Les Originaux
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VoltaireLes OriginauxLES ORIGINAUXOUMONSIEUR DU CAP-VERTCOMÉDIEEN TROIS ACTES, ET EN PROSE(1732)AVERTISSEMENT\)V. in-UCHOT.� �Cette pièec n'a jamais ete représentée sur des théâtres |)ul)lics; mais elle l'aété sur un tiiéàtre particulier, en \~:M. C'est Voltaire lui-même cjui le dit dans sonarticle Art dramatiquk des Questions sur l'Encyclopédie. La pi'emière édition desOriginaux a été donnée par iM. E.-A. Lequien. en I.S20, dans le tome IX de sonédition des Œuvres de Voltaire. Un ma- nuscrit intitulé Monsieur du Cap-Vert, et quiétait dans la bibliothèque de l'ont-de-Veyle. appartenant aujourd'hui à M. deSoleinne, présente des dif- iérences de texte dont quelques-unes ont été admisespar M. Lequien, et reproduites par des éditeurs plus récents. Je m'en suis tenu aumanuscrit dont je suis redevable à feu Decroix, et qu'il avait fait faire sur une copievenant de Longciramp, secrétaire de Voltaire. J'ai mis en variantes les pas- sagesintroduits dans le texte par M. Lequien.Cholet de Jetphort, éditeur des Étrennes lyriques, donna, dans le vo- lume de 1785,les cinq couplets qui terminent les Originaux, comme tirés (l'une comédie deVoltaire, intitulée : Le Capitaine Boursoufle. Mais il manquait deux vers au Scouplet ; et d'Aquin de Chateaulyon. dans son Almanach littéraire de 1786. ne citaque quatre couplets. Le nom de Bour- soufle est au nombre des pers'onnages dansle manuscrit intitulé : Monsieur du Cap-Vert, et c'est sous le titre de GrandBoursoufle ...

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Voltaire Les Originaux
LES ORIGINAUX OU MONSIEUR DU CAP-VERT COMÉDIE EN TROIS ACTES, ET EN PROSE (1732)
AVERTISSEMENT \)V. in-UCHOT. �� Cette pièec n'a jamais ete représentée sur des théâtres |)ul)lics; mais elle l'a été sur un tiiéàtre particulier, en \~:M. C'est Voltaire lui-même cjui le dit dans son article Art dramatiquk des Questions sur l'Encyclopédie. La pi'emière édition des Originaux a été donnée par iM. E.-A. Lequien. en I.S20, dans le tome IX de son édition des Œuvres de Voltaire. Un ma- nuscrit intitulé Monsieur du Cap-Vert, et qui était dans la bibliothèque de l'ont-de-Veyle. appartenant aujourd'hui à M. de Soleinne, présente des dif- iérences de texte dont quelques-unes ont été admises par M. Lequien, et reproduites par des éditeurs plus récents. Je m'en suis tenu au manuscrit dont je suis redevable à feu Decroix, et qu'il avait fait faire sur une copie venant de Longciramp, secrétaire de Voltaire. J'ai mis en variantes les pas- sages introduits dans le texte par M. Lequien. Cholet de Jetphort, éditeur des Étrennes lyriques, donna, dans le vo- lume de 1785, les cinq couplets qui terminent les Originaux, comme tirés (l'une comédie de Voltaire, intitulée : Le Capitaine Boursoufle. Mais il manquait deux vers au S couplet ; et d'Aquin de Chateaulyon. dans son Almanach littéraire de 1786. ne cita que quatre couplets. Le nom de Bour- soufle est au nombre des pers'onnages dans le manuscrit intitulé : Monsieur du Cap-Vert, et c'est sous le titre de Grand Boursoufle que ^i"^" de Grafigny parle des Originaux (voyez Vie privée de Voltaire et de M'"^ du Chûlelet, 1820. in-8", pages 130 et 