il puisse être, et quel que soit son tempérament ; qu’il soit avare ou prodigue, riche ou pauvre, jeune ou vieux, né sous la zone torride ou près du pôle, il peut voyager comme moi ; enfin, dans l’immense famille des hommes qui fourmillent sur la surface de la terre, il n’en est pas un seul, – non, pas un seul (j’entends de ceux qui habitent des chambres) qui puisse, après avoir lu ce livre, refuser son approbation à la nouvelle manière de voyager que j’introduis dans le monde.
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2 Chapitre
e pourrais commencer l’éloge de mon voyage par dire qu’il ne m’a rien coûté ; cet article mérite attention. Le voilà d’abord prôné, fêté par les gens d’une fortune médiocre ; il est une autre classe d’hommes auprès de laquelle il est encore plus sûr Jressource cette manière de voyager n’est-elle pas pour les malades ! ils n’auront point à d’un heureux succès, par cette même raison qu’il ne coûte rien. – Auprès de qui donc ? Eh quoi ! vous le demandez ? C’est auprès des gens riches. D’ailleurs, de quelle craindre l’intempérie de l’air et des saisons. – Pour les poltrons, ils seront à l’abri des voleurs ; ils ne rencontreront ni précipices ni fondrières. Des milliers de personnes qui avant moi n’avaient point osé, d’autres qui n’avaient pu, d’autres enfin qui n’avaient point songé à voyager, vont s’y résoudre à mon exemple. L’être le plus indolent hésiterait-il à se mettre en route avec moi pour se procurer un plaisir qui ne lui coûtera ni peine ni argent ? – Courage donc, partons. – Suivez-moi, vous tous qu’une mortification de l’amour, une négligence de l’amitié, retiennent dans votre appartement, loin de la petitesse et de la perfidie des hommes. Que tous les malheureux, les malades et les ennuyés de l’univers me suivent ! Que tous les paresseux se lèvent enmasse ! Et vous qui roulez dans votre esprit des projets sinistres de réforme ou de retraite pour quelque infidélité ; vous qui, dans un boudoir, renoncez au monde pour la vie, aimables anachorètes d’une soirée, venez aussi : quittez, croyez-moi, ces noires idées ; vous perdez un instant pour le plaisir sans en gagner un pour la sagesse : daignez m’accompagner dans mon voyage ; nous marcherons à petites journées, en riant, le long du chemin, des voyageurs qui ont vu Rome et Paris ; – aucun obstacle ne pourra nous arrêter ; et, nous livrant gaiement à notre imagination, nous la suivrons partout où il lui plaira de nous conduire.
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3 Chapitre
l y atant de personnes curieuses dans le monde ! – Je suis persuadé qu’on voudrait savoir pourquoi mon voyage autour de ma chambre a duré quarante-deux jours au lieu de quarante-trois, ou de tout autre espace de temps ; mais comment l’apprendrais-je au Ivoyageur à part, je me serais contenté d’un chapitre. J’étais, il est vrai dans ma chambre, lecteur, puisque je l’ignore moi-même ? Tout ce que je puis assurer, c’est que, si l’ouvrage est trop long à son gré, il n’a pas dépendu de moi de le rendre plus court ; toute vanité de avec tout le plaisir et l’agrément possibles ; mais, hélas ! je n’étais pas le maître d’en sortir à ma volonté ; je crois même que sans l’entremise de certaines personnes puissantes qui s’intéressaient à moi, et pour lesquelles ma reconnaissance n’est pas éteinte, j’aurais eu tout le temps de mettre unin-folioau jour, tant les protecteurs qui me faisaient voyager dans ma chambre étaient disposés en ma faveur !
Et cependant, lecteur raisonnable, voyez combien ces hommes avaient tort, et saisissez bien, si vous le pouvez, la logique que je vais vous exposer.
Est-il rien de plus naturel et de plus juste que de se couper la gorge avec quelqu’un qui vous marche sur le pied par inadvertance, ou bien qui laisse échapper quelque terme piquant dans un moment de dépit, dont votre imprudence est la cause, ou bien enfin qui a le malheur de plaire à votre maîtresse ?
On va dans un pré, et là, comme Nicole faisait avec le Bourgeois Gentilhomme, on essaye de tirer quarte lorsqu’il pare tierce ; et, pour que la vengeance soit sûre et complète, on lui présente sa poitrine découverte, et on court risque de se faire tuer par son ennemi pour se venger de lui. – On voit que rien n’est plus conséquent, et toutefois on trouve des gens qui désapprouvent cette louable coutume ! Mais ce qui est aussi conséquent que tout le reste, c’est que ces mêmes personnes qui la désapprouvent et qui veulent qu’on la regarde comme une faute grave, traiteraient encore plus mal celui qui refuserait de la commettre. Plus d’un malheureux, pour se conformer à leur avis, a perdu sa réputation et son emploi ; en sorte que lorsqu’on a le malheur d’avoir ce qu on appelle une affaire, on ne ferait pas mal de tirer au sort pour savoir si on doit la finir suivant les lois ou suivant l’usage, et comme les lois et l’usage sont contradictoires, les juges pourraient aussi jouer leur sentence aux dés. – Et probablement aussi c’est à une décision de ce genre qu’il faut recourir pour expliquer pourquoi et comment mon voyage a duré quarante-deux jours juste.