13o). Voltaire avait aussi donné le titre de Boursoufle à une pièce dont il existe plusieurs versions : voyez. Y Avertissement (de M. Decroix) en tète de l'Échange. Les Originaux ont donné l'idée du Préjugé à la mode, comédie de Lachaussée. jouée en 1735. La scène v du cinquième acte du Préjugé à la mode a surtout (pielcfue rapport avec la scène ix du troisième acte des OrigtJiaux. ��  PERSONNAGES �� M. DU CAP-VERT, armateur. LE PRÉSIDENT BODIN. LA PRÉSIDENTE BODIN. LE COMTE DES APPRÊTS, i^ondre du président. LA C03ITESSE, épouse du comte. LE CHEVALIER DU HASARD, frère inconnu du comte. FANCHON, fille cadette du président, sœur de la comtesse, et amante du chevalier. -M""- DU CAP-VERT, femme de Farimiteur. M. DE L'ÉTRIER, écuyer
du comte. -M. DU TOUPET, perruquier du comte. PLUSIEURS VALETS DE Cil A M HUE. UN PAGE. CHA.M1>AGNE, laquais de la présidente. NUIT-BLANCHE, laquais du chevalier du Hasard. M"" RAFLE, eouvernante. �� La scène est dans la maison du prcsidenl. ��  LES ORIGINAUX COMÉDIE �� ACTE PREMIER. �� SCENE I. LE CHEVALIER DU HASARD. .XUIT-RLANCHE. LE CHEVALIEIi. Nuit-Blanche ! MIT-BLANCHE. Monsieur? LE CHEVALIER. N'est-ce point ici la maison ? NLIT-BLANCHE. Je crois que nous y voici. Nous sommes près du jardin du pré- sident Bodiii : n'est-ce pas cela que vous cherchez? LE CHEVALIER. Oui, c'est cela même: mais il faut hien autre chose, tn* smtrodui- sent dans le jardin., Elle ne paraît i)oint encore. NLIT-BLANCHE. Qui? LE CHEVALIER. Elle. NUIT-BLANCHE. Qui. elle? LE CHEVALIER. Cette tille channantc NLIT-BLANCHE. Quoi! monsieur, la fille du président Bodin vous aurait déjà donné rendez-vous? LE CHEVALIER. Je vous trouve hien impertinent avec votre d('jà : il y a un mois entier que je l'aime, et qu'elle le sait : il y a par conséquent hientôt ��  H96 LES ORIGINAUX. un mois ([ii'cllc aurait dû lu'accordor cotte petite faveur. Mais que veux-tu? les filles s'enflaniinent aisément et se rendent difficile- ment : si c'était une dame un peu accoutumée au monde, nous nous serions peut-être déjà quittés. NLIT-BLANCHE, Eh! de ^ràce, monsieur, où avez-vous déjà fait connaissance avec cette demoiselle dont le canir est si aisé, et l'accès si diflicile?
I.E GHEVALIEPi. OÙ je l'ai vue? Partout, à l'opéra, au concert, à la comédie, enfin en tous les lieux où les femmes vont pour être lorgnées, et les hommes perdre leur temps. J'ai gagné sa suivante de la façon dont on vient à bout de tout, avec de l'argent : c'était à elle que tu portais toutes mes lettres, sans la connaître. Enfin, après bien des prières et des refus, elle consent à me parler ce soir. Les fenêtres de sa chambre donnent sur le jardin. On ouvre, avançons. �� SCENE II. F A x\ C H N , à la ftnôtrc ; L E CHEVALIER, au-dessous. FANCHOX. Est-ce vous, monsieur le chevalier? LE CHEVALIER, Oui, c'est moi, mademoiselle, qui fais, comme vous voyez, l'amour à l'espagnole, et (jui serais très-heureux d'être traité à la française, et de dire à vos genoux que je vous adore, au lieu de vous le crier sous les fenêtres, au hasard d'être entendu d'aiitrc^s que de vous. FANCHON. (k'tt(! (liscr( tion me plaît : mais parlez-moi franchemeid. m'ai-mez-vous ? I.K CHEVALIEK. Depuis iMi mois, je suis triste avec ceux qui sont