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4 Chapitre
achambre est située sous le quarante-cinquième degré de latitude, selon les mesures du père Beccaria ; sa direction est du levant au couchant ; elle forme un carré long qui a trente-six pas de tour, en rasant la muraille de bien près. Mon Mmême des zigzags, et je parcourrai toutes les lignes possibles en géométrie si le voyage en contiendra cependant davantage ; car je traverserai souvent en long et en large, ou bien diagonalement, sans suivre de règle ni de méthode. – Je ferai besoin l’exige. Je n’aime pas les gens qui sont si fort les maîtres de leurs pas et de leurs idées, qui disent : « Aujourd’hui je ferai trois visites, j’écrirai quatre lettres, je finirai cet ouvrage que j’ai commencé ». – Mon âme est tellement ouverte à toutes sortes d’idées, de goûts et de sentiments ; elle reçoit si avidement tout ce qui se présente !… – Et pourquoi refuserait-elle les jouissances qui sont éparses sur le chemin si difficile de la vie ? Elles sont si rares, si clairsemées, qu’il faudrait être fou pour ne pas s’arrêter, se détourner même de son chemin, pour cueillir toutes celles qui sont à notre portée. Il n’en est pas de plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façons, et je m’y arrange tout de suite. – C’est un excellent meuble qu’un fauteuil ; il est surtout de la dernière utilité pour tout homme méditatif. Dans les longues soirées d’hiver, il est quelquefois doux et toujours prudent de s’y étendre mollement, loin du fracas des assemblées nombreuses. – Un bon feu, des livres, des plumes, que de ressources contre l’ennui ! Et quel plaisir encore d’oublier ses livres et ses plumes pour tisonner son feu, en se livrant à quelque douce méditation, ou en arrangeant quelques rimes pour égayer ses amis ! Les heures glissent alors sur vous, et tombent en silence dans l’éternité, sans vous faire sentir leur triste passage.
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5 Chapitre
près mon fauteuil,en marchant vers le nord, on découvre mon lit, qui est placé au fond de ma chambre, et qui forme la plus agréable perspective. Il est situé de la manière la plus heureuse : les premiers rayons du soleil viennent se jouer dans mes Abalancer sur mon lit, couleur de rose etdivisent de mille manières, et les font rideaux. – Je les vois, dans les beaux jours d’été, s’avancer le long de la muraille blanche, à mesure que le soleil s’élève : les ormes qui sont devant ma fenêtre les blanc, qui répand de tous côtés une teinte charmante par leur réflexion. – J’entends le gazouillement confus des hirondelles qui se sont emparées du toit de la maison, et des autres oiseaux qui habitent les ormes : alors mille idées riantes occupent mon esprit ; et, dans l’univers entier, personne n’a un réveil aussi agréable, aussi paisible que le mien.
J’avoue que j’aime à jouir de ces doux instants, et que je prolonge toujours, autant qu’il est possible, le plaisir que je trouve à méditer dans la douce chaleur de mon lit. Est-il un théâtre qui prête plus à l’imagination, qui réveille de plus tendres idées, que le meuble où je m’oublie quelquefois ? – Lecteur modeste, ne vous effrayez point ; – mais ne pourrais-je donc parler du bonheur d’un amant qui serre pour la première fois dans ses bras une épouse vertueuse ? plaisir ineffable, que mon mauvais destin me condamne à ne jamais goûter ! N’est-ce pas dans un lit qu’une mère, ivre de joie à la naissance d’un fils, oublie ses douleurs ? C’est là que les plaisirs fantastiques, fruits de l’imagination et de l’espérance, viennent nous agiter. – Enfin, c’est dans ce meuble délicieux que nous oublions, pendant une moitié de la vie, les chagrins de l’autre moitié. Mais quelle foule de pensées agréables et tristes se pressent à la fois dans mon cerveau ! Mélange étonnant de situations terribles et délicieuses !
Un lit nous voit naître et nous voit mourir ; c’est le théâtre variable où le genre humain joue tour à tour des drames intéressants, des farces risibles et des tragédies épouvantables. – C’est un berceau garni de fleurs ; – c’est le trône de l’amour ; – c’est un sépulcre.
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6 Chapitre
echapitre N’est absolument que pour les métaphysiciens. Il va jeter le plus grand jour sur la nature de l’homme ; c’est le prisme avec lequel on pourra analyser et décomposer les facultés de l’homme, en séparant la puissance animale C des rayons purs de l’intelligence. Il me serait impossible d’expliquer comment et pourquoi je me brûlai les doigts aux premiers pas que je fis en commençant mon voyage, sans expliquer, dans le plus grand détail, au lecteur, mon systèmede l’âme et de la bête. – Cette découverte métaphysique influe tellement sur mes idées et sur mes actions, qu’il serait très difficile de comprendre ce livre, si je n’en donnais la clef au commencement.