gais : je deviens soliliiirc, insupportable âmes amis et à moi-même; je mange peu, je ne dors point : si ce n'est pas là de l'amour, c'est de la folie; et, de façon ou d'autre, je mérite un peu de pitié. FANCHON. Je me sens toide disposi'c à vous plaindre; mais si \()us m'ai- miez autant ([ue nous dites, nous aous seriez d( jà introduit auprès (le mon père et de ma nièi'e, et \oiis seriez le meilleur ami ��  ACTK L S<;i:.M- II. :U)7 (le l;i iii;iis()ii, ail lien de l'aire ici le pit'd de yriic cl de saulcr les iiiiii'.s (riiii jardin. LE CHKVAI.IKIi. H( la.s: (|ii(' ne doiiiicrais-je point pom- di-c admis dans la maison 1 FA\CHO\. C'est votro aiïairo: et, afin que vous puissiez y réussir, je vais vous faire connaître le génie des gens que vous avez à iin-nager. LE CHEVALIEU. De tout mon ca'ur. |)ourvu (]ue vous commenciez par voirs. FANCHON. Cela ne serait i)as juste : je sais trop ce que je dois à mes parents. Premièrement . mon père est un vieux i)résideiit riche et bon- homme, fou de l'astrologie, où il n'entend rien. Ma mère est la meilleure femme du monde, folle de la médecine, où elle entend tout aussi peu : elle passe sa vie à faire et à tuer des malades. Ma sœur aînée est une grande créature, hien faite, folle de son mari, qui ne l'est point du tout d'elle. Son mari, mon heau-frère, est un soi-disant grand seigneur, fort vain, très-fat, et remi)li de chimères. Et moi, je deviendrais peut-être encore plus folle que tout cela si vous m'aimiez aussi sincèrement que vous venez de me l'assurer. LE CHEVALIER. Ahl madame! que vous me donnez d'envie de figurer dans votre famille! mais... FANCHON. Mais, il serait bon que \ ous me parlassiez un peu de la vôtre ; car je ne connais encore de vous que vos lettres.
LE CHEVALIER. Vous m'embarrassez fort : il me serait impossible de donner du ridicule à mes parents. FANCHON. Comment! impossible! vous n'avez donc ni père ni mère? LE CHEVALIER. Justement. FANCHON. \e peut-on pas savoir au moins de quelle profession vous êtes? LE CHEVALIER. Je fais profession de n'en avoir aucune ; je m'en trouve bien. Je suis jeune, gai, honnête homme; je joue, je bois, je fais, comme vous voyez, l'amour : on ne m'en demande pas davantage. Je suis assez bien venu partout ; enfin je vous aime de tout mon cœur : c'est une maladie que votre astrologue de père n'a pas ��  {9.s IJ-:S OKIGINAUX. pn'viie, et ([iic votre bonne femme de mère ne guérira pas, et ([ni durera peut-être plus que vous et moi ne voudrions. FANCHON. Noti'c luimeur me l'ait plaisir: mais je ri-ains bien d'être aussi malade (jue ^ons : je ne vous en dii'ais pas tant si nous étions de |)lain-pied : mais je me sens un peu liardie, de loin... Eh ! mon Dieu ! voici ma grande sœur qui entre dans ma chambre, et mon père et ma mère dans le jardin. Adieu ; je jugerai de votre amour si vous \ous tirez de ce mauvais pas en habile homme. \UIT-BLANCHE, en se collant à la muraille. Ah! monsieui", nous sommes perdus I ^oici des gens avec un<' arquebuse. LE CHEVALIEIi. Non, ce n'est qu'une lunette: rassure-toi. Je suis sûr de plaire à ces gens-ci, puisque je connais leur ridicule et leur faible. �� SCENE III. lAi PHÉSIDKM BODIN. LA PRÉSIDi^NTE. domestiques, Li: (:ni<:vALiEii. nuit-claxche. LE l'RÉSIDEXT, avec unc-^grandc lunette. On voit hien que je suis né sous le signe du cancre: toutes mes affaires vont de guingois. 11 y a six mois (jue j'attentls mon ami AI. du (';ap-\ert, ce fameux capitaine de vaisseau qui doit (■'pouscr ma cadette: et je vois certainement qu'il ne viendra di' plus d'un an : le bourreau a Vénus rétrograde. Voici, d'un autre côté, mon impertinent de gendre, M. le comte des Apprêts, à (pii j'ai donné mon aînée; il affecte l'air de la mépriser; il ne \eiit pas me faire l'honneur de me donner des ])elits-enlants : ceci est hien plus rétrograde encore. Ah! inalheiinMix président! mal-heureux beau-père! sur ([uelle étoile ai-je marché? Çà, \o\ons un peu en quel état est le ciel ce soir. LA PKÉSIDENTE. .le vous ai déjà dit, mon toutou. (|ue votre astrologie n'est bonne qu'à donnei'des l'Iiumes : vousde\ riez laissi^- là vos lunettes pf vos astres. Oue ne vous occupez-vous, comme moi, de choses utiles?. l'ai trouve- enfin r('li\ir universel, et je guéris t(Mit mon (juartier. Eli bien, f'Jiampagne. comment se porte la femme, à (]ui j'en ai l'ait prendre une dose? ��  ACTK I. SCKM- lil. .{'.)!>
Kllc est lîioilc rc iii.itiii. I. \ l'IÎ KSIDKNI i:. .rcii suis IVicIk'c : (•"('tiiit imo hoiiiic rcimiic. Kt iri'jii /illcul, coitiniciit est-il depuis ([u'il a pris ma poinli-e corrobora tivo?... Kli mais! (|iie \()is-je, mon toutou? un lionime dans notre jardin : F. !■; l'I! KSIDKN r. Ma toute, il faut ol)sei"\er ce (|ue ce peut ('Ire. et hieti calculei" co plH'Uomèiie. I. K C, H K V \ 1. 1 E i; , tirant sa luiiutte d'opéra. Le soleil entre dans sa cinquantième maison. I.K PRÉSIDENT. Et \()us, monsieur, qui vous fait entrer dans la mienne, s"il \(»iis plaît? LE CHEVALIER, en regardant le ciel. l/inlluence (les astres, monsieur, Vénus, dont rascendance... LE PRÉSIDENT. (Jtie \eut dire ceci? c'est apparemment un homme de la pro- fession. (Ils se regardent tous deux avec leurs lunettes.) LA PRÉSIDENTE. C'est appareniiiieTil quelque jeune homme qni \ient me deman- der des remèdes; il est vraiment bien joli : c'est grand dommage d'être malade à cet âge. LE PRÉSIDENT, Excusez, monsieur, si. n'ayant pas riioimeur de ^o^s con- naître... I. E f : H E V A L I ER . Ab: monsieur, c'était un bonheur que les conjonctions les plus bénignes me faisaient espérer : je me promenais près de votre magnifique maison pour... LA PRÉSIDENTE. Pour \otre sant( apparemment. LE CHEVALIER. Oui, madame; je languis depuis un mois, et je me tlatte que je trouverai enfin du secours. On m'a assuré que vous aviez ici ce (\u\ me guérirait, LA PRÉSIDENTE. Oui, oui, je vous guérirai ; je vous entreprends, et je veux que ma poudre et mon dissolvant... LE PRÉSIDENT. C'est ma femme, monsieur, que je vous présente. Pariant bas, et ��  400 LES OKIGIXAUX. se toudiaiit le fiont.i La pauvrc toute est un pou ])loss( e là... IMais par-lons un pou raison, s'il vous plaît. Ne disicz-vous pas (ju'on vous promenant près de ma maison vous aviez... LE CHEVALIEH. Oui, monsieur, je vous disais que j'avais découvert un nouvel astre au-dessus de cette fenêtre, et qu'en le contemplant j'étais entré dans votre jardin. LE PnÉSIDENT. Un nouvel astre I comment! cela fera du bruit. LE CHEVALIER.