Je me suis aperçu, par diverses observations, que l’homme est composé d’une âme et d’une bête. – Ces deux êtres sont absolument distincts, mais tellement emboîtés l’un dans l’autre, ou l’un sur l’autre, qu’il faut que l’âme ait une certaine supériorité sur la bête pour être en état d’en faire la distinction.
Je tiens d’un vieux professeur (c’est du plus loin qu’il me souvienne) que Platon appelait la matièrel’autre. C’est fort bien ; mais j’aimerais mieux donner ce nom par excellence à la bête qui est jointe à notre âme. C’est réellement cette substance qui estl’autre, et qui nous lutine d’une manière si étrange. On s’aperçoit bien en gros que l’homme est double, mais c’est, dit-on, parce qu’il est composé d’une âme et d’un corps ; et l’on accuse ce corps de je ne sais combien de choses, mais bien mal à propos assurément, puisqu’il est aussi incapable de sentir que de penser. C’est à la, bête qu’il faut s’en prendre, à cet être sensible, parfaitement distinct de l’âme, véritableindividu, qui a son existence séparée, ses goûts, ses inclinations, sa volonté, et qui n’est au-dessus des autres animaux que parce qu’il est mieux élevé et pourvu d’organes plus parfaits.
Messieurs et mesdames, soyez fiers de votre intelligence tant qu’il vous plaira ; mais défiez-vous beaucoup del’autresurtout quand vous êtes ensemble ! J’ai fait je ne sais combien d’expériences sur l’union de ces deux créatures hétérogènes. Par exemple, j’ai reconnu clairement que l’âme peut se faire obéir par la bête, et que, par un fâcheux retour, celle-ci oblige très souvent l’âme d’agir contre son gré. Dans les règles, l’une a le pouvoir législatif, et l’autre le pouvoir exécutif ; mais ces deux pouvoirs se contrarient souvent. – Le grand art d’un homme de génie est de savoir bien élever sa bête, afin qu’elle puisse aller seule, tandis que l’âme, délivrée de cette pénible accointance, peut s’élever jusqu’au ciel. Mais il faut éclaircir ceci par un exemple. Lorsque vous lisez un livre, monsieur, et qu’une idée plus agréable entre tout à coup dans votre imagination, votre âme s’y attache tout de suite et oublie le livre, tandis que vos yeux suivent machinalement les mots et les lignes ; vous achevez la page sans la comprendre et sans vous souvenir de ce que vous avez lu. – Cela vient de ce que votre âme, ayant ordonné à sa compagne de lui faire la lecture, ne l’a point avertie de la petite absence qu’elle allait faire ; en sorte quel’autrecontinuait la lecture que votre âme n’écoutait plus.
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7 Chapitre
ela ne vousparaît-il pas clair ? voici un autre exemple : Un jour de l’été passé, je m’acheminai pour aller à la cour. J’avais peint toute la CQue la peinture est un art sublime ! pensait mon âme ; heureux celui que le matinée, et mon âme, se plaisant à méditer sur la peinture, laissa le soin à la bête de me transporter au palais du roi. spectacle de la nature a touché, qui n’est pas obligé de faire des tableaux pour vivre, qui ne peint pas uniquement par passe-temps, mais qui, frappé de la majesté d’une belle physionomie et des jeux admirables de la lumière qui se fond en mille teintes sur le visage humain, tâche d’approcher dans ses ouvrages des effets sublimes de la nature ! Heureux encore le peintre que l’amour du paysage entraîne dans des promenades solitaires, qui sait exprimer sur la toile le sentiment de tristesse que lui inspire un bois sombre ou une campagne déserte ! Ses productions imitent et reproduisent la nature ; il crée des mers nouvelles et de noires cavernes inconnues au soleil : à son ordre, de verts bocages sortent du néant, l’azur du ciel se réfléchit dans ses tableaux ; il connaît l’art de troubler les airs et de faire mugir les tempêtes. D’autres fois il offre à l’œil du spectateur enchanté les campagnes délicieuses de l’antique Sicile : on voit des nymphes éperdues fuyant, à travers les roseaux, la poursuite d’un satyre ; des temples d’une architecture majestueuse élèvent leur front superbe par-dessus la forêt sacrée qui les entoure ; l’imagination se perd dans les routes silencieuses de ce pays idéal ; des lointains bleuâtres se confondent avec le ciel, et le paysage entier, se répétant dans les eaux d’un fleuve tranquille, forme un spectacle qu’aucune langue ne peut décrire. – Pendant que mon âme faisait ses réflexions,l’autreallait son train, et Dieu sait où elle allait ! – Au lieu de se rendre à la cour, comme elle en avait reçu l’ordre, elle dériva tellement sur la gauche, qu’au moment où mon âme la rattrapa, elle était à la porte de madamede Hautcastel, à un demi-mille du palais royal. Je laisse à penser au lecteur ce qui serait arrivé si elle était entrée toute seule chez une aussi belle dame.
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