Je voudrais bien pourtant ([ue la chose fût secrète. Il brillait comme Vénus, et je crois qu'il a les plus douces influences du monde. Je le contemplais, j'ose dire, avec amour; je ne pouvais on ("Carter mes yeux : j'ai même, puisqu'il faut vous le dire, été fâché quand vous avez paru. LE PllÉSIDEM, Vraiment, je le crois bien. LE CHEVALIER. Pardonnez, monsieur, à ce que je vous dis; ne me regardez pas d'un aspect malin, et ne soyez pas en opposition avec moi : ^ ous devez savoir l'empressement (jue j'avais de vous faire ma cour. Mais enfin, quand il s'agit d'un astre... LE PRÉSIDENT. Ah 1 sans doute. Et où l'avez-vous vu ? Vous me faites palpiter le cœur. LE CHEVALIER. C'est l'état OÙ je suis. Je l'ai vu, vous dis-je. Ah! quel plaisir j'avais en le voyant! (juol aspect! c'était tout juste ici ; mais cela est disparu dès que vous êtes venu dans le jardin. LE PRÉSIDENT. Ceci mérite attention : c'était sans doute (|iiel(|ue comète. L E C H E V A LIER. Du moins elle avait une fort jolie clie\eliiro. LA PRÉSIDENTE, le tiniiit iiar lo Iums. Mon pauvre jeune homme, ne vous arrêtez p(>int aii\ visions cornues de mon mari. Venons au fait : peut-être votre mal }) rosse. LE CHEVALIER. Oui, madame; je me sentais tout on Ion a\ant (jue vous parussiez. LA PRÉSIDENTE, lui tAtant lo pouls. �� I. .-v i- n n r> I u Ei .> Il--, iui iiuaiii ii; }»oii Voilà cependant un pouls bien tranquille. ��  ACTE I. SCKNt: III. 401 LE CHEVALIER. Ail 1 madame, ce n'est que depuis que j'ai l'honneur de vous parler : celait tout autre chose aupai-avant. Ah 1 quelle différence, madame I LA l'HÉSIDENTE. Pauvre enfant! vous avez pourtant la couleur honne et l'œil assez vif. Çfi, ne déguisez rien : avez-vous la liherté du... LE CHEVALIER. Plus (le liherté, madame; c"est là mon mal : cela commença, il \ a un mois, sur l'escalier de la Comédie; mes yeux furent dans un éhlouissement involontaire, mon sang s'agita; j'éprouvai des palpitations, des inquiétudes, ah! madame, des incjuiétiides!... LA PRÉSIDENTE. Dans les jambes? LE CHEVALIER. Ah! partout, madame, des inquiétudes cruelles; je ne dormais plus; je révais toujours à la môme chose, j'étais mélancolique.
LA PRÉSIDENTE. Et rien ne vous a donné du soulagement? LE CHEVALIER. Pardonnez-moi, madame; cinq ou six ordonnances par écrit m'ont donné un peu de tranquillité. Je me suis mis entre les mains d'un médecin charmant, qui a entrepris ma cure; mais je commence à croire qu'il faudra que vous daigniez l'aider : heu-reux si vous pouvez consulter avec lui sur les moyens de me mettre dans l'état où j'aspire. LA PRÉSIDENTE. Oh ! vous n'avez qu'à l'amener, je le purgerai lui-même, je vous en réponds. LE PRÉSIDENT. Or çà, monsieur, point de compliments entre gens du métier : vous souperez avec nous ce soir, si vous le trouvez bon ; et cela en famille avec ma femme, ma fille la comtesse, et ma fille Fanchon. LE CHEVALIER. Ah! monsieur, vous ne pouviez, je vous jure, me faire un plus grand plaisir. LE PRÉSIDENT. Et après souper, je veax que nous observions ensemble l'état du ciel. LE CHEVALIER. Pardonnez-moi, monsieur; j'ai d'ordinaire après souper la vue un peu trouble. Théâtre. I. 26 ��  402 LES OlUGIXAUX. LA PRÉSIDENTE, Vous vouloz me tuer ce pauvre gairon ; ef moi, je \(»iis(lis ([u'après souper iJ prendra trois de mes i)iiules. Mais je \o\\\ auparavaut ({uil fasse eoiinaissaiice avec toute ma famille. LE PRÉSIDENT. C'est bien dit, ma toute : ([u'on fasse descendre madame la comtesse et Fanchoii. LA PRÉSIDENTE. Mes filles! madaïue la comtesse! LA COMTESSE. Nous descendons, madame. FANCHON. Je vole, ma mère. �� SCENE IV. LE PRÉSIDENT, LA PRÉSIDENTE, MADAME LA COMTESSE, FANCHON, LE CHEVALIER. LA PRÉSIDENTE. Mes iilles, voici un de mes malades que je vous recommande : je veux que vous en ayez soin ce soir à souper. FANCHON, Ah! ma mère, si nous en aurons soin! il sera entre nous deux, et ce sera moi qui le servirai. LE PRÉSIDENT.
Ce jeune gentilhomme, mes filles, est un des grands astro- logues que nous ayons: ne manquez pas de lui bien faire les bonneurs de la maison.' LE CHEVALIER. Ml! monsieur, je revois la brillante comète dont la \ii(^ est si liarmante, LE PRÉSIDENT. J'ai beau guigner, je ne vois rien. LE CHEVALIER. C'est que vous ne regardez pas avec les mêmes \eu\ (|ii<' moi, I. \ PRÉSIDENTE. Eb bien! madame la comtesse, se rez-vo us toujours Irisie? et ne pourrai-je point purger cette mauvaise liumeur? J"ai deux filles bien dillV-rentes. Nous diriez Dc'moci'ite et Ib'raclite : l'une a Pair ��  ACTK 1. SCK.XE IV. 403 (Vune \eii\(' aniij;ée; el cett(3 étourdic-ci rit toujours. Il faut que jo donne dos gouttes d'.Vngleterre à l'une, et de roj)iuni à l'autre. I. \ COMTESSE. Ih'lasl luadaiac, aous nie traitez de \eu\e; il est trop \rai (fue jo le suis. Nous m'avez mariée, et je n'ai point de mari : mon- sieur lo conito s'est mis dans la tôto qu'il d( ro<j:orait s'il m'aimait. J'ai lo malheur do rosportor dos no'uds qu'il nôgligo, ot d(! l'aimer ])arco ([u'il est mou mari, comme il mo nu-prise parce (pie je suis sa fommo : jo ^ous a\()uo (juo j'en suis inconsolable. LA PRÉSIDENTE. Votre mari est un jeune fat, ot toi, une sotte, ma clicro tille : je n'ai point de remèdes pour dos cas si désespérés. Lo comte ne vous voit point du tout la nuit, rarement le jour. Je .sais bien que l'affront est sanglant; mais enfin c'est ainsi que M. le président en use avec moi depuis quinze ans : vois-tu que jo m'arrache les cheveux pour cela? FA.XCHON. La chose est un peu diff'érente : pour moi, si j'étais à la place de ma sœur aînée, je sais bien ce que je ferais. LA PRÉSIDENTE. Eh quoi, coquine ? FANCHON. Ce qu'elle est assez sotte pour ne pas faire. LE PRÉSIDENT. J'ai beau observer, je me donne le torticolis, et je ne découvre rien. Je vois bien que vous êtes plus habile que moi : oui, vous êtes venu tout à propos pour mo tirer do bien des embarras. LE CHEVALIER. Il n'y a rien (juo je no voulusse faire pour vous. LE PRÉSIDENT. Vous voyez, monsieur, mes doux filles : l'une est malheureuse parce qu'elle a un mari ; et celle-ci commence à l'être parce qu'elle n'en a point. Mais ce qui me désoriente et me fait voir des étoiles en plein midi... FANCHON. �� LE CHEVALIER. �� Eh bien I mon père ? Eh bien 1 monsieur?
LE PRÉSIDENT. C'est que lo mari qui est destiné à ma fille cadette. FANCHON. Un mari, mon père! ��  404 LES ORIGINAUX. LE CHEVALIER. Un mari, monsieur! LA PUÉSIDEXTE. Eh i)ion ! co mari, peut-être est-il malade. Cela ne sera rien ; je le guérirai. LE PRÉSIDENT. Ce mari, M. du Cap-Vert, ce fameux armateur... FANCHON. Ah! mon père, un corsaire? LE PHÉSIDEXT. C'est mon ancien ami : vous croyez bien que j'ai tiré sa nativité, il est né sous le signe des poissons. Je lui avais promis de plus Fajichon avant qu'elle fût née ; en un mot, ce ({ui me confond, c'est que je vois clairement que Fanchon sera mariée bientôt, et encore plus clairement que M. du Cap-Vert ne sera de retour que dans un an : il faut que vous m'aidiez à débrouiller cette diffi- culté. FANCHON. Cela me paraît très-aisé, mon père : vous verrez que je serai mariée incessamment, et que je n'épouserai pas votre marin. LE CHEVALIER. Autant (jue mes faibles lumières peuvent me faire entrevoir, nuidemoiselle votre fille, monsieur, raisonne en astrologue judi- cieuse encore plus que judiciaire ; et je crois, moi, par les aspects d'aujourd'hui, que ce forban ne sera jamais son mari. FANCHON. Sans avoir étudié, je l'ai deviné tout d'un coup. LE PRÉSIDENT. Et sur quoi pensez-vous, monsieur, que le capitaine ne sera pas mon gendre ? LE CHEVALIER. C'est qu'il est déjà gendre d'un antre. Ce capitaine n'est-il pas de Bayonne? LE PRÉSIDENT. Oui. monsieur. LE CHEVALIER. FJi bien! je suis aussi de Bayonne, moi (|iii \oiis parle. FA\CII()\. .Je crois ([iic le pa\s d'où vous éles sera le pa\s de mon niai'i. I.K l'Ii KSIDLN T. One lail an mariage de ma iille (|ue \ons sojezde lîajonne ou de Panqx'Inne? ��  ACTK I. SCEXI- V. 40:i I.K CIlKVAI.IKFi.
Cola lait ([uo j'ai ronnii M. du Cap-Ncrt lorsque j'étais oiiraiit, et que je sais quil riait marié à Rayonne. LE PRÉSIDENT. Eh bien 1 je vois que vous ne savez pas le passé aussi bien que Tavenir. Je vous apprends qu'il n'est plus marié, que sa femme est morte il y a quinze ans, qu'il en avait environ cinquante quand il la perdue, et que, dès qu'il sera de retour, il épousera Fanclion. Minus tous souper. LE CfiEVALIEP.. Oui. Mais je n"ai point ouï dire que sa femme fût moite. FANCHON. .le me trompe l)ien fort, ou les étoiles auront un pied de nez dans cette affaire, et je ne m'embarquerai pas avec AI. du (^ap- \ort. LE CHEVALIER. Au moins, mademoiselle, le voyage ne serait pas de long cours. Par le calcul de monsieur votre père, le pauvre cher liomme a soixante-dix ans, et pourrait mourir de vieillesse avant lie me faire mourir de douleur. LA PRÉSIDENTE. Allons, mon malade, ne vous amusez point ici. Tout ce que je connais du ciel à l'heure qu'il est, c'est qu'il tombe du serein. Donnez-moi la main, et venez vous mettre à table à côté de moi. �� SCENE Y. LA COMTESSE, EANCHOX. LA COMTESSE. Demeure un peu. ma sœur Fanclion. FANCHON. ]1 faut que j'aille servir notre malade, ma chère comtesse : le ciel le veut comme cela. LA COMTESSE. Donne-moi pour un moment la préférence. FANCHON. Pour un moment, passe. LA COMTESSE. Je n'ai plus de confiance qu'en toi, ma petite sœur. ��  406 LES ORIGINAUX. FANCHON. Hélas! que puis-je pour vous, moi qui suis si fort embarrassée pour moi-même ? LA COMTESSE. Tu peux m'aider, FANCHON. A quoi? à vous venger de votre glorieux et impertinent mari? oh ! de tout mon cœur. LA COMTESSE. Non, mais à m'en faire aimer,
FANCHON. Il n'en vaut pas la peine, puisqu'il ne vous aime pas. Mais voilà malheureusement la raison pour quoi vous êtes si fort atta- chée à lui : s'il était à vos pieds, vous seriez peut-être inditféi-ente. LA COMTESSE. Le cruel me traite avec tant de mépris!... 11 en use avec moi comme si nous étions mariés de cinquante ans. FANCHON. C'est un air aisé : il i)rétend que ce sont les manières du grand monde. Le fat ! ah ! que vous êtes bonne, ma sœur, d'être honnête femme ! LA COMTESSE, Prends pitié de ma sqttisc, FANCHON. Oui, mais à condition que vous prendrez part à ma folie. LA (:o:mtesse. Aide-moi à gagner le co'ur de mon mari. FANCHON, Pourvu que vous me prêtiez (|uel([ue secoiii-s pour m*enq)ê- cher d'être l'esclave du corsaire qu'on me destine. LA COMTESSE. Mens, je lo c()mmuiii(|uerai mes desseins après souper. FANCHON. Kl moi, je vous communi(|uerai mes |)elites idées... Noilà connue les sieiii's devraient toujours \i\ re. Allons doiu", m* pleurez plus, pour (lue je puisse rire. �� FIN 1)1 riiLMILIl ACTE. ��  ACTE DEUXIEME. �� SCENE 1. LA COMTESSE. FANCHON. LA COMTESSE. J'ai pass«^ une nuit affreuse, ma chère petite sœur. FANCHON. Je n"ai pas plus dormi que vous. LA COMTESSE. J"ai toujours les dédains de mon mari sur le cœur. FANCHON. Et moi, les agréments du chevalier dans rimagination. LA COMTESSE. Tu te moques de moi, de voir à quel point j'aime mon mari. FANCHON. Vous ne songez guère- comhien le chevalier me tourne la tète. LA COMTESSE. Je tremble pour toi. FANCHON.
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